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Behind The Scenes
Le Titre
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Quatre Ans, Mais Veut Déjà Dominer Le Monde
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Le Titre
Mer 24 Juil 2024 - 12:48
Behind The Scenes
Ecrit Par Afterday & -West-



Carte D'identité

Pays D'origine : Thailande

Traduction : Johanne
Correction :Amelyma

Nombre De Chapitres : 40 Chapitres

Status : Terminé

Soutenir L'auteur : MEB


Résumé

Secret (n. m.) Quelque chose de caché / connu entre deux personnes.



Avez-vous un secret... ?

J’en ai un.

Pran et moi sommes rivaux depuis aussi longtemps qu’on se souvienne.

La rivalité est apparue il y a longtemps, avec la génération de nos parents, et nous a été transmise.

C’est assez drôle, cependant, que nous ne soyons pas très éloignés l’un de l’autre.

Nos maisons sont proches, et nous sommes allés à la même école.

Nous allons également à la même université, mais dans des facultés différentes.

Je pensais que nous arrêterions de nous battre, mais il se trouve que nos facultés sont ennemies.

C’est la même chose qu’avant pour les conflits.

Nous et nos gangs nous battons jusqu’à la mort chaque fois que nous nous croisons.

Qui aurait pensé que derrière la méchanceté montrée en public...

il y avait quelque chose de caché dans les coulisses ?


Ce qui est arrivé entre Pran et moi, nous n’avons jamais voulu que ça arrive.

Et nous devons le garder caché avec nos vies.

Parce que j’ai peur que si le secret n’en est plus un, quelque chose sera perdu.

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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:25



Scène Une
Pran
Quelqu’un m’a dit qu’il n’y a pas de secrets dans ce monde. Une fois qu’il est connu par plus de deux personnes, ce n’est plus un secret. Je n’aime pas en avoir. Je n’ai jamais pensé que c’était amusant de cacher quelque chose. Cela ne fait que causer des problèmes à répétition.

Malgré cela, j’ai toujours eu ce secret depuis ma naissance. C’est un secret connu de plus de deux personnes, quelque chose qui s’est produit sans que je le veuille et que j’essaie de garder caché du mieux que je peux.

Peut-être ai-je peur... que si le secret n’en est plus un... quelque chose sera perdu.



— Pran ! Attention !

FWIP ! BAM !

Wai crie derrière moi et j'esquive par instinct. Un autre type s'élance vers l'endroit où je me tenais et tombe sur le sol, manquant sa cible.

Il tourne la tête et me dévisage avant de se relever. Son poing serré se lève, prêt à me briser la mâchoire. J'en profite pour me pencher, incliner la tête pour esquiver son attaque, et lui asséner un coup sous le menton.

Je halète et recule d'un pas, perdant pas mal d'énergie avec ce mouvement.

— Toi !

BAM !

— Ugh !

— Pran !

Mettant du temps à me ressaisir, je me fais attaquer par derrière, recevant un coup de pied de quelqu'un dans le dos, suivi d'un coup de poing dans la bouche. Je tombe et me tord de douleur à cause de la collision entre mon bras et le sol en béton.

En levant les yeux, je vois Wai qui essaie de retenir ces étudiants en ingénierie en les repoussant à coups de pied. Je crache un peu de sang, essuie négligemment le liquide au coin de ma bouche et me relève avec l'aide de mon pote.

— Wai, va aider Ke d'abord ! lui dis-je et je lui fais signe d'aller directement vers notre ami qui se fait tabasser par deux types.

Wai acquiesce et frappe l'un des adversaires au ventre, puis il se dirige vers lui à grandes enjambées.

Même si j'ai dit cela, j'ai du mal à avaler ma salive maintenant que je suis face à trois chiens qui montrent leurs crocs.

Dans ce genre de moment, où sont les jeunes qui ont commencé cette merde ?!

— C'est quoi ce bordel ? Je suppose que quelqu'un comme Pran Parakul peut blêmir aussi ?

Me demande l'un d'eux d'une manière tellement irritante. Il se rapproche de moi, un sourire en coin sur les lèvres, et met ses deux mains dans ses poches. Je fronce un peu les sourcils et plisse les yeux comme pour demander, 'Qu'est-ce que tu veux, bon sang ?'

— Tu es figé ?

Huh.

Je grimace et me moque.

POW !

Je lance mon poing sur sa joue sans prévenir. Sa tête s'est tournée sous la force du coup, un agaçant sourire en coin toujours collé sur son visage.

— Espèce de fils de pute !

Ses acolytes derrière lui sont troublés par les mots que je prononce pour leur chef. Ils aboient comme des chiens, prêts à me charger, mais quand ils voient un bras bronzé se lever devant eux, ils se figent tous, l'air confus.

— Quoi, Pat ?

— Laissez-le moi.

En disant ces mots, Pat me fait un sourire mauvais, le sourire familier que j'ai vu plusieurs fois lors des précédentes bagarres. Nos regards se croisent, et je lui souris pour accepter son défi. Nous nous regardons jusqu'à ce que nous entendions la cloche sonner dans nos têtes. C'est notre dernier regard avant de nous précipiter l'un vers l'autre.

Le premier coup de poing atterrit dans mon ventre, mais il n'est pas assez fort pour me blesser. Je saisis sa nuque et lui envoie mon genou dans le ventre en retour. Nos visages sont si proches qu'ils se touchent presque avant qu'il ne s'effondre, enroulant ses bras autour de son abdomen.

— Tu ne te retiens pas du tout.

Il murmure entre ses dents, me faisant sourire un peu. Il se lève et se jette à nouveau sur moi. Je monte ma garde sur la droite en m'attendant à ce que son poing arrive, mais il bloque son bras autour de ma gorge par la gauche à la place. Je grimace à cause de la suffocation. Je lance mon poids sur lui pour lui faire perdre l’équilibre et enroule mes jambes autour des siennes, nous envoyant au sol. Nous continuons à échanger nos coups de poing jusqu'à ce que nous soyons à court d'énergie et tombions à l’opposé l’un de l’autre.



— Putain, ça fait un mal de chien.

Wai grogne et retient son souffle en nettoyant la blessure sur ses sourcils avec un chiffon humide.

— Je serais surpris que ça ne le fasse pas, dit Ke.

Il n'a pas l'air différent. Ses lèvres sont fendues, et il grimace à chaque fois qu'il parle.

— Où est Golf, au fait ? je demande, en cherchant autour de moi un autre membre de notre bande.

Depuis que la voix lointaine d'un professeur nous a éparpillés dans toutes les directions, je ne l'ai pas aperçu.

— La dernière fois que je l’ai vu, il conduisait les juniors dans l'autre sens. Il va nous rattraper, je suppose.

Ces foutus juniors continuent à nous causer des problèmes. Comme si je n'étais pas assez occupé avec mon projet. Si le sujet de ma thèse est désapprouvé, je vais leur botter le cul.

— De quoi s'agissait-il cette fois ?

— Pas sûr, répond Ke en penchant la tête. D'après ce que j'ai entendu, les étudiants en ingénierie de deuxième année se sont moqués de nos étudiants de première année.

Encore cette merde. Quand nos professeurs vont-ils allouer le budget de l'université pour fournir des muselières afin de faire taire ces chiens ? Comme ça, on vivrait en paix et on n'aurait pas à les battre nous-mêmes.

— Tu vas bien ? C'est une longue blessure sur ton bras. Pourquoi ne pas la nettoyer d'abord ? dit Wai en prenant soudainement le bras que je tiens pour vérifier la blessure.

— Je vais la soigner chez moi. Ce n'est pas très loin à pied.

— Je t'y accompagne. Tu auras des ennuis si tu tombes sur ces bâtards.

— Ils ne sont pas différents de nous. Ils doivent probablement lécher leurs propres plaies quelque part.

— Allons-y. Ke, tu viens avec nous ? demande Wai à l'autre gars pour couper court à la discussion.

— Vous deux, allez-y en premier. Je vais rester ici un moment.

— Très bien, on se voit demain alors. N'oublie pas de réécrire ton projet.

— Tu peux éviter de parler du projet maintenant ? Je suis trop épuisé pour cela.

Wai ricane et retient à nouveau son souffle parce qu'il a mal à la joue. Nous disons au revoir à Ke et partons.

Vous êtes probablement confus de voir comment l'histoire a commencé avec une bagarre sauvage. Eh bien, la bagarre entre gangs est devenue une tradition pour nous, les gangs principaux de deux facultés, qui sont rivaux depuis la première génération: nous, le gang des architectes, et eux, le gang des ingénieurs.

Maintenant que nous sommes des seniors, nous devons nettoyer tout le désordre causé par nos juniors. Nous n'avons même pas besoin d'une rancune pour nous faire courir les uns vers les autres. Parfois, nous, les seniors, rejoignons la lutte sans en connaître la raison exacte.

Mais nous sommes fiers. Quand nous nous battons... nous devons gagner.



— La blessure sur ton sourcil, ça va s'aggraver demain.

Wai me regarde avant de toucher son sourcil et de haleter.

— Oui, j'ai été trop négligent. Il m'a attaqué par derrière. Comment va ton estomac ? Tu te tiens le ventre depuis un moment.

Comment ça va, tu demandes ? Ce connard de Pat m'a donné un autre coup de poing dans le ventre quand je suis tombé la première fois. On a mal calculé la force à mettre et on s'est fait mal.

— C'est réglé, dis-je en haussant les épaules. Je vais bien.

— Tu vas mourir d'une hémorragie interne un jour.

— Et tu mourras probablement avec le visage écrasé.

— Va te faire foutre, Pran.

Je lui fais un faible sourire. Nous traversons le chemin bordé d'arbres jusqu'à la zone arrière de l'université, où se trouvent de nombreux appartements pour étudiants.

— Hé, laisse-moi acheter un dîner vite fait.

Wai me tape sur l'épaule et nous conduit vers un stand de nouilles.

— Je peux avoir un grand plat de nouilles de riz épicées, s'il vous plaît ? Tu en veux un ? me demande-t-il après avoir commandé son menu préféré.

— Nan. Tes lèvres sont dans un sale état et tu vas manger de la nourriture épicée. Regarde-toi.

Il rigole.

— Ouais, je suis un sadique. Mais qu'est-ce que tu prends ?

— Je ne sais pas. Les coups de poing m'ont rassasié.

Il sourit, hoche la tête pour mettre fin à la conversation et tourne son regard vers la marmite de soupe bouillante, attendant que le propriétaire de l'échoppe fasse bouillir les nouilles et les emballe.

— On se voit demain, alors.

Wai me dit au revoir une fois que nous avons atteint l'immeuble où j'habite. Nous nous séparons ici puisqu'il vit dans l'immeuble voisin. Je hoche la tête, franchis la porte d'entrée et me dirige directement vers l'ascenseur. Les portes s'ouvrent après un moment. Je monte à l'intérieur, appuie sur le bouton de l'étage et attends que la porte en fer se ferme lentement.

— Attends ! J'y vais aussi !

Une voix familière parvient à mes oreilles alors que la porte se referme. Elle est forcée de s'ouvrir à nouveau, révélant le visage taché de sang de la personne avec laquelle je me suis battu il y a quelques heures.

Le fauteur de troubles sourit et se glisse à travers la porte pour se tenir à côté de moi, les yeux rivés sur les boutons des étages. La queue de cheval sur sa nuque m'agace au plus haut point. Il croise mon regard avec ce sourire agaçant alors que la porte de l'ascenseur s'est enfin refermée, prêt à monter.

Pat, Napat, le chef de la bande des ingénieurs de quatrième année, mon rival tout au long de mes quatre années de collège. Il est connu que si nous sommes dans le même secteur, une bagarre est à prévoir. Nous échangeons des coups chaque fois que nous nous rencontrons. Au sens figuré, je suis le feu et il est un combustible. L'enfer se déchaîne quand on se heurte. C'est drôle parce que le ressentiment n'a pas commencé avec notre génération...

Il a commencé à l'âge de nos parents.

Mes parents et les siens sont rivaux en affaires depuis avant ma naissance. Ils ont une profonde rancune les uns envers les autres. D'aussi loin que je me souvienne, ils se maudissent mutuellement, inculquant la haine à leurs enfants.

La plaisanterie s'est retournée contre nous deux, car nous vivions à côté et allions à la même école maternelle, primaire, au collège et au lycée. Quand on se croisait, on se lançait des coups de pied en guise de cadeau. La haine des adultes nous a été transmise à nous, les jeunes, ne nous laissant pas d'autre choix que de nous battre et de rivaliser en tout: notes, sports, force. Nous voulons tous deux être supérieurs en tout.

Ironiquement, nous sommes dans la même université maintenant. Le seul changement est que nous sommes dans des facultés différentes, bien que les bâtiments se côtoient comme s'ils nous suppliaient de nous entretuer. La situation est incroyablement commode, comme si nous étions maintenant obligés de nous battre.

Ça me stresse, de penser qu'on va probablement devoir se taper dessus pour le reste de notre vie. En y réfléchissant, c'est bizarre de naître avec un ennemi désigné avant même d'avoir appris l'existence de l'autre. Comme si je voulais gagner contre lui, même si on ne s'était jamais rencontrés.

— As-tu mangé ?

Je suis ramené de mes souvenirs poussiéreux du passé lorsque le chien fou à côté de moi me tape sur l'épaule.

— Comment puis-je manger avec cette bouche ? dis-je d'un ton égal, en regardant son visage meurtri. Va te nourrir dans ta chambre avec un repas liquide.

Il rit et presse sa langue dans le renflement de sa joue, le genre de geste qui fait tressaillir mon pied à chaque fois que je le vois.

— Je vais partager un bol.

Je lève les yeux au ciel, fatigué de son visage. Enfin... je l'ai giflé tellement de fois que ça me fait mal de le voir.

— Garde-le pour toi.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:26



Scène Deux
Pat
— Quel porridge ? Je n'en ai pas acheté. Tu as dit ce matin que tu voulais une salade de vermicelles épicée, alors je t'en ai acheté après les cours. Mais tu es rentré si tard et la salade de vermicelles était toute ramollie. Tu n'as pas répondu au téléphone et tu es arrivé avec ce visage couvert de bleus. Maintenant tu me demandes de t'acheter du porridge parce que tu as mal à la bouche ? Une ordure comme toi a le droit de faire une telle demande ?

Voici un appartement d'angle près de l'université, avec deux petites chambres, une salle de bain, un espace commun et une pièce avec réfrigérateur. J'appelle ça une pièce avec réfrigérateur parce que l'espace est bien trop petit pour être une cuisine. Maintenant, Par, ma précieuse petite sœur, me fait la leçon sur le même sujet que d'habitude. Entendre sa voix me sermonner devient une routine.

Je veux dire, je me réveille, je prends mon petit-déjeuner, j'étudie, je me bats, je rentre à la maison pour me faire engueuler, puis je vais me coucher, je me réveille, et je termine encore ma journée avec son sermon. Je ne retiens jamais la leçon. Si Pran et sa bande me voyaient me tenir ici docilement, les mains croisées devant comme ça, ils se foutraient de moi pendant encore dix vies. Malgré tout, je marmonne une excuse à ma sœur qui m'engueule.

— Ce n'est pas moi qui ai commencé cette fois, Par. C'est Pran.

— Est-ce qu'il y a déjà eu une fois où ce n'est pas toi qui as commencé une bagarre, Pat ?

— Je suis sérieux. J'étais en train d'étudier quand Gon est venu me dire que Pran avait amené sa bande pour le frapper.

— Arrête de faire comme si tu ne connaissais pas Pran. C'est ton ami qui a commencé.

— Whoa, tu es ma sœur ou celle de Pran ?

Je me plains. Dans ce monde, je ne cède qu'à Par. Cette fille de trois ans plus jeune que moi, qui n'était qu'un bébé gambadant derrière moi, me regarde maintenant avec insistance et prend le parti de mon ennemi.

— Attends sur le lit, ordonne vivement Par.

Elle déplace une chaise devant la haute étagère et grimpe dessus pour prendre la trousse de secours de couleur sombre rangée en haut. L'air toujours agacé, elle fait claquer la boîte sur le coussin, me faisant sursauter. J'ai peur qu'elle ne me gronde à nouveau.

— Arrête de te battre, veux-tu ? Comment va Pran, au fait ?

— Ce voyou s'est fait botter le cul. Qu'est-ce que tu crois ? Tu devrais être fier d'avoir un frère comme moi. Aïe ! Pourquoi tu m'as frappé ?

— Arrête d'être si fier d'être un délinquant. C'est même pas cool.

— Cool ou pas, je suis un gars populaire. Arrête de m'engueuler, tu veux ? Tu es pire que maman.

— C'est parce que maman ne t'engueule jamais, réplique ma petite sœur en farfouillant dans les pommades et autres produits: mercurochrome, baumes, anti-douleurs, bandages et gaze.

— Il n'y a plus de boules de coton, constate-t-elle.

— Quoi ? On vient juste d'en acheter au début du mois.

— Qui t'a dit de te battre tous les deux jours ? Tes produits médicaux coûtent plus chers que mes tampons.

— Tu exagères.

— Ne m'oblige pas à te faire avaler ces factures. Elles vont te remplir l'estomac.

Par remet tout dans la boîte, ferme le couvercle et le verrouille pour de bon.

— Demande à Pran de soigner tes blessures.

— Hein, quoi ?

— On n'a plus rien. Et je n'ai pas envie de redescendre. Je suis déjà en pyjama, comme tu peux le voir.

— Ça ne prend pas longtemps de se changer.

— Ou tu peux simplement frapper à la porte de Pran et lui demander de soigner les blessures. Qu'est-ce qui est le plus facile ?

— Par, allez, va à l'épicerie pour moi, s'il te plaît.

— N'utilise pas ce ton doux, rétorque la jeune fille qui se lève et croise les bras pour montrer son sérieux. C'est ta punition pour t'être battu. J'en ai vraiment marre. Oh, et si tu te bats à nouveau cette semaine, je ne te laisserai pas dormir ici pour de bon.

— Je suis ton frère qui est sorti du même utérus.

— Parce que tu es mon seul frère.

Je sais qu'elle est inquiète, mais je ne peux pas m'en empêcher.

— Si tu ne changes pas d’attitude, que feras-tu si un jour tu te fais agresser par tout un groupe ? Je sais que tu es fort, mais les gens forts ne survivent pas toujours. Peu importe. J'ai pris ma décision, je ne descendrai pas les acheter pour toi. Va demander à Pran de soigner tes blessures et fais-lui aussi des excuses.

— Je vais dire à papa que tu prends parti pour le fils de cette famille.

— Tu l'aurais fait depuis longtemps si tu l'avais vraiment voulu.

Je déteste cette petite fille insolente qui est toujours sur mon dos. Elle a raison, pourtant. Je l'aurais fait depuis longtemps si je l'avais voulu.

— N'oublie pas de t'excuser auprès de lui.

— Je sais.

Encore une fois, je soupire et sors de notre chambre pour m'arrêter devant la porte d'à côté. Je rassemble mon courage pendant un moment.

— Toc, toc.

Je prononce à voix haute le 'toc toc' après que Par soit retournée à l'intérieur et ait verrouillé la porte. Donc si mes blessures ne sont pas soignées correctement, je serai banni de mon propre appartement. Ce n'est pas la première fois. Je n'ai aucune idée du nombre de fois où les choses ont tourné de cette façon, et je ne pourrai jamais considérer cela comme normal.

Pran et moi nous sommes rencontrés au jardin d'enfants. Il était l'un de mes bons amis à l'époque. Mais, pour une raison quelconque, les enseignants ont toujours essayé de nous séparer. Nous vivions aussi dans le même quartier, mais nous ne sommes jamais allés à l'école ou rentrés à la maison ensemble une seule fois. Quand nous étions à l'école primaire, nous avons été envoyés dans la même école privée pour garçons. J'ai commencé à me dire que papa ne voulait pas que je sois proche de Pran, que Pran était un mauvais garçon. Mes parents et les siens n'étaient pas en bons termes. Non, ils se détestaient. J'ai commencé à maudire le père de Pran comme mon père le faisait. Pran ne l'a pas pris à cœur au début, fronçant seulement les sourcils par moments, mais c'était très amusant de le taquiner comme ça. Puis, un jour, il m'a jeté une pierre sur le front et nous avons commencé notre première bagarre. Ma tête a saigné et j'ai eu trois points de suture pour la première fois. Nos mères se sont criées dessus aux urgences, nous faisant honte. Pran était allongé sur le lit à côté du mien avec son menton cassé. Je ne sais pas combien de points de suture il a eus, mais nous avons tous les deux pleuré. Je le déteste depuis, comme il me déteste aussi. Nous nous méprisons mutuellement sans savoir pourquoi.

— Quoi ?

Le propriétaire de la chambre ouvre la porte. Il a vraiment une bonne ouïe. Il a su que j'étais ici avant même que je frappe.

— Comment vont tes blessures ?

— Ce ne sont pas tes putains d'affaires.

— Je suis inquiet, tu sais.

— Va te faire foutre. Qu'est-ce que tu veux ?

Je pointe du doigt le coin de ma bouche et ma tempe gauche amochée. Ils ont besoin d'être soignés au moins.

— Et alors ?

— Je n'ai plus de boules de coton.

— Va en acheter. La supérette est en bas.

— Par m'a dit de t'en voler.

— Encore ?

— Ouais. Ne sois pas radin. Ta famille n'est-elle pas aisée ?

— C'est toi qui mérites l'insulte, Pat. Va en acheter toi-même.

— Qui t'a dit de me faire mal, alors ? répliqué-je.

C'est de ta faute. Et regarde-toi, tu nies toujours toute responsabilité. Quel crétin.

— Tu dois soigner mes blessures, rajouté-je.

— Tu peux ne pas me donner d'ordre et juste me supplier comme ta sœur te l'a dit ?

— Qui a dit que Par m'a demandé de te supplier ?

Pran se retourne. Il ne m'a pas claqué la porte au nez, alors j'en profite pour me glisser à l'intérieur. Son appartement est différent du mien, une unique pièce pour vivre seul, pas un appartement d'angle en location coûtant dix mille par mois comme celui où Par et moi habitons. Le prix est suffisant pour acheter un appartement entier.

— Vois par toi-même.

L'iPhone dernier cri vole dans les airs et je l'attrape juste à temps. L'écran affiche une application de messages, montrant les messages de Par. Elle a dit à Pran de m'aider à soigner mes blessures de manière respectueuse et douce, contrairement au tigre qui me grognait dessus il y a quelques secondes.

— Elle m'a encore eu.

— Si tu veux être soigné, viens t'asseoir ici. Et pars dès que j'en aurai fini avec toi pour que je puisse m'occuper de mes propres blessures.

— D'accord, d'accord, dis-je et je m'affale sur le sol en croisant les jambes tandis que Pran s'assoit sur son lit.

Il commence par nettoyer le contour de ma blessure avec une boule de coton trempée dans de l'alcool, et j'arrête le mode ‘taquiner Pran’. Pran est en fait très beau. Je veux dire, sans préjugés. Il a les lèvres pincées et les yeux bridés, l'air distant, comme on peut s'y attendre d'un type qui sourit à peine. Beaucoup de mes amis m'ont dit que cet enfoiré n'arrêtait pas de leur faire la grimace. Je leur ai dit un nombre incalculable de fois que c'était juste son visage, mais ils n'y ont jamais cru. Pran se fout du monde et a toujours cette vibration artistique. Pour être honnête, je n'ai pas été surpris quand j'ai appris qu'il étudiait l'architecture. Ça semblait être son truc depuis le lycée.

— Qu'est-ce que tu regardes ?

— Qu'est-ce que tu crois ? Je demande, en souriant.

Il fronce ses sourcils magnifiquement dessinés. La cicatrice sur son arcade sourcilière bouge un peu avant qu'il n'appuie fortement la boule de coton sur mes plaies.

— Putain ! Ça fait mal.

— Tu es un emmerdeur.

— Je n'ai rien fait. Tu es gêné parce que je te regarde ?

— Tu veux qu'on soigne tes blessures ou en avoir d'autres ? me défie-t-il avec ses yeux noirs et profonds.

Je me rends et me comporte bien.

— J'apprécierais que tu arrêtes de m'embêter pendant dix minutes, rajoute-t-il.

— Ok, je sais. Je soignerai tes blessures en retour. Il y en a une sur ton ventre, non ?

— N'agis pas comme si tu te sentais coupable.

— Je me suis retenu pour toi, Pran. Un bagarreur minable comme toi serait allé à l'hôpital si tu t'étais battu avec les autres gars de mon gang. Tu dois être fort pour être un leader, tu sais. Tu veux que je te donne une leçon, novice ? Aïe ! Tu utilises tes mains ou tes pieds pour me soigner ?

— Alors dis-moi, est-ce que tu utilises ton cul pour parler en ce moment ? Je vais dire à ta sœur de t'acheter une muselière au lieu de boules de coton. Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Tu es comme ça parce qu'être grossier fait partie des cours d'ingénierie ? Va dire à tes juniors de surveiller leurs putains de bouches.

— Tu veux parler de la façon dont ils draguent les filles ?

C'est la principale raison pour laquelle ses amis sont furieux. Eh bien, les filles d'architecture sont jolies.

— C'est normal, enchaîné-je. Ils le font juste pour s'amuser. Vous les gars, vous prenez ça trop au sérieux.

— Ça ne m'amuse pas.

— Hé, le stress va te faire mourir rapidement.

— Ta grande gueule va te faire mourir vite aussi. Regarde en haut.

J'obéis. Pran s'occupe de la blessure au coin de ma bouche. Ça pique un peu, mais c'est supportable. Je balaie à nouveau son visage du regard. Sa frange noire tombe sur ses sourcils bien qu'elle ait été coupée il y a quelques semaines.

— Tes cheveux poussent vite.

— Ouais, ça m'ennuie aussi.

— Tu veux que je te les attache ?

— Non. Reste tranquille, d'accord ? C'est difficile d'appliquer la pommade, marmonne Pran, en maintenant mon menton en place.

C'est un geste assez rude, mais pas autant que la façon dont il parle.

Honnêtement, Pran est un bon gars selon moi. Je me souviens des jours d'école primaire, quand les animosités entre nous ont commencé à s'intensifier. Nous échangions des coups à chaque fois que nous en avions l'occasion. Un jour, Par et moi jouions près d'un étang dans notre quartier résidentiel. Je faisais du vélo avec ma sœur assise à l'arrière, tandis que Pran faisait aussi du vélo à proximité. Nous nous sommes retrouvés sous le grand arbre Kantali Champa et avons revendiqué de manière enfantine que c'était notre aire de repos personnelle. J'ai dit que cet endroit m'appartenait depuis que j'étais dans le ventre de ma mère, mais il a soutenu que son père le lui avait réservé. Alors, je lui ai dit que mon père avait acheté ma maison en premier. Et il m'a défié de lui montrer le titre de propriété, en débitant des absurdités car il voulait gagner. Sérieusement, je n'ai jamais compris pourquoi on continuait à se côtoyer alors qu'on se détestait tant.

SPLASH !

L'eau de l'étang de lotus a fait un bruit d'éclaboussure. Je me suis retourné et j'ai vu une petite trace de pneu sur le sol boueux. Ma bicyclette n'était plus là. Nous étions occupés à nous pousser l'un l'autre et j'ai oublié que ma sœur était toujours sur le vélo. Je me souviens que Par s'est débattue et a crié à l'aide. Je me suis figé. Je ne savais pas nager. Mes parents nous disaient toujours de ne pas nous approcher de l'étang sans adultes autour.

SPLASH !

L'eau a éclaboussé à nouveau. Le vélo de Pran est tombé sous l'arbre sans son propriétaire. Mes yeux se sont fixés sur les deux silhouettes qui se déplaçaient dans l'étang tandis que je me crispais sur place, incapable même de crier. Après un moment, Pran est remonté à la nage, tenant les deux mains de Par et l'entraînant vers la rive. Ma sœur a fondu en larmes et a serré mon ennemi dans ses bras.

— Par.

POW !

C'était la première fois que je laissais Pran me frapper avec son poing mouillé, sans me défendre. Il était furieux contre moi bien plus que ne l'était Par, que j'avais quittée des yeux.

— Pourquoi n'as-tu pas sauvé ta sœur ? Si je n'avais pas sauté, tu l'aurais laissée mourir ?

— Non...

— Tu es un putain de lâche !

Pran est remonté sur son vélo, trempé, des algues toujours collées sur son épaule et sa tête. Son dos semblait plus petit quand il est parti. J'ai couru vers Par et je l'ai embrassée dès que j'ai repris mes esprits. Elle pleurait toujours de peur. Je n'avais aucune idée de comment Pran avait fait ça. Ma bicyclette avait coulé, elle ne reviendrait jamais. J'ai vu du sang sur la chemise de Par, mais ma sœur n'était blessée nulle part. Plus tard, j'ai remarqué une petite cicatrice sur l'arcade sourcilière de Pran. Cette blessure permanente me fait toujours me poser la même question: Est-ce la marque de sa bravoure de cette époque ?

— Ne le dis pas à maman, Pat. J'ai peur qu'elle nous gronde.

Cela a été le premier signe qui m'a fait changer la manière dont je le considérais. À partir de ce moment-là, notre relation n'a été ni celle d'ennemis ni celle de meilleurs amis. J'adore l'embêter, en essayant de changer son expression sinistre en un sourire discret ou en un froncement de sourcils. Ce dernier est plus fréquent, cependant.

Le propriétaire de la chambre me met un pansement et c'est fini. En plus de mon visage, j'ai quelques bleus sur le coude. Pour les endroits situés sous la chemise, l'application d'un baume pour ecchymoses pendant deux semaines suffira, si je ne reçois pas d'autres coups au même endroit.

— Tu peux partir maintenant, dit Pran en se levant, prêt à me mettre dehors.

J'attrape son poignet et le tire vers le bas pour qu'il s'assoie à nouveau sur le lit.

— Et tes blessures ?

— Je peux m'en occuper moi-même.

— Arrête ton cinéma. Comme si je n'avais jamais soigné tes blessures auparavant.

— Tu es nul pour ça, Pat.

— Je ne suis pas si mauvais. Considère ça comme mes excuses. Par m'a dit de m'excuser auprès de toi.

— Je lui dirai que tu l'as fait, d'accord ?

— Whoa, tu n'as pas besoin d'être si gentil.

Je rayonne tellement que mes yeux sont fermés. Mon sourire provoque une expression illisible sur son visage.

— Laisse-moi prendre mes responsabilités pour une fois.

— Arrête de dire quelque chose d'aussi dégoûtant, réagit Pran.

— Quoi ? Je veux dire, je devrais soigner tes blessures puisque je t'ai blessé. A quoi tu penses ? Quelque chose de pervers ?

Pran lève son poing, mais je suis assez rapide pour saisir son autre poignet, finissant par tenir ses deux mains. Nous sommes face à face, lui assis sur le lit et moi à genoux sur le sol. Je le tire vers moi.

— Tu as l'air froid mais tu as le sang chaud.

— Seulement pour toi.

— Je me sens spécial.

— Tais-toi. Tu vas soigner mes blessures ou pas ? Si non, alors pars. J'ai beaucoup de choses à faire.

— Ce serait déjà fini si tu m'avais laissé faire dès le début. Montre-moi le bleu sur ton ventre.

— Non !

Il attrape ma main avant que je puisse soulever sa chemise. Pran fronce les sourcils. Il n'a pas besoin de s'énerver pour ça.

—Très bien. Changeons de place. C'est difficile de le faire en regardant en l'air.

L'étudiant en architecture lève les yeux au ciel. Je répète mes mots jusqu'à ce qu'il cède. Il se laisse tomber sur le sol et lève les yeux, me laissant mettre de la pommade sur le coin de sa bouche et de sa mâchoire. Je frotte légèrement le bout de mon doigt sur la cicatrice et le regarde comme j'aime le faire.


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Scène Trois
Pran
— Oh, j'ai toujours voulu parler de ça, dis-je d'un ton égal.

Je remue le porridge instantané après avoir versé de l'eau chaude sur le contenu du bol. Le type, qui épluche un œuf pour le manger, lève un sourcil vers moi.

— A propos de ?

La question courte et incomplète fait tressaillir mon sourcil.

— Pourquoi tu t'es encore pointé ici si tôt le matin ? Tu n'as pas eu assez d'ennuis avec moi hier soir ? J'ai dû échouer à faire mon mérite correctement ce mois-ci, car je suis constamment hanté par un mauvais esprit.

— Peut-être que tu n'as pas assez de vertu.

— Ce ne sera jamais assez avec tous mes péchés. De toute façon, tu n'as pas de nourriture chez toi ? C'est pour ça que tu viens toujours ici pour voler la mienne ?

— Par est partie tôt pour rendre ses devoirs. Il y a une miche de pain mais pas de lait concentré. Je déteste les confitures.

— Est-ce que je dois savoir ça ?

— Au cas où tu voudrais en acheter.

Ce vaurien sans vergogne répond, amusé, et se fourre une cuillerée de porridge épais dans la bouche. Je grimace à la vue de quelques grumeaux non dissous dans la cuillère.

— Tu es si bête que tu ne peux même pas remuer le porridge correctement ?

— Huh, tu m'as observé. Je t'intéresse tant que ça ?

— Je te plains.

— Adopte-moi, alors.

— Je ne peux pas.

— Maître Pran peut certainement subvenir aux besoins du pauvre petit Pat.

— Pauvre petit Pat avec une putain de grande bouche.

En voyant un sourire suffisant se former sur son visage même quand il est insulté, je suis découragé. Je détourne mes yeux de son visage et termine mon porridge chaud.

— Combien de fois t'ai-je dit de nettoyer derrière toi ? je demande.

Merde. Je suis parti pisser un moment, et maintenant je suis de nouveau irrité.

— Tu as balancé le bol dans l'évier sans même le rincer, précisé-je.

— En tant qu'enquiquineur, tu n'as d'égal que ma sœur. Lave le bol sale toi-même, répond Pat avec un sourire.

Le genre de sourire qui me fait froncer les sourcils à chaque fois. Son expression exaspérante me tape vraiment sur les nerfs. J'abandonne l'idée de raisonner cet idiot et je me concentre sur le bol sale. Je me demande comment il a été élevé pour être aussi méchant. Il quitte probablement la table juste après avoir rempli son estomac quand il est chez lui. Et sa sœur doit s'occuper de lui dans leur appartement.

Je le regarde fixement, et il fait de même, voir ses cheveux attachés me frustre encore plus. Il ne peut pas simplement les couper ? Ça me dérange autant que son existence.

— Tu vas avoir des rides plus vite à force de froncer les sourcils.

— Et tu pourrais ne jamais en avoir du tout.

— Parce que j'ai l'air jeune, non ?

— Tu mourras avant d'avoir pu vieillir.

— Sauvage.

— Maintenant que tu as fini de manger, pars.

— Tu me vires juste après le repas ? Trop cruel.

— Napat.

Je l'appelle par son prénom alors que cette petite merde continue de plaisanter. Je ne sais pas exactement quand il a commencé à me taquiner avec toutes ces plaisanteries ambiguës. Sentant mon humeur grincheuse, il lève ses mains pour se rendre, un sourire ironique toujours affiché sur son visage. Il n'y a jamais eu une seule fois où il a perdu ce sourire quand je le regarde.

— A quelle heure est ton cours ?

— Neuf heures et demie. Je vais bientôt partir, je réponds en hésitant à lui poser la même question.

Ce sera plus difficile de le chasser si je ne le fais pas.

— Et le tien ? Tu pars maintenant ?

— Le mien est à dix heures. Je peux être à l'heure même si je pars un peu plus tard.

— Mais j'y vais maintenant. Retourne dans ta chambre.

— Déverrouiller la porte est une corvée. Donne-moi ta clé. Je fermerai la porte avant de partir.

— Pourquoi je laisserais un voleur comme toi rester seul dans ma chambre ?

Toc, toc.

Pat ravale ses mots suivants. Nous tournons tous les deux la tête vers la porte après que le bruit des coups a interrompu notre conversation.

— Qui c'est ?

— Chut.

Je lui fais signe de se taire.

— Pas un mot.

Je jette un coup d'œil par le judas, apercevant Wai dehors, souriant, les mains dans les poches. J'ai soudainement l'impression d'avoir mal à la tête. Pourquoi diable es-tu ici aujourd'hui ?

— Pran, tu es réveillé ?! crie-t-il, ne se contentant pas de frapper à la porte.

Je me gratte la tête, respire et réponds.

— Oui. J'ai presque fini de m'habiller. Pourquoi es-tu là ?

— Pour te rappeler d'apporter le dossier du projet. Tu n'as pas lu mon message ni décroché ton téléphone.

Merde, il est en charge sur le lit.

— Ok, attends une minute. Je sors dans une seconde.

Il émet une réponse de l'autre côté de la porte. Je me retourne pour prendre mes affaires pour l'école. Quand je vois Pat tendre la main pour la clé, je le pointe du doigt de manière menaçante.

— Je n'ai rien fait, murmure-t-il. Ton ami est venu ici lui-même.

— Ferme-la. Pars dix minutes après que je suis parti.

— D'accord, d'accord, j'ai compris.

— Tu ferais mieux de faire ce que je dis.

— La clé, s'il te plaît.

Je m'énerve en lui tendant la clé. Il la prend, tout content. Je lui lance un regard furieux et cours prendre un rouleau de papier et une clé USB, puis je fourre mon portefeuille et mon téléphone dans mon sac et l'enfile. Enfin, je sors de ma chambre.

— Je m'en vais. N'oublie pas ce que je viens de dire.

— J'ai compris. Je pars dans dix minutes.

Je lâche un juron au crétin et lui dis de se cacher là où le gars dehors ne le verra pas. Je respire nerveusement et ouvre la porte. Wai est toujours debout, les mains dans les poches.

— Tu en as mis du temps, se plaint Wai dès que nos regards se croisent.

— Ouais, je m'habillais.

— Tu as tout pris ?

— Oui, allons-y.

Il acquiesce et se dirige vers l'ascenseur. Quand il me tourne le dos, je jette un rapide coup d'œil à l'intérieur de la pièce. Le fauteur de troubles agite sa main derrière le canapé. Je pointe mon doigt pour lui rappeler mes paroles et suis mon ami comme si de rien n'était.



— Comment ça s'est passé ? demande Ke dès que je sors du bureau du professeur.

Nous avons discuté de mon sujet pendant un bon moment. Ma bande semble être les seules personnes restantes dans le bâtiment.

— Bien, je suppose.

Je hausse les épaules et saute pour m'asseoir sur une table en verre à côté de lui avant de poursuivre.

— Le professeur ne s'est opposé à aucun de mes points, disant que je pouvais continuer et approfondir mes recherches. Et toi ?

— Elle m'a dit de faire une analyse SWOT(1).

— Hein ? Tu ne l'as pas déjà fait ?

— Je l'ai fait, mais elle a dit que c'était trop superficiel, dit-il avec amertume, ses épaules s'affaissant de lassitude.

Je ne peux m'empêcher de glousser. Avant de poursuivre notre conversation, Golf apparaît avec la même expression que Ke.

— Pourquoi cette expression, Golf.

Il lève un sourcil vers moi et s'affale sur une chaise à proximité.

— Elle avait dit que mon sujet était intéressant la dernière fois, mais elle n'avait pas l'air très contente aujourd'hui. Comme c'est amusant.

— Professeur Chanpen ? demande Ke.

— Ouais. Ma superviseur est sacrément hilarante. Son humeur change tous les trois jours.

— Alors ? Ton sujet a été désapprouvé ? je l’'interroge.

Je me sens chanceux que mon superviseur soit toujours d’humeur égale, n’en changeant pas déraisonnablement de manière inattendue. Obtenir une approbation lors de la première réunion pour être rejeté plus tard est loin d'être amusant.

— Je ne sais pas. Elle m'a dit de trouver d'autres études de cas. Tu dois avoir déchiré, n'est-ce pas, Pran ?

Je mentirais si je le niais, mais j'aurais l'air trop fier si je l'admettais.

— Je pourrai probablement étudier le modèle dans quelques jours.

— Bon sang, je suis jaloux de ton cerveau, gémit Ke à côté de moi, s'appuyant sur une planche et levant ses yeux désespérés vers le plafond. Je veux t'ouvrir le crâne et dévorer ton cerveau.

Je rigole.

— Quand est-ce que Wai va venir, au fait ?

Golf soupire.

— Dans un moment, je pense. Chanpen prend vraiment son temps pour chaque élève. C'était son tour après le mien.

— Ça va être long, alors.

— Eh bien, il m'a chuchoté de vous demander si vous voulez aller ensemble au bar près de l'université. Il veut boire un verre ce soir.

— Réconforter son cœur avec de l'alcool à nouveau.

Cela dit, nous n'avons pas bu depuis environ un mois. Nous étions submergés de projets dès le début du semestre et occupés à collecter des données pour les sujets de thèse à soumettre à nos superviseurs. Il faut quatre ans pour obtenir une licence en architecture ici, soit un an de moins que dans les autres universités. Par conséquent, la quantité de travail n'est pas une plaisanterie. Certains cours sont raccourcis et remplis d'un contenu intensif. Nos têtes sont remplies à ras bord de beaucoup de choses, certaines utiles, d'autres non. Mais tout est comptabilisé sous forme de points et de notes, essentiels au score total et aux crédits.

C'est pourquoi nous soupirons beaucoup au point que notre nez est sur le point de tomber depuis le début de notre quatrième année. Des problèmes surviennent tous les jours. Mis à part les interminables bagarres de gangs, la thèse est tout aussi terrible. Je suis sur le point de plonger la tête la première contre le sol à chaque fois que j'ai parlé de mon sujet avec mon superviseur.

Être désapprouvé par le superviseur fait plus mal que d'être battu.

— Santé !

CLINK !

— Pourquoi on trinque autant de fois ?

— Pour la misère de ma thèse, connard, répond Wai à Golf après avoir crié et claqué son verre.

J'avais peur que le verre se casse dans sa main et j'ai arrêté de jouer le jeu dès le tour précédent.

— Pourquoi es-tu si énervé ? Mon sujet n'a pas été approuvé non plus, murmure Golf, qui a le même superviseur, et descend son verre d'alcool.

— Je peux changer de superviseur ? Elle me donne des putains de maux de tête constants. Toutes nos réunions se sont terminées par des résultats différents.

Les yeux de Wai deviennent rouges. Bien qu'il soit arrivé en dernier, son taux d'alcoolémie est plus élevé que celui de toutes les autres personnes présentes à la table.

— J'aurais aimé avoir ton superviseur, Pran, poursuit-il.

— La chance n'était pas de ton côté.

En repensant à la fois où nous avons tiré au sort nos superviseurs assignés au début du semestre, je ne peux pas cacher mon sourire. Lorsque les codes de Golf et Wai ont été mis dans le groupe de Chanpen, ils se sont presque effondrés et se sont roulés par terre.

— Tu ne peux pas comprendre. Au moins, le superviseur de Ke est bien. Le mien est le pire.

— Je pense qu'il y a quelque chose de pire que ça, dit calmement Ke.

Je me tourne et le vois froncer les sourcils du côté opposé. Je suis son regard et manque de me lever d'un bond.

Pat et sa bande entrent dans le bar, et nos regards se croisent inévitablement. Il sourit et m'envoie un baiser de manière provocante. En me remémorant le sourire caractéristique de la personne qui n'a même pas pu cuire correctement son porridge instantané ce matin, j'ai mal à la tête. Est-ce que tous les étudiants en ingénierie possèdent une nature vexante ?

— Mon humeur est déjà maussade. Maintenant, ma pression sanguine vient d'augmenter à leur vue, marmonne Wai en mélangeant sa boisson.

— Allez, je préviens. Ils sont toujours comme ça. Profitons de nos boissons et ignorons-les.

— S'ils ne nous cherchent pas les premiers, grogne Wai.

Il est vraiment de mauvaise humeur aujourd'hui. Inquiet, je jette un coup d'œil à Pat, lui demandant de s'assurer que ses amis se comportent bien, et de ne pas libérer les animaux sauvages qui sont en lui pour le moment. J'en ai marre de soigner d'autres blessures.



— Aïe, putain !

Je jure à haute voix en signe de contrariété alors que je m'allonge lentement sur le canapé. La blessure au coin de ma bouche me pique.

Comme prévu, nous n'avons pas pu nous retenir à la fin. Nous nous affrontons sans faute dès que nous nous rencontrons ou que nous restons dans le même secteur. Les taquineries et les blagues de leurs bouches nauséabondes n'ont fait que jeter de l'huile sur le feu.

— Vous ne vous sentez pas un peu seuls à quatre ?

— Vous voulez qu'on se joigne à vous ?

— Je me demande si les garçons de l'architecture sont aussi alléchants que les filles.

Ces phrases ont été débitées les unes après les autres sans interruption. Wai était déjà particulièrement de mauvaise humeur, donc il a été irrité plus rapidement que d'habitude. Avant de s'en rendre compte, une bouteille a volé et s'est écrasée au milieu de l'autre table.

Clac.

Je pousse un soupir en entendant un claquement de langue depuis l'extérieur de la pièce, sachant trop bien qui a émis ce son familier. Je fronce encore plus les sourcils quand mes tempes palpitent alors que je me lève. Les coups de poing et l'alcool font que j'ai du mal à m'asseoir. Je n'ai plus l'énergie de supporter le trou du cul qui est là.

Toc.

Argh ! Si agaçant !

CLAC !

— Et maintenant ?, je pose la question même si je n'ai pas vu son visage.

Mais quand j'ouvre la porte d'un coup sec, je m'arrête. Le chef de la bande d'ingénieurs insolents d'il y a une heure se tient là, portant un énorme oreiller et un lapin en peluche en lambeaux.

— Qu'est-ce que tu veux ?, je demande, devenant parano.

— Par m'a banni de notre appartement.

— Et alors ?

— Parce que tu m'as infligé d'autres blessures.

— Tu ne m'as pas fait la même chose ? Ne me fais pas dire qui a commencé.

— Ce n'est pas moi. Je n'ai rien commencé.

— Alors, qui ?

— C'est Gon qui a commencé.

— Va-t'en. Dors devant la porte puisque ta sœur ne veut pas te laisser entrer.

— Tu m'as fait du mal. Tu dois en prendre la responsabilité.

— C'est quoi ce bordel ?

— Laisse-moi dormir ici.

— Va te faire foutre.

Je fronce les sourcils et je l'engueule, court et clair. Le type encombrant, qui tient un lapin en peluche comme un enfant, reste immobile. Si quelque chose doit bouger, je suppose que ce sera mon pied.

— Bye, dis-je et je tends la main vers la poignée pour fermer la porte.

Un bras bronzé me bloque en un instant. L'oreiller tombe, mais Pat utilise son genou pour le retenir à temps, heureusement.

— Et maintenant ?

— Il y a des moustiques dehors.

— Prends de l'anti-moustique et va dormir.

— Est-ce qu'il existe un anti-moustique comestible de nos jours ?

Il fait semblant d'être surpris. Je lève les yeux au ciel.

— Je ne suis pas d'humeur à jouer avec toi.

— Hein ? On n'a joué à rien du tout.

— Quelle plaie.

— Tu restes là et tu m'engueules.

Quel genre de tour essaie-t-il de me jouer maintenant, en prenant cette expression ?

— Tu veux que ton ami m'aperçoive portant un oreiller et te suppliant comme un mari se faisant virer par sa femme ?

— Tu... !

— Chut.

Il secoue la tête et me fait taire quand je suis sur le point de lui lancer une insulte.

— Il est tard. Si on est bruyants, les gens vont sortir pour voir.

Il profite de mon agitation pour se glisser à l'intérieur. Je me retourne à temps pour voir le crétin sans vergogne déjà en train de se prélasser sur le canapé.

— Dors ici alors, mais pas de couverture pour toi. Tu ne vas pas mourir de froid de toute façon puisque ta peau est épaisse comme celle d’un taureau.

— Je peux utiliser la tienne.

— Tu rêves ?

— Ça ne me dérange pas de dormir dans le même lit.

— Mais moi si.

— Alors défais-le.

— Tu veux te prendre un coup de pied dans la figure.

Pat ricane et attrape la télécommande pour allumer la télé sans demander, agissant comme si cette pièce lui appartenait. Je me demande d'où il tient cette dose d'impudeur.

— Va prendre une douche. Ne t'inquiète pas pour moi.

Je lève à nouveau les yeux au ciel car le gars devant moi ne montre aucun signe de bon sens.

Je regarde ce hooligan et son lapin en peluche sale, en supposant qu'il n'a jamais été lavé auparavant. Je ne me souviens pas quand il a commencé à être collant avec moi au lieu de maudire mon père à chaque fois qu'on se rencontre.

Honnêtement, Pat serait plutôt attirant s'il se débarrassait de tous ses mauvais comportements. Son côté enjoué et son visage amical et souriant ne sont pas si mal. Cependant, en incluant ses côtés exaspérants, méchants et indolents et son manque de bon sens, il devient la créature à laquelle je ne veux même pas accorder un regard.

Malgré la haine, nous avons grandi ensemble. Malgré les insultes, nous n'avons jamais été loin l'un de l'autre. Malgré les bagarres physiques, c'est toujours moi qui ai soigné ses blessures. Dire que nous sommes inséparables depuis nos vies passées... n'est pas du tout exagéré.

Notes :
1/ L'analyse SWOT (pour « Strengths » – « Weaknesses » – « Opportunities » – « Threats ») ou en français l'analyse FFOM (pour Force, Faiblesses, Opportunités et Menaces) est un outil d'analyse stratégique d'aide à la décision..

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Scène Quatre
Pat
J'aime l'atmosphère de la chambre de Pran.

La lumière du soleil frappe mes yeux alors que les rideaux occultants sont attachés à un côté de la fenêtre, même si j'ai pris soin de les tirer avant d'aller me coucher. La climatisation a été coupée, mais le ventilateur fonctionne toujours. J'ai baissé la température à 20 degrés Celsius la nuit dernière en attendant que Pran termine sa douche. Sur un lit d'un mètre quatre-vingt, il n'y a que moi et mon lapin en peluche odorant que j'ai câliné toute la nuit. Le type, qui m'a viré du matelas à maintes reprises mais a fini par céder à mes efforts pour remonter et me laisser dormir sur le lit, a disparu. Son oreiller est devenu froid, sans chaleur, ne laissant que son odeur. Cela indique qu'il est parti il y a longtemps.

Il est allé à l'université et ne s'est pas soucié de me le dire.

Je prends le lapin en peluche dans mes bras et le câline. Je ne me souviens pas où ni quand j'ai eu ce lapin en peluche. Mais avant même que je ne m'en rende compte, il est devenu mon objet de réconfort. Au début, je le lavais toutes les semaines, puis j'ai allongé ce rythme lorsque ses oreilles ont commencé à être usées. Il a été réparé un nombre incalculable de fois, mais il est toujours aussi beau. Le lapin en peluche a une odeur différente aujourd'hui. Je le sais parce que je le renifle tous les jours. Oui, c'est la même odeur que celle de l'oreiller et de la couverture de Pran.

— Tu lui as jeté un regard méprisant, mais tu as dû le serrer dans tes bras la nuit. C'est pourquoi il y a ton odeur dessus.

Je parle à Nong Nao et je lui mords l'oreille. J'aime que les lapins aient de longues oreilles que je peux mordiller. La couleur est délavée, contrairement à la première fois où je l'ai eu. Eh bien, il a maintenant une couleur cendrée classique. Les gens aiment les trucs vintage de nos jours de toute façon.

J'aime l'atmosphère de la chambre de Pran.

Revenons sur ce sujet après que je me suis roulé sur ce grand lit à ma guise. Sur une étagère reposent une maquette de maison et ses manuels scolaires bien rangés. La plupart des meubles sont fournis, mais l'artiste qu'est Pran a quand même réussi à organiser cette simple pièce pour qu'elle soit plus confortable et plus attrayante que n'importe quel endroit où j'ai pu m'installer. C'est un homme organisé. Il fait la vaisselle après les repas et balaie le sol tous les soirs. C'est peut-être à cause de ses projets qui nécessitent de scier des bandes de bois et de couper de l'acrylique. Comme le processus salit le sol, il doit nettoyer avant de commencer à travailler. Au contraire, je n'ai jamais sali ma chambre, donc il n'y a pas besoin de la nettoyer.

Ok, je l'admets. Une autre chose qui rend cette chambre attrayante est Pran.

Je sais que je suis un gars solitaire. En plus d'être une personne douce et collante avec le lapin en peluche nommé Nong Nao, je suis un extraverti. Ce n'est pas le cas de Par. Avant, je partageais une chambre avec Gon dans l'immeuble situé deux allées plus loin. Mais quand Par est entrée dans la même université, j'ai déménagé pour vivre avec elle il y a environ un an. Pran avait toujours vécu ici. Je jure que je n'ai pas fait exprès de prendre une chambre à côté de la sienne. Mais, Par avait cette seule condition. Comme elle avait grandi maintenant, elle exigeait son espace personnel. Et, le seul appartement disponible avec deux chambres séparées était celui-ci. La façon dont j'ai passé chaque jour près de Pran est simplement le destin.

Il y a une limite à ma solitude. Plus Par reste seule, plus je me sens seul.

Puisque Dieu m'a envoyé juste à côté de la porte de Pran, ça devrait aller si je dors chez lui quelques jours par semaine pour chasser ma solitude.

Le frigo de Pran est rempli de toutes sortes de nourriture, comme du porridge instantané, des œufs, des nouilles instantanées, du lait, du bacon et du pain. Pas de lait concentré. Je lui ai dit de faire des réserves. J'espère qu'il sait ce qu'il doit acheter avant de revenir ce soir.

Son appartement a une chambre et une cuisine ouverte qui communique avec le salon et la salle à manger. Je repère une poêle antiadhésive accrochée paisiblement au mur et j'entends le grognement de mon estomac. Comme il n'y a pas de lait concentré et que mes compétences culinaires ne sont pas si horribles que ça, je décide de faire des nouilles instantanées frites. Ce n'est pas parfait mais mangeable. Le plat fait office de repas avant que je ne retourne à mon appartement. J'apporterai ma brosse à dents et ma couverture ici demain pour ne pas avoir à faire d'allers-retours. Le gel douche de Pran a une odeur agréable, cool et fraîche. Quand je renifle mon aisselle, ça me dégage les narines mieux que le parfum floral du gel douche de Par.



— Pat, pourquoi tu n'as pas mangé à la cafétéria aujourd'hui ? Tu as raté l'occasion de voir Mint de la faculté d'Arts. Elle a déjeuné à la cafétéria de la faculté d'Ingénierie aujourd'hui.

J'ai fait une sieste sur une longue table en bois pendant le cours de fin d'après-midi. Cela faisait une demi-heure que le cours avait commencé quand Gon et les autres gars sont entrés en douce. Ils sont venus à notre place en chuchotant entre eux.

— Il fait une putain de chaleur dehors. Comme si j'allais venir à midi.

— Tant pis pour toi, renchérit Jor, un autre de mes amis.

Je me lève et pose mon menton dans la paume de ma main, puis je regarde les lettres sur l'écran du projecteur et je fronce le nez. La Mint, qu'ils ont mentionnée, est une ancienne étoile de la faculté d'arts, que j'ai fréquentée pendant un certain temps. Nous nous sommes éloignés à cause de ma frivolité.

— Elle est plus jolie que lorsqu'elle sortait avec toi.

— Ah ouais ?

— Tu le regrettes, n'est-ce pas ? Je t'ai dit de prendre soin d'elle, mais tu n'as pas voulu écouter. Sinon, il y aurait eu quelque chose entre vous deux.

— Elle est ennuyeuse, dis-je franchement.

Mint est mignonne mais trop exigeante.

— Elle pouvait très bien aller à l'université toute seule. Mais quand on sortait ensemble, je devais l'emmener.

— Tu dois faire des efforts si tu veux une petite amie. Tu ne sais pas faire semblant ?

— Qui a dit que j'en voulais une ? dis-je en haussant les épaules.

C'est trop de travail.

— Lance-toi si tu la veux, poursuis-je.

— C'est toi qu'elle aime, pas nous. Tu es là ce soir, au fait ? Au bar.

— On pourrait tomber sur Pran et sa bande.

J'en ai marre de me battre avec lui, mais on se balance des coups à chaque fois qu'on se rencontre, comme une tradition. Ces enfoirés sont des fauteurs de troubles. Je ne peux pas les arrêter, sinon je serai catalogué comme un traître.

— Devrions-nous aller dans un autre endroit ? je demande.

— Pourquoi les étudiants en architecture boivent-ils tous les jours ? J'ai entendu dire qu'ils avaient des tonnes de projets.

— Ils en ont.

Ça sort de ma bouche, et je me tais. J'ai failli leur dire que Pran soignait ses blessures et travaillait sur ses projets après les combats. Comme la nuit dernière, il s'est couché presque à l'aube. Il n'aurait pas arrêté de me frapper s'il ne s'était pas senti épuisé.

— Et tes projets ? On ne sera pas diplômés si tu continues à boire comme ça.

— Ugh, c'est pas toi qui nous a demandé de boire ensemble l'autre jour ? Maintenant que tu n'en as plus envie, tu te sers des projets comme excuse.

— J'ai utilisé la plupart de mon argent de poche ce mois-ci.

— Pat, connard, ne parle pas comme si je n'avais aucune idée de ce que font tes parents.

Gon, espèce d'enfoiré irrespectueux.

— Allons-y ce soir. J'ai envie de picoler, continue-t-il.

— De picoler ou de filles ?

— Ne parle pas comme si tu ne me connaissais pas. S'il te plaît, Pat, accompagne-moi. Les filles nous tournent autour quand tu es là.

— D'accord, d'accord. Laisse-moi voir mon superviseur d'abord. J'ai une réunion à cinq heures.

— Des modifications ? Tu as dit que le contrôle qualité s'était bien passé.

— Je ne sais pas. Ce n'est pas moi qui ai pris ce rendez-vous. C'est mon superviseur. Abruti.

Je les gifle tous. Une fille devant nous tourne la tête et nous jette un regard parce que nous sommes trop bruyants. Je lui souris et lui fais un clin d'œil, et elle lève les yeux au ciel d'un air las.

— Tu es un garçon charmant, dit Jor, pensant que ce geste indique la timidité.

J'ai été avec Pran pendant longtemps, et il m'a souvent donné ce regard fatigué. Ça doit être de la timidité, j'en suis sûr.

— Je n'ai rien fait.



Selon la nouvelle loi sur le contrôle des boissons alcoolisées, l'alcool ne peut être vendu qu'à trois cents mètres des établissements d'enseignement. Par conséquent, les bars situés devant l'université ont été déplacés plus loin par courtoisie. Mes amis proches et moi passons régulièrement d'un endroit à l'autre. Notre bar le plus régulier est celui situé derrière l'université, que fréquentent Pran et sa bande. De la bonne musique. Des filles superbes. Facile d'accès. Rien ne peut être plus attractif. Je ne sais pas si Pran va se montrer aujourd'hui, mais je devrais éviter une confrontation. Je peux l'appeler, mais il décroche rarement. On est semblables: on a l'air d'être des chefs de gang, mais on ne mène jamais personne à la bagarre. On est plutôt détendus et partants pour tout. Avant de m'en rendre compte, j'étais déjà au bar. Quand je dis que nous sommes les leaders, je veux dire que Pran est le plus intelligent. Ses amis écoutent ce qu'il dit. D'un autre côté. Je suis le plus puissant physiquement, donc mes amis ont besoin de moi dans chaque combat. Quand les choses tournent mal, Pran est le premier à se ressaisir. Et je calme les gars si Pran me fait signe.

Pour être franc, les bagarres de gang entre les étudiants en architecture et nous éclatent parce que le système nous pousse à prouver notre valeur par la force. On peut considérer que ça marche puisqu'on ne se déteste pas au point de souhaiter la mort de l'autre. Au moins, je suis celui qui a peur d'être mis en prison.

— Donc tu te caches ici.

Je suis accueilli par une voix aiguë. Une fille à qui j'ai parlé pour la première fois m'a suivi quand je suis parti fumer à l'extérieur du bar. La journée d'aujourd'hui est assez extraordinaire car Jor est tombé sur ses amis du lycée. Ce sont des étudiants en sciences, et cette fille en fait partie.

— Hmm ? Pourquoi es-tu venue ici ? Ça sent la cigarette. Tu devrais retourner à l'intérieur.

— Je suis ici pour discuter avec toi. C'est difficile de le faire à l'intérieur. Bit et les gars n'arrêtaient pas de me taquiner.

— Eh bien, c'est parce que tu es si jolie, Nat.

Je me fends d'un sourire charmeur, balayant mon regard de ses lèvres orange à son haut sans bretelles. Gon et les autres étaient fous de cette fille.

— Comment ai-je pu ne jamais te voir à l'université ? C'est ridicule. Tu es si jolie.

— Pourquoi tu ne m'as jamais vue ? Je te connaissais, Pat. On s'est rencontrés une fois à la cafétéria, mais tu jouais à un jeu. J'ai même demandé à Jor qui était son bel ami.

— Oh, pourquoi ne m'as-tu pas demandé toi-même si tu voulais me connaître ?

— Je ne savais pas si tu étais célibataire ou pas, dit-elle avec un sourire.

Je lui renvoie un sourire, enroule mon bras autour de sa taille fine et la rapproche. J'embrasse sa joue rose, et cela provoque une brûlure dans mon nez. C'est l'odeur que je déteste. Probablement l'odeur du parfum mélangé à l'alcool qu'elle a bu. Donc, je me retire.

— Tu es un gars impatient.

— Tu n'aimes pas ça ?

Je lève un sourcil. C'est normal pour un gars en âge de procréer. Cependant, contrairement à mes amis, je ne suis pas trop enthousiaste à ce sujet. Si elle est d'accord, je le suis aussi. Si elle ne l'est pas, c'est bon. Mais je ne supporte pas l'odeur forte du parfum. J'ai un nez sensible, donc je redoute les odeurs fortes de toutes sortes.

— Donne-moi ton numéro.

— Je vais te donner mon LINE.

Comme ça, je peux la bloquer. Elle n'est pas mon type, trop agressive. Jouer un peu avec elle pour affiner mes compétences, c'est bon. Si je la rejette, je pourrais finir par entrer dans le temple avec Pran.

— Tu ne veux pas me donner ton numéro. Tu as déjà une petite amie ?

— Non, pourquoi je sortirais boire si j'en avais une ?

— Eh bien, qui sait ?

— Tu peux demander à Jor.

— Je vais te croire, alors. Tu ne pourras pas me dire plus tard que tu as une petite amie.

Whoa, celle-là est dangereuse. La sirène dans ma tête se déclenche. Elle est superbe et sexy, mais j'ai peur. Je suis possessif de ma vie de célibataire.

— Va pour LINE. Montre-moi le QR code.

Je la laisse scanner mon QR code sur le téléphone. Après un moment, j'ai un ami de plus ajouté à la liste. Nat m'envoie un autocollant, ne retournant toujours pas à l'intérieur.

— Est-ce que tu fumes ?

— Non, je n'aime pas ça.

— Attends-moi à l'intérieur, alors.

— Je peux attendre. J'ai peur que tu t'enfuies avec quelqu'un d'autre.

Je pouffe de rire avant de tirer une dernière fois sur ma cigarette. Je laisse les restes dans le sable au-dessus de la poubelle en inox à côté de moi.

— Rentrons.



Merde, j'ai merdé. Totalement foiré.

J'ai quitté le bar vers deux heures du matin. Jor a pris un taxi et j'ai suivi Gon quand il est rentré chez lui. En bref, je suis sorti pour boire et j'ai rencontré les amis de Jor. Nat, une cheerleader de l'université, faisait partie du groupe. Elle m'a mis au défi de boire de l'alcool pur et de la bière. Il s'est avéré que j'étais complètement bourré et que j'ai vomi deux fois dans les toilettes du bar. Quand j'étais sur le point de partir, elle m'a demandé de squatter chez elle, tout près. Heureusement, Jor s'est opposé à cette idée, en disant que Par allait nous engueuler, et m'a entraîné avec lui. Je pouvais aller chez Jor, ou chez Gon, n'importe où sauf chez les filles. Par a été stricte à ce sujet depuis mes années de lycée. À l'époque, j'avais une petite amie et j'ai perdu une grosse somme d'argent pour ses produits de marque.

Tu es stupide, Pat. Tu ne sais jamais qui te demande de l'argent.

Je me souviens très bien de l'incident. Je n'ai pas pleuré, juste été morose. Par m'a mis en garde plusieurs fois contre cette fille, mais je n'y ai pas prêté attention. Mon ex-petite amie et moi avons fini par nous disputer et j'ai voulu en finir avec elle. Elle m'a alors fait une proposition. Elle ne romprait avec moi que si je lui versais 10 000 bahts. Whoa, ça m'a ouvert les yeux. Notre relation pouvait être vendue pour seulement dix mille bahts, moins cher que la ceinture Hermès que je portais.

— Tu peux monter tout seul ? Tu veux que je t'accompagne ?

— C'est... C'est bon.

Le fait est que Par va me gronder de toute façon, en revenant dans cet état. Je ne peux pas dormir chez mon ami comme il l'a suggéré parce que j'ai laissé Nong Nao chez Pran. Ça me semble étrangement vide quand je ne le câline pas pour dormir. Gon le sait et n'a pas demandé deux fois. Je n'ai parlé de mon lapin en peluche qu'à quelques personnes.

— Envoie-moi un message quand tu rentres.

— Ok.

— Oh, Nat est dangereuse. Tu ferais mieux de rester loin d'elle.

— Je ne veux pas d'elle.

— Il semble qu'elle te veuille, cependant. Je suis ami avec vous deux, donc c'est tout ce que je peux dire. Tu te souviendras de mes paroles quand tu seras sobre ?

— Je m'en souviendrai. Au revoir, rentre bien chez toi.

Je sors du taxi rose vif. Heureusement que j'avais déjà vidé mon estomac, il n'y avait plus rien qui sortait. Le chauffeur a dit une phrase, '500 bahts chaque fois que vous vomissez'. Ça nous a complètement dessoûlés, Gon et moi.

L'ascenseur monte lentement et s'arrête à mon étage. Le hall est silencieux à deux heures du matin. Je me soutiens en posant mes mains sur le mur chaque fois que le monde bascule. Je m'arrête à la porte suivante et toque. La lumière qui éclaire le sol par l'entrebâillement de la porte signifie que Pran ne s'est pas encore couché. Il doit être en train de travailler sur son projet.

Il n'ouvre pas la porte tout de suite. Je continue à toquer jusqu'à ce que le propriétaire de la chambre tourne enfin la poignée de la porte. Encore ce visage renfrogné. Peu importe l'éclat de mon sourire, je n'arrive toujours pas à le mettre de bonne humeur.

— Mon doux Pran.

— Va dans ta chambre si tu es ivre.

— Nong Nao est sur ton lit.

— Cette chose miteuse ?

— C'est Nong Nao, je répète.

Comment peux-tu qualifier la possession de quelqu'un de miteuse ? Grossier. Tu n'es pas du tout aussi mignon que tu en as l'air.

— J'ai sommeil. Laisse-moi entrer. Pourquoi bloques-tu le passage ?

— Retourne dans ta chambre.

— Laisse-moi rester ici, je pleurniche avant de me pencher en avant pour le serrer dans mes bras.

Pran me repousse immédiatement, me faisant tomber en arrière. Je saisis le bord de la porte à temps, heureusement.

— Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?

— C'était juste un câlin. Faisons un câlin. Montre-moi. Comment va la blessure sur ton visage et ton ventre ? La mienne va mieux.

— Merde, tu délires quand tu es bourré ? Attends ici. Je vais chercher tes affaires.

— Non, je vais rester ici. Par va me gronder si j'y retourne maintenant.

— Pourquoi tu t'es bourré la gueule en premier lieu ?

— Tu es inquiet, je rigole, mais ça ne l'amuse pas. Une fille m'a fait boire.

— Idiot.

— Mais j'ai préservé ma virginité pour la nuit. Tu veux que je te le prouve ? Je n'ai pas aimé le parfum. Il me faisait mal au nez. Nong Nao sent meilleur. Ton oreiller aussi a une odeur plus agréable.

— Tu es un pervers, tu renifles mon parfum.

— Laisse-moi te sentir de près.

Je me précipite en avant et l'enlace à nouveau. Quand mon nez touche son oreille, il m'enfonce son genou dans le ventre. La douleur me fait me pencher. L'agresseur ne se sent pas coupable, il fronce seulement les sourcils.

— Dégoûtant, grogne Pran.

Il se retourne et rentre à l'intérieur. Je le suis et il me désigne de son menton.

— Qui t'a permis d'entrer ?

— Ne sois pas radin. J'ai déjà dormi avec toi la nuit dernière. Si tu continues à te disputer avec moi, tu ne pourras pas faire ton travail.

— Tu sais quoi ? Au lieu de travailler sur mon projet dès que je suis rentré, qu'est-ce que j'ai vu en ouvrant la porte ? De la vaisselle sale, une poêle encrassée, des restes de nourriture partout sur le comptoir, une couverture en désordre, et des emballages de nouilles instantanées partout, laissant des miettes partout.

J'étais pressé ce matin. Je vacille, me sentant un peu coupable. D'après ce que Pran a décrit, cela signifie qu'il a dû nettoyer sa chambre avant de pouvoir commencer à travailler sur son projet.

— Je suis désolé. Je n'avais pas de lait concentré à manger avant d'aller à l'université.

— Tu me fais encore des reproches ? Fous le camp d'ici.

— Tu es en colère contre moi parce que j'ai sali ta chambre ?

— Je suis en colère parce que tu ne te sens pas coupable.

— Ma femme, j'ai mal agi.

— Qui est ta putain de femme ? Toujours à plaisanter, hein ?! Tu es resté dans ma chambre, tu as dormi sur mon lit, tu as mangé ma nourriture, tu as utilisé mon eau et mon électricité. Tu devrais avoir de la considération pour moi, pas être un bâtard sans gêne.

— Je sais. Je sais.

Je me rends. Je l'ai un peu taquiné, mais il est devenu tout grincheux.

— Tu te comportes comme une femme qui vire son mari parce qu'il ne l'aide pas à faire les tâches ménagères.

— Tu continues ?

— Je suis désolé, dis-je rapidement, sinon je vais avoir droit à un autre sermon.

En recevant les excuses, Pran se calme.

— Et ?

— Je suis vraiment désolé. Je ne salirai plus ta chambre.

— C'était la dernière fois. J'ai tout nettoyé. Si tu salis encore ma chambre, j'attendrai que tu viennes t'en occuper toi-même, compris ?

Au moins, ça veut dire que j'ai encore une chance d'être ici. J'acquiesce, en essayant d'avoir l'air abattu pour lui. Il sera peut-être content si je réfléchis un peu plus à mon comportement.

— Encore une chose. C'est quoi cette brosse à dents, cette serviette et ta chemise d'atelier dans mon placard ?

— Juste au cas où. Ton gel douche sent bon. Je n'aime pas celui au parfum floral que Par a acheté.

— Achètes-en un toi-même.

— Je t'aiderai à payer les factures d'eau et d'électricité.

— Tu crois que ma famille ne peut pas se le permettre ?

— Je sais que ta famille est très riche, mais je veux être avec toi, je lui dis franchement.

J'aime les vibrations de Pran. Je me sens à l'aise avec lui.

— Je me disputerais avec Par si je rentrais maintenant. Je ne veux pas me disputer avec elle, j'ai peur qu'elle ne m'aime pas. Tu sais...

— D'accord, d'accord, arrête de blablater.

Mon Pran cède chaque fois que je parle de cette façon. Il soupire et passe à autre chose.

— Si tu veux rester ici, va te laver les cheveux, sinon mon lit va sentir mauvais.

— Ouais !

— Tu te comportes comme un enfant. Et que je ne te voie plus être ivre. C'est agaçant.

— Oui, monsieur, promets-je et je me rapproche pour un câlin, mais il pointe un doigt sur mon visage.

— Si tu me fais encore un câlin, je vais faire couler du sang de ta tête.

Je me moque du propriétaire de la chambre, qui retourne construire son modèle. Qui a dit que Pran est effrayant ? C'est de la comédie. Regardez-le. Il cède quand on le supplie un peu.

En y réfléchissant, il est vraiment mignon...

Mon Pran.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:26



Scène Cinq
Pran
Même si je l'ai engueulé il y a quelques jours, ce sale connard sans gêne ne s’est toujours pas remis en question.

En jetant un coup d'œil au coupable, je pousse un soupir. Je pose le cutter et la bagasse(1) et parle à voix basse, en essayant d'attirer l'attention du morveux sur le canapé. Il joue au téléphone avec le lapin en peluche dans ses bras.

— Pat.

— Hmm ? murmure-t-il, ne levant toujours pas les yeux de l'appareil qu'il tient en main.

— Pat.

— Hmmmm ?

— Napat !

— Whoa !

Se faisant crier dessus, il sursaute et tourne son visage paniqué vers moi.

— Pourquoi tu as crié ? Ça m'a fait peur.

— Combien de fois je t'ai appelé ?

— Tête brûlée.

— Ma tête est fraîche depuis une heure déjà.

Je fronce les sourcils et hoche la tête en regardant les plats de nourriture et de snacks qui ont été vidés depuis une heure. Le type, qui avait la nourriture, l'a laissée comme ça jusqu'à ce qu'elle sèche. Je la vois là depuis un moment, et il n'a manifesté aucune volonté de se lever pour la nettoyer. Maintenant, j'ai finalement perdu patience.

— Lève-toi et fais la vaisselle tout de suite.

— Je vais le faire dans une minute. Je joue à un jeu.

— Fais la vaisselle, ensuite tu pourras jouer au jeu.

— Laisse-moi m'occuper de celui-là d'abord. Je suis si près de rencontrer le boss... Hé !

— Je le confisque.

J'ai profité du moment où il s'est concentré sur l'écran et a baissé sa garde pour lui arracher son téléphone. Le propriétaire du téléphone crie alors que je verrouille l'écran.

— C'est mon nouveau record, Pran !

Pat fait des caprices comme un enfant, mais je m'en fiche. Je pose le téléphone à côté de moi et je continue à construire le modèle. Le type immature marmonne des jurons et s'assied près de moi.

— C'est quoi ce bordel ?

Je jette un coup d'œil à Pat et lui demande d'une voix claire alors qu'il me regarde fixement.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Est-ce que j'ai l'air de faire la vaisselle ?

— Non, il n'y a pas d'eau et de bulles.

— Ne t'approche pas. Je travaille, je ne joue pas.

— Je peux t'aider à couper ?

Je ferme les yeux avec circonspection. Quoi encore ? Un fainéant comme lui propose son aide ? Il a mangé quelque chose de bizarre ? J'espère qu'il n'a pas mangé de la nourriture sur le sol.

— Tu es possédé ?

— Laisse-moi t'aider. Et tu fais la vaisselle en échange.

Je soupire de lassitude, sachant que Pat mijote quelque chose. Il n'aurait jamais proposé de faire quelque chose gratuitement.

— Tu manges, tu fais la vaisselle.

— Tu sais que je déteste faire la vaisselle.

— Tu n'aimes jamais nettoyer quoi que ce soit.

— Mais j'aime ta crème de douche.

— Va te faire voir.

Je coupe court, et le voyou se tait. Je peux dire sans lever les yeux que Pat complote quelque chose. Il n'abandonnera pas si facilement.

— Laisse-moi faire le découpage pour toi. Tu le fais depuis le début de la soirée et tes doigts sont devenus tout rouges. De plus, as-tu assez confiance en moi pour me laisser faire la vaisselle ? Comment peux-tu savoir si je nettoie bien la partie huileuse et toute la mousse ? C'est ta vaisselle, tu sais. Tu dois l’utiliser.

Pourquoi diable tu ne ferais pas la vaisselle correctement ?!

— Je coupe juste sur les lignes du crayon. Je peux faire ça.

Je pousse un autre long soupir puisqu'il est toujours en train de parler. Je pose le cutter et regarde le gars avec un sourire exaspérant.

— Coupe d'abord cette pile. N'exerce pas trop de pression dessus. La bagasse est fragile. Quand tu auras fini, assemble ces deux tas. L'exemple est à côté de toi. Ne fais pas de bêtises.

— Tu peux compter sur moi, s'exclame-t-il avant que je ne finisse de parler.

Il se lève et se laisse tomber à ma place au moment où je me lève.

Le comportement désinvolte de Pat m'exaspère parfois, bien que je ne sache pas pourquoi je ne peux pas être en colère contre lui pour de vrai. Ça pourrait être ce sourire en coin qui ne disparaît jamais. Peu importe la force avec laquelle je le frappe, il répond toujours par un sourire. Et ça me calme avant même que je sois furieux contre lui.

Je le regarde pendant quelques instants puis me tourne vers le canapé. Je prends les assiettes tachées avec lassitude. Comment a-t-il pu répandre des restes de nourriture sur toute la table ? C'est le type le plus répugnant de la planète. J'attrape des serviettes, j'en mouille une et j'essuie les résidus collants sur la table.

Pat a raison. Si je laissais le sale crétin s'en occuper, je me retrouverais demain avec une table sale et une file de fourmis. Cette pensée me fait presque tomber dans les pommes.



— Tu pars à l'université sans me le dire ?

J'ai presque eu peur quand le gars que je croyais endormi a soudainement parlé au moment où j'allais mettre mon sac à dos. J'étais sur le point de partir.

— Merde, tu m'as fait peur. Quand t'es-tu réveillé ?

— Depuis que tu cherches tes affaires.

— D'accord. Puisque tu t'es réveillé, fous le camp d'ici. Je vais en cours.

— Je n'ai pas cours le matin aujourd'hui.

— Et alors ? Tu vas t'enterrer dans mon lit toute la matinée ?

— Ton lit sent bon.

En parlant, il resserre son étreinte autour de son lapin miteux et enterre son visage dans mon oreiller.

— Ne touche pas à mon oreiller. Tu es sale !

— Sale ? J'ai pris une douche hier soir.

— Tu ne seras pas plus propre même si tu te douches cinq fois.

— Mais tu as dormi dans le même lit que ce sale type pendant quelques jours.

Je lève les yeux au ciel en soupirant et en agitant la main pour montrer que je suis trop fatigué pour continuer cette conversation. Quand je sors de la chambre. Pat crie derrière moi, me disant d'étudier dur. Tu ferais mieux de te le dire à toi-même.



— Qu'est-ce qu'il y a ? Regarde tes cernes, me salue Wai dès que nos regards se croisent.

Je m'assieds à côté de lui sur le banc du rez-de-chaussée du bâtiment de la faculté.

— Oui, j’ai travaillé jusque tard dans la nuit.

— Comment va ton projet ?

— Environ quinze pour cent terminé.

— Si tu n'es pas trop méticuleux, il sera terminé plus tôt, dit-il en riant. Ke et les gars sont montés dans la salle, ils font la queue pour faire vérifier leurs projets. Tu vas y aller maintenant ?

— Oui, allons-y. Tu veux acheter quelque chose à manger ?

— J'ai déjà mangé. Et toi ?

— Non.

Je secoue la tête. Je me suis couché tard hier soir et je me suis aussi réveillé tard ce matin. Je n'ai pas eu le temps de me remplir l'estomac.

— Va chercher quelque chose à manger, sinon tu auras faim en parlant avec ton conseiller.

Et donc, je me lève.



— Qu'est-ce qu'il y a ? demande Ke, en remarquant que j'ai fouillé anxieusement dans mon sac à dos à plusieurs reprises.

— Je ne trouve pas la clé USB avec mes travaux sauvegardés.

— Hein ? Tu l'as apportée avec toi ?

— Je ne suis pas sûr. J'étais occupé avec les données du projet ce matin.

— Cherche bien dans ton sac, elle pourrait être là-dedans. Ou tu veux retourner chez toi et vérifier si elle y est ?

— Dans ce cas, je ne serais pas autorisé à rentrer chez moi avant la fermeture du bâtiment.

A en juger par la longue file d'attente, faire la queue encore une fois est la dernière chose que je ferai. Dans le pire des cas, mon conseiller partira avant mon tour. Je regarde l'horloge et je fronce les sourcils.

— Je reviens tout de suite.

— Eh bien, bonjour. Tu t'inquiètes pour moi ? Je prends mon petit-déjeuner. Détends-toi.

J'ai failli jurer à haute voix, en entendant les mots irritants une fois qu'il a décroché. Sachant que j'ai besoin qu'il me rende un service, je ravale mes mots.

— Tu n'es pas parti, hein.

— Non, mais je suis sur le point de le faire. Quel est le problème ?

— Va jusqu'au bureau dans ma chambre. Je ne suis pas sûr si la clé USB noire est là.

— Attends une seconde, répond-il.

J'entends un bruit de cliquetis. Quelques instants plus tard, j'ai enfin la réponse.

— Elle est là, sous un morceau de papier.

— Apporte-la moi à ma faculté. Ne te fais pas prendre.

— Hmmm ? Pourquoi dois-je venir à ta faculté ? Tu n'as pas peur que quelqu'un nous repère ?

— Tais-toi. Tu viens ou pas ? Si tu ne viens pas, ne te montre plus jamais dans ma chambre.

— Mec, je plaisantais. Ne sois pas fâché. Je vais te l'apporter.

— Fais profil bas. Ne te fais pas prendre quoi qu'il arrive.

— Je sais, Pran. Tu n'arrêtes pas de le répéter. Ça me donne envie de crier ton nom avec un mégaphone devant le bâtiment.

— Essaie si tu veux te faire démolir.

Il s’esclaffe et raccroche. Je secoue la tête avec lassitude, j'ai l'impression d'avoir fait une erreur.



Après dix minutes d'attente, mon téléphone sonne. Il affiche le numéro que j'ai composé il y a quelques instants. Je dis à Wai que je vais aller aux toilettes et je descends les escaliers en courant, me dirigeant vers le bâtiment du fond, où Pat a dit qu'il attendait. En passant devant le mur, je le vois assis là avec le même sourire agaçant.

— J'ai apporté votre bien, Maître Parakul.

— Donne-le moi et retourne à ta faculté.

— Quoi ? Maintenant que tu as ta clé, tu me vires tout de suite.

— Tu plaisantes encore ? murmuré-je en serrant les dents. Quelqu'un va nous voir. Donne-moi ça.

— Pourquoi as-tu si peur ? Si quelqu'un nous voit, on pourra se battre et tu pourras dire que c'est moi qui ai commencé.

— Pourquoi veux-tu être frappé ?

— Tu t'inquiètes pour moi.

— Je vais appeler mes amis tout de suite.

Le type devant moi ricane et me passe docilement la clé USB. Je la prends sans le remercier. Je sais que je devrais, mais les mots ne sortent pas quand j'ouvre la bouche.

— Quoi ? J'ai apporté tes affaires ici, et tu ne me remercies même pas ?

Parce que je sais que quelqu'un comme lui demandera une faveur en retour.

— Comparé à la façon dont j'ai nettoyé ton bordel, ce n'est rien.

— Je m'en fiche. Tu m'en dois une, Parakul.

— Je n'aurais pas dû te demander de l'aide.

— Mais tu l'as fait. Je vais partir maintenant. Étudie bien.

Je fais un signe de la main pour le chasser. Est-ce qu'il aime quand je suis irrité ? C'est pour ça qu'il rit joyeusement chaque fois qu'il a réussi à me faire sortir de mes gonds ?

— On se voit ce soir.

Je fronce encore plus les sourcils quand il utilise une voix si douce et me souffle un baiser avant de partir. J'ai soudain des frissons.

Dégoûtant !

Notes :
1/ La bagasse est le résidu fibreux issu du broyage de la canne à sucre une fois que l'on en a extrait le suc. Riche en cellulose, la bagasse est un excellent substitut au bois et est utilisée pour produire des planches.

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Ven 6 Sep 2024 - 18:27



Scène Six
Pat
Pran est un gars tellement génial.

Je ne sais pas combien de fois je l'ai dit, mais Pran est toujours si mignon avec moi. Par exemple, en me levant ce matin, j'ai trouvé une miche de pain et du lait concentré sur la table à manger. Aucune trace indiquant qu'il a été ouvert ou quoi que ce soit. Ça veut dire que le propriétaire de la chambre l'a acheté spécialement pour moi, une personne contre laquelle il râle tous les jours. Comme une routine. Ses réprimandes sont la première chose que j'entends le matin, et la dernière chose que j'entends le soir. Eh bien, même si c'est comme s'il avait été programmé pour me faire des reproches, Pran est toujours gentil avec moi.

— Lave la cuillère après avoir mangé. Ne renverse pas le lait concentré. Tu peux faire tout ça, n'est-ce pas ?

J'ai lu le message écrit sur un post-it jaune. L'écriture de Pran est un peu plus soignée que la mienne. Mais bon, pas de problème. Je vais céder et toucher l'éponge aujourd'hui, à contrecœur, car je déteste faire la vaisselle plus que tout. Mais puisque Pran est si mignon, ce sera sympa si je me comporte bien pour le rendre heureux pour une fois.



— Pourquoi tu n'as pas répondu à Nat ?

Après les cours, Gon et moi avons quitté le bâtiment de la faculté et nous sommes réfugiés à la bibliothèque de l'université pour sentir l'air frais. Nous avions tous les deux besoin de plus de livres de référence pour nos thèses, sinon nous ne nous serions pas présentés dans un endroit aussi cultivé. J'ai cherché le bon livre dans les archives, l'ai pris et me suis installé à la longue table. La bibliothèque est calme aujourd'hui. C'est super bondé pendant la semaine des examens.

Je ne traîne ici qu'une fois de temps en temps, selon l'endroit où les filles vont étudier. Tout le monde sait que ces anges peuvent aider les hommes adultes qui ne font que boire et s'amuser comme nous à obtenir leur diplôme dans les temps.

— Pat.

— Quoi ?

— Je te demande pourquoi tu n'as pas répondu à Nat par texto.

— Je ne peux pas être dérangé, réponds-je en étirant mes jambes et en les reposant sur la chaise opposée.

Jor soupire. Il vient de trouver son livre de référence et est arrivé ici à peu près en même temps que moi.

— Si tu ne l'aimes pas, dis-le-lui franchement. Tu l'énerves de cette façon. Elle nous a posé des questions, à mes amis et à moi, à ton propos. Et tu es trop imprévisible, tu te montres soudainement à la cafétéria un jour et tu disparais un autre jour. Où es-tu allé après les cours hier ? Nat a dit qu'elle n'a pas pu te trouver au café internet ou au bar.

— Whoa, avait-elle besoin d'aller si loin ? Je suis sacrément canon.

— Pat, connard, arrête de plaisanter.

— Qu'est-ce que je suis censé faire, alors ?

— Occupe-t'en vite, ou elle pourrait embêter ta sœur, prévient Jor avec inquiétude.

C'est plus gênant que je ne le pensais. Mais, qu'est-ce que je peux faire ? Je crois avoir été clair sur le fait qu'elle ne m'intéresse pas.

— Si elle dérange Par, elle va se faire engueuler.

Gon connaît bien Par. Elle ne cache rien. Ma famille est riche et les enfants sont assez problématiques. Je veux dire, Par et moi n'avons peur de rien. On ne commence jamais une bagarre, mais on est prêts à écraser quiconque nous cherche des ennuis. Nos parents nettoient nos dégâts après chaque incident. Je sais que c'est affreux, mais on ne peut pas laisser les autres nous malmener et courir désespérément vers notre mère pour lui demander de l'aide.

— Tu n'aurais pas dû agir comme si elle t'intéressait.

— Je ne l'ai pas fait. J'ai joué le jeu par courtoisie. Je me suis échappé et Nat m'a suivi. Qu'est-ce que j'étais censé faire ? dis-je honnêtement.

Qui aurait pensé que Nat attendrait plus de nous ?

— Ne t'en fais pas. Elle va arrêter de me chercher une fois qu'elle aura trouvé quelqu'un d'autre. Oh.

En jetant un coup d'œil à Pran, le mot s'échappe de ma bouche. Les gars suivent mon regard, alors je tape du poing sur la table pour attirer leur attention.

— J'ai une course à faire. Attendez à la faculté. Je vous rejoins.

— On fait une partie ensemble ce soir ou on va directement au bar ?

— C'est quoi ce bordel ? On va encore sortir ? Vous avez imprimé vos propres billets ou quoi ?

— Pourquoi demander maintenant ? glousse Gon, et Jor intervient.

— Tu as une petite amie ?

— Quoi ?

— Tu ne veux pas boire ou jouer avec nous. Et tu ne m'as pas dit où tu es allé hier. Tu as juste changé de sujet.

— Quelle petite amie ? Je n'en ai pas.

Eh bien, Pran est ce qui se rapproche le plus d’une petite amie pour moi. Mais les choses ne se termineront pas facilement si j'admets que j'ai passé du temps avec lui. La meilleure solution est de garder le silence. J'agite la main pour écarter le problème. Ces voyous sourient, ils ne sont pas dupes.

— Je vous présenterai cette personne si j'en ai une.

— Tu devrais en avoir une, Pat. Tu es l'un des Princes Ingénieurs, et pourtant tu n'arrives pas à te trouver une petite amie. Tu sais comment utiliser ce truc dans ton pantalon ?

— Ou tu n'aimes pas les filles ?

Ces enfoirés. Ils ne font qu'empirer le sujet. Je les ignore et je serre le livre sous mon aisselle.

— Je vais emprunter celui-là. A plus.

— Attends, tu n'as pas répondu. Tu es gay ?

— Je peux être ce que je veux. Je suis un adulte et mon propre putain de dieu. Content ?

Je tourne et je cours en direction de Pran. Je l'ai manqué. Je n'aurais pas dû me disputer avec ces types. Je récupère le livre et quitte la bibliothèque. J'allume une cigarette et je marche le long du chemin qui mène au bâtiment de la faculté. Des arbres plantés s'alignent sur le côté, ainsi que de petites boutiques louées. L'endroit est bondé pendant la semaine des examens. L'un d'entre eux propose des snacks, un service de photocopie et de la papeterie, un magasin tout-en-un que personne ne peut définir. Je repère enfin un homme grand et mince. Il porte un uniforme scolaire comme tout le monde, mais je peux dire qui il est au premier coup d'œil grâce à ses mouvements lorsqu'il tend l'argent et prend ses affaires.

Mon Pran.

J'accélère le pas, prêt à sauter par-dessus les buissons d'Ixora qui bordent le chemin pour le saluer, mais je m'arrête soudainement. Pran est assis à côté de l'autre type familier. Ils sont seuls ensemble. Whoa, c'est la première fois que Pran n'est pas entouré de sa bande. Il est seul avec ce type d'apparence chinoise.

Le mec tend la main vers Pran, et ce dernier la prend. C'est vrai ! Pran tient la main du singe blanc de la même façon qu'il l'a fait pour soigner mes blessures. Très bien, je vois une boîte de pansements. C'est juste une coupure sur le doigt d'un putain d'adulte. Ce singe ne peut pas le faire lui-même ?

Je croise les bras et m'appuie contre un poteau sous l'arcade. Je me souviens de ce type anonyme. Il a l'air banal et ordinaire, ni mince, ni gros, ni grand, rien qui mérite qu'on s'en souvienne. Mais je me souviens de lui car il reste toujours collé à Pran, et nous nous croisons à chaque affrontement. Cependant, la façon dont ils passent du temps seuls et prennent particulièrement soin l'un de l'autre n'est-elle pas un peu injuste ?

Si les autres gars de sa bande voyaient ça, ils ne seraient pas très contents.

Mais celui qui est vraiment contrarié par cette vision est en train de donner des coups de pied dans les buissons d'Ixora, vexé comme jamais en ce moment même.

Espèce d'enfoiré, tu es un homme mort la prochaine fois qu'on se rencontre.



Je ne sais pas qui a commencé cette tradition qui veut que les étudiants en ingénierie et l'alcool fassent bon ménage. Avant de m'en rendre compte, je suis devenu un vrai alcoolique. Si ça empire, je pourrais avoir besoin d'aide. Je ne suis pas souvent bourré, cependant. Je le suis seulement quand les filles essaient de me faire boire et quand quelque chose me dérange.

Je ne suis pas amical mais plutôt avide de flatterie. Nat m'a vraiment saoulé la dernière fois, ce qui m'a rendu très expressif. J'avais les mains baladeuses, semblant flirter en permanence. Aujourd'hui, en revanche, je suis posé, sirotant une bière. Plusieurs bouteilles vides se retrouvent sur la table en un clin d'œil.

— Qu'est-ce qui ne va pas, Pat ? demande Gon, qui me connaît bien.

Il s'inquiète pour moi, d’autant plus qu’il sait que je ne dirai rien. Il pose sa main sur mon épaule, la serre un peu, et reprend mon verre.

— Tu es bizarre depuis que tu as quitté la bibliothèque. Tu peux tout nous dire, tu sais.

Je hausse les épaules. Qu'est-ce que je peux dire ? Je les ai surveillés jusqu'à ce que Pran, portant tous les livres, et ce voyou se lèvent. Ce type d'apparence chinoise a fait semblant d'être fort et en a pris quelques-uns, agissant comme un gentleman. Putain, c'est nul. Et moi, alors ? Même si je voulais saluer Pran, je ne pouvais que regarder les deux flirter comme s'ils étaient un couple séparé depuis dix vies antérieures.

— Tu es ivre ? On te raccompagne chez toi. Ça suffit.

— Je ne suis pas ivre, dis-je en soulignant chaque mot.

Gon a volé mon verre, alors j'essaie de prendre celui de Jor. Il repousse ma tête mais me donne quand même son verre. Puis il marmonne quelque chose aux autres gars avant de hocher la tête.

— On arrête là pour aujourd'hui. Je pense que tu es définitivement saoul.

— Qui est bourré ? Je n'ai pas bu grand-chose. Vous pouvez partir en premier si vous voulez.

— Le bar sera bientôt fermé, dit Jor.

Vraiment ? Je n'avais pas remarqué.

— Allons-y. On peut avoir l'addition, s'il vous plaît ? Tiens-toi prêt. Je vais te ramener.

— Pas besoin de le faire. C'est un gaspillage de ton essence. Je peux rentrer tout seul. Pars avec Gon. Vous allez tous les deux dans la même direction.

Je réponds et pose deux mille bahts sur la table. Nous calculerons le partage demain. Avec un calcul approximatif, ça ne devrait pas coûter plus que ça. Nous sortons du bar et voyons une file de taxis. Je choisis le rose. Je veux voir Pran rapidement et faire un câlin à Nong Nao. Et tard dans la nuit, je ferai des câlins à Pran sans qu'il le sache.

Mon Pran.

Mon cher.



Quelque chose de doux et humide touche ma joue. Je sens l'air frais de la climatisation de temps en temps. J'ouvre lentement les yeux, et la première chose que je vois est de la fourrure. Je cligne deux fois des yeux et j'essaie de me lever, me trouvant dans une ruelle. La fourrure de tout à l'heure était une patte avant sale et blanc cassé. La chose molle et puante était la langue d'un chien. J'ai été réveillé par un chien devant une supérette parce que je dormais à sa place.

Un son particulier en hauteur à l’entrée de la supérette sonne quand les portes s'ouvrent. Je m'assois en tailleur, les jambes croisées. Lorsque je lève les yeux, je suis accueilli par un panneau vert, orange et rouge avec le chiffre sept et le mot "onze" croisés au milieu. L'endroit où j'ai dormi appartient au chien, sans aucun doute.

Mon dernier souvenir est que j'ai pris un taxi, que je me suis endormi et que je me suis réveillé ici. Aussitôt, je cherche mon téléphone et mon portefeuille, mais tout a disparu. Il ne reste rien. Merde, le chauffeur m'a volé.

Il me faut un moment pour me remettre sur pied. Je suis beaucoup plus sobre que lorsque j'ai quitté le bar, mais je n'ai pas encore totalement repris mes esprits. L'employé de la supérette me salue lorsque j'entre. Comme je dormais dans un coin près d'une poubelle à cette heure, personne ne m'a remarqué. Je ne suis pas contrarié, même si quelqu'un a pris mon argent et mon téléphone. Mais où diable se trouve cette épicerie ?

— Excusez-moi, puis-je emprunter votre téléphone ?

— Oui.

— Quelle est l’adresse de cet endroit ? On m'a volé. Je veux appeler mon ami pour qu'il vienne me chercher.

— Hein ?!

L'employé semble plus choqué que moi, la victime.

— On doit appeler la police ?

— C'est bon. Je veux juste que mon ami vienne me chercher. J'appellerai la police demain.

Le problème, c'est que je me souviens seulement que c'était un taxi rose, et je n'ai aucune idée de l'heure qu'il était. Même le FBI ne pourrait pas trouver ce putain de taxi pour moi. Je jette un coup d'œil à la vidéosurveillance du magasin. Il n'y a aucun moyen qu’elle ait pu filmer l'endroit où j'ai dormi.

Le seul témoin est le sale chien blanc qui m'a léché le visage !



— Je suis aussi dégoûtant qu'une ordure. Et une ordure devant la supérette en plus.

Pran a été la première personne à laquelle j'ai pensé. Il a pris un taxi pour venir me chercher quinze minutes après que je l'ai appelé. Il a l'air fatigué comme d'habitude mais me laisse tout de même me reposer sur le canapé en premier.

— Tu peux te lever et prendre une douche ?

— Je vais tomber dans les pommes sous la douche.

— Comment tu peux être aussi bourré ? Retiens-toi un peu, tu veux, Pat ?

— Je sais, dis-je uniquement pour l'envoyer balader.

Le propriétaire de la chambre en débardeur et boxer soupire. Il disparaît dans la salle de bain et réapparaît avec une bassine remplie d'eau chaude.

— Même si tu ne peux pas prendre de douche, tu dois laver ces taches noires sur ton corps si tu veux dormir avec moi, compris ?

— Je ne veux pas être dérangé. Je vais dormir sur le canapé.

— Pat.

— Pran, j'ai faim. Cuisine quelque chose pour moi.

— Quelle heure penses-tu qu'il soit ? Il est deux heures du matin ! Je devrais être au lit, pas en train de cuisiner.

Je sais, mais j'ai dû vomir dans le taxi ou quelque chose comme ça parce que j'ai mal au ventre. Pran s'agenouille, déboutonne ma chemise et me force à l'enlever.

— Assieds-toi correctement. Je vais nettoyer ton corps.

— Est-ce que je dois enlever mon pantalon ?

— Oui, répond-il à voix basse.

J'obéis, jetant ma chemise et mon pantalon, me retrouvant avec un minuscule caleçon couvrant un énorme monstre.

— Ce n'est pas mon caleçon ?

— Je ne sais pas. Il était dans le tiroir. J'étais pressé ce matin, alors je l'ai mis.

Pran pousse un soupir au lieu de râler. Il utilise le linge blanc mouillé pour essuyer mon visage jusqu'à mon cou, pas très délicatement, mais c'est probablement efficace. Mon nez est presque écrasé par le tissu.

— Qui pourrait te supporter, alors que tu agis de cette façon ?

— Toi, Pran.

— Je suis ton ami. Je veux dire une petite amie.

— Je ne veux pas de petite amie. Tu me suffis.

Je lève mon bras pour qu'il puisse essuyer mon corps confortablement. Pran fronce les sourcils si fort que je dois masser pour faire disparaître la tension.

— Pran, merci.

— Um.

— Tu es si bon avec moi.

— Oui, sois reconnaissant.

— Je ne t'apporte que des ennuis, hein ?

— Ouiiii.

Pran fait traîner le mot et détourne son visage de ma main. Il a essuyé mon abdomen, mes bras, y compris mes jambes et mes pieds.

— Si jamais j'ai une femme, je trouverai quelqu'un comme toi.

— Je me sens mal pour la fille. Quand arrêteras-tu d'être un fardeau pour les gens ?

— Je ne veux pas être un fardeau, je dis honnêtement.

A part avec Pran, je ne pense jamais à causer des problèmes à qui que ce soit. J'adore l'écouter m'engueuler. Quand il est frustré mais qu'il fait quand même tout pour moi, c'est adorable.

— Je veux que tu prennes soin de moi. Ça... fait du bien.

Il devient silencieux. Le tissu est jeté dans la bassine et je suis toujours assis là, à moitié nu. Pran ne veut pas essuyer sous le caleçon. Mais, c'est bon. C'est plus que suffisant.

— Tu as encore faim ?

— Un peu, mais ça va. Je peux le supporter.

— Attends une minute. Ne t'endors pas tout de suite.

Je hoche la tête. Pran va dans la salle de bain pour laver la serviette avant de revenir pour faire bouillir l'eau. Il verse le contenu du porridge instantané dans un bol et me le tend. Je le prends et touche involontairement le dos de ses mains. Pran retire ses mains d'un coup sec et détourne son regard. Soudain, je me demande si quelqu'un d'autre était assis ici à ma place, Pran serait-il toujours aussi gentil ? Pran aime prendre soin des autres, être si gentil que cela intrigue les gens autour de lui.

Je ne fais pas exception.

— Pran, dois-tu être aussi gentil avec tout le monde ?

— Pourquoi ne le serais-je pas ? me demande-t-il en retour, ne comprenant pas ce que je voulais vraiment dire.

Il s'installe sur le canapé à côté de moi, et je me penche, posant ma tête sur son épaule. Je peux sentir son parfum unique, doux, propre et enivrant.

— Tu ne peux pas être gentil uniquement avec moi ? Je n'aime pas quand tu es gentil avec les autres.

— Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Encore bourré ?

— Je suis honnête et je dis ce que je pense. Pran...

Il me jette un regard en coin. Merci de toujours laisser un gars nu s'appuyer sur ton épaule quand tu peux sans effort le frapper contre le mur et le ramener à Par.

— Pran, je veux que tu sois seulement à moi. Je n'aime pas tes amis. Je n'aime pas les gens qui sont proches de toi.

— C'est absurde. Je ne suis pas ton lapin minable.

— Je dis ça parce que tu ne l'es pas. Si tu étais mon Nong Nao, je te garderais dans ma chambre, sans que personne ne te voie.

— Tu es fou ?

Pran repousse ma tête, mais je la repose sur son épaule. Il me pousse à nouveau. Cette fois, je pose le bol de porridge et je m'appuie sur lui une fois de plus.

— Ne peux-tu pas ne pas faire attention à quelqu'un d'autre que moi ? Je ne peux pas être le seul à mettre ma tête sur ton épaule comme ça ?

— Pat, tu as perdu la tête. Finis le porridge pour aller te coucher. Et j'apprécierais que tu ne sois pas ivre pendant un moment.

— Promets-moi que je suis la seule personne importante pour toi. La plus importante.

Le propriétaire de la chambre ne donne aucune réponse tandis que le son de la climatisation remplit la pièce. Je pose ma main sur sa cuisse. Pran ne la repousse pas. Je ne sais pas pourquoi ça m'a énervé comme un fou de voir Pran être gentil avec quelqu'un d'autre, mais c'était mon vrai sentiment. Je suis direct et honnête, contrairement à lui. Et nous sommes totalement différents quand il s'agit de dire ce que l'on pense. C'est pourquoi, alors que je lui tiens la main, Pran est toujours silencieux.

— Je suis vraiment possessif avec toi.

Pran presse ses lèvres l'une contre l'autre et fronce les sourcils, visiblement tendu. J'ai envie de relâcher la tension sur son visage, d'embrasser les sourcils, de séparer les lèvres qu'il mord si fort que j'ai peur que ça fasse mal, avec douceur.

Je veux être bon avec Pran autant qu'il l'est avec moi.

J'entends le son d'un battement de cœur, je ne sais pas si ça vient de moi ou du gars à côté de moi.

— Pat...

Avant que Pran ne puisse finir sa phrase, je me baisse pour poser ma tête sur ses genoux, tenant toujours sa main en somnolant. C'est parce que je suis encore ivre et que je me force à rester éveillé depuis un bon moment. Je ne suis pas un oiseau de nuit, comme les étudiants en architecture, et plutôt égocentrique. En une fraction de seconde, tout devient sombre. Cette nuit ne se termine pas avec moi faisant un câlin à Nong Nao. Elle se termine par un baiser sur la main que je tiens fermement, et je m'envole vers le lointain pays des rêves.

Le pays où j'embrasse ces lèvres comme la promesse que je ne laisserai Pran être proche de personne.

Et qu'il sera toujours à moi.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:27



Scène Sept
Pran
Je regarde Pat qui dort sur mes genoux. Son souffle est chaud et rapide, probablement parce que l'alcool est encore dans son sang. Je soupire en l'entendant marmonner mon nom. Le Pat que je connais est enjoué, casse-pieds, toujours souriant et plutôt décontracté. C'est comme si le soleil brillait en lui. Malgré tout, Pat est inquiétant. Il n'est pas prudent et ne réfléchit jamais à rien. Il s'amuse d'abord et se fout de sa sécurité.

Chaque incident m'a affecté. Par exemple, c'est ce qui vient de se passer. Combien de personnes seraient si défoncées qu'elles se feraient voler et abandonner devant la supérette ? Pire, il était allongé là jusqu'à ce qu'un chien lui lèche le visage. Et j'ai dû me donner la peine de le ramasser au milieu de la nuit alors que j'aurais pu me reposer ou travailler sur mon projet.

En plus de causer des problèmes, il est devenu de plus en plus puéril. Je ne sais plus si nous sommes des ennemis, des amis ou si nous avons une relation père-fils. Je l'engueule tous les jours, à tel point que je n'arrive pas à créer assez de mots à utiliser. Avec le temps, j'en ai eu assez de le sermonner sur les mêmes choses puisqu'il ne changera pas de toute façon. Il en va de même pour moi.

Même si j'en ai marre de tout ça.... je ne peux pas l'ignorer.



Les applaudissements sonores du professeur à l'avant de la salle et l'éclairage soudain de la pièce me ramènent à la réalité après une heure de cours sur le système sanitaire inférieur aux normes. Je me frotte les yeux et m'étire pour débarrasser mon corps de ses raideurs. Je me suis endormi à l'heure où les oiseaux étaient sur le point de gazouiller la nuit dernière et je me suis traîné pour assister à un cours à huit heures. Je suis parti plus tard que d'habitude, occupé à chercher du porridge instantané dans le placard et à préparer du jus de citron vert pour le type sur le canapé. Il va avoir une terrible gueule de bois en se réveillant.

C'est vrai. Pat a dormi sur le canapé. Il ne s'est pas douché et je n'avais aucune idée de ce qu'il y avait sur son corps. Vous pensiez qu'il serait assez propre pour dormir dans mon lit après quelques coups de serviette ? J'ai eu la gentillesse de récupérer Nong Nao pour le fourrer contre sa poitrine.

La chose la plus sale que j'ai jamais touchée, c'est lui.

— Tu vas manger d'abord, Pran ?

L'image dans ma tête s'efface alors que la voix de Wai me ramène. Je me tourne pour le voir ranger ses affaires.

— Tu vas faire vérifier ton projet aujourd'hui ?

— Probablement, mais je vais d'abord compléter le plan de la maison à la bibliothèque. Je ne l'ai pas fait hier soir.

— D'accord, je t'accompagne. Mais je ne pense pas que j'aurai l'évaluation aujourd'hui. Je ne suis pas sûr.

— Et pour Ke et les gars ?

— Il est parti avec Golf pour faire la queue pour l'évaluation de Chanpen dès la fin du cours.

— Oh, ouais ?

— Quel est le problème ? Tu as l'air distrait aujourd'hui. Stressé par le projet ?

— Non, je n'ai pas assez dormi, je suppose. J'ai sommeil.

— Pourquoi tu ne rentres pas chez toi après le repas ? Tu pourras faire évaluer ton projet demain soir.

— C'est bon. Je peux le faire.

— Tu es sûr ?

— Oui.

Je hoche la tête et lui souris.

Waiyakorn est mon meilleur ami. Nous nous connaissions avant même d'entrer à l'université. Nous avons étudié ensemble et espéré pour obtenir le résultat que nous voulions. Le jour de l'annonce des résultats d'admission, j'attendais avec impatience devant un ordinateur avec Wai. Je me souviens que le site web était en panne et que certains de nos amis se sont dirigés vers la faculté pour vérifier la liste. Avec cette pensée, nous nous sommes levés simultanément et avons pris un taxi pour nous y rendre. Nous avons littéralement sauté de joie sans éprouver de gêne lorsque nous avons trouvé nos noms.

Nos rangs étaient également serrés. J'ai obtenu la quatrième place et lui la cinquième. Nous étudions dans la même faculté et les mêmes sections, et nous sommes les meilleurs amis du monde. Nous nous voyons tous les jours, et sommes pratiquement l'ombre l'un de l'autre. C'est peut-être parce que nous avons vécu beaucoup de choses ensemble que nous nous inquiétons l'un pour l'autre plus que des amis normaux. C'est un bon ami à moi, et je veux aussi être un bon ami à lui.



— Ça fait longtemps qu'on n'a pas mangé à la cafétéria principale. Je n'arrive pas à choisir ce que je vais prendre.

Je ris alors que Wai tourne la tête de gauche à droite, scrutant joyeusement la longue rangée de comptoirs de nourriture. Habituellement, en tant qu'étudiants en architecture, si nous ne rentrons pas directement chez nous ou si nous ne travaillons pas sur nos projets juste après les cours, nous restons dans le bâtiment et attendons l'évaluation individuelle. Il est rare que nous nous rendions à la cafétéria principale comme ça. C'est la plus grande cafétéria, la plus proche de la bibliothèque, où les étudiants de toutes les facultés se retrouvent, contrairement à la cafétéria de la faculté qui est pleine de visages familiers.

Comme il y a une grande variété de nourriture à choisir et un tas de jolies filles, un vrai régal pour les yeux, il est difficile de trouver une table vide. Et les comptoirs qui vendent de la nourriture super délicieuse ont des files d'attente si longues. On n'a pas le cœur à attendre.

— Va jeter un coup d'œil. Je serai à la table.

— Hein ? Vas-y d'abord. Je vais attendre ici, dit-il en s'asseyant à côté de moi.

— Non. Il fait chaud. Je ne veux pas prendre un repas. Je veux une glace.

— Encore ton amour pour les glaces. Tu ne manges pas de vraie nourriture et tu continues à te gaver de sucre glacé.

— Tais-toi.

— D'accord, je reviens tout de suite.

Je hoche la tête et lui fais signe de partir avant d'étirer mon cou d'épuisement et d'enfouir mon visage dans mes bras. Je suis sur le point de m'endormir quand une chose fraîche et humide touchant ma joue me tire de mon sommeil.

— Hey !

Quand mes yeux peuvent se concentrer, ils atterrissent sur un pot blanc de crème glacée vert clair. Je jette un coup d'œil au coupable qui m'a réveillé de façon si puérile et je lui lance un regard furieux.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? C'est sale.

— Tu m'engueules alors que je l'ai acheté pour toi. C'est la glace parfumée au dentifrice que tu aimes.

— C'est à la menthe.

Le dentifrice n'aurait pas un goût aussi bon.

— Eh bien, merci.

— Prends un bon repas plus tard.

— Si j'ai faim, oui.

— Fais un test de glycémie puisque tu en manges beaucoup. Tu pourrais avoir du diabète à ce rythme.

J'ignore Wai et ouvre le couvercle de mon pot de glace préféré, heureux. La glace lisse vert menthe se révèle une fois le couvercle en papier enlevé, et je m'en gave d'une grosse cuillère. Ce parfum convient au climat de notre pays, mais la plupart des gens autour de moi froncent le nez chaque fois que je mange une glace ou bois un lait à la menthe. Ils le comparent sans cesse à du dentifrice. Le goût rafraîchissant et sucré me vide la tête, me faisant oublier le désordre de ma vie pendant un certain temps. C'est pourquoi je suis accro à la crème glacée. Si je suis frustré, un pot de crème glacée me calme.

— C'est si bon que ça ?

— C'est ma préférée.

— Tu veux un autre pot ?

— J'en rachèterai si ce n'est pas suffisant, réponds-je à ses paroles sarcastiques et je regarde ses nouilles qu’il les a terminées en un clin d'œil. Tu les as mangées ou gobées ? Est-ce que ton estomac a remarqué qu'il y avait de la nourriture qui descendait ?

— Ce sont mes préférées.

Je lève les yeux au ciel et prends une autre cuillerée. Le type à côté de moi se rapproche.

— Donne-moi une cuillerée.

— C'est quoi ce bordel ? Tu détestes ça, non ?

— Laisse-moi essayer à nouveau. Quand tu en manges, j'ai toujours l'impression que ça doit avoir un putain de goût délicieux.

— Ça a le même goût, peu importe le nombre de fois que tu essaies. Tu vas encore froncer le nez en me regardant.

— Allez, donne-moi une cuillerée.

Je tends le pot à Wai, mais il ouvre juste la bouche. Je soupire et secoue la tête, tout en le nourrissant rapidement.

— Um…, gémit-il. Exactement la même chose.

— Sur cette note, garde ça en tête et n'en demande plus jamais.

— Alors ne fais pas cette tête, comme si c'était délicieux, et ne me donne pas envie d'en avoir. Tu m'as roulé.

Quoi, espèce de vaurien ? J'ai tort d'aimer le goût ?

BAM !

J'ai failli faire un bond au moment où une bouteille d'eau en verre à moitié pleine a été claquée sur la table, renversant l'eau à l'intérieur. Tout le monde regarde dans notre direction en état de choc, y compris Wai et moi.

Je lève les yeux vers la personne impolie qui a fait ce geste et je vois Pat qui se tient au-dessus de nous. Il me regarde fixement, les sourcils froncés. Que diable essaie-t-il de faire maintenant ? Pourquoi chercher la bagarre à ce moment-là ? Nous sommes au milieu de la cafétéria principale avec des tonnes de personnes de diverses facultés autour de nous.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Je fronce les sourcils, regardant en arrière, ma voix est calme. Les personnes assises à côté de nous se sont levées et ont fui.

— Rien.

Sa voix devient aiguë de la manière la plus agaçante qui soit. Attrapant Wai qui se lève, je saisis son bras, et cela rend Pat encore plus furieux, au point qu'il donne un coup de pied dans la chaise.

BAM !

— C'est quoi ton problème ? Va te déchaîner ailleurs. C'est une zone commune, ce n'est le territoire de personne. Ne commence pas !

Wai s'emporte. Il semble aggraver la situation.

— Wai, détends-toi. Allons-y.

— Regarde-le. Avec tant de tables vides en ce moment, il n'irait pas s'asseoir là-bas. Au lieu de cela, il essaie de provoquer un combat. Tu ne vois pas que tu es trempé par l'eau renversée ?

Wai grogne, irrité, en gardant les yeux sur l'ennemi. Il soulève alors ma chemise.

PAF !

— C'est quoi ce bordel ?!!

— Wai !

Ce chien sauvage a soudainement poussé Wai. Ce dernier a perdu la tête, en criant, et s'est mis à se battre, alors j'ai appelé le nom de mon ami et j'ai attrapé son bras.

— Nous sommes à la cafétéria. Les professeurs pourraient nous voir.

Wai grogne d'exaspération, jure tout bas et part. Je regarde Pat avec dédain et suis mon meilleur ami, qui se fraie un chemin vers l'entrée de la cafétéria.



— Wai !

Je crie, appelant le gars énervé qui avance à grands pas. Finalement, je l'ai rattrapé.

— Calme-toi.

— Je ne pourrais pas être plus calme. Cet enfoiré a cherché les ennuis. C'est lui qui a causé les bleus sur ton ventre la dernière fois ?

— Ne tombe pas dans son piège. Il est comme ça.

— Je déteste sa gueule, putain.

Je me lèche les lèvres. Elles sont si sèches que ça commence à faire mal. Wai est toujours en train de grogner. Je le distrais en le traînant à la bibliothèque. Une fois que nous sommes dans une pièce calme et climatisée et que nous nous concentrons sur nos projets, Wai semble vraiment se calmer malgré son visage renfrogné. C'est toujours mieux que de le voir s’agiter tel un possédé comme précédemment.

Nous avons passé près de quatre heures à fixer les plans de notre maison. Nous avons griffonné et dessiné dessus pendant un moment avant de chercher des livres de référence sur les étagères, puis nous sommes revenus avec une pile de livres épais. Nous avons parcouru les pages et fait des croquis sur des morceaux de papier. Lorsque de nouvelles idées surgissaient, nous y travaillions. Et quand nous étions à court d'idées, nous retournions directement aux étagères. Cela a continué jusqu'à ce que nos cerveaux n'en puissent plus. Nous sommes maintenant appuyés contre les dossiers, en train de nous détendre.

— Putain, j'ai mal à la tête.

Wai commence. Je me retourne et je le vois se prendre la tête.

— Pareil pour moi. Le plan est toujours une catastrophe.

— Je ne peux même pas appeler ça un plan. C'est toujours des cercles et des cercles.

— Mais Golf a dit que Chanpen fait une évaluation de groupe aujourd'hui, n'est-ce pas ?

Pourquoi es-tu toujours là à le corriger ?

— C'est vrai. Qu'est-ce que je peux faire ? Ce n'est toujours pas fait, répond Wai en poussant un soupir, puis il pose son visage sur la table. Putain. Chanpen prend une éternité pour évaluer chaque œuvre. Certains d'entre eux ne feront probablement pas vérifier leurs projets.

— On devrait partir, alors ? Je ne pense pas que je vais y aller. Il est déjà plus de quatre heures.

— Ouais, on y va.

Nous rangeons nos affaires dans nos sacs à dos, agrippons les rouleaux de papier à un bras, et sortons de la bibliothèque. Je souhaite rentrer directement chez moi, mais en prenant un raccourci par le jardin à l'arrière, j'entends des cris derrière le bâtiment d'ingénierie et je fronce les sourcils. Avant que je puisse décider de vérifier ou non, la vue de mon junior courant, tout amoché, m'arrête.

— Hé ! Qu'est-ce qui se passe ? demande Wai alors que le gamin s'approche de nous.

— Wai, Pran, mes amis se font tabasser là-bas. Je cherche de l'aide. S'il vous plaît, aidez-les.

J'expire de frustration. Pourquoi veulent-ils tellement causer des problèmes ?

— Très bien, j'arrive tout de suite.

Je jette mon sac à dos et les rouleaux de papier sur une table en bois voisine et pose une autre question.

— C'est à propos de quoi, cette fois ?

— C'est une longue histoire...

Ça me fait mal d'entendre la voix du junior s'adoucir. Ça doit être notre faute. Sans dire un mot de plus, Wai et moi partons en direction du combat. Nous nous arrêtons tous les deux, apercevant le même chien enragé de la cafétéria, debout sur un autre gamin de notre faculté. Pat lui agrippe le col et lève le poing, prêt à frapper à nouveau. A en juger par les bleus sur le visage du gamin, je peux dire qu'il a déjà reçu plusieurs coups de poing.

Avec la colère refoulée de tout à l'heure, Wai en profite pour charger Pat. Je suis sur le point de l'arrêter mais je suis interrompu par une attaque venant de ma droite. Je n'ai pas d'autre choix que de tourner mon attention vers mon adversaire actuel. J’halète, épuisé, ayant perdu pas mal d'énergie en m'occupant du gars qui s'est maintenant effondré. Je me retourne, et mes yeux s'écarquillent à la vue de Pat qui abat son poing sur le visage de Wai au sol.

Je me ressaisis et me précipite pour attraper l'épaule de Pat. Soit il est trop enragé, soit il ne sait pas que c'est moi puisqu'il m'envoie un coup de poing dans la joue en un instant. Le goût métallique du sang se répand dans ma bouche. Je crache et me relève, ignorant les mains qui tentent de me soutenir.

Lorsque je lève les yeux et croise son regard, Pat semble avoir repris ses esprits. Son expression est indéniablement inquiète, mais je n'y prête pas attention. En voyant l'état de Wai, je serre les dents. Je pousse la poitrine de Pat et aide Wai à se relever. Il est à peine conscient.

Nous nous battons régulièrement, en effet, mais Pat n'a jamais été aussi sérieux. Wai est presque assommé.

— Pran...

Pat murmure mon nom, et je fais semblant de ne pas l'entendre. Je soutiens mon meilleur ami et le fais sortir d'ici avec un autre junior qui court pour l'aider.

Je ramène Wai chez lui et je soigne ses blessures. Une fois qu'il a mangé et pris des médicaments, et que je me suis assuré qu'il n'y a rien d'autre que des lèvres fendues et des joues meurtries, je peux enfin rentrer chez moi. Je suis toujours frustré, mais je ne sais pas exactement quelle est la cause de cette frustration.

Ce qui est sûr, c'est que j'ai été absolument surpris de voir Pat perdre la tête aujourd'hui. Me faire frapper en pleine joue par ce poing dur, j'étais assez choqué. C'est peut-être parce que nous ne nous sommes jamais battus au point d'être gravement blessés. On a eu un bleu ou deux, oui, mais ça n'avait jamais été aussi violent qu'aujourd'hui...

Toc, toc.

Les deux coups doux frappés à la porte attirent mon attention. Ce n'est pas un gloussement cette fois. C'est en fait une main qui frappe une porte. Je prends une profonde inspiration, essayant de garder mes émotions sous contrôle et me lève pour ouvrir la porte.

Comme je le pensais, Pat se tient derrière la porte avec un visage impassible. Je soutiens son regard et demande d'une voix égale.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Pran...

il marmonne mon nom, la main tendue pour toucher ma joue meurtrie, mais je me détourne.

— Je suis désolé.

— Tu es là pour récupérer le lapin ?

— Je peux entrer ?

— Si tu me demandes mon avis, non.

— Pran.

— Attends ici. Je vais chercher tes affaires.

Je recule et me dirige vers le canapé où se trouve le lapin. Avant que je puisse m'éloigner, la porte est fermée et l'autre gars m'attrape le bras. Je le retire immédiatement.

Quand nos regards se croisent, Pat fait la grimace, mécontent de ma réaction.

— Pourquoi es-tu si énervé ? Tu es en colère parce que j'ai frappé ce connard ?!

— Ne fais pas comme si tu ne savais pas ce que tu as fait, Pat !

— Putain, qu'est-ce que j'ai fait de mal ?! Tes juniors ont merdé cette fois. Ils ont essayé de faire boire la copine de mon junior pour pouvoir lui faire des choses !

— Et alors ?! Qu'est-ce que Wai a fait pour être battu comme ça ?!!

— Il a aidé ces enfoirés et je me suis défendu. Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?!

— ... Alors pourquoi ne pas m'avoir frappé comme ça ?

— ...

— Pourquoi tu ne m'as pas frappé jusqu'à ce que je perde connaissance ?

— Pran...

— Prends tes affaires et pars.

— Tu me mets à la porte.

— Oui, je le fais. Nous sommes des ennemis. Pourquoi veux-tu rester avec un ennemi comme moi ?

— Pran.

— Je t'ai dit de prendre tes affaires et de partir.

— ...

Je reste immobile, en détournant mon regard. Bien que l'endroit où se posent mes yeux n'ait rien d'intéressant, je me force à ne pas le regarder, à ne rien ressentir devant ces yeux abattus, et à ne pas réagir lorsque la porte s'ouvre... et se referme tranquillement.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:27



Scène Huit
Pat
Je sais que c'est la chambre de Pran, et qu'il a tout à fait le droit d'autoriser ou de mettre dehors quelqu'un comme bon lui semble. C'est son droit de le faire, mais je sens mon cœur se briser parce que Pran ne m'a jamais dit de partir avec un regard aussi froid. Je suis à la fois révolté et déçu par le fait que Pran ait choisi ce type, ce singe toujours accroché à lui, plutôt que moi, qu'il connaît depuis l'enfance. J'oublie Nong Nao et retourne dans ma chambre. Elle n'est qu'à quelques mètres, mais j'ai l'impression qu'il me faut une éternité avant de pouvoir tourner la poignée de la porte.

Je sais que j'ai été trop dur avec ce voyou, mais l'irritation que j'avais réprimée m'a poussé à le réduire en miettes. J'ai complètement perdu la tête. Plus je pensais à la façon dont Pran était si gentil avec lui, plus je souhaitais effacer son existence. Je m'en foutrais s'il mourait. Je m'en fous. Alors, qui s'en soucie ?

Oh... oui... celui qui s'en soucie est celui qui m'a viré de sa chambre il y a quelques minutes.

J'étais fou de rage, et j'admets que je me sentais coupable d'avoir frappé Pran. En dépit du fait que je n'en avais pas l'intention, je ne me suis pas retenu. Depuis nos jours d'école primaire, je n'avais jamais pensé à me battre avec Pran en utilisant toute ma force. J'ai été submergé par la culpabilité. Pran a été blessé physiquement et moi, émotionnellement. C'est pourquoi je suis allé m'excuser sincèrement auprès de lui.

Mais Pran n'a pas voulu l'entendre.

— Qu'est-ce qui ne va pas, Pat ?

Ma sœur, qui se vernit les ongles, m’interroge depuis sa chambre, en remarquant que je me tiens le regard vide devant la porte de ma chambre. L'odeur âcre du diluant remplit la pièce. En temps normal, je m'en plaindrais. Mais maintenant, même si Par se vernit les ongles dans la pièce commune, je n'ai pas le cœur de lui demander de le faire sur le balcon comme d'habitude.

Je soupire une fois et regarde mon poing, celui que j'ai utilisé pour frapper Pran. J'ai envie d'y retourner pour pleurnicher.

De quel droit me fait-il sentir si mal que j'ai envie de pleurer comme ça ?

— Qu'est-ce qu'il y a, Pat ? Il s'est passé quelque chose ?

— Je me suis battu avec Pran.

— Encore.

Par pousse un soupir avant de froncer les sourcils car je ne réponds pas.

— Quel genre de bagarre ? C'était physique comme à chaque fois ?

— Oui, je l'ai frappé, mais il ne m'a pas frappé.

— Pat ! Est-ce que Pran va bien ?

— Tu devrais aller le voir.

— Pourquoi tu ne le fais pas toi-même ?

— Il n'a probablement...

Je fais une pause. Je veux soigner ses blessures, mais je suppose que ce n'est plus nécessaire.

— ... aucune envie de voir mon visage.

— Il est vraiment en colère contre toi ? Vous ne vous êtes pas réconciliés il y a longtemps ? Qu'est-ce qui vous a poussés à en venir aux mains ? En plus, vous n'en avez pas parlé après la bagarre. C'est inhabituel.

— Hum, je marmonne, évitant la question.

Je ne peux pas le dire avec des mots, mais je déteste ce fils de pute. Je le déteste. Et je me fiche que ce que j'ai fait rende Pran encore plus furieux contre moi.

Traitez-moi de mauvais perdant si vous voulez. Ce sentiment possessif que j'ai envers Pran est vrai.

— Pourquoi tu n'attends pas qu'il se calme pour réessayer ?

— Et puis merde.

C'est ma réponse. J'enlève la chemise d'atelier et la jette sur le lit avant de m'affaler. Je n'ai aucune idée du moment où j'ai commencé à me sentir comme ça. Pour la petite histoire, peu importe à quel point nos disputes sont terribles et peu importe à quel point Pran est en colère ou malheureux, j'ai toujours été son numéro un lorsque nous étions seuls. Quelque chose a grandi dans mon cœur, sans jamais être exprimé. Pas besoin de laisser quelqu'un le savoir. Maintenant que la place que j'occupe n'est plus sûre, le sentiment réprimé menace de jaillir.

— Pat, je sais que tu veux être seul, mais tu peux m'appeler si tu as besoin de quelque chose.

— Je vais aller prendre un verre avec Gon.

Par acquiesce et disparaît dans sa chambre, me laissant tomber plus profondément dans ce sentiment de solitude bouleversant.

Je n'ai jamais pensé au jour où Pran mettrait quelqu'un comme numéro un à ma place. Maintenant que j'ai été traité si froidement, j'ai l'impression que le ciel me tombe sur la tête.

Je suis le seul à développer ces sentiments.



La chaleur s'est évaporée après m'être enivré, pas trop bourré mais plutôt ivre.

Je ne sais pas vraiment si Jor l'a dit à Nat ou si elle attendait déjà à notre bar habituel. Eh bien, ce n'est pas aussi important que l'endroit où nous avons fini. Je ne pouvais pas dormir et j'ai passé toute la nuit à essayer d'arrêter de trop penser.

Pourquoi est-ce que je tiens tant à Pran ?

— Pat, tu pars déjà ? Il est encore tôt.

Je suis arrêté par la voix d'une fille alors que j'enfile mon pantalon. Il était sur le sol avec un soutien-gorge à côté du lit. Je suis maintenant dans un appartement cossu assez éloigné de l'université. La lumière a été éteinte il y a quelques instants après que Nat s’est endormie d'épuisement. N'interrompant pas son sommeil, je me suis guidé avec la lumière à travers les rideaux et me suis habillé. Comme je retournais ma chemise blanche, une boîte de préservatifs est tombée sur le sol et l'a peut-être réveillée.

— Tu as cours ?

— Non. Je dois me dépêcher de rentrer. Ma sœur m'attend.

— Hey, tu es un adulte. Pourquoi est-elle si inquiète pour toi ? Tu ne peux pas me câliner un peu avant de trouver quelque chose à manger ensemble ?

Je ne donne pas de réponse, boutonnant ma chemise. Nat se lève du matelas, nue, et enroule ses bras autour de moi par derrière avec douceur.

— S'il te plaît.

— Tu n'es pas fatiguée ? Repose-toi un peu.

— Je le suis, terriblement, mais je suis prêt à le faire si tu veux un autre round. Reste un peu plus longtemps. C'est si difficile de te joindre.

— Allez, Nat, je grogne alors que Nat touche mon torse avec ses ongles.

Elle déboutonne ma chemise, pose son menton sur mon épaule, et embrasse doucement mon cou.

— Quelle cruauté.

— Je t'appellerai.

— Tu dis toujours ça. Tu as promis de me voir et tu as disparu.

— Ne cherche pas à te disputer, Nat. C'était ce que nous voulions tous les deux. Je ne l'aurais pas fait si tu m'avais dit de ne pas le faire, j'explique et allume une cigarette.

Nat retire ses mains et s'assied sur le lit, vexée.

— Donc, c'est ça.

— Nat... Ok, si tu as besoin d'excuses, je suis désolé.

— Ne plaisante pas avec moi, Pat.

— Et si on se retrouvait ? C'est d'accord ?

Voyant son expression de colère, je parle plus doucement et reboutonne ma chemise. J'embrasse sa joue pour la calmer.

— Je veux juste que tu te reposes.

Et j'ai aussi besoin de me reposer.

La propriétaire de la chambre soupire et me laisse enfin partir. J'attrape mon téléphone déchargé et mon portefeuille et je prends un taxi. J'ai les yeux fermés sur le chemin du retour, et j'arrive à destination au bout d'un moment. Je répète ma routine : j'appuie sur le bouton de l'ascenseur, je regarde les chiffres qui changent au-dessus de moi et je déverrouille la porte. Par est probablement à l'université en ce moment. Cependant, lorsque la porte est déverrouillée, elle est ouverte de l'intérieur.

— Où étais-tu, Pat ?!

Par est toujours dans les mêmes vêtements qu'hier soir, les yeux cernés comme si elle n'avait pas fermé l'œil. Sa voix est dure et rauque.

— Je n'ai pas pu te joindre, ni tes amis. Sais-tu à quel point je suis inquiète ?

— Par, calme-toi. Je suis désolé.

Elle me frappe de toutes ses forces avant de fondre en larmes et de me serrer dans ses bras. Par n'est habituellement pas aussi émotive, et je sais pourquoi. Elle croit que ma dispute avec Pran est assez grave. Même si je n'ai jamais dit un mot, Par comprend l'importance de Pran pour moi.

C'est pourquoi ma disparition l'a inquiétée au point qu'elle m'a attendu toute la nuit.

— Qu'est-ce que c'est ? demande Par, en s'éloignant lentement.

Je reste immobile, ne sachant pas ce qu'elle veut dire. Son expression devient sévère. Elle me pousse le torse et se dirige vers sa chambre, et je fais un pas rapide pour lui saisir le bras. Nous ne nous préoccupons pas de la porte non fermée.

— Par, qu'est-ce qui te contrarie maintenant ? Je suis désolé. J'étais bourré, alors j'ai squatté chez Gon.

— Tu as aussi fait l'amour avec Gon ?

— Tu es folle ?

— Alors c'est quoi cette marque sur ton cou ?! Tu es célibataire. Ne me dis pas que tu étais si stressé que tu t'es fait avoir. Qui était cette fille ?!

— Par, détends-toi. Je suis un adulte, tu sais.

— Donne-moi son nom. Je ne te laisserai pas batifoler avec n'importe qui. Tu es trop stupide.

— Par.

— Ne m'oblige pas à arracher la réponse à Gon.

— C'est Nat.

J'avoue pour mettre fin à cette dispute. Mais au lieu de régler cette histoire pour de bon, Par a l'air encore plus furieuse.

— C'est Nat de Sciences, la cheerleader ?

— Ouais.

— Qu'est-ce que tu as fait, Pat ?! Tu ne sais pas comment elle est ? Tu t'es protégé ? Je ne serai pas surpris qu'elle se laisse mettre enceinte pour te piéger. Et tu es bientôt diplômé. Tu es fou ?

— Par, tu réfléchis trop. Oublie ça. J'ai utilisé une protection, alors arrête de me harceler. Je me suis juste défoulé.

— Tu vas avoir des problèmes plus sérieux. Ne la fréquente plus. Donne-moi ton téléphone.

— Mon téléphone est mort.

— Donne-le !

Je tends mon téléphone à ma sœur. Par est particulièrement en colère car elle manque de sommeil, alors je cède. Je laisse mon téléphone à Par et je retourne fermer la porte. Mais je trouve alors quelqu'un figé à l'entrée. Il est si près qu'il a dû entendre chaque mot de ma dispute avec Par. Mon cœur se serre, mais une autre partie de moi me dit que je n'ai pas à m'en soucier.

Pran croise mon regard, ses lèvres ne se courbent ni en haut ni en bas, totalement sans expression. Il me fixe un instant et me regarde comme si je n'existais pas. Je ferme la porte, entre dans ma chambre, m'allonge sur le lit et essaie de dormir. Ce doit être parce que Nong Nao n'est pas à mes côtés. Même si je n'ai pas dormi depuis presque vingt-quatre heures, je n'arrive pas à m'endormir.



Comme il n'y avait aucune chance que je m'endorme, je suis venu à l'université pour assister au cours avant midi. Je n'ai pas apporté mon téléphone et j'ai laissé Par dormir. Gon me repère et sourit tandis que Jor a l'air troublé.

— Comment ça va ? Regarde tes yeux cernés. Combien de rounds la nuit dernière ?

— Idiot.

— Eh bien, tu n'as eu de liaison avec personne pendant longtemps. Ça fait une éternité. Je ne me souviens pas de la dernière fois où tu l'as fait.

Gon est toujours en train de blablater. Je me racle la gorge et il continue.

— Je pensais que tu séchais les cours.

— Je n'arrivais pas à dormir.

— Eh bien, tu as dépensé toute ton énergie la nuit dernière.

— Par m'a grondé ce matin.

Gon se tait en entendant ça. Nous savons tous que je me dégonfle dès que Par est fâchée, même si le problème est insignifiant. Heureusement, Par est rarement en colère sans raison valable.

— Je le savais, commente Jor.

J'acquiesce simplement, sans donner de détails sur la situation. Je sors mon ordinateur portable de mon sac à dos et travaille sur mon projet en attendant le professeur.

— Pat, Nontachai nous a appelés pour nous demander ce qui s'est passé hier.

— Hmm ? Qu'est-ce qu'il y a eu hier ?

— Il voulait te voir si jamais tu te pointais. C'est à propos de la bagarre avec le groupe d'architecture. Si ça se reproduit, on sera tous mis en sursis. Comme nous allons bientôt être diplômés, il ne veut pas que nous causions des problèmes, surtout toi, conclut mon meilleur ami, le visage sévère.

Gon arrête de plaisanter cette fois, aussi inquiet que nous.

— Il a toujours pensé que nous nous battions comme des enfants, alors il a laissé passer. Mais hier, il a entendu dire que tu y étais vraiment allé fort.

— J'irai le voir après les cours.

— Il te dira sûrement de ne pas inculquer la haine envers les autres facultés aux juniors.

— C'est vrai ? je marmonne.

Si les choses ne s'étaient pas passées ainsi, j'aurais pu me comporter comme un amoureux avec Pran, un exemple pour les juniors comme le veut le chef de la faculté.

Je soupire.

Pran ne m'a jamais détesté, mais il doit me détester maintenant que j'ai touché à son ami.



Pran a été dans mes pensées pendant plus de quarante-huit heures. Je vois Nontachai comme l'a dit Jor, j'écoute la leçon de morale prévisible, et je promets que cela ne se reproduira pas. J'ai été prévenu d'innombrables fois. Mes seniors m'ont enfoncé dans la tête pendant quatre ans que ces deux facultés ne pourraient jamais être en bons termes. Cela reflète la rivalité entre ma famille et celle de Pran, dont je ne connaissais pas exactement la cause. Dans ce genre d'environnement, la haine s'est transmise de génération en génération, elle a commencé il y a longtemps sans qu'on puisse en déterminer l'origine. Elle a pu commencer au moment même où les facultés ont été fondées. Les professeurs sont au courant et nous mettent en garde autant qu'ils le peuvent. Certains pensent que c'est ridicule, mais les aînés ne sont pas de cet avis, tout comme le système de bizutage.

Je pousse un soupir, assis à la table commune dans le hall depuis dix-sept heures. Pran n'est pas rentré, et je ne pourrai pas dormir sans faire un câlin à Nong Nao. S'il n'est pas à mes côtés, au moins l'odeur de Pran me mettra à l'aise. C'est pourquoi je l'attends en travaillant sur mon projet avec le réseau Wi-Fi mis à disposition ici.

Maintenant que je suis seul, je ne peux m'empêcher de penser que j'ai causé beaucoup de problèmes aux gens qui m'entourent.

Pran revient vers dix-huit heures. Il me remarque et détourne le regard. Je fais semblant de me concentrer sur mon projet, sans le suivre immédiatement. Quand l'ascenseur revient, je le prends pour monter à l'étage. Je pose mon ordinateur portable dans ma chambre et je récupère les plats à emporter que j'ai achetés pour Pran et Par.

Je frappe à sa porte avec mes poings, et le propriétaire de la chambre m'ouvre dans la minute qui suit. Pran me jette toujours un regard indifférent comme avant.

— Quoi ?

— Nong Nao.

Il se retourne pour récupérer mon lapin sans m'inviter à entrer. Quand j'ai réussi à récupérer mes affaires, nous restons tous les deux silencieux. Finalement, Pran parle le premier.

— La fille avec qui tu as couché la nuit dernière.

Ses yeux aiguisés sont fixés sur le suçon violet sur mon cou, trop sombre pour être effacé ou couvert. Nat a laissé l'évidence exprès comme preuve de ce qui s'est passé la nuit dernière.

— Ce n'est pas une fille avec qui tu devrais jouer.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ? C'est toi qui laisse cet enculé s'accrocher à toi.

— Tu n'as toujours pas compris que ce que tu as fait était mal ?

— Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Tu ne veux pas que je couche avec n'importe quelle fille, hein ? Si tu ne peux pas le faire toi-même, ne va pas empêcher les autres de le faire.

— Pat, Wai est mon ami.

— Nat est également mon amie. Les amis peuvent baiser. Il n'y a rien d'étrange. Tu peux baiser ce fils de pute aussi.

— Ne me cherche pas. Je ne suis pas d'humeur à me battre.

— Qui t'a dit de mettre ton nez dans mes affaires d'abord ? Je peux coucher avec qui je veux. Et tu peux nourrir qui tu veux avec de la glace.

— Si ta sœur ne braillait pas comme ça, je ne perdrais pas mon temps à en parler. Je n'ai aucun intérêt dans ton bordel de merde.

— Oh, tu veux dire que tu abaisses ta fierté pour me prévenir parce que Par t'a demandé de m'engueuler ? Wow, je dois m'agenouiller et te remercier ?

— Pat, connard !

Il m'arrache le col et je le repousse rapidement. Il se débat et tombe contre la porte. Je m'approche et le bloque avec mes bras.

— Quoi ? Tu vas me frapper ?

— Oui, pourquoi pas ? Tu m'as frappé en premier. Stop ! Ne te penche pas plus près !

— De quoi as-tu peur, bordel ? Tu n'avais pas peur quand tu as mis ton nez dans mes affaires. Tu as peur de recevoir un autre coup ?

Je fais un sourire, un sourire différent cette fois. Pran pousse ma poitrine encore et encore, mais les mains qu'il utilise pour tenir le cutter et les modèles de maison ne peuvent pas faire grand-chose. Il est faible, putain. Pourquoi ne connaîtrais-je pas sa force alors que nous nous sommes tant battus auparavant ? Je me rapproche encore plus et soulève son menton avec une de mes mains.

— Tu sais qu'à part les coups de poing, je peux te punir avec une autre méthode si tu es trop vilain ?

À cette seconde, je fais ce que je désire. Je presse ma bouche sur les lèvres que je lorgne depuis toujours, l'embrassant sans me soucier de sa tentative désespérée de résister. Je mords sa lèvre comme je le veux. Je bloque son cou et l'embrasse à pleine bouche avant de me reculer.

Je le regarde tranquillement. La nourriture et Nong Nao sont sur le sol. Pran tremble de colère, son visage rougit. Cette vue me fait sourire.

— Demande-toi encore une fois. Tu m'as mis en garde sur la façon dont j'ai couché avec d'autres parce que Par te l'a demandé ou... tu es jaloux... ?


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Ven 6 Sep 2024 - 18:27



Scène Neuf
Pran
J'admets que j'ai été en colère contre Pat pendant des jours, tellement en colère que je ne voulais même pas entrevoir son visage. En plus, j'étais en colère contre moi-même parce que je ne pouvais pas contrôler mes émotions et mes paroles. J'avais juste besoin d'un peu de temps seul pour mettre de l'ordre dans mon esprit, sachant que j'étais déraisonnable.

Je lui en voulais et je pensais à lui de façon négative. Je devrais au moins me calmer pour ne pas laisser mes émotions prendre le dessus et finir par être blessé comme l'autre jour.

Mais à en juger par ses actions en ce moment, ce chien fou ne comprend rien.

Mon cou est bloqué et tiré vers l'avant. Les lèvres de Pat s'écrasent contre les miennes avec tant d'agressivité que mes yeux s'écarquillent. Je peux sentir ses dents pointues mordre ma lèvre inférieure. La force fait mal à ma joue meurtrie. J'essaie de me libérer, mais il utilise sa force surprenante pour me maintenir en place avec seulement deux bras. Depuis combien de temps ne l'ai-je pas combattu sérieusement ? Je suis incroyablement exaspéré.

À la seconde où il se retire, ses mots déclenchent presque mes larmes de colère.

— Demande-toi encore une fois. Tu m'as mis en garde sur la façon dont j'ai couché avec d'autres parce que Par te l'a demandé ou... tu es jaloux... ?

Son sourire en coin est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

PAF !!

Je frappe sa mâchoire avec mon poing sans me retenir et lui donne un coup de pied dans le ventre. Ça l'envoie voler vers la porte.

— Fous-moi la paix, Pat !

BANG !!

La porte est claquée, faisant trembler le plafond. Quelques bouteilles sur l'étagère près de la porte se renversent et tombent sur le sol. Les couvercles tombent et le liquide à l'intérieur se répand, aussi bordélique que mon esprit. Je sens l'élancement de ma lèvre inférieure. Je lèche mes lèvres gonflées et fronce les sourcils.

PAF !

— Putain !!!

Je claque le mur avec mon poing et j'émets un juron avant de m'effondrer sur le sol. J'appuie mon dos contre la porte et regarde le plafond, mes yeux sont chauds, mais aucune larme ne coule.

Pat m'a embrassé... C'était quoi ce bordel ?



Après avoir soumis le modèle d'étude et que mon sujet de thèse a été approuvé avec la signature du conseiller, je procède à la planification de mon calendrier de projet pour rattraper la présentation suivante. Le temps passe vite et ceux dont le sujet n'a pas été approuvé sont occupés à rencontrer leurs conseillers. Ke et Golf sont introuvables depuis des jours. La dernière fois que je les ai vus, c'était il y a deux jours. Leurs plans n'arrêtaient pas d'être rejetés, ils ont donc dû appeler leurs aînés pour demander de nouveaux plans.

Nous avons une longue période libre ces jours-ci car la thèse représente un total de dix crédits. Nous passons principalement du temps à y travailler et nous faisons correspondre notre temps libre avec le conseiller pour l'évaluation. Aujourd'hui, je suis à la bibliothèque depuis le début de l'après-midi.

— Pran ! Tu es là.

En levant les yeux, je vois Wai qui sourit au loin.

— Tu as fini avec l'évaluation du sujet ?

Il hoche la tête, rayonnant.

— Ouaip.

— Sourire comme ça, ça doit être de bonnes nouvelles.

— Oui, il a finalement été approuvé. Mes genoux ont failli se dérober, dit Wai en s'asseyant à côté de moi.

Je lui renvoie un sourire et continue à lire.

— Pran...

— Hum.

— Tu as des problèmes avec le projet ?

— Non.

Je quitte des yeux l'épais livre rempli de tailles de corps humains comparées à des objets avec des descriptions en anglais, et je le regarde.

— Pourquoi ?

Wai me fait un sourire penaud. La plupart des blessures sur son visage ont guéri, mais le coin de sa bouche est encore meurtri. Les blessures commencent à former des croûtes. La gaze sur sa pommette a été remplacée par un petit bandage il y a quelques jours.

— Les autres gars ont peur de toi. Tu émets cette aura mortelle depuis peu.

— ... Je vais bien.

— C'est comme ça depuis plusieurs jours maintenant. Tu peux me dire ce qui s'est passé.

— Ce n'est rien. Je vais bien... Je m'ennuie juste.

— De quoi tu t'ennuies ? Ce n'est peut-être pas à propos de ça, et je ne suis pas sûr que ce soit seulement dans ma tête. Je veux dire, tu agis bizarrement depuis le jour où j'ai eu cette grosse dispute.

Je me raidis, me rappelant que Pat s'est déchaîné sur mon ami, que je l'ai arrêté et que j'ai reçu un coup dans la joue, que nous nous sommes sérieusement battus, que nous nous sommes regardés, que nous nous sommes ignorés et que nous sommes partis chacun de notre côté sans échanger de sourire ni de regard.

Et cet incident absurde d'il y a trois jours...

— Je m'ennuie juste... j'en ai marre de me battre.

— Pran.

Je me demande si mon expression est si terrible pour que la voix de Wai s'adoucit comme ça.

— Je suis désolé.

— A propos de quoi ?

Je jette un coup d'œil à son expression coupable et je ris.

— Pourquoi as-tu ce regard coupable sur ton visage ?

La personne qui devrait s'excuser... ne se sent même pas coupable.

— J'ai été impulsif.

— Je ne suis pas en colère contre toi. Ce n'est la faute de personne. dis-je en penchant la tête puis je ferme le livre. Mais j'en ai vraiment marre de me battre.

— Je sais.

Je hoche la tête, indiquant que je ne veux plus en parler, et rouvre le livre.

— Tu veux aller boire un verre ce soir ?

Tu n'as pas entendu un mot de ce que j'ai dit ?

— On se bat toujours quand on boit.

— Allez, détendons-nous puisque nos sujets ont été acceptés. Nous allons travailler jour et nuit à partir de maintenant. Pourquoi ne pas s'amuser une dernière fois ? demande-t-il en souriant. Je promets de ne pas causer de problèmes.

— Comme si je pouvais t'en empêcher.

— Je te prouverai que je ne suis plus impulsif.

— ... Si tu le dis.



Nous nous séparons devant mon immeuble, en convenant de nous retrouver ici à sept heures et demie. Je porte les rouleaux de mes plans et les livres empruntés à l'étage en prenant l'ascenseur. Comme j'arrive à ma chambre, Par ouvre sa porte.

— Oh, Pran.

Elle me salue d'une voix douce, en souriant. Son sourire est si adorable, contrairement au sourire agaçant de son frère.

Je lui souris en retour.

— Tu sèches les cours ?

— Je n'ai pas de cours l'après-midi aujourd'hui. Je suis ici pour récupérer mes affaires. Je vais voir un film avec mes amis le soir.

— Comment vas-tu y aller ?

— En taxi, répond-elle en verrouillant la porte. Je retrouve mes amis dans le hall.

— Tu veux que je te dépose ?

— C'est bon. Pas la peine, refuse Par en agitant rapidement les mains.

Par est toujours mignonne avec moi. Je ne l'imagine pas du tout croisant les bras et grondant Pat comme une mère tigresse. Elle a été gentille et polie avec moi tout ce temps. C'est peut-être à cause de l'incident de la noyade quand nous étions enfants. J'ai l'impression qu'elle est ma sœur, et qu'elle me considère aussi comme son frère.

— Sois prudente.

— Pran.

— Oui ?

Je lève un sourcil. Son doux sourire s'efface, remplacé par une expression inquiète.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu ne t'es toujours pas réconcilié avec Pat ?

— ...

— Tu es vraiment en colère contre lui ?

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre et baisse le regard.

— Pat a passé les nuits chez nous, mais il est rentré tard et s'est saoulé tous les jours. Il est resté silencieux même quand je me suis plainte... Il ne se ressemble plus du tout, raconte Par, la voix remplie de stress.

Pat a-t-il la moindre idée que sa sœur bien-aimée se sent préoccupée à cause de lui ?

— Je suis inquiète pour Pat.

Je ne parle toujours pas, ne sachant pas quoi dire, incapable de trouver des mots réconfortants. C'est parce que ce n'est pas le problème de quelqu'un d'autre. J'y ai aussi ma part de responsabilité.

— Je sais que Pat est désinvolte, minable, égocentrique, narcissique et qu'il ne fait que te causer des problèmes.

Wow... sa sœur est meilleure que moi dans la critique.

— Mais pour Pat... tu es vraiment important.

Mon cœur palpite avec ce sentiment inexplicablement bizarre. Mon cœur bat plus vite, ce qui m'irrite. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai croisé le regard de Pat. J'ai fait demi-tour chaque fois que nous nous sommes croisés ces derniers jours. Je suis entré dans ma chambre aussi vite que possible lorsque nous nous sommes croisés devant les portes, sans risquer de m'approcher de lui. On peut dire que j'ai évité Pat. Je ne suis pas encore prêt à en parler.

— J'ai compris. Profite du film et prends soin de toi. Ne rentre pas tard.

— C'est parce que tu es aussi gentil que ça.

La voix de Par se fait plus enthousiaste. Son sourire revient.

— Je suis en colère chaque fois que mon frère t'énerve.

— Je n'ai pas de snacks pour toi après tous ces compliments.

— Je ne veux pas de snacks. Ça va me faire grossir.

Je regarde la taille de Par, si petite que je pourrais l'envelopper avec le bout de mon doigt.

— Je veux seulement que tu pardonnes à Pat.

J'ébouriffe ses cheveux et lui adresse un sourire réconfortant.

— Va voir ton film. Tes amis t'attendent.

— A plus tard, alors.

J'acquiesce, la regarde jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans l'ascenseur, et entre dans ma chambre.

Je déboutonne ma chemise et la jette dans le panier à linge, puis j'enlève la ceinture avant de m'allonger sur le canapé, les bras sous la tête.

Pat et moi avons grandi ensemble. Nous avons traversé beaucoup de choses. Même si je n'ai jamais voulu lui dire quoi que ce soit, nous avons fini par être chacun celui qui connaît le mieux l’autre. Pat a été la première personne à découvrir ma profession préférée, et je savais dans quelle université il souhaitait s'inscrire. Nos décisions se sont souvent avérées similaires, ce qui a conduit à la dispute sur qui a copié qui. Nous nous connaissons si bien que nous pouvons dire ce que pense l'autre en croisant son regard. Nous comprenons les sentiments de l'autre sans avoir à les exprimer clairement. Nous nous détestons, nous nous battons et nous nous en prenons l'un à l'autre, et pourtant nous sommes les dernières ressources de l'autre.

Il m'est arrivé de regarder le visage de Pat en soignant ses blessures et de me demander ce qu'il représentait pour moi.

Nous ne sommes pas des meilleurs amis qui sommes rattachés par les hanches ou qui allons partout ensemble. Nous ne pouvons pas traîner ensemble librement. Malgré tout, nous ne sommes pas en mauvais termes.

Pour la petite histoire, j'ai une fois pris un repas avec Pat. C'était au milieu de la nuit et l'endroit était suffisamment éloigné pour que nous ne rencontrions aucune de nos connaissances. Notre relation est inexplicablement étrange. Avec le temps, les sentiments compliqués sont devenus quelque chose d'habituel... Nous avons l'habitude de nous côtoyer et de nous chamailler sans jamais avoir de rancune.

Je regarde par la fenêtre, j'observe les nuages qui flottent dans le ciel et je laisse mes pensées s'envoler avec eux.



— C'est plutôt bondé, dis-je après avoir balayé la salle du regard et n'avoir trouvé aucune table libre.

— C'est de ta faute. Tu avais une demi-heure de retard.

— Je me suis endormi. Désolé.

— Voilà une table vide.

Wai indique le coin du bar. Il y a une petite table avec pas moins de quatre sièges. Il tire mon bras pour s'y rendre. Nous nous installons et appelons le serveur pour commander nos plats habituels. La nourriture et les boissons sont servies en un rien de temps. Wai et moi mélangeons nos propres boissons et faisons tinter les verres.

Nous avons l'habitude de traîner au bar en grand groupe. Nous nous amusons et prenons du bon temps comme n'importe quels autres gars. Mais si nous buvons tous les deux seuls sans inviter quelqu'un d'autre, cela signifie que nous souhaitons libérer nos esprits de tout.

Wai entame une conversation de temps en temps, pas tout le temps. Il m'accorde des moments de calme avec moi-même et fait tinter son verre avec le mien, de temps en temps, comme pour me faire savoir qu'il est toujours là. Au bar, en plus de boire, les filles sont l'une des choses que les gens viennent chercher. Je n'ai aucun intérêt dans ce domaine, cependant. Peut-être que je suis trop difficile et que je n'ai jamais eu envie d'être dans une relation avec quelqu'un.

On peut dire que je n'ai pas trouvé quelqu'un qui m'intrigue suffisamment.

Des filles ont bien essayé de m'approcher, mais elles ont tourné leur attention vers mes amis immédiatement après avoir senti mon rejet silencieux. Contrairement à moi, Pat est amical, pas dragueur, mais pas inaccessible.

Pour dire les choses simplement, les qualités de Pat sont l'exact opposé des miennes.

Ma main se fige dans l'air avant que je puisse prendre une autre gorgée, alors que mon regard se pose sur la personne à laquelle je viens de penser. Je ne sais pas depuis combien de temps Pat me regarde fixement de là où il est.

Vous voyez... ? J'ai beau essayer de l'éviter, ce monde étrange continue à nous faire nous rencontrer.

A côté de Pat se trouve une jolie fille. Elle se blottit contre lui. Si je ne me trompe pas, c'est la fille dont Par m'a parlé il y a quelques jours. C'est Nat, la cheerleader de la faculté des sciences. Beaucoup m'ont dit que cette fille est dangereuse: elle ne lâche jamais ses cibles.

Je secoue la tête, en plaignant l'idiot qui s'est fait piéger une fois et a perdu plus de cent mille dollars pour une fille. Pat n'a jamais été assez intelligent pour se protéger.

Ces yeux féroces sont fixés sur moi tandis que sa main caresse sa taille fine. Pat se penche jusqu'à ce que son nez touche la tête de la fille à côté de lui. Nat glousse et s'accroche à lui plus étroitement, montant presque sur ses genoux. Sa main trace sa poitrine et son cou. Je détourne mon regard vers Wai alors qu'ils sont si près de déchirer les vêtements de l'autre et de ne faire qu'un.

— Tu vas bien ? demande Wai en se penchant un peu pour me regarder dans les yeux.

— Ouais.

— Tu n'as pas l'air bien. Tu as dû trop boire, observe Wai en me retirant mon verre.

Je ne savais pas que j'en avais bu beaucoup.

— Hum, je marmonne et me masse les tempes. Je suis fatigué.

— Tu vas bien ? On devrait partir ?

— Tu peux continuer à boire.

— Comment le pourrais-je ? Tu devrais te regarder dans un miroir. Tu as le visage rouge comme une écrevisse.

Je force un sourire, j'ai la tête lourde. Je dois avoir de la fièvre. L'oppression dans ma poitrine s'intensifie comme si j'étais allergique à l'alcool.

— Allons-y. Je te ramène chez toi.

Je hoche la tête. Wai s'occupe de l'addition avant que nous quittions tous les deux le bar, et je ne me retourne plus vers ce type.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:27



Scène Dix
Pat
Il est parti !

En toute honnêteté, je ne savais pas que Pran serait ici, surtout seul avec ce singe. Il sait. Il sait où je vais pour évacuer mon stress et me bourrer la gueule avant de rentrer à la maison. Aujourd'hui n'est pas différent. Je suis allé en cours et je suis venu au bar pour traîner avec Gon et les gars. Nat est arrivée ici à l'avance pour m'attendre car elle n'avait pas pu me contacter pendant des jours. Ce n'est pas une surprise. Comment pouvait-elle me joindre après que ma sœur l'a bloquée sur toutes les plateformes ? Nat ne voulait pas rabaisser sa fierté et emprunter le téléphone de quelqu'un pour me contacter, alors elle a agi comme si nous nous étions rencontrés par hasard.

Je sais tout. Pourquoi tout le monde pense que je suis stupide ? J'ai fait une erreur une fois et je ne ferai plus jamais confiance aux autres facilement. Jouer avec les filles ne signifie pas que je ne peux pas deviner leurs véritables intentions. Je le fais juste pour vérifier ma popularité. Je ne me laisserai pas prendre. La personne que j'aimerais voir essayer de m'attraper s'est levée et est partie avec ce punk à la mine boudeuse. Il n'avait pas l'air très bien et son visage était tout rouge. Ce type l'a rendu ivre ?

— Pat, où vas-tu ?

Je laisse l'argent sur la table et pose un verre dessus. Nat s'accroche à mon bras alors que je me lève. Jor et les gars nous regardent, mais personne n'essaie d'arrêter la dispute.

— Je m'en vais. J'ai un truc à faire.

— Quel truc ? Tu t'enfuis encore ?

— Laisse-moi tranquille, Nat.

— Comment je pourrais faire ça quand...

— Nat, coucher ensemble une fois ne signifie pas que nous sortons ensemble. C'est ce que toi et moi voulions. Je ne joue pas avec toi ou quoi que ce soit, murmuré-je à travers mes dents serrées, en retirant ses mains de mon bras.

Je comprends maintenant ce que Par voulait dire quand elle a dit que j'aurais des problèmes plus sérieux.

— Tu sais bien que certaines personnes séparent le sexe et l'amour. Je suis l'une d'entre elles. Je crois que tu l'es aussi.

— Mais de quoi tu parles, Pat ?

— Que veux-tu que je fasse puisqu'on ne peut pas sortir ensemble ?

Je soupire et me fraye un chemin hors du bar. Nat me suit sur ses talons hauts, trottinant à travers la foule. Elle saisit mon bras à nouveau. Merde ! Cela devient ennuyeux.

— Tu ne peux pas faire ça, Pat. Les gens pensent qu'on sort ensemble. Comment peux-tu dire que tu n'as pas de sentiments pour moi alors que les gens se méprennent déjà sur notre relation ?

— Nat, j'ai un secret que je veux que tu sois la première personne à connaître, grogné-je en retirant mon bras de sa prise.

C'est sans espoir de rattraper Pran maintenant. Je me sens mal à l'aise, mais je dois mettre un terme à cette affaire.

— Je pense que je suis peut-être gay. J'avais le cœur brisé et j'étais stressé, et tu es arrivée. Le sexe cette nuit-là était génial. C'était incroyable, mais ça n'a pas pu m'empêcher de tomber amoureux de cet homme. Je peux coucher avec des filles, mais je ne peux pas effacer mes sentiments pour cet homme. Je suis désolé.

Nat laisse finalement tomber ses mains. Ses lèvres rouges s'écartent maladroitement après que j'ai fini de parler. Mes yeux, mon comportement, tout lui montre que ce n'est pas une excuse. C'est la vérité.

— Maintenant, c'est ton choix de sortir avec moi jusqu'à ce que les gens découvrent que je suis gay et de rompre avec moi ensuite. Choisis la meilleure option pour toi.

— Pat ! Espèce d’enfoiré !

— Je suis désolé. Je ne peux rien dire de plus. Je ne peux pas changer ce qui s'est passé. Tu vas me laisser partir maintenant ?

Ses lèvres sont serrées. Nat me gifle le visage aussi fort qu'une fille le peut, mais ça ne suffit pas à me faire rester pour entendre sa réponse à la question récente. Les cris et les jurons ne servent à rien pour m'arrêter non plus. J'ai déjà perdu trop de temps, et je dois récupérer Pran avant que cet enfoiré ne me le prenne pour de bon.



Heureusement, je trouve rapidement un taxi. En chemin, j'essaie d'appeler Pran plusieurs fois, inquiet pour sa sécurité. Est-il conscient ? Bien qu'il sache se battre et qu'il ait assez de force pour frapper les gens, je ne suis toujours pas à l'aise. Ce voyou est faible, mais comparé à lui, Pran est tellement plus vulnérable. De plus, quand on est envahi par la luxure, on peut être impulsif. Pran pourrait même ne pas donner son consentement.

Merde. Dans d'autres circonstances, si Pran et moi avions été en bons termes, je n'aurais pas été aussi anxieux. Eh bien, il m'a frappé assez fort quand je l'ai embrassé. Il pourrait être dégoûté par les hommes.

Ça veut dire qu'il est aussi dégoûté par moi ?

Pour l'amour de Dieu. Et alors quoi si Pran est dégoûté par moi ? Je vais le faire tomber amoureux de moi de la même façon qu'il l'a fait avec moi. Honnêtement, mon esprit n'a jamais été aussi confus. J'avais l'habitude d'être confiant dans tout ce que je faisais. Mais quand il s'agit des sentiments de Pran, je suis complètement troublé.

Si Pran essaie juste de se venger de moi de la même manière que j'ai câliné Nat, mon cœur me fait mal juste en pensant à ça.

L'ascenseur monte plus lentement que d'habitude. Ma tête est sur le point d'exploser au moment où j'atteins mon étage. La porte de l'ascenseur s'ouvre, et je vois ce punk pâle debout devant la chambre de Pran, une main sur le mur. Pran croise les bras, s'appuyant à l'encadrement de la porte. Les yeux sombres du gars à la peau rougie se tournent vers moi. Au moment où il me voit, il fait un pas en avant et pousse son putain de cher ami derrière.

— Pat !

— Combien de temps vas-tu le protéger ?

— Tu ne t'es toujours pas remis de cette bagarre ? Tu en veux plus ?

— Wai, ne te bats pas avec lui.

Pran prévient son ami et se tourne vers moi.

Quel est son nom déjà ? Mauviette ? Je n'ai pas vraiment compris.

— Pourquoi tu n'es pas avec ta copine ?

— Demande à cette mauviette pourquoi il a essayé de se battre avec moi s'il en a marre.

— C'est toi qui cherches la bagarre, pas moi.

— Bien, je vais te mettre en pièces. Tu as un problème ?

— Pat ! Reprends tes esprits !

— Je vais te parler, mais laisse tomber pour l'instant. Je ne me battrai pas contre toi, Pran.

— Tu es venu pour embêter mon ami juste devant sa porte. Tu crois que tu peux te pointer seul et agir comme tu veux ?

Ugh, putain de mauviette. Il écarte Pran du chemin, en se montrant arrogant, alors qu'il ne sait rien du tout.

— Tu veux régler ça une fois pour toutes ? Et arrête de t'en prendre à Pran.

— Si tu veux me parler, laisse Wai tranquille.

— Dis à ce singe de s'en aller.

— Je ne pars pas !

— C'est bon, Wai. Il ne me fera pas de mal.

— Mais...

— Tu veux finir à l'hôpital ? Tu es vraiment prêt à combattre ce chien fou ? Je t'ai dit que je ne voulais pas davantage de problèmes. Tu as ton projet à terminer. Ne perds pas ton temps avec un type comme lui. Je vais m'occuper de lui moi-même.

— Pran.

— Tu n'as pas compris ce que j'ai dit ?! crie Pran, ce qui est rare.

Sa voix grave se répercute. Cela signifie que le singe n'a pas d'autre choix que de céder. Il me regarde, sans vouloir reculer, et fait un rapide signe de tête au propriétaire de la chambre.

— Appelle-moi si quelque chose arrive. Je vais attendre en bas.

— Rentre chez toi. Ne t'inquiète pas pour moi. Il ne me fera pas de mal.

— Je veux juste avoir une discussion à cœur ouvert.

Un sourire triomphant apparaît sur mon visage tandis que l'autre type semble vexé. L'ami de Pran passe devant moi et me cogne intentionnellement l'épaule. Je n'en ai rien à faire. Plus vite il part, mieux c'est. Une fois la porte de l'ascenseur fermée, Pran ouvre la porte pour que nous puissions parler à l'intérieur.

— Dis ce que tu as à dire.

— Tu es ivre ?

— Non.

— Ton visage est si rouge.

Je touche sa joue, et Pran repousse ma main comme si elle l’avait brûlée.

— Ne me touche pas. Retourne avec ta copine.

— Tu m'as dit de ne pas fréquenter Nat l'autre jour. Pourquoi tu me chasses maintenant ?

— Tu avais l'air heureux. Je ne pensais pas que tu partirais si tôt.

Je n'ai jamais vu Pran agir de façon aussi méprisante. Il croise les bras et lève son menton, refusant de me regarder. Quand je m'approche, il recule d'un pas las.

— Je suis désolé. Tu es toujours en colère pour le baiser ?

— Huh, une personne comme toi pourrait même embrasser un chien. Ça ne veut rien dire pour moi.

— Hé, la façon dont tu agis ressemble à une femme qui s'énerve parce que son mari la trompe.

— Je ne suis pas énervé ! Dis juste ce que tu as à dire. Tu me fais perdre mon temps. Et arrête de plaisanter.

— Sérieusement, nous ne nous sommes pas vus depuis un moment. Je ne t'ai pas manqué du tout ?

— Non, je me débrouillais bien.

— Mais tu m'as tellement manqué.

Les yeux de Pran se tournent vers moi. Au moment où il baisse sa garde, je m'avance et l'attire dans une étreinte. Je m'abandonne et j'enfouis mon visage contre son épaule. J'étais bouleversé et jaloux comme un fou, mais tout s'est envolé à la seconde où Pran a renvoyé ce bâtard pour être avec moi. J'ai agi imprudemment pendant des jours juste parce que je voulais qu’une certaine personne montre un peu d'affection ou d'inquiétude envers moi.

Comme on dit, les gens agissent mal quand ils ont besoin d'amour.

Et j'ai terriblement besoin de son amour.

— Pran, je suis désolé au sujet de Nat. J'étais confus. C'est beaucoup de choses. Je ne sais pas.

— Ne t'excuse pas auprès de moi. C'est ton problème.

— Comment je pourrais ne pas le faire ? Tu boudais au bar parce que tu étais jaloux, non ?

— Tu es tellement imbu de toi-même.

— Qu'est-ce que je suis censé penser ? Ton attitude t'a trahi.

— Je n'étais pas jaloux. C'est à toi de décider avec qui tu veux passer du temps. Je ne m’en mêlerai pas.

— Je le permettrai si tu es jaloux. Je te laisserai même me commander.

— Pourquoi je me mêlerais de tes affaires ? Lâche-moi. Ne me touche pas. Je ne suis pas...

— Non, tu n'es pas ma copine, mais tu es à moi. Tu ne l'as pas compris ? Si tu n'es pas à moi, je ferai en sorte que tu le sois. Un jour tu seras à moi parce que je ne peux pas te laisser partir. Et je ne peux pas être avec quelqu'un d'autre pour t'oublier. Tu sais ce que je ressens, n'est-ce pas ?

— Arrête de dire des bêtises. Garde ton imagination pour toi.

Pran s'éloigne de moi. Je regarde son visage, boudeur mais attirant. Il fronce les sourcils et se frotte le nez.

— Ton parfum sent très mauvais.

— C'est celui de Nat.

— C'est vrai.

— Je ne la vois plus. On en a parlé. Je suis vraiment désolé. Je ferai tout ce que tu veux. Je comprends maintenant que ça ne sert à rien de se venger.

— C'est toi qui parles, grogne Pran.

Il est toujours de mauvaise humeur mais moins qu'avant. Je le sais. Je le connais depuis toujours. Pourquoi ne le verrais-je pas ?

— Tu trouveras bientôt quelqu'un de nouveau. Cette personne devra avoir l'approbation de Par pour que je ne sois plus obligé de mettre mon nez dans tes affaires.

— Allez, tu es tellement en colère que tu n'es plus le Pran cool que je connais. Tu répètes toujours la même chose, tu m'engueules pour le même sujet. Admets juste que tu es jaloux.

— Ne sois pas si imbu de toi-même. Tu n'as aucune qualité pour être aimé. Tu ne fais que causer des problèmes.

— Tu as raison. Je ne voulais pas tomber amoureux, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Pran se tait, ne croisant toujours pas mon regard. Ses yeux montrent de la confusion. C'est comme s'il ne comprenait pas ce que j'essaie de dire.

— Tu vois ? Tu peux dire que tu es jaloux, et tu peux dire que tu m'aimes. Comme je te l'ai avoué.

— Tu n'es pas logique.

— Je dis la vérité.

— Tu parles toujours comme ça aux autres ?

— Tu sais très bien si je suis comme ça avec les autres ou seulement avec toi. Tu es celui qui me connais le mieux, Pran.

Je le regarde dans les yeux, le suppliant en toute sincérité. Je ne le cacherai plus. Je ne le garderai pas à l'intérieur. Mes agissements déraisonnables et sauvages venaient de ces sentiments réprimés. Je ne laisserai pas Pran s'enfuir. Nos sentiments mutuels ne sont pas seulement dans nos têtes. Ce ne serait pas aussi clair si Pran n'avait pas perdu son sang-froid avec Nat. Peu importe à quel point j'étais pénible ou à quel point il se sentait en colère, les choses se sont toujours bien terminées après que je me suis excusé, contrairement à maintenant.

— J'étais confus. Ce que j'ai fait était stupide et idiot. Je le sais maintenant. Je n'ai jamais voulu t'aimer, Pran. Je n'ai jamais voulu ressentir ça. Nous sommes tous les deux des hommes, mais je suis tombé amoureux de toi. Tu m'as brisé le cœur. Tu ne connais ce bâtard que depuis quelques années, et pourtant tu tiens à lui plus qu'à moi. Pourquoi ? Je ne suis pas assez bien pour qu'on me donne une chance ?

— Donc tu as couché avec Nat parce que la façon dont je me suis soucié de mon ami t'a contrarié ?

— Tu sais que je suis un idiot.

Et puéril. Et exigeant. Je suis allé voir ailleurs pour blesser Pran, mais celui qui a le plus souffert, c'est moi.

— J'ai mal agi. Je le pense vraiment. Ça ne se reproduira plus. S'il te plaît, donne-moi une chance.

— Huh, tu penses que tu es assez bon pour mériter une autre chance ?

— Alors dis-moi que tu n'as jamais eu de sentiments pour moi. Que tu n'as jamais pensé que mon existence signifiait quelque chose pour toi. Que tu ne t'es jamais senti à l'aise et détendu quand nous sommes ensemble. Et que tu iras bien... si je disparais de ta vie un jour. Si c'est ce que tu veux, regarde-moi et dis-le. Je te croirai.

Mes yeux se fixent sur Pran, le suppliant. Je suis prêt à tout pour lui. Toutes ces choses que j'ose lui dire sont à l'opposé de mes sentiments. L'avoir à mes côtés et être la première personne qu'il recherche sont des choses vraiment précieuses.

— Je n'arrive pas à trouver un moyen de te faire arrêter de traîner avec ce connard et de revenir vers moi. Je sais que c'est stupide, mais je m'en veux d'être aussi inutile. Je ne peux même pas être à tes côtés comme lui...

Ses yeux sont pensifs et confus. Je comprends tout à fait. Je suis passé par ce genre de moment. C'est un moment difficile, et il a besoin de temps pour le digérer. Mon penchant agressif était motivé par mon incapacité à gérer cette agitation. Comme je n'arrivais pas à trouver ce qui n'allait pas chez moi, j'ai été provoqué facilement par la peur de perdre Pran.

Pran reste silencieux. Cela me perturbe comme rien d'autre. S'il me rejette, mon monde va s'écrouler. J'appuie ma tête sur son épaule, épuisé et usé. Si je résous cette affaire avec des émotions et de la violence comme avant, la situation va empirer.

— Je ne peux pas supporter de vivre comme ça, Pran. Je ne peux pas t'avoir dans ma vie sans que tu sois à moi, murmuré-je d'une voix rauque en enroulant mes bras autour de sa taille. Si tu me rejettes, je devrai probablement disparaître pour de bon.

— Disparaître où ?

Sa voix est tout aussi tremblante. J'entends les battements de son cœur et les miens, qui sont plus lents et plus faibles.

— Je ne sais pas, mais je ne peux pas rester ici en sachant que tu as choisi ce connard. Je deviendrais fou. Je regrette tout ce que j'ai fait, même de t'avoir aimé. Je le regrette car ça te met mal à l'aise.

Ma confiance débordante s'évapore peu à peu puisque la personne dans mes bras ne veut toujours pas parler. Je ne peux pas imaginer ma vie sans Pran.

— J'ai juste besoin de ta réponse pour que je puisse décider de mon prochain mouvement.

J'ai l'impression d'attendre sa réponse pendant une éternité. Le silence est assourdissant, pressant mon cœur misérable. Je lève mon visage de son épaule pour voir sa réaction. Pran est calme et posé, comme toujours. Il bouge ses yeux de gauche à droite lentement, pensif. Je regarde même quand Pran serre ses lèvres, les relâche, inspire et expire.

— Le nom de mon ami est Wai, Waiyakorn.

— J'en ai rien à foutre ! T'es obligé d'en parler maintenant ?

— Tu me demandes d'être ton petit ami, Pat. Ne sois pas désagréable.

Pran est toujours posé. Il me calme quand mon cœur est agité. Je brise l'étreinte et fais face au mur avant d'y frapper ma tête à plusieurs reprises.

— Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu peux arrêter d'être un idiot pendant une minute ? Ça dérange les voisins.

Pran tire sur mon épaule et je regarde son visage. Il est toujours inquiet pour moi mais il agit comme s'il se souciait des autres. Il fronce les sourcils et se racle la gorge.

— Wai est mon ami, et je ne prends pas parti pour une personne qui agit mal. C'est toi qui as cherché la bagarre. Je veux que tu t'excuses auprès de lui.

— C'est quoi ce bordel, Pran ?! Je viens de dire que je voulais frapper ce bâtard au visage. Si jamais je le revois, je le réduirai en bouillie. Et maintenant tu me dis de m'excuser auprès de lui ?

— Pat, je ne veux pas que tu sois déraisonnable comme ça.

— Je peux être raisonnable pour n'importe quoi, mais pas quand tu es impliqué, d'accord ?

Pran reste immobile, serrant les lèvres, toujours déconcerté.

— Pat, tu ne plaisantes pas, n'est-ce pas ? Tu es sérieux, n'est-ce pas ?

— Tu m'as déjà vu aussi sérieux ? C'est la première fois de ma vie.

Je soupire en me massant les tempes. Je suis submergé par le stress, et Pran peut le voir. Je le devine à sa voix adoucie lorsqu'il prononce les mots suivants.

— Depuis quand te sens-tu... comme ça ?

— Je ne sais pas. Comment le pourrais-je ? Si j'avais su, j'aurais essayé de t'oublier. Avant de m'en rendre compte, ça me faisait mal de te voir tout mielleux avec ce salaud.

— C'est Waiyakorn.

— J'ai dit que j'en avais rien à foutre.

— Tu dois t'en soucier parce que c'est mon ami. Tu veux sortir avec moi, mais ça ne sera pas terrible si tu ne te souviens pas du nom d'un seul de mes amis ?

Merde, est-ce que j'ai bien entendu ?

Mes yeux s'écarquillent, mon cœur bat la chamade. Je prends Pran dans mes bras et j'embrasse ses joues, les rendant à nouveau rouges après qu'elles soient devenues plus pâles. Gauche puis droite, droite puis gauche.

— Je l'ai entendu, Pran. Je l'ai entendu. Je ne l'ai pas imaginé.

— J'ai dit, 'Tu veux...'. Je n'accepte pas ta confession.

— Alors si je me souviens du nom de ton ami... C'est Wai, n'est-ce pas ? Ok, je m'en rappelle. Tu veux bien être mon petit ami maintenant ? Je m'en souviens parfaitement. Je rêverai de ça cette nuit.

— Tes sautes d'humeur sont folles !

— Tu ne comprendrais pas.

A l'instant, j'ai eu l'impression que le ciel me tombait sur la tête. C'est comme si j'étais au tribunal à attendre la sentence de mort et qu'on me graciait soudainement. J'étais un homme au bord de la mort qui avait une chance de respirer à nouveau.

— Pran, tu le pensais vraiment ?

— Merde, laisse-moi partir. Pourquoi es-tu si tactile ? Merde, ta barbe !

— Oh, désolé. Je ne me suis pas rasé.

Je rigole et me retire, regardant affectueusement le gars énervé. Pran devient tout rouge, encore plus rouge que lorsqu'il est ivre.

— Arrête de sourire. Nous n'avons toujours pas parlé de la fille et de la façon dont tu m'as craché ces mots blessants.

— Allez, Pran, je suis désolé. Je le dirai autant de fois que tu veux. Je me sens vraiment coupable. Tu sais que je ne peux pas me contrôler quand je suis furieux. La façon dont j'ai essayé d'attirer ton attention était merdique. J'admets que j'ai été un connard. Punis-moi. Tu peux me rendre mon baiser.

— Putain, quel sans-gêne.

— Mes lèvres sont douces.

Je fronce mes lèvres, mais Pran me frappe doucement le menton. Ça ne fait pas mal du tout car sa main est douce.

— J'ai sommeil. Laisse-moi dormir ici. Je n'ai jamais été capable de dormir depuis que nous nous sommes battus.

— Tu me demandes ça mais tu es déjà dans ma chambre. Pat, prends une douche d'abord. Tu ne veux pas retourner dans ta chambre pour aller chercher ton lapin minable ?

— Non.

Je me tourne et je souris.

— Je suis un adulte avec un amant. Comment puis-je jouer avec une peluche ? Je vais te câliner à la place de Nong Nao ce soir.

— Qui est ton amant ?

— Tu as dit que tu serais en couple avec moi.

— En tant qu'ami.

— Praaaaaan, gémis-je.

Pran croise les bras avec un visage vide, essayant de me taper sur les nerfs.

— Sois un homme. Ne retire pas tes paroles.

— Tu t'imagines des choses.

— D'accord, mais je ne te laisserai plus partir.

Je remue les sourcils. Pran me regarde fixement, les bras croisés. Il semble de meilleure humeur maintenant, mais il est évident qu'il est toujours ennuyé.

— Encore une chose.

— Vas-y.

— A propos de Nat. Je vais laisser passer puisque nous étions juste amis avant. Tu avais le droit de faire n'importe quoi ou de coucher avec n'importe qui.

La sévérité de sa voix m'empêche de le taquiner. Je reste immobile, écoutant attentivement.

— Tu n'aimes pas quand je suis avec Wai, alors je crois que tu sais comment je me sentirai si tu fais l'idiot.

— Je jure que cela ne se reproduira plus jamais.

— A partir de maintenant, je ne te pardonnerai pas si tu fais une nouvelle erreur. Si ce que tu as expliqué avec un visage triste aujourd'hui est réel, je me débarrasserai de toi même si tu ne fais que regarder quelqu'un d'autre, sans parler de coucher avec, avertit Pran et je sais à quel point il est sérieux. Je le pense, Pat. Tu peux encore changer d'avis.

Malgré l'avertissement sinistre et l'expression sévère, comme si ma tête allait être coupée au moindre faux pas, je ne me sens pas du tout anxieux. Je prends ses mains et lui adresse le plus sincère des sourires.

— Je ne change pas d'avis.

— Et... quand j'ai su que tu avais couché avec elle, ça m'a vraiment fait mal.

Le propriétaire de la chambre révèle ses véritables sentiments. Je n'arrive pas à croire que ses mots honnêtes puissent me faire sentir terriblement coupable. Nos yeux se fixent l'un sur l'autre, exposant tous les secrets de nos cœurs.

— Ne me fais pas regretter ma décision aujourd'hui, Pat.

— Jamais.

Je me penche et touche son front avec le mien, lui transmettant toutes mes pensées.

— Je protégerai la chance que tu m'as donnée.

— Ringard.

Pran recule et fronce les sourcils. Je commence à réaliser qu'il a l'air gêné à chaque fois que je suis romantique. Attends... peut-être qu'il rougit ?

— Prends une douche. Je déteste vraiment l'odeur du parfum sur ton corps.

Pran se retourne. Je saisis l'occasion de l'enlacer par derrière et je suis instantanément frappé à la joue par son coude.

— Aïe ! Pran, ça fait mal.

— Pourquoi diable as-tu fait ça ? Tu m'as fait peur, en arrivant par derrière.

Je place ma main sur ma joue. Pran la retire et examine ma joue avec ses yeux sombres, puis il soupire et secoue la tête.

— Va prendre une douche. C'est déjà la troisième fois que je le dis. Je t'appliquerai de la pommade plus tard.

— Je ne veux pas prendre de douche maintenant. Reste avec moi un peu plus longtemps, d'accord ?

Je souris et saisis les mains de Pran, mes yeux s'attardant sur ses lèvres. Si j'ai une autre chance, je l'embrasserai à nouveau, délicatement, lentement, en douceur, pour me faire pardonner le baiser brutal de la dernière fois. Pran lit dans mes pensées et se renfrogne. Il pousse ma tête si fort que je vacille.

— Qu'est-ce que tu regardes ?

Je ne réponds pas, gardant mon regard sur son visage. Mon cœur se sent si plein.

Bien que je me sois fait gronder et frapper, je ne peux pas du tout m'empêcher de sourire.

Bon sang, est-ce que je deviens inconsciemment masochiste ?

— Encore une chose, Pat.

— Oui ?

— J'espère que tu sais ce que tu as fait de mal. Quand je te gronde, ne t'excuse pas juste pour t'en débarrasser comme tu l'as toujours fait. Tu peux ne pas faire ça ?

— D'accord.

— Tu acceptes juste pour t'en débarrasser à nouveau.

Whoa, j'ai finalement compris la morale de l'histoire du berger et du loup. Je prends les mains de Pran et je le fixe du regard pour lui assurer que je ne prends pas ça à la légère. Je ne vais pas tout envoyer balader comme avant.

— Pran, je vais réfléchir sur moi-même à propos de tout. Si je me trompe, je m'excuserai auprès de tes amis en personne. Je le pense vraiment.

Sur ces mots, le propriétaire de la chambre pousse un long soupir avec un visage détendu.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:27



Scène Onze
Pran
— S'il te plaît.

— Non.

— S'il te plaît.

— J'ai dit non.

— Praaaan.

Je dégage mon bras d'un coup sec de la prise de celui qui me secouait comme un enfant de trois ans suppliant ses parents de lui acheter des jouets au milieu du centre commercial pendant les vacances.

— C'est non même si tu te roules par terre.

— Tu es méchant.

— Méchant mon cul. Prends une douche.

— Je vais…, marmonne Pat en suppliant, se rapprochant de moi. Ensemble.

PAF !

— Aïe ! Pourquoi tu m'as frappé ?

— Arrête de plaisanter.

— C'était dur. C'est la femme de qui... ?

— Fais attention à ce que tu dis, ou je vais te frapper.

— Ta claque est puissante et tu es très féroce.

— Va prendre une douche !

Je fronce les sourcils et bouge mon pied pour m'échauffer pour un coup de pied. Pat, qui est collant et me supplie de prendre une douche avec lui depuis vingt minutes, lève les mains en signe de reddition et se dirige vers la salle de bains.

— Tu es sûr de ne pas vouloir te joindre à moi ? Oh ! Je ne demanderai plus.

SLAM !

Pat a eu le culot de me le redemander. Je cherchais un livre sur l'étagère pour le lui jeter dessus et il a couru rapidement à l'intérieur de la salle de bain et a fermé la porte ! Espèce de lâche !



— Pran.

— Quoi encore ?

— Tu ne veux pas aller au lit ?

— Vas-y d'abord, réponds-je, sans lever les yeux.

J'ai commencé à travailler sur mon projet dès que je suis sorti de la douche.

— Fais-le demain. On vient de se réconcilier.

— Et alors ? Cette réconciliation signifie que je suis diplômé ? Le projet existe toujours.

— Quelle froideur.

Je penche la tête, ignorant les plaintes ridicules de Pat, et continue à dessiner le plan. Un moment plus tard, ma concentration est brisée par la vibration de mon téléphone. L'écran affiche le nom de Wai. Je jette un coup d'œil à Pat. Il a cessé de pleurnicher et joue maintenant sur son téléphone. Je me décale un peu et décroche.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu vas bien, Pran ?!

— Je...

— Pourquoi ce connard s'est pointé ? Il t'a fait du mal ? Tu vas bien ?

— Attends, calme-toi. Écoute-moi.

Je ricane à la voix troublée de Wai. Je peux l'entendre prendre une profonde inspiration.

— Alors, pourquoi il était là ?

— Ce n'est rien. C'est juste que... dis-je, en déplaçant mon regard, pour essayer de trouver quelque chose. C'est la bagarre de ce jour-là. Il s'en est pris à toi assez violemment, alors il est venu s'excuser d'avoir dépassé les bornes.

BANG !

Le bruit d'un poing frappant la table me fait sursauter. Pat fronce les sourcils. Merde...

— Sérieusement ? Il allait me frapper.

— Allez, ce n'est pas mieux comme ça ? Je t'ai dit de ne plus te battre. Nous sommes bientôt diplômés, Wai. Tu ne veux pas que les juniors arrêtent de se battre ?

— Bien, si le connard ne commence pas.

— Tu as promis que tu serais plus calme.

— Ouais, je sais...

— Hey !

— Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?!

J'ai presque couvert ma bouche quand j'ai crié sous le choc. À l'instant, Pat s'est soudainement assis derrière moi et a enroulé ses bras autour de ma taille. J'essaie de pousser son ventre avec mon coude, mais l'étreinte est trop serrée et je ne peux pas bouger. De peur que Wai découvre que je ne suis pas seul, je me tais.

— R...Rien.

— Mais tu es sûr que tu vas bien ? Tu agis étrangement. C'est bizarre.

— Je vais bien. Ne t'inquiète pas.

— Est-ce que tu travailles sur le projet ?

Smack.

Quoi ?!

J'ai sursauté quand on m’a embrassé sur la nuque.

— Pran ?

— Je... je travaille dessus. Je dois raccrocher maintenant. A demain, Wai.

— Ouais, d'accord. Je suis content que tu ailles bien. À plus.

Dès que j'ai raccroché, je suis prêt à m'occuper de ce voyou mal élevé. Mais son étreinte me colle à lui.

— Laisse-moi partir !

— Je ne peux pas. Je te punis pour avoir dit à cette mauviette que je suis venu m'excuser de lui avoir cassé la gueule.

— Pat, espèce de merde, ne sois pas ridicule. Lâche-moi !

— Non.

— Laisse-moi partir maintenant !

— Non. Tu vas me frapper si je le fais.

— Pat !

— Chut, tu es trop bruyant. Le voisin va nous entendre.

Je fais la moue, en détournant ma tête du chuchotement près de mes oreilles.

— Ta sœur va nous entendre !

— C'est vrai. Tu veux que Par sache ce qu'on va faire ?

— Faire quoi ?! Laisse-moi partir tout de suite.

— Non.

— Tu vas me laisser partir ou pas ?

— Nooooooon.

— Tu veux dormir dehors ?

— Je te laisse partir tout de suite.

Pat retire ses bras et se lève au moment où il me libère. Je ne peux que lancer un regard noir et pointer son visage.

— Ne t'avance pas trop, Pat.

— Quoi ? C'était mal d'embrasser mon amoureux ?

J'attrape un cutter à côté de moi et rétrécis mes yeux jusqu'à ce que l'espiègle me fasse un sourire penaud. Ça ne fait pas un jour et il est déjà aussi effronté. Pat est vraiment le maître dans l'art d'être un pervers effronté et tactile.

— Ne t'approche pas de moi, ou je te taillade le visage.

— Je veux dormir à côté de toi.

— J'ai un projet sur lequel je dois travailler.

— Je peux t'aider.

— Tu crois que j'ai oublié le désastre que tu as provoqué sur mon précédent modèle ?

Imaginer Pat m'aidant à dessiner les zones et le plan me donne mal à la tête. Quelqu'un comme lui placerait une baignoire jacuzzi au centre d'un hôtel sans tenir compte du système et de l'entretien, puis présenterait l'activité avec des filles en maillot de bain servant des cocktails aux clients comme un service spécial.

— Ne sois pas rancunier.

— Va te coucher.

— Je suis contrarié que tu me repousses sans cesse.

— Arrête de jacasser.

— Je ne peux pas dormir sans Nong Nao. Seul ton parfum peut le remplacer. J'ai besoin de te serrer dans mes bras pour dormir.

— Tu as très bien dormi quand tu as laissé ton lapin minable dans ma chambre.

— Je n'ai pas pu fermer l'œil.

— Tais-toi et va te coucher. Je suis en train de travailler.

— Je vais attendre ici.

Je le regarde. Ce morveux s'assoit sur le canapé et pose un oreiller sur ses genoux. Il allume la télé et fait la moue, l'air mécontent.

Quel âge as-tu ?

Faisant semblant de ne pas remarquer qu'il essaie d'attirer mon attention, je soupire une dernière fois, prends un crayon et me concentre sur mon travail. Je ne peux m'empêcher de sourire un peu, en l'entendant souffler de temps en temps pour me rappeler qu'il est juste là.

Un autre bâillement.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, étouffant mon sourire, perdant le compte de ses bâillements. L'horloge indique qu'il est presque deux heures du matin. Pourquoi est-il si têtu ? D'habitude, il va d'abord se coucher. Pourquoi est-il si obstiné aujourd'hui ? Mon projet ne sera pas terminé à ce rythme.

— Ha...

J'expire, repousse la table japonaise et m'étire, puis je fronce les sourcils en regardant le type sur le canapé. Ses yeux sont rouges, à force de rester ouverts.

— Lève-toi et va te coucher.

— ...

— C'est quoi cette tête de boudeur ? Tu ne veux pas aller te coucher ? Je vais continuer à travailler sur mon projet, alors.

— Va te faire voir.

— Quoi ?

— J'ai attendu pendant des heures, mais tu ne m'as appelé qu'une fois. Réconforte-moi.

— Ne fais pas le difficile. Lève-toi maintenant.

Il m'ignore toujours. Depuis quand est-il si difficile ?

— Tu vas te coucher ou pas ? Je ne te laisserai pas me faire de câlin ce soir si tu ne le fais pas.

— Allons nous coucher !

Le gars boudeur se lève avec un sourire et remue la queue avant que je puisse dire un mot de plus... Espèce de pervers !



Qui aurait cru que Pat était un tel bâtard collant et pleurnichard ? Il a arrêté de fréquenter le bar ces derniers jours et s'est accroché à moi dans ma chambre toutes les nuits. Cela a gêné mon processus de travail. Il n'arrêtait pas de m'appeler, de me titiller, de discuter, au point que c'en était agaçant. Quand je le grondais, il se calmait un instant avant de recommencer à me déranger.

— Oh, Pran.

J'ouvre la porte et vois Par qui sort de sa chambre en mettant son sac à dos.

— Tu as cours cet après-midi ?

— Oui. Et toi, Pran ? Pourquoi es-tu toujours en tenue décontractée ?

— Les cours de l'après-midi ont été annulés, j'explique en fermant la porte à clé. Je suis allé à l'université pour faire évaluer mon projet le matin. Je viens d'arriver il y a quelques secondes.

— Je vois. Est-ce que Pat te dérange ?

Je secoue la tête.

— Pas plus qu'avant.

Par rit.

— Où vas-tu, au fait ?

— La supérette en bas. Allons-y ensemble.

Pendant que l'ascenseur descend, on parle de l'école, des amis, et enfin, de son frère.

— Je suis quand même soulagée que tu aies pardonné à Pat. Quand il est revenu chercher sa peluche, il souriait si fort.

— Si tu n'avais pas été là, je ne lui aurais pas donné une chance.

— Allez, il pleurerait s'il t'entendait.

J'ébouriffe les cheveux de Par alors que l'ascenseur atteint le rez-de-chaussée. Elle me dit au revoir après l'ouverture de la porte en acier, et nous nous séparons à l'entrée. Je surveille jusqu'à ce qu'elle soit partie et je me dirige vers la supérette.

Nous sommes à court de lait concentré depuis deux jours. Je ne sais pas pourquoi Pat aime tant ça. Ça part en un clin d'œil à chaque fois. Et Pat n'arrêtait pas de râler quand il n'y en avait plus. Je dépose les nouilles instantanées et le porridge dans le panier. Ensuite, j'ouvre le réfrigérateur et je prends quelques boîtes de jus de fruits pour Pat et quelques canettes de café pour moi. À en juger par l'évaluation de mon projet ce matin, je risque de devoir veiller tard ce soir.

Il me faut un certain temps pour tout mettre dans le réfrigérateur, puis je commence à ranger. La dernière fois que j'ai nettoyé ma chambre, c'était mercredi dernier. J'étais occupé à me chamailler avec Pat, si bien que ma chambre s’est retrouvée très vite en désordre. Je commence par le salon jusqu'à la chambre. En tirant le drap du lit, je repère le lapin miteux de la personne qui partage le lit avec moi. Je ramasse le bout de son oreille sombre avec mon pouce et mon index et je grimace. Comment a-t-il pu le renifler toutes les nuits ?

Salive, poussière, et bactéries. Ugh, j'ai l'impression que je vais faire une éruption cutanée !

N'en pouvant plus, je porte le lapin par l'oreille et me dirige vers la salle de bains. Je prends une petite bassine et secoue la tête à la vue de ce lapin minable.

— On va te laver. Ne sois pas aussi méchant que ton papa.



— Je suis rentréééééé.

La voix qui vient de la porte a pour effet de figer mes mains en l'air. J'accroche les deux oreilles du lapin, qui est maintenant beaucoup plus blanc et propre que jamais.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande joyeusement Pat en passant la tête par la porte du balcon. J'ai acheté les ingrédients pour les sukiyaki. Je me souviens que tu as la marmite. Peux-tu... Pran !

— Quoi ?! Pourquoi tu cries.

J'ai baissé ma main une fois que la peluche a été accrochée avec succès, mais j'ai failli la faire tomber car la voix de Pat m'a fait peur.

— Pourquoi as-tu lavé Nong Nao ?!

— Il était sale. J'avais besoin de le nettoyer puisque tu le câlines sur mon lit tous les soirs.

— Je ne l'ai jamais lavé depuis que je l'ai acheté ! Ça fait dix ans. Comment as-tu pu me faire ça ?!

— Putain ! Tu ne l'as jamais lavé en dix ans. T'avais prévu de construire une ferme à bactéries ? Ugh, si j'avais su, je ne l'aurais pas laissé toucher mon lit.

— Pran !

Bébé Napat hurle d'irritation. Il a l'air énervé mais ne sait pas comment l'exprimer.

— L'odeur aurait été différente. Je ne pouvais pas laisser ça arriver. Merde !

— Ne sois pas stupide. Je l'ai juste lavé. Sois reconnaissant que je ne l'aie pas jeté.

— Je m'en fiche. Je suis contrarié.

Il rentre en claquant des doigts et s'affale sur le canapé. Je le suis et ferme la porte du balcon, en soupirant devant son attitude. Pourquoi est-il si bouleversé pour une peluche ?

— Où sont les ingrédients ? Tu veux des sukiyaki ?

— ...

— Pat.

— ...

Pat affiche toujours un air renfrogné et regarde devant lui comme un élève de primaire qui refuse de manger des légumes.

— Tu ne veux pas me parler ? Eh bien, peu importe.

— Pran !

— Quoi encore ?

— Tu es trop méchant avec moi.

— Méchant ? Tu es si puéril.

— Embrasse mes joues pour me réconforter.

— Et si je te donnais un coup de pied sur les joues plutôt ?

— Tu es en tort là !

— Comment je peux être en tort en lavant ton Nong Nao ?

— Je ne suis pas habitué à cette odeur !

— Tu ne devrais pas être habitué à cette odeur infecte, de toute façon. Si tu n'es pas prévenant envers moi en tant que propriétaire de la chambre, tu devrais être prévenant envers moi en tant que personne qui dort à côté de toi.

Pat fait la moue et trépigne vers moi, si fort que j'ai peur que les voisins nous maudissent.

— Quoi ?

Pourquoi est-ce qu'il penche son visage vers moi ?

— Embrasse ma joue.

— Tu es fou ?

— Je m'en fiche, dit Pat, l'air sérieux, avant de se pencher plus près de moi. Embrasse mes joues pour te faire pardonner. Les deux joues.

Ha.

Je grogne tandis que l'autre gars ferme les yeux, attendant le contact qu'il désire.

PAF !

— Aïe !

Pat est effrayé et fait un bond en arrière. Il se tient la joue et boude.

— Je t'ai dit d'embrasser mes joues ! rugit-il. Et tu m'as giflé ?

— Arrête tes conneries. Je vais te faire des sukiyaki.

— Ça fait vraiment mal.

— Ce n'était pas si dur. Ne sois pas un pleurnichard. Tu ne pleurnichais pas autant quand tu t'es fracturé le crâne.

— Eh bien, ce n’était pas ma femme qui l'avait cassé.

— Pat.

Je prononce son nom d'un ton égal, en me renfrognant pour lui montrer que ça commence à être exaspérant. Il devrait arrêter de plaisanter maintenant. Recevant un avertissement de mon regard, Pat marmonne pour lui-même. Je le laisse là et cherche le plat à sukiyaki dans l'armoire. Je lave le récipient et les légumes que Pat a achetés, puis je les mets dans une assiette. Ensuite, je coupe le porc en petits morceaux. Je réalise chaque étape seul, sans l'aide du futur ingénieur. Il se pince la joue et pleurniche devant la télé.

— Très bien, viens manger.

Le temps que je finisse d'assaisonner le bouillon, l'émission culinaire du soir est terminée. Pat se tourne vers moi, l'air déraisonnablement maussade, mais il marche jusqu'ici et s'assoit à côté de moi, docilement.

— Pourquoi ne dis-tu pas à Par de se joindre à nous ? Elle est peut-être à la maison.

— Non, je ne veux partager ça qu'avec toi.

— Tu es radin, même avec ta sœur ?

— Je ne le suis pas. Je veux juste passer du temps seul avec toi.

Je serre les lèvres, fronce les sourcils et mets les légumes dans la marmite sans un mot.



Après le repas, je prends immédiatement une douche pour éviter de me disputer avec Pat. Il n'arrêtait pas de demander qu'on le fasse ensemble. Je sais qu'il n'était pas sérieux et qu'il me draguait. Je veux dire, c'est génial pour lui si je dis oui. Si je dis non, au moins il aura essayé. Mais honnêtement, ça devient gênant. Quand j'ai fini, l'éternel irrationnel arrête de pleurnicher et se précipite dans la salle de bain. Il doit encore être énervé par le lapin minable maintenant propre et parfumé sur le lit.

Une fois que nous sommes tous propres, je continue avec mon projet. Je cède un peu et travaille sur le lit pour que Pat puisse dormir quand il le souhaite. Pas besoin de rester là comme une ombre et de m'inquiéter avec ses innombrables bâillements.

— Retire ton bras.

Je lui donne une claque sur le bras alors qu'il se rapproche et place son bras autour de ma taille. J'appuie mon dos contre la tête de lit, un oreiller sur mes genoux avec un ordinateur portable dessus. L'autre gars est en train de câliner sa peluche près de moi.

— Je te fais juste un câlin. Ne sois pas radin.

— Tu es pénible. Va te coucher.

— Nooooooooon.

Je suis sur le point de l'engueuler quand son téléphone sonne à côté de son oreiller. Pat se retourne pour vérifier qui c'est et décroche. Je roule les yeux quand il remet son bras à sa place.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Ouais, je ne sors plus.

Je regarde le gars qui est au téléphone et qui rapproche sa tête.

— Je suis avec mon amant. Bon, ça ne te regarde pas. Je raccroche. Je vais faire un câlin à mon chéri. Espèce de fils de pute, si curieux.

Pat rit et raccroche avant de jeter son téléphone sans réfléchir. Il profite que je baisse ma garde pour poser sa tête sur mes genoux et regarde l'écran de mon ordinateur portable, tout en discutant.

— Sur quoi tu travailles ?

— Quelle douceur. Dégage de mes genoux. Je suis en train de travailler.

— Vas-y. Je ne te dérange pas du tout.

— Tu ne me déranges pas ? Lève-toi !

— Non. Nong Nao sent bizarre. Je n'y suis pas habitué. Je veux sentir ton odeur.

Pat se retourne et se blottit contre mon ventre. Sa main se fraye un chemin jusqu'à mon dos et se glisse sous ma chemise. Au moment où ses doigts touchent la peau au-dessus de la ceinture, je sursaute et me cogne à son épaule.

— Aïe ! Pran, ça fait mal !

— Bien fait pour toi. Arrête de faire l'idiot. Si tu ne restes pas tranquille, je vais travailler sur mon projet ailleurs !

— Je ne peux même pas faire ça ? C'est quoi ce bordel ?

Son marmonnement est indéchiffrable. Pat caresse son épaule en fronçant les sourcils et se déplace sur le côté, juste un peu. Je lui lance un regard en guise d'avertissement et fais mine de rassembler mes affaires pour travailler dans l'autre pièce comme je l'ai menacé.

Voyant mon geste, le gourmand cesse de s'approcher. Je soupire devant ses frasques quotidiennes.

Bien que notre relation ait changé, il est toujours le même... mais plus tactile !


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Ven 6 Sep 2024 - 18:28



Scène Douze
Pat
— Comment se passe ton projet ?

Mardi après-midi, je suis en train de me détendre au rez-de-chaussée du bâtiment de la faculté et de rédiger le document sur l'un des principaux sujets à rendre avant minuit. Gon vient de revenir de la cafétéria et pose sur la table des boulettes ovales de poisson frites. Je retire mes jambes de l'autre chaise, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur portable.

— Il faut le revoir un peu.

— C'est vrai, quelle galère.

— C'est normal, réponds-je, sans me plaindre.

Le projet de Pran a l'air tellement plus pénible que la sévérité de mon professeur en matière d'amélioration ne me paraît pas être grand-chose.

— Tu n'as pas mangé ?

— Non. Je me suis levé tard. J'ai passé toute la nuit sur ce devoir. Tu ne l'as pas fini, hein ? Je le savais.

— Ce sera fait dans une minute, ris-je en mâchant mon chewing-gum.

— Comme tu es calme et heureux. Tu t'es vraiment trouvé quelqu'un ?

— Pourquoi ? Un visage comme le mien ne peut pas avoir quelqu'un ?

— Il ne s'agit pas de ton visage. C'est ta personnalité, s'esclaffe Gon et il me pousse la tête mais je m'en fiche. Qui est-ce ? Pourquoi tu ne nous présentes pas ? Au fait, tu es capable de chouchouter quelqu'un ? D'habitude, tu ne fais que te plaindre.

— La personne que j'aime n'est pas du genre affectueuse. C'est moi qui suis collant.

— Toi ? Eh bien, j'aimerais te voir avec cette personne.

— C'est un moment exclusif.

Je fais un clin d'œil, et Gon rit. Quelques instants plus tard, Jor et quelques juniors nous rejoignent. L'un d'eux est Poom, le chef de classe de notre année.

— Pat, la journée des sports a lieu dans deux semaines. Tu veux être notre joueur de basket ?

— Pourquoi tu ne choisis pas des juniors ?

— Je l'ai fait, mais il nous en faut plus. Rejoins juste l'équipe. Le premier match est contre la fac d'architecture. Ils vont probablement envoyer leurs meilleurs joueurs. Qui pourrait les battre à part toi ?

— Oh, ouais ? demandé-je en faisant une bulle. Finis mon devoir et je le ferai.

Je lève un sourcil vers l'intello à quatre yeux. Poom pousse un soupir tandis que les autres gars secouent la tête.

— Quel crétin, Pat.

— Tu dois me donner quelque chose en échange.

Poom hésite, mais hoche finalement la tête en signe d'accord.

— Envoie-moi le dossier.

— C'est à rendre à minuit.

— Ok, j'écrirai mon nom sur l'email.

Whoa, ce voyou. Depuis quand est-il devenu si méchant ? Je me lève, je lui bloque le cou avec mon bras, et je lui ébouriffe les cheveux. Poom me martèle le dos si fort que je dois le relâcher.

— Pourquoi vous ne vous mariez pas tous les deux ?

— Merde, j'en ai la chair de poule, m'insurgé-je et je m'éloigne de quelques pas.

Poom ajuste ses lunettes et me regarde d'un air mauvais.

— Même si Pat est beau, je ne sortirai pas avec lui. C'est un con.

— Tu me dis ça à moi ? dis-je en lui donnant un petit coup de coude. Qui tu traites de con ? Hein ?

— Hé, c'est Pran ?

Jor me coupe alors que je taquine à nouveau Poom. Pran marche sur le trottoir d'en face avec Waiyakorn. Juste tous les deux. Je pose mon coude sur l'épaule du chef de classe au moment où la personne visée tourne la tête dans notre direction. Nos regards se croisent, alors je lui fais un sourire, je lève un sourcil et je lui envoie un baiser. Le destinataire du baiser détourne le regard et accélère le pas sans un mot. Son ami a l'air terrifié et le suit comme un bébé canard.

— Hé, il ne nous a pas fait de grimace aujourd'hui.

Comme tout le monde se concentre sur lui, je peux sourire autant que je veux. Quand je me retourne et que je croise le regard de Gon, je m'excuse rapidement pour aller fumer.

— Je viens avec toi.

— Je te laisse mon ordinateur portable, Jor, dis-je et je me dirige derrière le bâtiment, notre zone fumeur.



— Ces idiots n'arrêtent pas de vous taquiner, Poom et toi. Tu n'es pas en colère ?

Mes yeux suivent la fumée blanche qui flotte dans l'air tandis que j'appuie mon dos contre le mur de béton qui s'effrite. Il y a une longue fissure dessus, la preuve d'une usure prolongée. Gon s'accroupit, fait tomber les cendres et inspire la fumée.

— Furieux à propos de quoi ?

— Qu'on se moque de toi en te traitant de gay.

— Pourquoi se moquer du fait que quelqu'un soit gay ?

— Merde, jure-t-il et il crache sur l'herbe qui pousse dans une fissure du sol en béton. Tu sais qu'on est en Thaïlande. Être gay n'est pas largement accepté. Si les gars savent que tu en es un, tu pourrais avoir des problèmes.

— Tu parles comme si j'étais vraiment gay.

— Je ne sais pas, murmure-t-il, irrité. Je ne fais que supposer.

— Parce que je ne suis pas très enthousiaste à l'égard des filles comme les mecs et toi ?

— Ça aussi. Tu n'es pas très enthousiaste. Je ne sais pas. On est à cet âge déluré, après tout. Tu sais, malgré tes comportements mauvais et négligés, tu es si beau que tu peux avoir autant de petites amies que tu veux.

— Eh bien, je suis dans une relation maintenant. Que veux-tu de plus ?

Je souris tandis que le gars, qui essaie de me coincer, prend une autre longue taffe.

— Dis ce que tu as à dire.

— C'est toi qui caches quelque chose.

La voix de Gon est sévère. Mes yeux sont fixés sur les nuages blancs au-dessus de moi. Ils bougent incroyablement lentement. En un bref instant, ils couvrent complètement le soleil, nous protégeant de la forte lumière.

— Je suis allé à ton appartement l'autre jour pour utiliser le Wi-Fi. J'étais là et j'ai vu Pran prendre l'ascenseur, alors je me suis caché et je l'ai filé en douce.

— Uh-huh.

— Je pensais que c'était une coïncidence, mais maintenant... je ne sais pas. Tu t'es enfermé chez toi récemment. As-tu caché quelqu'un là-bas ?

— Pran habite dans le même immeuble que moi. Je ne cache personne dans ma chambre.

Mais je me cache dans la chambre de Pran.

— As-tu parlé de ça à quelqu'un ?

— C'est autant un secret que ton Nong Nao.

— Ouais, merci de ne pas en faire tout un plat.

— Eh bien, tu es mon meilleur ami, dit Gon en prenant une dernière bouffée et en jetant la cigarette.

Il expire et se dirige vers moi pour croiser mon regard.

— Ce n'est pas que je ne l'accepte pas. Mais tu connais les conséquences si ce bâtard et toi êtes vraiment ensemble.

— Je pensais que vous arrêteriez de vous disputer après l'avertissement du professeur.

— Je ne veux pas me battre, mais on ne peut pas juste les embrasser et se réconcilier avec eux, n'est-ce pas ?

— Tu racontes n'importe quoi, Gon.

— Tu es plutôt simple et facile à vivre, mais tout le monde n'est pas comme toi, Pat.

Je le sais déjà. Bon sang, je n'aurais pas gardé le secret autrement.

— Je te préviens parce que je suis inquiet.

J'incline la tête, acceptant sa bienveillance. Je jette ma cigarette par terre et la piétine. Je vais bien, vous savez.

C'est pour Pran que je m'inquiète.



Je peux passer du temps seul avec Pran après le coucher du soleil. J'écoute le bruit de la mine d'un crayon sur une feuille de papier, en regardant le profil du type qui se concentre sur son projet.

Pran a l'air si cool quand il travaille dur comme ça.

— Pran, tu veux un soda ?

— Quoi ?

— Ton visage.

Je pointe son front du doigt, et Pran lève les yeux de son plan. J'ai commencé à apprendre comment être avec lui sans être une gêne. Non, je veux dire, j'ai commencé à apprendre comment être avec lui tout en essayant de mon mieux de ne pas être une gêne.

— Tu fronces les sourcils.

— Eh bien, je travaille.

— Tu veux quelque chose de sucré ?

— Une glace.

— Je vais te la chercher.

— Plus tard. Ça va salir le plan.

— Je vais te nourrir, alors.

Je saute du canapé et me précipite vers le frigo, sans entendre de refus. Le frigo de taille moyenne de Pran contient du lait concentré, du lait frais, des bouteilles d'eau et de bière, des fruits, des boissons énergisantes et des canettes de café, avec de la crème glacée dans le congélateur du haut. Il aime ça depuis qu'on est enfants, mais il était trop lent à l'époque. Je devais courir dehors et attendre la voiture de glace, puis je me disputais avec le vendeur pour gagner du temps jusqu'à ce que Pran arrive. Mais il me grondait, me traitant de fauteur de troubles. Quelle ingratitude.

— Ouvre.

Je prends une cuillerée de glace molle dans le récipient en plastique de forme ovale et je tends la cuillère au propriétaire de la chambre. Pran ouvre la bouche sans se plaindre. Je goûte de temps en temps en le nourrissant. La télévision reste allumée car Pran ne veut pas me parler. Nong Nao est là à côté de la télé, mes chaussures sont posées près de la porte, et ma chemise d'atelier est accrochée dans son placard. Mes affaires ont été transférées ici petit à petit jusqu'à ce que la chambre de Pran devienne la nôtre.

— Il ne fait pas froid ?

Je réfléchis et monte la température de la climatisation, puis je dépose une autre cuillerée entre ses lèvres rougies et entrouvertes. Je me lèche la bouche, imaginant la fraîcheur de nos lèvres quand je presserai les miennes sur les siennes. L'idée d'embrasser Pran a émergé depuis le baiser brutal de ce jour-là. Ce n'est pas un souvenir remarquable, et je souhaite avoir une autre chance. Hilarant, je continue à attendre que l'occasion se présente.

— Pran.

Je l'appelle et me rapproche. Il marmonne une réponse, les yeux rivés sur le plan.

— Pran.

— Quoi ?

— Pran.

Pran tourne enfin la tête au troisième appel, et nos nez se frôlent. Je reste figé, contrairement à mon cœur qui bat la chamade. Il baisse son regard sur mes lèvres, montrant ses longs cils attrayants. L'odeur agréable et douce qui se dégage de lui ne ressemble à aucune autre. Elle est mélangée à l'odeur sucrée de la crème glacée, et le froid colle encore à nos lèvres. Je me penche vers lui, confiant qu'il ne s'éloignera pas. Au moment où je vais le goûter, quelqu'un frappe à la porte. Pran se lève et couvre sa bouche, même si nous ne nous sommes pas vraiment embrassés.

— Putain, je ne peux jamais baisser ma garde.

— Quoi ? Tu voulais m'embrasser aussi. Pourquoi me le reprocher ?

— Tu es le seul à avoir ces pensées perverses.

— Perverses ? Les relations amoureuses demandent du développement. Tu crois que je vais me contenter de te tenir la main en dormant ? Pas du tout.

— Merde, pourquoi tu l'as dit tout haut, Pat ?

— C'est la vérité. Ne me dis pas que tu n'as jamais pensé à moi pendant que tu te masturbes. Tu as dû le faire, même pour un court instant.

— Putain, c'est dégoûtant. Tu...

— Pran, qui d'autre est là ?

Le cri à l'extérieur interrompt notre conversation. Le propriétaire de la chambre ferme sa bouche et presse ses lèvres l'une contre l'autre. Je ferme la mienne aussi.

— Pran !

— Oui !

Il répond en criant, me pousse sur le balcon et ferme la porte de l'intérieur. Il tire le rideau et crie.

— Attends une seconde !

C'est comme si j'étais une putain de maîtresse. Pourquoi je me retrouve dans cette situation ? Je jette un coup d'œil à travers le rideau. Une porte en verre transparent derrière le rideau occultant est la seule chose qui sépare le balcon et l'intérieur. Ce n'est pas insonorisé, donc je peux entendre tout ce que Pran dit à son ami, ce qui signifie que je dois également être aussi silencieux que possible.

— Que faisais-tu ?

Waiyakorn, espèce d'enfoiré, pourquoi tu viens voir Pran si souvent ? Tu manques d'amour et d'attention ou quoi ?

— Je découpais mon modèle. J'étais plutôt occupé.

— Hé, pourquoi tu manges de la glace en coupant le modèle ? Ça va se salir.

— C'est vrai, je sais.

Waiyakorn secoue la tête et met le couvercle sur la glace en train de fondre.

— Tu l'aimes tellement que tu en gardes en réserve ?

— Oui. Qu'est-ce qui t'amène ici, au fait ?

— Oh, nos clés USB ont été échangées.

Il prend la clé USB noire dans son sac à dos. Elles sont exactement pareilles. Vous utilisez des trucs assortis ? Bordel, espèce de singe.

— Je dois rendre mon travail ce soir. C'est pour ça que je me suis précipité ici. Il faut le corriger.

— Je vais aller chercher le tien. Je n'ai pas encore regardé. C'est dans mon sac à dos.

— Tu as acheté de nouvelles chaussures ?

Tu peux arrêter de te balader dans la chambre d'un autre ? Il tape dans mes chaussures avec son pied. C'est une paire d'Adidas toute neuve, espèce de con.

— Pran, depuis quand tu as une peluche ?

— C'est celle de mon ami. Pose-la.

— Quel ami ? demande-t-il.

Dis-lui qu'elle appartient à ton amoureux. Pran reste silencieux et la retire des mains de Wai.

— Tiens ta clef USB. Maintenant va-t’en. Tu n'es pas pressé ?

— Pas tant que ça, en fait. Je viens juste d'arriver ici. Laisse-moi me reposer un peu. Oh, tu as un invité ? Je t'ai entendu parler à quelqu'un.

— C'était la télé.

Ce n'est pas du tout convaincant. Pran détourne le regard après avoir menti. Heureusement que son ami est un imbécile, alors il y croit. Je me déplace, pour essayer d'avoir la vue la plus dégagée possible, mais je rate toujours certains angles.

— Ta chambre est impeccable. Ma chambre est en désordre.

— Tu sais que je n'aime pas que ma chambre soit en désordre.

— Uh-huh, moi non plus. Mais je ne nettoie pas ma chambre aussi souvent que toi. Ta machine à laver est sur le balcon ?

— Oui. Attends, qu'est-ce que tu vas faire ?

— Je vais regarder la vue.

Merde ! Quel moment parfait pour parler d'esthétique ! Mes yeux se promènent dans tous les sens. Je ne veux pas que l'ami de Pran me voie dans cet état. Quel état ? Je suis en pyjama Rilakkuma à manches et jambes longues.

— Attends.

— Pourquoi ?

— C'est en désordre dehors.

Pran essaie de gagner du temps pour que je m'échappe. C'est ça ! Je dois m'échapper ! Je passe mon cou par-dessus la barrière du balcon. Il y a dix étages. Putain, mon corps sera méconnaissable si je tombe.

— C'est bon. Ma chambre est beaucoup plus sale que la tienne. Allez, je suis assez stressé. Ta chambre semble avoir une belle vue.

— Tu...

La tentative du propriétaire de la chambre est inutile. La porte coulisse à l'instant où je saute sur le balcon de mon appartement et où je me réfugie derrière le ventilateur. Le bruit sourd de mon poids atteint Par, qui joue au téléphone dans sa chambre. Elle se lève et fait un pas vers moi, et je lui fais signe d'arrêter. Elle regarde le balcon d'à côté. L'ami de Pran repose ses bras sur la barrière, regardant droit devant lui.

Comme c'est relaxant !

— Rampe doucement, Pat.

— Putain, j'ai mal au pied.

— Tu t'es tordu la cheville ? Fais-moi voir.

J'étire ma jambe pour que ma sœur puisse jeter un coup d'œil. Par soupire et appuie ses doigts sur mes muscles, en fronçant les sourcils.

— On dirait que tu t'es tordu la cheville. Comment as-tu pu sauter ici ? C'est dangereux. Qu'est-ce que je dirais à papa et maman si tu tombais ?

— Je suis un homme, Par. Je choisirais la mort plutôt que d'être pris de haut. Tu en as déjà entendu parler ?

— Oui, mais je n'ai aucune idée de qui pourrait te prendre de haut. Tu as eu peur que l'ami de Pran te frappe ? Je t'ai dit de ne pas chercher la bagarre. Tu vois ? Maintenant que tu es l'ami de Pran, tu dois toujours éviter ses amis.

— Il ne s'agit pas de bagarres.

Tu penses que j'ai peur de lui ? Wai est aussi petit qu'un insecte. Je peux l'écraser avec quelques coups de poing.

Par prend la trousse de premiers secours contenant de la pommade et des bandages élastiques. Je survivrai ce soir.

— Devrions-nous utiliser une compresse froide avant de bander ta cheville ?

— Peu importe. J'ai un match de basket contre Pran et ses amis dans deux semaines.

— Dis-toi que c'est comme si tu leur donnais un avantage. L'ingénierie bat l'architecture chaque année.

Je n'ai rien à ajouter. Ma sœur se lève pour mettre de la glace dans un petit chiffon, puis elle l'appuie doucement sur ma cheville. Au bout d'un moment, elle pousse un rire qui me fait lever les yeux. Un sourire moqueur se dessine sur son visage.

— Je crois que je comprends maintenant ce que tu voulais dire par "être pris de haut".

— Quoi ?

— Le pyjama Rilakkuma que je t'ai acheté. Tu ne voulais pas qu'on te taquine, hein ? C'est mignon.

Je fais la grimace, sans répondre. Si ça n'avait pas été Par, n'importe quel enfant qui m'aurait fait ça serait sur son lit de mort. D'accord, le vêtement est doux et confortable, mais ça m'énerve de penser que j'ai dû sauter par-dessus le vide pour me cacher de l'ami de mon petit ami à cause de ça.

— Je ne t'ai jamais forcé à le porter. Je l'ai juste acheté comme cadeau. Ne boude pas alors que c'est toi qui l'as mis.

— Le tissu est doux, dis-je et Pran ne pourrait pas le nier.

Il n'a même pas fait attention à moi quand je l'ai mis. J'aurais dû porter un T-shirt normal et un short de football comme d'habitude. La fille qui a acheté ce cadeau rayonne. Elle applique de la pommade sur ma cheville après avoir pressé la compresse froide jusqu'à ce que ma cheville soit engourdie.

— Tu es adorable, Pat.

— Et beau.

— Oui, et beau. Et stupide. Ça m'amuse.

Nos trois ans d'écart ne signifient rien pour ma sœur unique. Par enroule ma cheville dans un bandage élastique, un sourire doux toujours présent sur ses lèvres.

— Ça va, ça ira mieux demain. Va te coucher.

— Attends.

— Oh, tu as oublié Nong Nao là-bas, non ? Je peux aller le chercher.

— Pas besoin.

Je refuse et me lève lentement. Je peux boiter jusqu'à la chambre de Pran, mais je devrais m'asseoir et me reposer un moment.

— Je vais dormir là-bas.

— Depuis que vous vous êtes réconciliés, tu ne dors plus dans ta propre chambre, me taquine Par.

Je peux sentir la chaleur monter dans mes oreilles. Heureusement que la lumière de sa chambre est orange. Elle ne le remarquera pas.

— Tais-toi. Va vérifier si son ami est parti.

Par rit et se dirige vers le balcon. Elle tend le cou et revient.

— Toujours là. Je vais revérifier dans cinq minutes.

Ouais, c'est comme ça qu'une sœur doit agir, foutu gamin.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:28



Scène Treize
Pran
— Pran, tu vas bien ? Ton visage a l'air pâle.

Je suis surpris quand la main froide de Wai touche mon front. J'ai été distrait par la personne qui est censée se cacher sur le balcon.

Où est-il allé ? Comment a-t-il pu disparaître du balcon du dixième étage ?

— Je... Je vais bien.

Je fronce les sourcils.

— Tu devrais partir maintenant. Tu as du travail à faire.

— Je pense que le projet te stresse trop. Tu as réussi à dormir ?

— Oui, j'ai dormi. C'est toi qui devrais te reposer.

Wai me regarde, perplexe, et hoche la tête.

— Très bien, je m'en vais. Tu vas dormir ce soir ? Sinon, je t'appellerai quand tu auras sommeil.

— Je vais probablement dormir ce soir. Je suis resté debout toute la nuit hier.

— Bon, je vais partir pour que tu puisses continuer à travailler et te coucher bientôt.

Je hoche la tête et lui dis au revoir à la porte, en faisant de mon mieux pour ne pas montrer mon anxiété par mon expression ou mon regard. Je veux que Wai sorte d'ici et ferme rapidement la porte pour que je puisse me dépêcher d'aller voir où peut se trouver ce type.

— On seo voit demain.

Wai sourit et fait un signe d'au revoir. Je lui renvoie un sourire et lui fait quelques signes avant de claquer la porte. Dès que je relâche la poignée, je fais de grands pas vers le balcon.

FWIP !

— Pat !

Je fais glisser la porte rapidement et regarde autour de moi de gauche à droite. Comme il n'y a pas la moindre âme en vue, je m'accroche à la barrière et regarde en bas. Je sais que je ne devrais pas tirer de conclusions hâtives, mais mon corps agit de lui-même.

— Quoi ? Tu crois que je suis mort ?

Je m'arrête et me tourne vers la voix familière et agaçante.

— Pat.

— Tu es inquiet, hein ?

Je fronce les sourcils, pas amusé.

— C'est si drôle que ça ?

— Hé, ne fais pas la tête. Je ne me moque pas de toi. Ce singe a soudainement voulu profiter de la vue sur le balcon. Qu'est-ce que j'étais censé faire ?

Je serre les lèvres et détourne le regard, sachant que ce n'est pas de sa faute. Mais je ne peux pas m'empêcher d'être énervé. Cette frustration vient du fait que je n'ai rien pu faire du tout.

— Hé, Pran ! Ne pars pas. Je ne peux pas traverser. Tu peux me donner un coup de main ?

Je m'éloigne, en l'ignorant. Je suis à mi-chemin de la porte quand ses mots suivants m'arrêtent sur place.

— Je me suis tordu la cheville quand j'ai sauté ici.

— Qu'est-ce que tu as dit ?

— Je me suis tordu la cheville. Ça fait mal…

Pat fait une grimace. Je pousse un long soupir.

— Tu l'as soignée ?

— Oui... Je veux dire, non. Par n'a pas voulu m'aider.

Je plisse les yeux devant ses gestes maladroits. C'est comme s'il se sentait coupable.

— C'est parce que tu es un idiot.

— Ça fait un mal de chien. Il faut que tu m'aides.

Pat est sur le point d'escalader la clôture. Le geste me fait grimacer.

— T'es complètement fou ?

— Hein ? Tu ne m'aides pas et maintenant tu m'insultes.

— Tu veux tomber pour de vrai ? Passe par la porte d'entrée !

— Oh...

Il fait la moue et hoche la tête comme s'il venait de s'en rendre compte. Je devrais être surpris si un imbécile comme lui tombe et meurt ?



— C'est à cause de ce singe que je me suis blessé. Tu n'as pas vu que je n'ai rien fait et qu'il m'a mis dans la merde ?

Je reste assis alors que Pat se plaint et accuse Wai comme un enfant qui explique la situation à ses parents pour ne pas se faire gronder pour avoir sali sa chemise.

— Tu dois t'occuper de lui pour moi.

— M'occuper de lui à quel sujet ? Il est juste venu pour récupérer sa clé. Reste tranquille. Je ne peux pas appliquer la poche de glace.

— C'est froid !

— Eh bien, c'est de la glace. Ne bouge pas. Ça va se renverser.

Je baisse la voix et saisis le rebord de la bassine. Sinon, Pat va la renverser. Maintenant que je lui applique de la glace sur la cheville, je sais que c'est un putain de menteur. L'odeur de la pommade est si forte, mais il insiste sur le fait que Par ne l'a pas soigné. Quel mensonge flagrant.

Je veux l'engueuler, mais la vue de sa cheville rouge et enflée me fait changer d'avis. Je peux la soigner à nouveau si cela le soulage.

Je mouille le tissu avec de la glace à l'intérieur et je le presse sur la cheville de Pat. J'exerce une légère pression sur la zone enflée, comme je viens de le découvrir sur Internet. Le silence inhabituel me fait lever la tête. Je sais que j'ai fait une erreur lorsque je croise son regard. Le coin des lèvres de Pat se retrousse en un petit sourire, et son regard significatif est fixé sur moi. Sentant la chaleur dans mes joues, je baisse les yeux et me concentre sur sa cheville.

— Pran.

— Quoi ?

— La compétition de basket est dans deux semaines. Le premier match est Ingénierie contre Architecture.

— Ouais, je sais.

— Tu joues ?

— Oui. Wai a enregistré mon nom.

— Encore cet enculé.

— C'est mon ami.

— Mais je suis ton petit ami.

Je soupire et penche la tête, je ne sais pas quoi dire.

— Eh bien, oui. Mais pourquoi tu demandes ça ?

— Je joue aussi.

— Ça ne m'étonne pas. Mais si tu n'arrêtes pas de bouger, ta cheville non soignée va rayer ton nom de la liste.

— Eh bien, je dois jouer. Comment je ne pourrais pas le faire si tu joues aussi ?

— On n'est pas assez en compétition ?

Je ricane, saisissant le chiffon sec à côté de moi pour essuyer sa cheville. J'enroule un bandage élastique autour de sa cheville et pose son pied, puis je me redresse.

— C'est bon, c'est fait. Nettoie. Je vais travailler sur mon projet.

— Il est presque minuit. Tu n'as pas fermé l'œil hier.

— Juste une heure de plus.

— Une heure pour toi signifie toujours jusqu'à ce que les oiseaux gazouillent à l'aube.

— Allez, ça sera vraiment une heure aujourd'hui.

— Je vais mettre une alarme.

— Fais ce que tu veux, mais nettoie d'abord.

Pat marmonne quelque chose à voix basse, mais je l'ignore. Je m'assois à mon bureau et je commence à travailler. J'ai déjà perdu du temps à faire des trucs stupides pendant à peu près une heure. S'il vous plaît, rendez-moi le temps de travail perdu.



— Ugh, je suis crevé.

En entendant le bruit du déverrouillage de la porte, je lève la tête du plan qui est devant moi. Le type qui a demandé un double de la clé il y a deux jours apparaît en gémissant.

— Tu es en retard aujourd'hui.

— Oui, le dernier jour a été difficile. Tu es rentré tôt ? Tu sens bon après la douche.

— Ne t'approche pas.

Je pointe une règle graduée sur le visage de Pat de manière menaçante à la seconde où il est sur le point de foncer ici pour me serrer dans ses bras tout en sueur.

— Prends une douche.

— Je n'ai fait que trois pas, et tu me dis déjà de prendre une douche. Je ne peux pas reprendre mon souffle d'abord ?

— Va reprendre ton souffle dans la salle de bain. Ma chambre sent mauvais à cause de toi.

— C'est dur. Tu n'es jamais tendre avec moi.

— Tais-toi.

Pat sourit largement et se rapproche de moi.

— Ton visage est rouge. Tu es malade ?

— Un peu.

— Tu as pris des médicaments ?

— Bien sûr. Je ne suis pas comme toi.

— Hé, pourquoi tu dis ça alors que je suis juste inquiet ? Je n'ai qu'un seul petit ami. Si je ne peux pas m'inquiéter pour toi, pour qui suis-je censé m'inquiéter ? Hmm ?

— Va-t'en vite, grogné-je.

J'arrête de me chamailler avec Pat et reporte mon attention sur le plan.

Pat rit joyeusement et disparaît dans la salle de bain. Comme il est heureux quand je m'énerve.

Depuis plusieurs jours, les basketteurs de l'Architecture s'entraînent régulièrement après les cours, au moins deux ou trois heures par jour. L'entraînement est devenu plus intense à mesure que la compétition approche. Au début, c'était plutôt amusant puisque je pouvais faire de l'exercice. Mais petit à petit, mes muscles surmenés ont commencé à se fatiguer et j'ai eu de la fièvre. En plus de l'entraînement de basket, après m'être douché et changé, je devais travailler sur mon projet jusqu'à l'aube. Après tout, la compétition n'avait pas repoussé la date de remise de la thèse.

La situation de Pat n'était pas différente. Son équipe s'entraînait dur. Nous rentrions tous les deux trempés de sueur. Il se traînait jusqu'à la salle de bains, puis s'allongeait, mort, à côté de moi pendant que je travaillais. C'était plus gênant pour lui avec sa cheville blessée. De temps en temps, Pat se plaignait de la douleur qu'il ressentait et me demandait de lui appliquer de la pommade ou de l'aider avec une compresse chaude. Son état me préoccupe.

La compétition a lieu demain... J'espère que sa cheville sera complètement rétablie.



Le gymnase est rempli d'excitation comme chaque année. Les équipes d'ingénierie et d'architecture se sont placées près du terrain en tenue de basket-ball avec la foule en délire des deux côtés. Elles sont prêtes à crier et à hurler l'une contre l'autre pour montrer leur domination. De nombreux étudiants de différentes facultés sont également rassemblés ici pour regarder notre match.

Je balaie la foule du regard, et mon cœur bat plus vite. Pat se tient parmi ses amis de l'autre côté. Il se penche et caresse sa cheville comme pour s'assurer qu'elle est guérie. Au moment où il lève les yeux et croise mon regard, je sursaute un peu, comme si j'avais été surpris en train de faire quelque chose de mal. Quand Pat fait une grimace qui veut dire "Tu me regardais, non ?", cela ne fait que remuer le couteau dans la plaie. Malgré l'irritation, son regard moqueur me calme les nerfs. J'essaie d'ignorer sa tentative de m'embêter et de détourner mon attention vers autre chose, pour que personne ne remarque notre interaction. En revanche, Pat m'adresse un sourire sans réserve.

Tu as peur que les gens ne le découvrent pas, en flirtant avec moi dès que tu en as l'occasion ?

Une fois le match commencé, ma nervosité s'évanouit. Les mouvements de mes coéquipiers et le ballon orange sont les seules choses que j'ai en tête. Le premier quart-temps est passé, mais les scores ne changent toujours pas. L'équipe d'ingénierie est plus en forme que jamais. Peu importe le nombre de fois où nous avons concouru, notre équipe a toujours été inférieure en force. On ne peut rien y faire. Nous ne pourrons jamais battre ces gros bras en puissance. Nous devons utiliser nos cerveaux.

— Pran ! Attrape ça !!

Je hoche la tête quand Wai crie depuis un coin du terrain. La balle orange vole au-dessus de moi et atterrit dans mes mains. Je saisis ma chance lorsqu'un petit espace me permet de m'élancer, puis je me précipite vers le panier. Je bondis et j'envoie la balle dans le panier à grande vitesse. Le son de la balle qui plonge dans l'air, traverse le filet et frappe le sol est incroyablement satisfaisant et fait rugir la foule. L'équipe d'ingénierie n'a pas l'air très heureuse de nous voir en tête. Le jeu se réchauffe.

Dans le deuxième quart-temps, j'ai un autre problème. En plus de me concentrer sur le match, je m'inquiète de la cheville de Pat. Je l'ai vu trébucher et se balancer il y a quelques secondes. Même s'il s'est équilibré avant de tomber, sa grimace m'a fait comprendre qu'il devait avoir mal.

— Pran !

Et Pat court toujours sur le terrain. Et si la blessure s'aggravait ? Pourquoi leur entraîneur ne change-t-il pas les joueurs ? Ne voit-il pas que Pat boite ?

— Pran ! Merde, Pran !!

Je fronce les sourcils quand Pat croise mon regard et écarquille les yeux sous le choc. Il fait un geste vers ma droite et se précipite vers moi. Quand je tourne la tête vers la droite, la balle qui s'envole me fait sursauter. Elle est trop proche pour être esquivée.

BAM !

— Ah !

PAF !

— Pran !!

La balle frappe directement ma tête et m'envoie au sol. Je me sens étourdi. Les cris et les sifflets retentissent tandis que ma vision se trouble, ne parvenant pas à saisir ce qui m'entoure. Tout ce que je sais, c'est qu'un groupe de personnes court et m'encercle.

Quelqu'un touche mon bras et mon visage.

— Pran ! Tu vas bien ? Regarde-moi, Pran. Merde, tu saignes du nez. Ça a frappé ton nez ?

J'entends la voix familière. Lorsque ma vision est enfin claire, la première chose que je vois est l'expression troublée de Pat. Je n'arrive toujours pas à me reprendre et je me sens perdu, alors je le laisse soulever mon menton et essuyer mon nez avec l'ourlet de son tee-shirt de basket.

— C'est quoi ce bordel ? Ne touche pas mon ami !

C'est la voix de Wai.

— Va te faire foutre, fils de pute. Ne me touche pas !

— Putain de bâtard !

— Pas maintenant, Wai. Regarde Pran.

Les voix de Pat, Wai, Ke et bien d'autres se mélangent et me donnent le vertige. Ma tête me fait trop mal pour me soucier de qui parle.

— Pran, je vais t'emmener à l'infirmerie. Tu peux te lever ? Mets-toi sur mon dos.

— Um...

Je grimace avec la douleur de mes tempes. J'attrape ma tête et ferme les yeux très fort.

— Tu as mal à la tête ? Ailleurs ? Dis-moi.

Je peux encore entendre la voix de Pat près de mes oreilles, mais ma tête est si lourde que je ne parviens pas à prononcer un mot. Le monde bascule, me faisant perdre l'équilibre. Tous les bruits s'estompent lentement. Lorsque je sens le vent souffler sur mon visage, tout devient silencieux.



J'ouvre les yeux sur le plafond blanc, toujours dans le brouillard. Le poids dans ma tête m'empêche de la lever. Je ne peux que jeter un coup d'œil sur le côté et découvrir que je suis sur un lit dans le bureau de l'infirmière, protégé par le rideau bleu.

— Sors d'ici !

— Toi, sors. Je vais voir comment va Pran !

— Putain, pourquoi tu veux voir mon ami ? La compétition est terminée, alors casse-toi.

Pat et Wai sont en train de se sauter à la gorge derrière le rideau. Ça semble assez loin. Soudain, l'image de Pat se précipitant vers moi clignote dans mon esprit.

C'est la merde...

FWIP.

Je sursaute quand le rideau s'ouvre. C'est Ke.

— Comment tu te sens, Pran ?

— Um... Je vais bien. C'est juste ce mal de tête.

— Bien. Ta tête est gonflée et un peu meurtrie, mais l'infirmière a dit que ce n'était pas grave. Tu as probablement été frappé trop fort par la balle et tu as saigné du nez.

Je hoche la tête.

— ...Comment suis-je arrivé ici ?

— ...

Ke me fixe d'un regard inquisiteur et s'assied sur le bord du lit.

— Pat t'a porté jusqu'ici.

— ...

Sa réponse me laisse sans voix. Le silence règne dans la pièce, pas une seule question n'est posée. Je presse mes lèvres l'une contre l'autre en signe de détresse. Alors que la tension augmente, Ke parle le premier.

— Vous ne vous détestez pas comme nous le pensions, n'est-ce pas ?

— ...

— Ce que j'ai vu aujourd'hui contredit tout ce que j'avais vu auparavant.

— ...

— La façon dont il te regardait n'était pas la façon dont on regarde quelqu'un qu'on déteste.

— Je...

— Heureusement pour notre équipe que tu étais inconscient, dit Wai d'un ton égal en entrant et je tourne brusquement la tête vers lui.

Lorsque nos yeux se rencontrent, je baisse mon regard sur mes mains et déglutis fortement, mes mains humides de sueur.

— Si tu avais pu ouvrir les yeux, j'aurais pu voir que la façon dont tu le regardais était la même que celle dont il te regardait.

J'économise ma respiration, fronçant seulement les sourcils en regardant mes mains en silence, ne sachant pas quoi dire. Je sais que tout est arrivé pour de vrai. J'ai dû être tellement heureux que j'ai oublié qui je suis, ce que je fais, ce que je cache et ce que je porte sur mes épaules.

Je dois avoir oublié que ma relation avec Pat n'est pas quelque chose que les gens autour de moi peuvent accepter. J'ai envie de me gifler pour avoir été aussi stupide et avoir tout gâché. Je pensais que je tenais tout entre mes mains avec assez de précautions. Mais en fait, j'ai tout jeté par terre moi-même.

J'étais si stupide que j'ai même oublié ma propre peur. Et maintenant ma terreur prend forme. Je suppose que les choses vont se passer comme je l'avais prévu.

Quand le secret n'est plus un secret... quelque chose peut disparaître.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:28



Scène Quatorze
Pat
Pran : Je vais bien maintenant. Pars en premier. Nous parlerons plus tard.



Après une longue attente pour voir Pran, j'ai reçu un message court et rassurant de la personne pour laquelle je m'inquiète. Pran était distrait aujourd'hui. Je l'ai remarqué car il n'avait jamais été comme ça. J'ai gardé les yeux sur lui tout le temps, et je n'ai pas été le seul à saisir son moment de vulnérabilité. Le junior de mon équipe l'a fait et a saisi l'occasion pour attaquer Pran. J'étais un peu en colère que Pran n'ait pas fait attention, mais j'étais plus en colère contre moi-même pour ne pas avoir réussi à bloquer ce fils de pute.

— Pat !

Quelqu'un a crié mon nom alors que je passais devant le bâtiment de la faculté. Bon sang, je ne veux pas faire face à ces gars-là en ce moment. Je ne suis pas prêt à répondre aux questions. Jor me fait signe de venir, avec Poom et les autres jeunes à ses côtés. On dirait qu'ils ont attendu mon arrivée après que je me suis enfui avec les joueurs d'architecture avant la fin du match.

— Vous êtes tous là. Comment ça s'est passé ? Vous avez gagné, non ? J'ai marqué beaucoup de points.

— Ouais, répond sèchement Poom, les yeux rivés sur moi, sans même ciller.

Il se tourne vers Gon, mais il hausse les épaules comme s'il ne savait pas comment poursuivre la conversation. Bien sûr, je dois dire quelque chose à ce stade.

— Pourquoi ne pas fêter ça ce soir ?

— Ça, c'est sûr. Mais c'est quoi le problème entre toi et Pran ?

— Quoi ? J'ai juste montré un peu de gentillesse en tant qu'être humain.

— Pat, ce n'est pas le moment de mentir.

— Oh, quelle réponse veux-tu ?

Je ris, en faisant semblant de ne pas être gêné, mais ces gars ne ressentent pas la même chose.

— Comme le professeur l'a dit, vous ne pensez pas que ce serait mieux si on faisait une trêve ? J'y ai réfléchi, vous savez. Nous travaillons dans le même domaine. Et si on se retrouvait dans la même entreprise et qu'on devait travailler ensemble après le diplôme ? Ce serait gênant, non ?

— C'est comme ça depuis des générations. Pourquoi tu es subitement inquiet pour l'avenir ?

— Ça ne veut pas dire que les générations passées ont toujours raison. Vous devez vous en rendre compte comme le professeur l'a fait. C'est pour ça qu'il veut qu'on arrête de se battre avec eux.

Je penche la tête. À en juger par l'expression de chacun d'eux, il est évident qu'ils sont incapables de comprendre ce que j'essaie de transmettre. Ça fait plus de trois ans qu'on nous le fait comprendre. Nous avons été ennemis depuis l'admission jusqu'à aujourd'hui. Bien que les choses n'aient jamais pris une tournure dangereuse au point que quelqu'un ait été hospitalisé, toutes ces violentes bagarres ont laissé une rancune durable.

— Quand est-ce que tu t'es réconcilié avec lui ?

— Eh bien...

— Tu as dit que ta famille et la sienne n'étaient pas en bons termes.

— C'est vrai.

Je réponds d'un ton las. Nos familles sont en mauvais termes et nos facultés sont rivales. Mais il a capturé mon cœur il y a longtemps. Pouvez-vous arrêter de vous détester pour que je puisse avoir plus de bons moments avec Pran ?

— Tu n'en as pas marre de ces bagarres constantes ?

— En résumé... en plus de t'entendre avec Pran, tu veux qu'on oublie comment ils nous ont emmerdés ?

— Pas vraiment.

Gon est le seul à rester silencieux dans le groupe. C'est lui qui en sait le plus, mais pas assez.

— C'est juste que je n'ai plus envie de me battre avec eux. Je préfère perdre mon temps avec autre chose.

— Oh, c'est vrai, tu t'es trouvé une petite amie. La première depuis que tu es entré à l'université, non ?

C'est exact. Le commentaire de Poom arrive au bon moment. Les autres gars sont d'accord et laissent tomber l'enquête.

— Poom, t'es jaloux ?

— Jaloux, mon cul. J'essaie juste de comprendre pourquoi Pat veut faire la paix avec les gars de l'architecture. D'habitude, il s'en prend à Pran, mais aujourd'hui, il est devenu un vrai gentleman. Je pensais que tu avais pris la mauvaise pilule.

— Eh bien, j'ai l'esprit sportif. Poom, tu sais que le but de la Journée des Sports est d'établir l'harmonie ? Nous sommes de la même université, après tout.

— Je vais vomir.

La façon dont il baisse son visage me fait craquer. Certains d'entre eux n'ont pas l'air convaincus, mais ils n'en disent pas plus.

— Écoutez, pensez au nombre de fois où vous avez été blessés à cause des bagarres. Combien ça a coûté pour soigner vos blessures ? Et pour quoi ?

— Ces types se sont foutus de nous.

— On a commencé les premiers plusieurs fois.

— Pat, c’est quoi ça ? Ça n'a aucun sens.

Je pousse un long soupir.

— Vous n'en avez pas marre ? Moi, j'en ai marre, putain. Pas toi, Gon ?

Je demande à mon meilleur ami. Il hésite avant de marmonner.

— Si.

— C'est vrai, Jor, si tu n'étais pas occupé à t'en prendre à ces types, tu serais déjà devenu le Commandant, dis-je en mentionnant le jeu auquel il se consacre depuis peu. Et Poom, tu ne veux pas avoir plus de temps pour étudier ?

— Je ne me suis jamais battu avec vous les gars. Ne me mêlez pas à ça.

— Mais vous n'aimez pas la façon dont nous avons perdu du temps avec toutes ces bagarres, n'est-ce pas ? Et alors, si on les frappe ? Vous n'êtes pas obligés de faire comme moi. Nous sommes tous des adultes. Réfléchissez-y. C'est stupide et puéril. Les gars cools ne tabassent pas les gens juste à cause d'une raison inconnue que les aînés utilisent comme cause de leur hostilité. Si vous insistez pour vous battre, je me retire. Je démissionne.

Si je peux au moins réduire le nombre de ceux qui veulent se battre, ça pourrait bien s'arrêter un jour.

— C'est trop stressant. Laissons tomber.

Les juniors semblent comprendre ce que je veux dire, leurs regards hostiles deviennent plus amicaux. J'ai une question, oui. Combien de temps on va continuer comme ça ? Je ne veux pas que ma relation avec Pran reste un secret. J'espère que ces enfoirés arrêteront au moins de harceler Pran. Notre relation n'a pas beaucoup progressé jusqu'à présent. Si je dois maintenant me battre avec Pran, même pour plaisanter, je ne veux plus le faire.

Au lieu de se battre l'un contre l'autre, ne devrions-nous pas dépenser notre énergie au lit ?

— Hé, les gars, où est-ce qu'on va fêter ça ? lance Gon pour dissiper cette atmosphère pesante et confuse, et Jor répond immédiatement.

— Le bar habituel. Tu dois venir, Pat. Tu as déjà refusé trop souvent.

— D'accord, je vais venir, promets-je en me grattant le menton. Je pourrais amener mon amoureux. On se voit à neuf heures.

Ils sifflent et me taquinent. Malgré ma décision, je suis encore hésitant puisque je n'ai pas parlé à Pran. S'il s'oppose à l'idée, je leur dirai simplement que je suis gay et amoureux d'un étudiant en architecture avec qui nous nous sommes souvent disputés. Bon, je vais tenter le coup. Mes amis pourraient me détester à partir de maintenant ou quelque chose comme ça. Ce serait génial si je pouvais leur faire arrêter de s'en prendre à Pran, au moins. Quant aux autres architectes, s'ils m'en veulent encore pour toutes nos confrontations passées, je dois l'accepter. Ce n'est pas grave si je perds mes soutiens. Même si Pran ne parlera jamais de moi ou ne révélera jamais notre relation, je peux vivre avec ça. Il n'a pas besoin de ruiner son cercle social pour moi. Tout ce que je fais, c'est pour le garder en sécurité.

— Où tu vas maintenant, Pat ?

— Chez moi, réponds-je en souriant et je leur fais un signe d'au revoir.

Jor insiste à nouveau sur l'heure. Je croise le regard de Gon et lève un sourcil avant de m'éloigner.



— Tu es fou !

Une réponse attendue, ouais. Pran me fixe d'un regard noir en mâchant sa nourriture.

— Quoi ? Je veux juste te présenter.

— Je n'y vais pas.

— Pran, c'est bon si tu veux garder le secret, mais je ne veux pas le cacher à mes amis.

Je presse ma langue sur l'intérieur de ma joue, les yeux fixés sur lui.

— En plus, Gon se méfie déjà de nous.

— C'est de ta faute.

— Je suis comme ça. Je ne suis pas doué pour faire semblant. Tu le sais bien.

Je regarde Pran et je lui prends les mains. Pran est un gars sérieux. Il n'a aucun problème à garder des secrets. Mais en toute honnêteté, je ne suis pas sûr de pouvoir le cacher jusqu'à la fin. Je caresse le dos de ses doigts. Il essaie de les retirer, mais je ne le lâche pas. Je le supplie un peu plus, juste au cas où.

— Pran.

— Ne fais pas le mignon. Tu as pensé aux conséquences si tes amis sont au courant pour nous ?

— Oui, j'y ai pensé.

— Si tes amis t'ignorent ou coupent les ponts avec toi...

— A cause d'un truc comme ça ?

Je penche la tête. S'ils coupent les ponts parce que je suis gay ou en couple avec un étudiant de la faculté rivale, je ne pense pas qu'ils soient vraiment mes amis.

— Nous ne sommes pas des élèves de primaire. On ne déteste pas quelqu'un juste parce que nos amis le font.

— C'est justement le problème. Tu n'as aucune idée de l'importance de l'amitié à notre âge ? Je ne veux pas que tu sois confronté à la même situation que la mienne.

— Pourquoi ? Que s'est-il passé ? Tu t'es disputé avec ces gars-là ?

— Non, ment Pran.

Bien, il n'a pas à me le dire. Je ne veux pas faire pression sur lui pour qu'il parle de toute façon.

— Et puis merde. Je suis bien si je n'ai que toi.

— Pat, ça n'en vaut pas la peine. On va bientôt être diplômés. Ne dis rien à notre sujet.

— On est bientôt diplômés, alors je veux passer du temps avec toi autant que possible. Le problème avec nos amis est insignifiant. Nos familles aussi...

— C'est vrai, je n'aurais pas dû m'impliquer avec toi. Quelle galère.

— Je vais te donner une chance de retirer tes paroles. Tu peux vraiment mentir à ton cœur ? Je lève un sourcil. Pran ferme brusquement la bouche et détourne la tête.

— Réglons ça ensemble, Pran. Pas à pas.

— Pat, laisse tomber. Tu n'es pas satisfait de la façon dont les choses se passent pour l'instant ?

Le propriétaire de la chambre expire. Pran déteste les ennuis, ne souhaitant jamais avoir de problèmes. Notre situation est-elle si mauvaise ? Eh bien, ce n'est pas comme si nous devions nous précipiter tête la première vers le problème qui nous attend.

— Si, marmonné-je avec des yeux suppliants.

Je me penche au-dessus de la table et embrasse la main de Pran.

— J'en suis tellement satisfait que j'espère pouvoir en profiter à fond. Je veux tenir tes mains, regarder ton visage et te parler n'importe où, pas seulement dans cette pièce. Est-ce que nous allons sérieusement rester enfermés comme ça pour toujours... ? Pran.

— Arrête ça.

— Pran.

— Pat.

— Pran.

— Très bien !

J'aime qu’il soit si gentil derrière cette façade dure. Sa voix était un mugissement, mais c'était la réponse que je voulais entendre. Mon sourire s'élargit. Je m'approche pour un autre baiser et je me fais frapper doucement sur le front. Pran continue de manger comme s'il ne ressentait rien. Si mes yeux n'étaient pas remarquablement affûtés, je n'aurais pas remarqué ses oreilles rouges.

— Tu es mignon.

— Ferme-la avant que ta bouche ne saigne trop et que tu ne puisses plus mâcher la nourriture.

Espèce de cœur tendre à la langue bien pendue. A qui est ce petit ami ?



Pran et moi sommes des habitués du bar près de l'université depuis notre première année. En y repensant, j'ai découvert qu'il était dans la même université que nous lorsque nous nous sommes rencontrés par hasard dans ce bar. Nous étions tous les deux abasourdis. Avant que nous puissions dire un mot, nos aînés se sont affrontés. Je ne comprenais pas pourquoi nous traînions au même endroit alors que nous étions en mauvais termes, et j'ai découvert plus tard que c'était un jeu du type "tu pars, tu perds". En conséquence, l'enfer s'est déchaîné au bar si constamment que le propriétaire a fini par abandonner. Il nous laissait nous battre comme on voulait tant qu'on payait pour les dégâts. Les mauvais jours, le propriétaire du bar écrasait une bouteille d'alcool sur la table pour se servir des tessons comme d'une arme, puis il menaçait de poignarder quiconque avait l'intention de se battre. Les étudiants en ingénierie et en architecture s'asseyaient tranquillement et s'occupaient de leurs affaires jusqu'à l'heure de fermeture.

Les bagarres entre étudiants sont tout sauf brutales, elles ressemblent plutôt à des combats d'enfants. Le propriétaire du bar nous crie dessus et nous devenons tous penauds. Nous devons fuir à l'extérieur pour nous battre, puis nous nous séparons et rentrons chez nous car nous sommes fatigués. Il n'y a vraiment pas de victoire.

— Tu as peur ? demandé-je à Pran une fois que nous sommes arrivés.

Je ne suis jamais venu ici ou n'ai jamais eu une conversation normale avec lui en public. Cependant, il est maintenant à mes côtés. Pran hausse les épaules avec nonchalance.

— Je ne suis pas celui qui a des problèmes. Tu pourrais te faire virer du groupe en une fraction de seconde.

— Comme c'est méchant.

Je rigole, remarquant l'inquiétude cachée dans ses yeux. Je prends sa main et le tire à l'intérieur du bar. Nous sommes en retard, il n'est donc pas surprenant que les autres soient déjà là. Gon me repère en premier. Ses yeux se posent sur le gars à côté de moi, puis sur nos mains qui se serrent. La discussion animée se calme. Je souris et conduis Pran vers les deux sièges vides.

— Quoi de neuf ? Qu'est-ce que vous avez commandé ?

— Qu'est-ce que ça veut dire, Pat ?

— Hmm ? Quoi ? Je vous ai dit, les gars, que j'amènerais mon petit ami. Une bière ? demandé-je à Pran, écartant la confusion de mes amis.

— Ouais.

— Ok. Une bière, s'il te plaît. Une petite. Ne bois pas trop, ou tu ne pourras pas me ramener.

— Je vais juste te laisser ici.

— Whoa, tu m'as ramassé à l'épicerie la dernière fois. Tu n'es pas un gars cruel.

— Quel emmerdeur, répond-il alors que mes amis font claquer leurs verres sur la table.

Gon est le plus posé, mais il a quand même l'air mécontent.

— Pat, ce n'est pas drôle. Tu veux dire que tu sors avec le type qui nous a frappés au visage ?

— Pran n'a jamais donné de coup de poing à aucun d'entre vous," dis-je d'un ton égal puisque c'est la vérité. Et je ne vous ai jamais laissé poser un doigt sur lui.

— Pat !

— Occupez-vous de ça entre vous. Je vais aux toilettes.

Pran se lève et s'en va, et je hoche la tête en signe de reconnaissance. Quand je tourne la tête vers la table, ils sont bouche bée devant moi.

— Vous me faites tous rougir avec ces regards.

— Pat, tu nous as trahis. Putain, tu nous as laissé nous battre jusqu'à la mort juste pour t'envoyer en l'air avec Pran dans notre dos ?

— Hé, on ne l'a pas fait.

— Ne change pas de sujet. Tu nous as piégés pour qu'on se batte avec eux. Tu nous as pris pour des chiens stupides ?

— Je ne vous ai jamais entraînés dans des bagarres, contesté-je même si ça semble égoïste. Je suis désolé de ne pas vous avoir arrêté et de n'avoir jamais dit que Pran et moi étions amis.

— Vous n'êtes pas seulement amis.

— Ouais, c'est pour ça que j'ai décidé de vous le dire à tous.

Je soupire alors que la bière de Pran est servie. J'en prends une gorgée et la repose sur la table.

— Il a sauvé Par une fois, alors nous avons eu une sorte de relation amour-haine. Et comme nos familles sont en mauvais termes, c'est bizarre de nous appeler des amis. Mais je sais maintenant. J'ai réalisé il y a un moment que je devrais être sérieux avec lui avant de perdre ma chance.

— Donc ça veut dire que vous avez des sentiments l'un pour l'autre depuis longtemps, non ? Pourquoi vous ne l'avez réalisé que maintenant ? Pourquoi ne pas avoir attendu que l'un de nous meure avant ?

— Frappe-moi, dis-je comme si ce genre de choses était censé avoir un sens. Je veux être une meilleure personne.

— Vous vous aimez depuis longtemps, mais récemment, tu as eu peur d'être largué. Et donc, tu nous as trahis pour rester avec son cul ?

— Je vous ai dit que je ne savais pas. Si vous comptez me détester, je ne peux rien y faire. Je veux juste m'excuser. Quant à Pran, tu peux arrêter de le harceler ? Défoule-toi sur moi si quelque chose te dérange. Je te laisserai faire ce que tu veux sans riposter.

— Pat, espèce d'enfoiré, tu as perdu la tête ?

Oui, peut-être que oui. Je me suis fait engueuler par mes amis et mon petit ami, et je suis prêt à tout supporter. A ce moment-là, un bruit terrible se fait entendre au fond du bar. Je compte les gars à la table. Tout le monde est là sauf Pran. Je me lève d'un bond, fonce vers la source du bruit, et tombe sur ces trois types. L'un d'eux bloque les bras de Pran tandis que l'autre lève son poing. À en juger par sa situation, Pran a manifestement reçu pas mal de coups.

— Hé, hé, tu es injuste.

— C'est pas tes affaires, putain.

— Relâchez mon ami.

— Ton ami nous a regardés de travers en premier. On n'y peut rien.

Mes yeux se posent sur le logo de l'université sur la chemise d'atelier de couleur inconnue. Ça m'énerve qu'ils soient d'une autre université. Ça va être délicat de négocier avec eux.

— S'il s'agenouille devant nous, je réfléchirai si je dois le laisser partir ou non.

SPIT !

Bon sang, Pran, peux-tu ne pas agir comme un con en ce moment ? Il crache sur l'agresseur. Le connard s'apprête à frapper Pran, mais je suis plus rapide, lui saisissant instinctivement la main et le frappant au visage.

— Merde.

— Hé, c'est quoi ce bordel !

Quatre autres gars se joignent à nous. Merde, six contre deux. Je saute et frappe le plus proche. Pran se débarrasse de sa prise et le plaque à son tour. Des trucs tombent et se brisent sur le sol, et le vase à fleurs s'est transformé en arme. J'ai été frappé à la tête par derrière. L'attaque me fait vaciller. J'entends Pran crier mon nom.

— Argh !

Je perds lentement connaissance. Au milieu du chaos, quelqu'un me donne un coup de pied dans l'estomac avec une telle force que je m'effondre. Quelque chose me frappe la joue et mon visage est projeté en arrière. Je peux goûter le sang salé dans ma bouche et entendre la voix de Pran de temps en temps. Mes amis me rejoignent enfin. Je vois Gon et je rencontre les yeux de Jor. J'essaie de me lever mais je me fais frapper à nouveau alors que je suis déjà dans un état lamentable.

— Pat !

Pran donne un coup de pied dans la jambe du gars qui se bat avec moi et le repousse. Baissant sa garde, Pran est tiré par derrière et reçoit un coup de poing au menton. J'essaie de me lever pour l'aider, mais de plus en plus de gens affluent. Le propriétaire du bar n'est pas là, et je ne sais pas quand il viendra. Notre victoire semble impossible. Lorsque j'aperçois un couteau, je me précipite en avant pour couvrir Pran, ignorant l'odeur métallique du sang qui se répand sur ma nuque. Je n'en ai rien à faire malgré la douleur dans mon estomac ou même l'élancement de ma mâchoire.

— Tu es bien audacieux sur le territoire de quelqu'un d'autre !

Le cri cette fois-ci n'appartient pas à mes amis ni aux intrus en surnombre. Il appartient aux étudiants en architecture qui m'ont maudit hors du bureau de l'infirmière dans l'après-midi. Pran appelle Waiyakorn dans un faible gémissement avant que l'enfer ne se déchaîne. Nous sommes égaux en nombre et en force jusqu'à ce que l'autre groupe exhibe ses couteaux et ses poings américains. Un coup de feu retentit de nulle part. Je serre Pran dans mes bras, sentant la fumée et entendant des cris. Le bruit des pas s'estompe. Quand je suis sûr que nous sommes hors de danger, je glisse le long du corps de Pran sur le sol froid en ciment.

— Pat ! Pat !

— Tu... Tu vas bien ?

— Je... Je vais bien. C'est le pistolet de Wai.

Je regarde Wai qui remet le pistolet dans l'étui dans son dos. Il fait les cent pas, quelques bleus sur le visage mais pas grand chose.

— Pat, tu peux vraiment t'occuper de Pran ?

— Occupe-toi de tes affaires. Je croyais que tu n'étais plus ami avec Pran.

— Ne sois pas insolent. Si je n'étais pas son ami et que je ne l'avais pas suivi ici, toi et Pran seriez morts.

— Tu t'inquiètes pour moi ?

— Merde, tu as le culot de sourire.

Wai a l'air énervé, ainsi que les autres amis de Pran. Pourtant, ils s'approchent et enroulent leurs bras autour du cou de Pran.

— Putain, je déteste Pat.

— Hé, celui qui a causé des problèmes à Pat cette fois-ci, c'est ton gars, grogne Jor en me remettant sur pieds mais sans montrer d’hostilité envers Waiyakorn. Pat, il y a du sang sur ta tête.

— Oui, je sais.

— Allons à l'hôpital.

Pran se force à quitter les bras de ses amis et me tire vers lui. Je ne suis pas en état de me battre avec qui que ce soit. Mon corps me fait un mal de chien.

— Merci, Wai. Merci à vous aussi les gars.

— Peu importe. Vous partez tous maintenant ?

— Nous ne sommes pas venus ici uniquement pour sauver le cul de Pat.

— Nous n'avons pas non plus voulu sauver le cul de Pran.

C'est quoi cette dispute ? Prenez une chambre, embrassez-vous et réconciliez-vous pendant cinq minutes, d'accord ? Je commence à être de mauvaise humeur. Avant que je ne grogne à voix haute, Waiyakorn tend la clé de sa voiture à son ami.

— Pran, emmène ce casse-pieds à l'hôpital. On va boire nous.

— Tu veux te joindre à notre table ?

Gon sourit. Je ne sais pas du tout à qui ça s'adresse, mais quelqu'un ricane en guise de réponse.

— Celui qui se saoule en premier invite tout le monde.

— Quel emmerdeur. Je suis ton ami ?

— Whoa, les étudiants en architecture sont une bande de lâches.

— Tu veux te faire botter le cul ? Regarde-toi.

La lèvre de l'ami de Pran se retrousse. Eh bien, mes amis ont l'air d'une épave en ce moment.

— Préparez votre argent.

— Hé, attends, personne ne va m'accompagner à l'hôpital ? demandé-je.

Mes amis me regardent et haussent les épaules.

— Les blessures sont loin de ton cœur. En plus, on t'en veut toujours, Pat, répond Jor en jetant un coup d'œil à Pran. Je vous laisse flirter entre vous autant que vous le voulez. Appelez-moi si quelque chose arrive.

Attendez. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. Vous vous entendez bien, tout d'un coup ? Je me penche et pose ma tête sur l'épaule de Pran, ma vision devenant plus sombre à chaque seconde. Mes yeux piquent à cause d'une goutte de sang qui coule de mon sourcil. Pran tient ma taille et dit quelque chose à ses amis, puis il m'emmène dehors sous la lumière tamisée familière de notre bar habituel.

— Est-ce qu'ils vont se battre ?

— Je ne pense pas, murmure Pran en resserrant son bras autour de moi. Pat, ne t'endors pas.

— Um.

Mes yeux sont à moitié fermés sur le chemin de la voiture. Pran me met sur le siège avant dans la position la plus confortable et fait le tour pour s'installer sur le siège du conducteur. Il attrape ma main et la pose sur ses genoux. Pran tremble de la tête aux pieds, mais il ne panique pas.

— Tu as peur ?

— Ouais.

— C'est pas grave. Tu vas bien maintenant.

La voiture démarre. Je retire la main qu'il tient pour lui tapoter la tête. Pran la repousse, insistant pour tenir ma main au lieu d'être réconforté de manière idiote. Nos doigts s'entremêlent. C'est froid, mais mon cœur est chaud.

— Ça fait si mal que ça ? demande Pran les yeux rougissant.

— C'est mieux que de te voir souffrir.

— Espèce d'idiot ! Tu es un idiot. Un putain d'idiot. Ne t'endors pas, d'accord ?

— J'ai compris. N'aie pas peur. Je te tiendrai compagnie jusqu'à ce que tu te ressaisisses. Rien ne peut te faire du mal.

— Quelque chose le peut.

Ses yeux perçants fixent droit devant eux. Je regarde son profil de côté, et mon cœur va éclater à cause de ses mots courts.

— Te perdre.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:29



Scène Quinze
Pran
L'état délirant de Pat me fait peur à chaque seconde qui passe. Je résiste à l'envie d'appuyer sur l'accélérateur pour emmener le type à côté de moi à l'hôpital le plus vite possible. Cependant, mes pieds tremblent tellement que je crains d'avoir un accident avant qu'il puisse être soigné. Finalement, tout ce que je peux faire, c'est tenir le volant et m'y cramponner. Je regarde devant moi et je conduis à la vitesse la plus élevée possible, mais sans danger. Je serre la main de Pat si fort que je peux sentir son pouls sous sa peau. Le rythme palpitant entre mes doigts m'apporte un certain soulagement.

Au moins, il ne dort pas. Au moins, il est ici avec moi.

Dès que nous arrivons, je me gare devant l'entrée. J'ouvre la porte de la voiture et j'assiste les infirmiers qui se précipitent pour aider Pat à s'installer sur le brancard. Ses yeux sont presque fermés et le dos de sa chemise est couvert de taches de sang. Je déplace la voiture sur le parking, comme le suggère l'infirmier, et je cours après Pat pour entrer aux urgences. Dès que la porte se referme, je me mets à pleurer, mon cœur se serre et une douleur aiguë me parcourt la poitrine. Mes cheveux se dressent sur la tête comme si j'allais perdre quelqu'un. Je me débarrasse de ces pensées stupides et m'installe sur une chaise. Je fixe mes paumes ouvertes, sentant encore la chaleur de nos mains jointes. Je croise mes doigts pour remplir les espaces vides et je compte dans ma tête pour calmer mes nerfs.

Parce que quelqu'un comme moi en ce moment... ne peut qu'attendre.

Cela fait plus d'une heure que j'ai les mains serrées, tremblantes, devant les urgences. Quand le médecin sort, je saute sur mes pieds si instantanément que le vertige me fait vaciller. Pour résumer, Pat a eu dix points de suture et doit passer un scanner. Il doit également être admis en observation en raison de possibles blessures internes en plus des blessures externes. La nuque est l'une des parties les plus vitales, et je le sais.

Et je sais qu'il est dans cet état à cause de personne d'autre... que moi.



— Hum...

Je sursaute et me tourne brusquement vers le blessé sur le lit d'hôpital, puis je m'élance vers lui. Les yeux de Pat s'ouvrent, ce qui me fait sourire. J'appuie sur le bouton d'appel des infirmières, et l'équipe médicale de nuit entre pour examiner et parler avec leur patient. Ils me résument tout et passent en revue les examens complémentaires dont nous avons parlé précédemment. Après cela, ils partent.

Je raccompagne l'équipe médicale et retourne vers le lit d'hôpital.

— Pat.

— Pran...

En l'entendant appeler mon nom, j'expire de soulagement, je souris et je tends la main pour la prendre.

— Tu te sens comment ?

— Ma tête est lourde. Ça fait mal.

— Tu as eu pas mal de points de suture. C'est normal que ça fasse mal.

— Je suis tout engourdi.

— Tiens, bois un peu d'eau, dis-je en relevant la tête du lit.

Je prends un verre d'eau, le tends sous son menton et porte la paille à sa bouche.

— Quelle heure il est... ?

— Cinq heures du matin. Tu as dormi pendant plusieurs heures.

— Pourquoi tu n'as pas dormi ?

— Comment j'aurais pu alors que tu n'avais pas ouvert les yeux ?

En entendant ces mots, un sourire familier se dessine sur le visage de Pat. Je laisse passer pour cette fois et me réjouis qu'il puisse encore me sourire.

— Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai presque essayé de dire 'Qui es-tu ?'.

Je le regarde d'un air las. A-t-il la moindre idée de ce que j'ai ressenti ces dernières heures ?

— Mais j'avais peur que tu ne joues pas le jeu et que tu me largues.

— Si tu n'avais pas parlé, je t'aurais largué.

— Cruel.

— Un fou comme toi méritait un traitement cruel.

Pat rit de bon cœur. Il se déplace un peu et grimace à cause de son mal de tête.

— Tu l'as dit à Par ?

Sa voix a l'air amusée. Il doit s'imaginer sa sœur croisant les bras avec un visage hostile.

— Pas encore. Elle serait inquiète.

— Bien. Ne lui dis pas que je viens de me faire une coupure à la tête. Ma peau est épaisse comme un taureau. Tu avais l'habitude de dire ça, n'est-ce pas ?

Je soupire et secoue la tête, pas d'humeur à accepter sa blague.

— Ce n'est pas drôle, Pat. Tu as pensé au moins aux pires scénarios ? Le médecin a dit que tu avais perdu beaucoup de sang. Qu'est-ce qu'on aurait fait si on n'était pas arrivé à l'hôpital à temps ? Je ne veux même pas y penser.

— Pran.

— Je déteste que tu voies toujours ce genre de choses comme une blague. Tu peux arrêter avec cette habitude d'agir avant de réfléchir ?

— Pran...

— Au moins, tu devrais apprendre à avoir peur.

— J'ai eu peur.

— ...

— J'avais peur de te perdre.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, en fronçant les sourcils, les yeux fixés sur son regard sérieux. J'ai envie de pleurer.

— Tu ne crois pas que j'avais peur, moi aussi ?

— Ne fais pas cette tête.

Pat me tient la main. Je ne sais pas à quoi ressemble mon visage, mais j'en ai une idée, à en juger par l'expression concernée du type mal élevé.

— Je suis désolé de t'avoir fait peur, reprend-il.

— C'était ma faute.

— Ne dis pas ça.

Pat essaie de me rapprocher, mais il est trop faible pour me faire bouger d'un pouce. Je me penche vers lui à la place.

— Je veux rentrer chez moi. Je peux sortir de l'hôpital maintenant ?

Je secoue rapidement la tête.

— Non, tu dois rester un jour de plus en observation. Le médecin a dit que tu devais aussi passer un scanner.

— Quel scanner ? Je ne ferai pas ça.

Sa voix est remplie de panique, apprenant les mots inconnus.

— Tu dois le faire, en cas de blessures internes. Tu pourrais avoir une hémorragie cérébrale.

— Whoa, pas question. Je ne veux pas le faire. Je vais bien, Pran.

— Tu ne peux pas le faire pour ma tranquillité d'esprit ?

— ...

— Tu peux ne plus jamais me rendre inquiet ?

— ...

— Pat.

— ...

— ... Qu'est-ce que je pourrais dire maintenant après que tu aies dit tout ça ?

Ma lèvre se retrousse, en regardant Pat baisser son regard et bouder comme un enfant contrarié.

— Tu as faim ?

— Oui.

— Je vais descendre pour acheter...

— J'ai faim de toi. Viens par ici.

— Toujours d'humeur à plaisanter, hein ? Quelqu'un comme toi n'arrêterait pas d'être une plaie même au seuil de la mort.

— Je ne mourrai pas facilement. Au moins jusqu'à ce que tu meures en premier.

Mes lèvres sont serrées. J'ai envie de sourire, mais je ne veux pas que Pat soit trop fier.

— Repose-toi, dis-je en rapprochant la chaise du lit alors que Pat prend ma main dans la sienne. Je serai là.

— Je ne te laisserai aller nulle part, même si tu en as envie.

Je ris et reste assis là. J'acquiesce lorsque Pat me regarde avec ses yeux mi-clos. Je resserre ma main dans la sienne et je caresse le dos de sa main avec mon pouce.



Je m'endors peu après que le blessé soit dans le pays des rêves. Lorsque le médecin et les infirmières entrent dans notre chambre, je me lève et réveille Pat, endormi et grincheux, pour lui faire passer un scanner. Tout se passe comme prévu, je reste près de lui comme Pat me l'a demandé. Qui aurait cru qu'il aurait peur des aiguilles ? Lorsque le médecin lui injecte du produit de contraste dans la veine, son expression devient sombre, comme si le ciel était sur le point de tomber. Le scanner ne dure que trente minutes, mais Pat doit avoir l'impression que cela dure toute une journée.

Il a l'air épuisé après ça, incapable de marcher. Nous devons le ramener à sa chambre en fauteuil roulant. Lorsque la porte s'ouvre, il grogne qu'il se sent fiévreux et va directement à la salle de bains pour vomir sans interruption. Pat semble tellement souffrir que cela m'inquiète. L'infirmière me dit que c'est une complication courante de l'injection de produit de contraste et qu'il ira mieux dans une heure. Au moment où le résultat est transmis, le gars qui n'a plus rien dans l'estomac est plongé dans un profond sommeil.

Le résultat du scanner est satisfaisant. Je pousse un long soupir après que le médecin ait confirmé que rien d'anormal n'apparaît sur le cliché. Pat peut rentrer chez lui après un bon repos. Vu son état d'épuisement, nous partirons probablement dans la soirée.

Toc, toc, toc, toc.

Quatre coups à la porte. Très inhabituel. Pourquoi frapper autant de fois ? Quand j'ouvre la porte, c'est le type qui m'a appelé il y a une heure environ.

— Toujours pas mort, hein ?

L'accueil désagréable de mon meilleur ami me fait retrousser les lèvres. Mon regard se pose sur les plats à emporter qu'il a achetés et je ne parviens pas à étouffer mon sourire.

— Qu'est-ce qui t'a décidé à me rendre visite ?

— Je ne suis pas ici pour une visite. Je suis ici pour récupérer ma voiture, corrige rapidement Wai et il me glisse la nourriture dans les mains. J'ai acheté de la nourriture sur le chemin du retour, mais j'en ai trop acheté. En voici un peu pour toi.

— Oh, alors c'est pour moi, dis-je en faisant traîner ma voix avant de regarder dans le sac en plastique. Et tu as acheté deux boîtes supplémentaires.

— Ne fais pas cette tête-là, Pran. Je suis encore furieux que tu m'aies caché quelque chose.

— Mais tu n'as pas l'air d'une personne en colère.

— Qui le dit ? Je suis sacrément énervé. Cette bande d'ingénieurs a bu de l'alcool comme si c'était de l'eau.

— Tu as perdu ?

— Juste un peu. On verra la prochaine fois.

Je souris un peu, je sens que quelque chose est en train de changer.

— Quoi ? Vous avez tous prévu une autre tournée ?

Wai hausse les épaules, sans répondre. En plus d'être maussade, il est tellement orgueilleux.

— Comment il va, au fait ?

— Il va bien. Il vient de passer un scanner. Rien d'inquiétant.

— Je vois. Il dort.

— Oui, il doit être fatigué.

— Et... il sort quand ?

— Dans la soirée, je suppose. Je dois attendre qu'il se réveille.

— Uh-huh, je vais y aller, alors. Je suis juste passé te voir.

— Merci beaucoup.

— Je t'ai aidé toi, pas lui.

— Ouais, merci pour ça.

— Um, bye.

— Hé, tu ne veux pas prendre ta clé de voiture ?

J'arrête Wai et me dirige vers la table pour la prendre, mais il me fait taire.

— Utilise la voiture pour ramener ce crétin mort chez lui. Je viendrai la chercher chez toi.

— Tu as dit que tu étais venu ici pour la voiture.

— Je m'en vais. Je suis pressé.

Je souris alors que Wai change de sujet de manière pas très subtile. Je hoche la tête et le regarde marcher vers la porte. Avant qu'il ne la ferme, il dit quelque chose qui me fait rire tout bas.

— Oh ... et ne t'inquiète pas pour les gars. Aucun d'entre nous ne peut se résoudre à être en colère contre toi.



— Praaaan.

— Oui ?

— J'ai mal à la tête.

— Pourquoi ? Tu as pris un médicament.

Je détourne la tête de mon travail vers la personne qui se repose sur le canapé. Il n'a cessé d'appeler mon nom depuis que nous sommes revenus de l'hôpital.

— Mais ça fait mal. Ce doit être une contusion. Masse-moi la tête, s'il te plaît.

— Je viens de le faire pendant une demi-heure. Laisse-moi faire mon travail.

— Je peux m'allonger sur tes genoux, par terre ?

— Pourquoi tu veux t'allonger ici ? C'est inconfortable. Repose-toi là et tiens-toi bien. Ne bouge pas trop, ou les sutures vont lâcher.

— Praaaan.

— Quoi encore ?

— J'ai soif.

— La bouteille est juste là.

— Je ne peux pas l'atteindre.

— Tu n'as pas de jambes ?

— Je suis blessé...

Je grommelle et pose le crayon, me laissant aller, et regarde le pleurnichard. Les yeux suppliants et prétentieux de Pat sont tout sauf pitoyables. Malgré tout, je me lève et m'assois sur le bord du même canapé. Je prends une bouteille d'eau, l'ouvre et la lui tends, mais le voyou secoue la tête, refusant. Il écarte les lèvres et attend que je lui mette la paille dans la bouche, comme je l'ai fait à l'hôpital. Je lutte contre l'envie de le gronder puisqu'il a obéi au scanner.

— Comment mes genoux pourraient être plus doux qu'un oreiller ?

— C'est beaucoup plus confortable.

Je secoue la tête alors que Pat sourit si fort parce qu'il a réussi à prendre possession de mes genoux. Il se serre contre ma taille, ne me laissant pas terminer mon travail. Je lui caresse la tête et lui masse doucement les tempes. Mes yeux se posent sur les cheveux légèrement coupés sur sa nuque.

— Pourquoi tu ne te coupes pas les cheveux ?

— Pourquoi ? Je ne le ferai pas.

— Ça ne te gêne pas ? Je n'aime pas ça. Ça m'a toujours dérangé.

— J'aime les cheveux longs. C'est cool.

— C'est sale. Tu te laves rarement les cheveux.

— J'ai l'habitude de les attacher. Super artistique.

— Je ne pense pas que tu saches ce que signifie 'artistique'. Ça ne veut pas dire être sale, tu sais.

— Je crois que ça veut dire cool.

— Mais je veux que tu te coupes les cheveux.

— Et si les filles tombent amoureuses de moi parce que j'ai l'air trop beau après une coupe de cheveux ? Tu serais épuisé d'être jaloux.

— Non seulement tu es stupide, mais tu es aussi narcissique.

— Tu veux dire beau et charmant.

Je lève les yeux au ciel et j'arrête de faire des cercles entre les sourcils de Pat.

— Va te coucher. Il est tard. Tu n'es pas guéri, tu dois te reposer.

— Allons nous coucher ensemble.

— Je dois travailler.

— Je ne peux pas dormir sans toi à mes côtés.

— Je vais t'apporter Nong Nao.

— Nong Nao ne peut pas te remplacer.

Je soupire.

— Tu es devenu fou après un coup sur la tête ?

— Je suis blessé, Pran...

— Tu es détraqué ?

— Je ne suis pas dans mon meilleur état, alors je veux que tu sois près de moi.

En entendant sa fausse petite voix, je me pince les lèvres. Est-ce que quelqu'un lui a dit que cette méthode était une bonne idée ? Qui lui a appris cette mauvaise habitude ?

— Ne sois pas stupide. Lève-toi et va te coucher. Je dois travailler maintenant. Et si je n'arrive pas à avoir mon diplôme ?

— Je t'aiderai demain. Tu ne peux pas dormir à côté de moi ce soir ? J'ai même passé ce putain de scanner contre ma volonté. Tu ne savais pas que c'était un enfer ? Je n'ai jamais autant eu envie de mourir. C'était comme si mon âme était aspirée hors de mon corps.

— C'était pour ton bien.

— Je m'en fiche. J'ai fait tout ça pour toi.

— Tu es devenu plus exigeant.

— Je veux juste que tu me chouchoutes.

Je fixe le type qui me regarde depuis mes genoux avec des yeux obstinés, et je reste immobile. Pat sait qu'il n'est pas raisonnable, il sait très bien que je suis pressé par le temps. Je n'ai pas le temps d'avoir des loisirs. Je suis resté debout plusieurs nuits, même avec tous ces entraînements de basket, parce que mon projet doit être rendu bientôt. Malheureusement, avec cet idiot égoïste dans la même pièce, mes milliers de raisons seront balayées d'un revers de main.

Je continuerai mon travail après qu'il se soit endormi.

Sur cette pensée, j'acquiesce et lui adresse un sourire résigné.

— Lève-toi, alors.

— Pour de vrai ?

— Tu vas te coucher ou pas ? Je vais travailler si tu ne le fais pas.

— Je me lève. Ugh !

— Pat !

Je crie lorsque l'idiot se lève soudainement sans se soucier de ses blessures et de son état.

— Tu es fou de te lever comme ça ?

— Argh, ça fait mal, Pran.

— Espèce d'idiot !

Je grogne et me rapproche de lui, les sourcils froncés.

— Laisse-moi voir. Est-ce que les sutures ont sauté ?

Je pousse son épaule pour le retourner. Ne voyant pas de sang traverser la gaze, je suis soulagé. Je lui tapote le dos pour qu'il se retourne. Son sourire me fait grimacer.

— Pourquoi ce sourire ?

— Mon amant s'inquiète pour moi. Comment je pourrais ne pas sourire ?

— Tu es toujours effronté ? Je vais frapper tes blessures et les ouvrir en deux.

— Tu ne me feras pas ça.

— Tu veux essayer ?

— Tu m'aimes trop.

— ...

— Tu rougis, n'est-ce pas ?

— Tais-toi.

— Tu fronces toujours les sourcils quand tu rougis. Ne crois pas que je n'ai pas remarqué. Chaque fois que tu m'as lancé un regard noir dans le passé, c'était parce que je t'avais fait rougir ?

— Je vois que tu peux très bien discuter. Va te coucher seul. Je vais travailler !

— Hé, hé, hé, je plaisante, murmure Pat en attrapant ma main. Allons nous coucher. J'ai sommeil.

Je plisse les yeux devant ce crétin. Pat affiche un visage coupable et hoche la tête à plusieurs reprises pour me supplier de dormir ensemble. Je soupire lourdement pour la millième fois et commence à ranger grossièrement, puis j'éteins la lumière et emmène le blessé de trois ans dans la chambre. J'avais prévu de m'éclipser pour aller travailler une fois qu'il se serait endormi, mais l'air frais de la climatisation, une étreinte chaleureuse et une couverture épaisse et moelleuse rendent mes paupières lourdes. J'ai perdu le sommeil toute la journée et la nuit pour veiller sur Pat et j'ai été vraiment fatigué par l'anxiété. Par conséquent, se retirer de l'étreinte du gars est rendu impossible.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:29



Scène Seize
Pat
— Tu te montres enfin, hein ?

Gon me salue après que je sois descendu d'un moto-taxi devant le bâtiment de la faculté. Les gars se sont rassemblés au rez-de-chaussée en attendant le prochain cours. Leur cours du matin a été reporté ce semestre. Comme ils n'ont nulle part où aller après le cours, ils ont l'habitude de traîner ici avec un vieux jeu de bingo auquel tout le monde joue pendant la pause, de la première à la quatrième année.

— J'ai été frappé à la tête et hospitalisé, et personne n'est venu me rendre visite. Je suis resté à l'hôpital pendant une journée.

— Désolé. On était pris dans la bataille de boisson avec les gars de la fac d'architecture.

— L'alcool est plus important que moi ?

— Regarde-toi, tu es tout renfrogné. On t'a laissé passer du bon temps avec ta femme.

— C'est pas ma femme.

Je pose mon sac à dos sur la table et je prends la mangue confite de quelqu'un pour la manger sans demander.

— Pas encore.

— Whoa, ça ne te ressemble pas du tout, le maître à la peau dur. Comment ta tête a pu s'ouvrir ?

— Un vase, duh. Tu n'as jamais été frappé par un vase et les morceaux cassés sont restés dans ta tête ? Tu veux essayer ? Je te montrerai volontiers.

— Non, merci. Je sais maintenant que ça fait mal. Tu es resté debout, hébété, pendant un bon moment. Nous pensions que tu avais juste agi comme un faible devant Pran.

— Quels putains de bons amis vous êtes. Et le pistolet ?

— Tu veux dire le pistolet de Wai ? C'est juste un petit pistolet pour la protection personnelle. Il a tiré sur le sol et a dû payer pour les carreaux brisés. Heureusement pour lui, personne n'a appelé les flics, dit-il avec un visage fatigué avant de demander. Qu'a dit Par à propos des blessures ?

— Elle n'en a aucune idée, je chuchote.

Je ne me montrerai pas à la maison ou à l'appartement pendant un moment. Enfin, jusqu'à ce que je sois complètement guéri.

— Si elle savait, je serais un homme mort. Un homme mort !

— Elle n'a pas remarqué ? Ou tu n'es pas rentré du tout ?

— Non, pas depuis un bon moment.

Ils ont tous crié et braillé. Je sais à quoi pensent ces salauds. Parce que j'y pense aussi. Mais bon sang, je n'ai même pas eu un baiser. Tout ce que je peux faire pour l'instant, c'est des câlins.

— Alors tu n'es pas crevé à cause de ta blessure, Mister Pat ? Tu as dû t'éclater toute la nuit, hein ?

— Si seulement.

Plus ils me taquinent, plus je me sens frustré. Je réponds en marmonnant.

— Je ne peux même pas l'embrasser. Comment je pourrais le faire avec lui ?

— Putain, c'est une blague.

— C'est quoi ce bordel ?

— Tu vis avec lui et tu n'as jamais franchi le pas. Pran ne veut pas le faire ?

— On se respecte mutuellement.

— Respect, mon cul. Vous êtes tous les deux des hommes.

— Les hommes ont besoin de respect aussi.

Je m'éclaircis la gorge. Le truc, c'est que je dois être très prudent vu que Pran est un homme. Et s'il me bat à mort ?

— On y va doucement.

Poom se moque. Un nerd comme lui a le culot de se moquer de moi ?

— Bonne chance.

Espèce d'emmerdeur. Va te faire foutre !



— Pran !

Le soir, je l'ai attendu à sa faculté. Il a dit qu'il discuterait de son projet avec son professeur après les cours. Beaucoup de gens passaient et me regardaient avec perplexité. La plupart des étudiants en architecture me connaissent, mais seul le groupe de cette nuit-là a appris notre relation. Pran vient de descendre les escaliers et se dirige maintenant vers moi alors que je lui fais signe de la main.

— Pourquoi t'es là ?

— Pour venir te chercher.

— Pourquoi tu n'as pas appelé ?

— C'est une surprise.

Je mets mon menton dans ma main et je souris. Pran a été occupé par son projet récemment au point qu'il a à peine eu le temps de se reposer. J'ai multiplié les astuces pour qu'il se couche comme un enfant, mais ce n'était toujours pas suffisant. Les cernes sous ses yeux sont visibles. Il a l'air complètement épuisé, mais ce n'est pas grave. Il est toujours mignon.

— Tu sais que tout le monde dans ma faculté parle de nous ?

— Vraiment ?

Oh, donc ils m'ont regardé par curiosité, pas par haine comme je le pensais.

— On est célèbre maintenant, rajouté-je Vendons de la crème pour le visage.

— De la crème pour le visage, mon cul.

— Mon cul ne produit pas de crème pour le visage, mais je vais essayer.

— Ta tête doit être guérie pour que tu sois si pénible. Tu veux te faire botter le cul ?

— Amène-toi.

Je me frotte les mains et je souris.

— Je te rendrai ton coup de pied en t'embrassant. Allez, Pat est prêt, Pran.

— Crétin.

En voyant son expression irritée, je ris. Je me lève et l'aide à porter son sac à dos. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Putain, c'est lourd.

— Qu'est-ce que tu as apporté en classe ?

— Pas seulement un stylo, comme toi. On trouve quelque chose à manger avant ou on rentre directement à la maison ?

— Je veux regarder un film.

— Je suis occupé.

— Tu es trop dur avec toi-même, Pran. Prends une pause, d'accord ? Allons voir un film.

— Pat, j'ai du travail à rendre.

— Je vais t'aider à couper.

— Tu vas tout retarder !

— Je me laverai les mains d'abord, cette fois, pour que ton modèle reste propre. Je vais y mettre tout mon cœur. S'il te plaît... Allons voir un film. Je promets que je ne te dérangerai pas ce soir.

Pran considère l'offre et hoche finalement la tête. Je lui tiens la main et il l'arrache aussitôt.

— Merde ! Ne sois pas tactile dehors.

— C'est normal que les amoureux se tiennent la main.

Avant que Pran ne puisse dire quoi que ce soit, je ferme les yeux.

— Est-ce que tu me trompes ?

— Quand est-ce que j'ai fait ça ? Je ne suis même pas capable de te gérer. Je ne veux juste pas être la cible de ragots. Tu comprends ?

— Oui.

Je ne veux pas comprendre, cependant. Pran est assez célèbre ici. Ça va ruiner sa popularité.

— Mais je peux être tactile dans notre chambre, non ?

— Espèce de crétin !



Pran choisit un film d'action typique. Je suis souvent allé au cinéma avec Gon et les autres, mais jamais avec Pran. Nous regardions généralement le film séparément et partagions nos opinions par la suite. Par conséquent, nous pouvons profiter d'une suite ensemble. Pran semble plus détendu maintenant. Nous dînons dans un restaurant japonais avec une réduction de 50 %. Après cela, nous flânons dans le centre commercial pendant un moment, comme nous ne l'avons jamais fait et comme nous n'avons jamais pensé pouvoir le faire.

— Tu vas bientôt finir ton projet ? demande Pran alors que nous faisons la queue pour le fameux chou à la crème glacée.

Les yeux fixés sur le menu, je réponds.

— Il ne reste que le dossier.

— Pourquoi si vite ? Je ne t'ai jamais vu faire quoi que ce soit.

— C'est juste l'écriture d'un programme.

Contrairement à moi, Pran doit mener une étude et construire un modèle.

— Il n'y a pas de faculté aussi contraignante que la tienne, Pran.

— C'est vrai. Merde, ai-je choisi la bonne voie ?

— Est-ce que tu changerais pour autre chose si tu pouvais ? Je ne pense pas que tu le ferais. Qu'est-ce qu'on devrait prendre ? Une idée ?

— Je n'en veux pas.

— Allez, manges-en avec moi. Tu n'aimes pas la glace ?

— Je suis repu.

— Je peux avoir un cône au chocolat, s'il vous plaît ? dis-je à l'employé au regard chaleureux et je paie la glace.

Pran me suit dans la file d'attente.

— Tiens.

Pran a dit qu'il n'en voulait pas, mais maintenant que je le lui donne, il ne refuse pas.

— On rentre à la maison maintenant pour que tu puisses reprendre ton travail ?

Pran acquiesce, en savourant la glace. Je me penche et lèche l'autre côté, ce qui lui fait écarquiller les yeux. Pran pousse ma poitrine et s'éloigne, en fronçant les sourcils.

Tu rougis pour quelque chose comme ça. Je voulais juste goûter.



Sur le chemin du retour, je garde ce détail secret pour Pran. À environ un kilomètre du centre commercial, je regarde sa joue tachée de glace. C'est petit, ni voyant ni moche. En fait, c'est super mignon.

J'aime quand Pran agit comme un enfant, la façon dont il ne se soucie de rien quand il apprécie ce qu'il aime. Son expression détendue me donne le sourire. Pas seulement quand il mange une glace, mais aussi quand il travaille. Chaque fois que Pran travaille sur ses projets, sa passion, il est totalement absorbé. C'est difficile d'attirer son attention sur moi. Avec le dernier projet en cours avant les examens finaux, il est plus sérieux que jamais. Mais sa détermination peut être excessive. Cela m'inquiète quand je me réveille au milieu de la nuit et que je le trouve encore éveillé.

— A quelle heure vas-tu te coucher ce soir ?

— Quand j'aurai sommeil.

— Comment ça pourrait être possible ? demandé-je.

Regardez juste ce qu'il a stocké dans le frigo.

— Tu ne peux pas boire un café en boîte ?

— Des boissons énergétiques.

— Pran, tu travailles trop dur sans prendre soin de toi.

— C'est presque fini. Après ce projet, je vais dormir pendant deux jours d'affilée.

— Ce n'est pas une façon de faire le mort ? demandé-je.

Je ne laisserai pas cela se produire. Vous pensez que je vais laisser Pran sombrer pendant deux jours ? La solitude va me tuer.

— Je veux t'aider.

— Si tu ne me déranges pas, je te serai reconnaissant, putain.

— Tu exagères. Qui je suis ? Je suis M. Soutien alimentaire. Tu travailles si dur et tu ne te reposes pas. Quand je n'étais pas avec toi, comment tu as pu survivre jusqu'à l'année dernière ?

— Wai m'a apporté de la nourriture.

— Cet enfoiré a trop de temps libre, grogné-je.

Ne se soucie-t-il pas trop de son ami ? Et s'il avait une arrière-pensée ? Pran est naïf. Il serait facilement trompé par un méchant comme Waiyakorn.

— Nous étudions ensemble, donc il sait ce que c'est avec tous les projets. Wai travaille habituellement au studio avec ses amis, mais je préfère travailler seul dans ma chambre. C'est normal qu'il s'inquiète pour moi.

— Quel saint.

— Bien sûr qu'il l'est. Sinon, il n'aurait pas prêté sa voiture quand tu as reçu un coup sur la tête à ce moment-là.

Maintenant il donne du crédit à son ami. Quelle méchanceté. Je me rends, mettant fin à cette chamaillerie. C'est notre moment privé. Pourquoi parler de quelqu'un d'autre ?

— L'ascenseur est là. Regarde-toi, tu boudes. Je m'en fiche, tu sais.

Voilà comment est Pran. Je soupire, enroule mon bras autour de son cou et embrasse affectueusement sa tête. Le gars qui se fait attaquer par une clé de bras me regarde et me tape sur le front pour se libérer.

— Quelle brutalité. Je suis ton petit ami.

— Tu es un esprit maléfique.

— Quelle langue acérée tu as.

Même si j'ai perdu ce round, le sourire reste sur mon visage car je peux protéger ce petit secret. La joue de Pran est encore barbouillée de glace. Quand nous entrons dans la pièce, je tire son coude et soulève mon téléphone.

— Quoi ?

— Prenons un selfie.

— C'est quoi ce bordel ?

— Allez.

Je le supplie en riant. Pran hésite mais cède quand même. Je passe à la caméra frontale, et Pran montre les dents.

— Merde, j’ai une tache sur ma joue. Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

— C'est mignon. Haha.

Il me donne un coup de poing et prend une serviette. Je la lui prends des mains, le force à s'asseoir sur le lit, et m’installe à côté de lui.

— Je vais l'essuyer.

— Va te faire foutre. Merde, c'est là depuis qu'on était au centre commercial.

— C'est mignon, mon petit Pran.

— Tu trouves ça drôle ?

— Non, je vais la fermer. Maintenant supplie-moi de te nettoyer la joue.

— Tu vas le faire ou pas ? Si non, passe-moi la serviette. Tu es trop difficile à supporter.

— C'est vrai, j'ai 'beaucoup' de choses à te faire supporter.

Il me donne un nouveau coup de poing dans l'épaule, pas aussi fort, mais assez pour me faire perdre l'équilibre.

— Si violent. Tourne-toi de ce côté.

— Tu es lent. Je dois travailler.

— Ce n'est pas drôle d'être trop rapide.

— Pat.

— Je vais la fermer pour de bon cette fois.

Je lève les mains en signe de reddition et essuie la tache collante de sa joue avec la serviette. Pran garde les yeux ouverts, mais il baisse les yeux, fuyant mon regard. L'ombre de ses cils épais et clairs tombe sur ses joues, invitant mes yeux à descendre sur sa peau rougie. Ma main se fige sur place. Je sais qu'il a un visage énervant. Ça peut être la forme de son nez ou ses yeux. Les deux mélangés ensemble rendent son visage assez provocant. Je viens de réaliser qu'en plus de son visage agaçant, maintenant que mes yeux sont rivés sur ses lèvres courbées, la riche couleur peut susciter mon désir d'un baiser.

Dans le silence profond, je me penche inconsciemment. C'est probablement le travail de la gravité qui nous rapproche. Les yeux collés à ces lèvres, j'incline un peu la tête par instinct jusqu'à ce que je sente le contact humide, rugueux, mais en quelque sorte doux. La froideur est toujours là, et quand je sépare ses lèvres, je goûte au baiser à la glace au chocolat.

Pran ferme les yeux, me laissant sucer ses lèvres seules pendant un moment avant de me rendre la pareille.

J'attrape sa joue avec ma main qui s'est figée auparavant, glissant mes quatre doigts dans ses cheveux bruns naturels à l'arrière, mon pouce effleurant sa joue. Mon cœur s'emballe. J'incline davantage la tête pour approfondir le baiser et j'insère ma langue à l'intérieur pour jouer avec la sienne. Le doux baiser devient plus intense. Au moment où je me précipite pour en avoir plus, le téléphone de Pran sonne.

Putain !

Pran se retire lentement, évitant mon regard. Il fronce les sourcils et se lève pour répondre à l'appel, me laissant dépité sur le lit, seul, comme si rien ne s'était passé.

— Quoi de neuf, Wai ? Oui, je viens de rentrer. Je vais reprendre le projet. Oui, je suis avec Pat. Ne viens pas, ou il va faire des histoires.

Va te faire foutre, Waiyakorn. Cet enfoiré commence à me taper sur les nerfs pour de bon. La dernière fois que j'ai essayé d'embrasser Pran, il s'est pointé. Maintenant, il interrompt notre baiser alors qu'il n'est même pas là. Un saint, mon cul. C'est un putain de diable.

— Ouais, j'ai mangé. Je raccroche maintenant.

Pran termine l'appel mais ne se retourne toujours pas. Je m'approche de lui et lui fais un câlin par derrière. J'enfouis mon nez derrière son oreille, je respire son parfum, et j'embrasse la longueur de son cou.

— Pat, ça suffit.

— Pourquoi ?

— Je dois travailler.

Encore le travail. Si je pouvais remonter le temps, je ne laisserais pas Pran choisir l'architecture. Tout ressemble à un feu de paille aujourd'hui. Dois-je demander à une divinité de m'aider à coucher avec Pran ?

— Qu'est-ce qui te contrarie ?

Pran tourne la tête en posant la question, avec un sourire triomphant. J'économise mon souffle et saute sur le lit. Je lui tourne le dos, même si je sais qu'il s'en moque.

— Prends une douche avant d'aller te coucher.

— Laisse-moi tranquille.

— Vas-y, boude. Je viendrai te voir quand j'en aurai fini avec le projet.

Je me retourne et vois Pran qui sort son modèle des étagères comme il l'a dit. J'expire à haute voix et finis par descendre pour m'allonger sur ses genoux.

D'accord, juste un baiser pour aujourd'hui.

Bordel de merde !


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Ven 6 Sep 2024 - 18:29



Scène Dix-Sept
Pran
Pendant une semaine entière, ce stupide amoureux des peluches n'a pas arrêté de m'embêter, me demandant et pleurant sans cesse pour ceci et cela. Chaque fois que ma main touchait la souris, il appelait mon nom, si bien que je n'arrivais pas à me concentrer. J'ai dû reporter mon attention sur le type qui prétendait avoir mal à la tête et au corps. Il n'a pas arrêté de gémir qu'il avait peut-être de la fièvre. Mon projet avançait à peine plus vite qu'un escargot qui rampe.

Néanmoins, en ce moment, même si Pat gémit et se roule par terre, je n'aurai même pas le temps de regarder.

Les cases de mon calendrier sont pleines. Mes yeux les parcourent jusqu'à la case avec un cadre rouge épais, qui signifie la soumission finale. Je ne peux que pousser un soupir.

Dans douze jours !

Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai pris une douche. Je suis un maniaque de la propreté qui a perdu face à la quantité interminable de travail. Après toutes les évaluations et le processus de planification, j'ai dû abréger et travailler sur ce que j'avais sur l'ordinateur portable. Le modèle est terminé. Il ne me reste plus qu'un dessin et un devoir. Oh... et une présentation.

Avec toutes ces tâches, sans parler de voir Pat, je ne pisse que lorsque je ne peux vraiment pas me retenir. Putain de vie.

Rrrrrrrr

Je quitte l'écran de l'ordinateur portable des yeux et fixe le téléphone qui sonne et affiche le nom de Wai. Je décroche, mets rapidement le haut-parleur, et reporte mon regard sur l'écran.

— Quoi de neuf ?

— Tu vas te coucher ?

— Non, je dois séparer chaque section d'ici ce soir, sinon je ne pourrai pas finir le cahier des charges.

— Ok. J'atteins ma limite. J'ai bu trois canettes de café. Merde, mon cœur palpite.

— Presse un tissu froid et humide sur ton cou.

— Ok, est-ce que Pat est revenu ?

— Non, dans un moment, je suppose.

— Je peux passer ? J'apporterai mon ordinateur portable. Je suis en train de perdre la tête.

— Bien sûr.

— Très bien, à tout à l'heure.



Toc, toc.

— Hey.

Je salue le gars à qui j'ai parlé au téléphone il y a quelques instants. Il porte son travail et son équipement à l'intérieur avec des cernes sous les yeux, l'air fatigué.

— Hey. Maintenant que je vois ton visage, je me sens tellement revigoré.

— C'est quoi ce bordel ?

— Mes cernes dans le miroir me rendent triste. Maintenant je me sens mieux parce que les tiens ont l'air pire.

— Crétin.

— Je plaisante.

— Entre. J'ai préparé la table pour toi. Mets ton ordinateur portable et tes autres affaires dessus. La prise de courant est sur le côté. Utilise-la.

Sans perdre une seconde, nous nous installons tous les deux devant nos ordinateurs portables, pressés par le temps. Le silence est rempli par le bruit constant des souris qui cliquent. La musique est allumée, faisant office de bruit blanc. Nous nous concentrons sur le programme qui s'affiche sur les écrans et discutons de temps en temps de certaines parties.

— Hey.

— Quoi ?

Je lève un sourcil, sans tourner la tête.

— La hauteur de ton comptoir est de un mètre cinq ou un mètre dix ?

— Un mètre cinq.

— Et le bord ?

— Dix.

— Ça peut être cinq ?

— En fait, ça dépend du design. Mais je dirais dix, pour être sûr.

Nous parlons et travaillons sans contact visuel, ne posant que des questions importantes et gagnant du temps autant que possible. Nous ne sommes pas sûrs de la vitesse ou de la lenteur du temps qui passe. Mais avant même que nous le sachions, nous entendons la voix de Pat avant même qu'il ne fasse un pas et que la porte ne soit complètement ouverte.

— Praaaan.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, les yeux se tournant vers la porte. Wai éclate de rire.

— Whoa ! Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Les yeux de Pat s'élargissent maintenant qu'il est à l'intérieur. Il montre du doigt le gars à côté de moi, choqué.

— Pourquoi tu ris, bordel ?

— Je ne peux pas m'en empêcher. Qui aurait cru que le chef d'un gang d'ingénieurs appellerait son amant sur un ton aussi doux ? Merde, c'est fascinant.

Wai ne s'arrête pas de rire. Je les ignore tous les deux et me concentre sur l'écran.

— Tais-toi. Pourquoi t'es là, d'ailleurs ? Et pourquoi tu as apporté tous ces trucs ? Tu n'as pas d'endroit pour dormir ?

— C'est la chambre de Pran, et je suis son ami. Il est parfaitement normal que nous travaillions ensemble.

— Ce n'est plus acceptable. Fous le camp d'ici. Les amoureux vont passer du bon temps ensemble.

— Continue ton délire. Je suis trop occupé pour me battre avec toi.

J'essaie de ne pas montrer d'intérêt et de faire semblant de ne pas entendre leurs chamailleries, en prêtant attention à mon travail. Quelques secondes plus tard, ce foutu voyou marche vers moi en braillant.

— Pran, pourquoi tu l'as laissé entrer ?

— Wai est venu ici pour travailler. Arrête de pleurnicher.

— Je ne pleurniche pas. Je ne l'aime pas !

— Pat, j'ai soif.

— Tu changes de sujet !

— Ma gorge est desséchée…

Je tourne la tête pour soutenir le regard de Pat. Le râleur arrête de se plaindre. Toujours contrarié, il va chercher une bouteille d'eau dans le réfrigérateur, ouvre le couvercle et met la bouteille près de ma bouche.

— Hé, je peux boire tout seul.

— Contente-toi de travailler. Je te nourris.

— Je m'en vais. Il commence à faire sombre. Je n'apprécie pas vraiment la vue en ce moment, dit Wai en se moquant.

Je me détourne de la bouteille et essuie timidement le coin de ma bouche.

— Dépêche-toi de partir.

L'autre gars ne se retient pas du tout.

— Oui, je vais partir, c'est sûr. Accroche-toi à Pran autant que tu veux. Putain, tu te comportes comme un chiot abandonné.

— Wai, espèce d'enfoiré !

— Ça suffit. Arrêtez de vous battre. Rentre à la maison prudemment, Wai. A plus.

— A plus. Accroche-toi. Je repasserai.

Je fais un signe d'au revoir à Wai, sans le raccompagner. Avant de sortir de ma chambre, il taquine à nouveau Pat, ce qui fait crier ce dernier à haute voix une fois de plus.

— Vous pouvez ne pas vous sauter à la gorge à chaque fois ? marmonné-je, mes doigts cliquant sur la souris et dansant sur le clavier.

— C'est lui qui a commencé. Tu l'as vu.

— Ouais, je sais. Va prendre une douche.

— Tu ne l'as pas fait. Je ne le ferai pas.

— Je ne peux pas. J'arrive bientôt à la date butoir. En plus, je suis dans une pièce climatisée toute la journée, pas à l'extérieur, dis-je en fronçant les sourcils en direction de Pat. Mais tu étais dehors à te rouler dans la boue.

— Je ne suis pas un chien, Pran. Je suis ton petit ami.

— Attends.

Je crie et attrape une de ses épaules alors qu'il essaie de se coucher sur mes genoux. Mon autre main est toujours en train de taper.

— Si tu veux t'allonger sur mes genoux, prends d'abord une douche.

— Allez, je viens de rentrer et je me sens épuisé. Je ne peux pas me reposer un peu ?

— Prends juste une douche.

— Tu n'as pas regardé mon visage depuis que je suis rentré, Pran.

— Je suis pressé, Pat. S'il te plaît, ne pleurniche pas trop pour l'instant. Laisse-moi soumettre mon projet et finir la présentation d'abord.

Pat gémit et tape des pieds pendant un moment avant de finalement aller dans la salle de bain. Pendant qu'il se douche, je travaille sur le projet autant que je peux, sachant que je serai distrait comme jamais quand il sera de retour.



— Je ne vais pas rentrer à la maison de sitôt, Par. Tu peux y aller sans moi. Dis à maman que je suis occupé ces temps-ci. Ouais, c'est ça. Ok. Rentre bien. Appelle-moi plus tard. D'accord, bye.

Mes yeux fixent l'écran, mes oreilles écoutent la conversation, mes mains tapent. Quand Pat raccroche, je lui pose une question.

— Pourquoi tu ne rentres pas chez toi ? Tu es resté ici la semaine dernière. Tu devrais aller voir tes parents.

— Tu ne vas pas y aller. Comment je pourrais ?

Pat sourit. Il se laisse tomber sur mes genoux, appuie son visage contre mon ventre, et prend une profonde inspiration.

— Merde, ça chatouille."

— Tu sens bon.

— Je viens de prendre une douche.

Après quatre jours. Je me dégoûte tellement, en y pensant. Comment ai-je pu aller aussi loin ? C'est la faute de cette montagne de travail.

— Tu sens toujours bon.

— Je te dis de rentrer chez toi. Pourquoi tu es allongé ici ?

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, pour changer de sujet.

— Je veux être là pour t'aider. Même quand je suis là, tu continues à travailler sans remplir ton estomac ou te reposer. Qui va te nourrir si je ne suis pas là ?

— Tu n'as pas dormi pour me tenir compagnie aussi. Tu ressembles à un panda.

— Et toi tu ressembles à un trou noir.

— C'est mon travail, ma responsabilité. Pas la tienne.

— Le travail de la femme est le travail du mari.

— Pat.

— Whoa, whoa, quel regard furieux.

Toujours en train de plaisanter.

— De toute façon.

— Hmm ?

— Comment tu sais que je suis la femme ?

Mes lèvres se retroussent.

— Eh bien, eh bien, tu veux le prouver, petit Pran ?

— Tu vas encore te faire fracasser le crâne si tu n'arrêtes pas de plaisanter.

Je ramasse une règle graduée et fais semblant de viser sa tête. Pat fait aussi semblant d'être effrayé.

— Je ne ferai plus de blagues.

Je ricane et continue à travailler, le laissant jouer sur son téléphone sur mes genoux. Même si je suis pressé, privé de sommeil, que j'ai sauté des repas et que je suis fatigué, avoir ce gros chiot à mes côtés…

C'est plutôt agréable.



— Puuuutain, c'est enfin terminé !!

— Fêtons ça. On doit fêter ça !

— Où est-ce qu'on devrait aller ce soir ?

— Le bar habituel ? J'ai tellement envie d'alcool, putain.

Je fais un grand sourire à mes amis. Nous sommes de bonne humeur maintenant que nous avons fait les présentations et rendu les devoirs. Nous crions tellement qu'il est impossible de savoir qui parle à qui.

Maintenant que j'ai survécu à cette période diabolique, je souhaite libérer mon âme de mon corps pour qu'elle se repose quelque part hors de la terre. Plus question de rester debout toute la journée, les yeux rivés sur l'écran de mon ordinateur portable pendant plus de quarante-huit heures. Je vais dormir comme une souche, me gaver de bonne nourriture et dépenser tout mon argent en alcool.

— Le bar habituel à 19h30, alors. Maintenant, séparons-nous pour prendre une douche et faire un doux rêve pour refaire le plein d'énergie.

Sur cette conclusion, je traîne mon corps lourd, en manque de sommeil depuis deux jours, jusqu'à mon appartement avec Wai. Nous nous disons au revoir à l'entrée et nous nous séparons.

Je déverrouille la porte pour trouver Pat assoupi sur le canapé. Je souris en m'approchant de lui. Il est complètement assommé parce qu'il est resté debout pour être avec moi et a dormi à l'aube presque tous les jours de la semaine dernière. Pat a récupéré mon plan à l'imprimerie, obtenu mes photos à l'atelier de cinéma et relié mon devoir avec une couverture dorée. Il a été d'une aide considérable. Incapable de m'aider avec le contenu de mon travail, Pat s'est rattrapé en effectuant des tâches mineures sans la moindre hésitation. Par conséquent, le chef de la bande d'ingénieurs, privé de sommeil, a sombré dans un profond sommeil le jour de ma présentation.

Je m'accroupis pour fixer son visage. Je fais courir mes yeux de son front à ses cernes, les mêmes que les miens. Je regarde ses longs cheveux. Ça ne le gêne pas ? Je lui ai dit de les couper plusieurs fois. Ils prennent trop de temps à sécher après le lavage. Pire encore, il est trop paresseux pour se sécher les cheveux ou les essuyer correctement. Il pourrait attraper un rhume à cause de ça.

— Hum…

Le dormeur gémit et déplace son corps lorsque je balaie sa frange sur son front.

— Je t'ai réveillé ?

— Tu es de retour ? demande doucement Pat.

Il se lève et se frotte les yeux en somnolant.

— Je suis de retour. Va dormir sur le lit. Tu vas avoir mal au cou.

— Allons nous coucher ensemble.

— Je te rejoins après la douche.

— Ok…

Il doit être vraiment endormi pour être aussi obéissant, et c'est si adorable que je souris un peu. Je touche sa joue. Pat lève un sourcil et croise mon regard.

— Quoi ?

— Merci.

— Merci ?

— De m'avoir aidé.

Pat cligne des yeux à plusieurs reprises, puis il sourit et me tire pour que je m'assoie entre ses jambes. J'essaie de résister et j'abandonne. "Je n'ai que toi. Qui d'autre pourrais-je aider ?"

— Quel beau parleur. Pat... Hmm !

Ses lèvres touchent mon cou, me faisant sursauter. J'appelle son nom pour qu'il arrête, mais il s'en moque.

— Ne fais pas ça.

— J'ai été un bon garçon pendant des jours. Je ne mérite pas une récompense ?

— …

Pat enroule ses bras autour de ma taille par derrière. Ses mains descendent jusqu'à mes cuisses et son nez pointu caresse mon cou. J'ai la chair de poule et je déglutis, sentant l'électricité quand Pat me mordille l'oreille.

— Pat…

— Ne m'arrête pas. Je veux te toucher.

— Merde, je suis crevé.

— Non, tu ne l'es pas. Tu es visiblement dur.

Je m'arrête, mon visage s'échauffe parce que c'est vrai. Je fronce les sourcils et aboie une réponse.

— C'est juste une érection due au sommeil.

— Hmm, tu dois être fatigué. Moi aussi.

Pat attrape ma main et la pose sur son entrejambe. La sensation épaisse et ferme sous ma paume me fait sursauter et j'essaie de m'éloigner, mais Pat me suit et me tire à nouveau dans son étreinte. Il saisit l'occasion de mon agitation pour sceller nos lèvres et enfonce vigoureusement sa langue dans ma bouche. Il caresse mes hanches et fait descendre mon pantalon. Mes yeux s'écarquillent et mon visage rougit, mais le baiser passionné de Pat me distrait.

Il glisse sa main dans mon sous-vêtement. Je frissonne lorsque ma partie sensible est tenue et caressée doucement. Cela m'excite lentement. J'ai été tellement occupé que je n'ai pas pris soin de moi. Maintenant que je suis caressé comme ça, c'est irrésistible.

— Pran…

Et avec son chuchotement rauque près de mon oreille.

— Hmm, Pat… Je…

— C'est bon. Détends-toi. Ne te crispe pas.

— Putain, ne me caresse pas comme ça.

— Tes joues sont vraiment rouges.

Pat mord ma joue à pleine bouche, alors je frappe son épaule.

— Putain, qu'est-ce que tu fais ? Ah !

— Touche-moi aussi.

— Non…

— Pran.

Je presse fortement mes lèvres, ignorant le doux murmure sur ma bouche. Je ferme les yeux pour échapper à ces yeux suppliants, mais cela ne fait qu'aiguiser mes sens. Je serre les dents pendant un moment et finalement je cède. Je tends la main pour saisir son sexe et la fais bouger de haut en bas. Le gémissement de Pat et le mien résonnent dans mes oreilles de façon embarrassante.

Je ne sais pas si c'est la fatigue qui intensifie mes sensations. Chaque mouvement sur ma peau me remplit d'une gêne extrême. J'ai envie de m'en libérer.

Nos visages se penchent l'un vers l'autre après que nos yeux se sont croisés. Nos lèvres s'entrouvrent, et nous goûtons la chaleur de nos langues respectives. Nous oublions tout et nous nous concentrons sur la température chaude de nos deux mains, en échangeant notre souffle. À la fin, je tombe dans son étreinte ferme. Nous nous tenons dans les bras, haletants, marmonnant le nom de l'autre après que la chaleur de nos corps s’est libérée dans nos mains.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:29



Scène Dix-Huit
Pat
Rien n'est meilleur que de faire un pas de plus avec son amoureux.

Bon sang… C'est le paradis. Regardez bien ma bouche. PA-RA-DIS.

Je suis allongé sur le côté et je regarde Pran, qui dort profondément depuis une journée entière. Il semble qu'il ne va pas se réveiller de sitôt. Je passe ma main sur son nez de temps en temps pour m'assurer qu'il est juste endormi, pas mort. Depuis que nous nous connaissons, nous n'avons jamais été aussi proches. Nos routines quotidiennes ne sont rien d'autre qu'étranges. Quand nous travaillons, nous perdons le sommeil. Quand nous dormons, nous le faisons comme si nous n'aurions jamais une autre chance.

Le grognement me rappelle que mon estomac est vide depuis hier soir. L'épuisement dû au fait d'avoir veillé avec Pran toutes les nuits précédentes est encore présent, mais pas aussi fort que ma faim. Je resserre mes bras autour de lui. En fait, nous avons dormi chacun d'un côté du lit la nuit dernière. Après qu'il m'a laissé le toucher comme personne ne l'a jamais fait, il était tellement gêné que son visage est devenu tout rouge. Il m'a interdit de franchir la frontière en forme de traversin pour une nuit. Pourtant, il n'avait pas semblé particulièrement prude quelques instants auparavant.

Cela signifiait seulement qu'il était trop timide pour me faire face. Eh bien, j'étais aussi timide, vous savez, mais j'ai aimé ça.

J'embrasse doucement le gars endormi sur l'épaule. Il porte un t-shirt de basket-ball trop grand, révélant son épaule laiteuse. J'ai tellement envie de le mordre, mais mon estomac grogne pour la troisième fois. Je n'ai pas d'autre choix que de trouver quelque chose à manger avant que le son ne vienne perturber la personne à côté de moi. Pran est épuisé depuis plusieurs jours, alors je veux qu'il se repose. Aujourd'hui, je promets d'être un bon garçon en ne mettant pas le désordre dans la chambre. Je laverai soigneusement l'assiette et le verre que j'utilise. Je prendrai une bonne douche et je lui achèterai à manger dans l'après-midi ou le soir, une fois qu'il aura refait le plein d'énergie.



— Pat, maman n'a pas arrêté de se plaindre, m'a dit ma sœur d'une voix fatiguée lorsque je suis passé dans ma chambre à midi pour la trouver en train de faire son sac avec les vêtements de son armoire.

Je sais pourquoi maman s'est plainte. Bien sûr, je ne suis pas rentré à la maison pendant un mois entier. Je ne me souviens même pas de la dernière fois où je suis retourné chez moi. Pran est resté ici, alors je suis resté. De plus, chaque fois que nous décidons tous les deux de rentrer à la maison, nous ne pouvons pas passer de temps ensemble de toute façon. Mais rentrer à la maison ne semblait pas si ennuyeux puisque je pouvais le voir dans sa chambre depuis ma fenêtre. Je pouvais supporter que mes parents maudissent ces voisins en particulier.

Je ne comprends toujours pas. À part le fait de diriger le même type d'entreprise qui s'est développé à la même période et de figurer à tour de rôle dans le classement des meilleures entreprises chaque année, qu'est-ce qui les pousse à se mépriser à ce point ? Demander aux adultes ne sert à rien. Maman a seulement dit que beaucoup de choses se sont passées avant notre naissance à Par et moi. Par conséquent, même si Pran, ma sœur et moi étions en bons termes, nous devions garder nos distances.

— Je rentre à la maison aujourd'hui, et tu devrais aussi. Maman sait que tu as passé beaucoup d'examens.

— Ce n'étaient que des interrogations. En plus, mon projet est toujours en cours.

— Parle à maman toi-même.

— Par, s'il te plaît, aide-moi. Pran vient de soumettre son projet. Je pense qu'il a besoin de se reposer.

— Pourquoi tu le mêles à ça ?

— Comment je peux le laisser ici ? Il dort comme un mort. S'il tombe malade…

— Pat, ce n'est pas la première année qu'il est seul dans l'appartement. Et il a vécu cette situation tous les semestres. Pourquoi tu t'inquiètes maintenant ?

La situation a changé. À l'époque, nous étions juste des amis, et je n'ai jamais su que le travail de Pran pouvait être si dur. Maintenant que j'en ai été témoin, je ne peux pas le laisser seul.

— Par.

— N'utilise pas ce ton doux avec moi. Je t'ai couvert pendant plusieurs semaines. Passe juste une nuit à la maison et reviens ici. Il me reste deux examens. N'oblige pas maman à se précipiter ici pour te ramener à la maison. Ce sera l'enfer si elle voit Pran.

Il y a seulement quelques raisons qui peuvent me faire reculer.

L'une d'elles est de protéger Pran de ma mère.



— Vas-y.

En fin d'après-midi, j'ai acheté du porc frit à l'ail à un stand près de l'appartement pour Pran. Il s'est réveillé et est allé se laver dans la salle de bain. Attiré par l'odeur de la nourriture, Pran est ressorti avant même d'avoir pu prendre une douche. Il avait l'air douloureusement épuisé, pas un seul soupçon de l'ancien Pran Oppa rêveur. J'ai mis la nourriture dans une assiette et lui ai passé une cuillère et une fourchette. Maintenant, il est juste assis là et savoure son repas.

— Où tu as acheté ça ?

— Tante Kaew.

— Bien, c'est vraiment bon aujourd'hui. Beaucoup de viande.

— J'ai commandé un supplément de porc. L'œuf au plat est sous le riz. Il a glissé là quand j'ai tout versé sur l'assiette.

J'ai fini ma portion avant que Pran ne soit réveillé. Il hoche la tête pour me remercier quand je remplis son verre d'eau.

— Pat, tu as fait quelque chose de mal ? Pourquoi tu es étrangement gentil aujourd'hui ?

— Quoi ? Je suis juste un gars sympa.

La vérité est que j'ai entendu dire que l'ail aide à stimuler l'endurance sexuelle, et les œufs aussi. C'est pourquoi je les donne à mon petit ami. S'il devient excité, je m'en occuperai. Mais je ne demande pas plus pour l'instant. Je me sens mal, en voyant à quel point il est fatigué.

— Quand est-ce que tu rentres chez toi ?

— Ce soir. Je partirai après que Par a fini d'acheter des chaussures avec ses amis. Je serai de retour demain soir. Tu es sûr de pouvoir supporter d'être séparé de moi ?

— Prends ton temps.

— Vraiment ?

— Ouais.

— Tu es censé dire, 'Vraiment'. Maintenant, je ne peux pas finir les paroles.

— Quelle vieille chanson.

— La chanson ne peut pas être comparée à ça, 'Je peux te toucher, bébé ?’

— Tais-toi. Je suis en train de manger.

Il me gronde toujours quand il rougit. Je ne peux pas m'empêcher de rire, appréciant la vue de son froncement de sourcils. J'avance ma main et je touche le bout de ses doigts. Pran attrape rapidement la fourchette, bien qu'il ait mangé uniquement avec la cuillère.

— Pourquoi tu ne joues pas avec moi, Pran ?

— Ne sois pas si exigeant. Je suis fatigué.

— Ton corps te fait mal ? Tu as beaucoup dormi.

— Oui.

Pran penche la tête. Je me lève de mon siège pour le masser par derrière. Il continue à manger tranquillement alors que j'arrête de l'embêter.

— Tu es raide.

— Je ne savais pas que tu savais masser.

— Je massais A-ma avant qu'elle ne décède.

— Ta famille est bizarre, dit Pran.

Je lève un sourcil, tout en continuant à le masser.

— Tu appelles ta grand-mère 'A-ma', mais tu appelles tes parents 'Papa' et 'Maman'. Genre, ta famille est chinoise ou pas ?

— Ne pense pas que je suis seulement mi-humain, mi-dieu. J'ai aussi un peu de sang chinois. Mon père est pratiquement chinois, mais ma mère le domine. Elle ne veut pas que je les appelle 'Pa' et 'Ma', car nous vivons en Thaïlande et nous sommes thaïlandais. Elle préfère qu'on s'adresse à elle en thaï.

— Elle n'est pas métisse ?

— Non.

Je réponds en appuyant mes poings le long de ses muscles. Pran est rassasié mais ne bouge pas.

— Pourquoi tu ne prendrais pas une douche pour te rafraîchir ?

— D'accord. Prends la clé sur le frigo. Je pense que j'ai besoin de plus de sommeil.

Je hoche la tête en signe de compréhension et me penche pour le serrer par derrière. J'enroule mes bras autour de lui et de la chaise, en posant mon menton sur son épaule. Pran ne semble pas aussi raide qu'avant puisqu'il appuie sa tête sur mon épaule.

— Tu veux qu'on prenne une douche ensemble ?

— Genre.

— Je vais te frotter le dos.

— Pervers.

— Je ne ferai rien. Juste pour cette fois. Je te le promets.

Pran rit un peu. Je lève un de ses bras, glisse ma tête dessous, et soulève son corps. Pran crie et me frappe dans le dos. Il est lourd mais toujours supportable.

— J'ai dit non. Et qu'est-ce que ça veut dire 'pour cette fois' ?

Je rigole, m'agenouille, et nous enferme tous les deux dans la salle de bain. Une fois que j'ai posé Pran, je plante mes mains sur le mur, formant une petite cage pour le maintenir en place. Nous soutenons le regard de l'autre, nos lèvres se retroussent. Nos yeux sont pétillants, timides, mais provocants.

— Je vais t'embrasser.

Aucun refus détecté. Cela signifie que Pran est prêt à faire ça avec moi.



— L'école est si stressante que ça, Pat ?

Notre famille dîne ensemble après… je suppose que je devrais arrêter de compter les mois. Papa, Maman, Par, moi, et nos plats préférés sur la table. Mon bol contient une montagne de riz que je ne finirai probablement pas. Papa et maman sont visiblement ravis que je sois rentré à la maison après un long moment.

— Par nous a rendu visite de temps en temps, mais tu n'es jamais venu.

— Je suis occupé. C'est ma dernière année, après tout.

— Je suppose que oui. Regarde-toi. Si épuisé. Tu ressembles à un panda. Quel spectacle affreux.

— Voyons, maman. C'est normal pour un homme.

Un homme qui a perdu le sommeil à force de tenir compagnie à un autre homme la nuit. Je marmonne ces mots dans ma tête. Même Par semble surprise de mon apparence.

— J'ai dit à Pat de se coucher tôt, maman.

— Tu as dû beaucoup étudier.

— Je me le demande.

La voix de ma sœur devient aiguë, elle me regarde d'un air dubitatif. Elle ne peut pas se plaindre de la façon dont j'ai dérangé Pran à son appartement. Sinon, papa et maman vont nous découper en morceaux.

— C'est parce que tu ne trouves personne pour s'occuper de toi. Et quand tu l'as fait, tu n'as pas pu trouver une fille décente. Tu seras bientôt diplômé, et pourtant tu ne nous présentes jamais personne. Tu n'auras pas le temps de te trouver une femme quand tu commenceras à travailler, Pat.

— Je n'en ai pas besoin. Par peut s'occuper de moi.

— C'est une fille. Elle va se marier avec quelqu'un et déménager un jour, mais toi, tu vas rester ici avec une femme pour s'occuper de toi. Bref, je suis allée à la cérémonie religieuse au temple l'autre jour et j'ai vu Duang. Tu te souviens de Duang, Pat ?

Je prélève une gelée de sang dans la soupe poulet-coco avec ma cuillère et la dépose dans mon bol, en hochant la tête.

— Et tu te souviens de Punch ? Elle avait l'habitude de jouer avec toi et Par tous les week-ends.

— Je m'en souviens. Nous étions dans la même école.

— Elle a grandi et elle est très belle. Elle étudie à Chiang Mai en ce moment. Quelle fille bien élevée. Je suis si heureuse pour Duang.

— C'est vrai.

Par me donne un coup de pied sous la table. Quand je lève les yeux et vois le regard satisfait de maman, je lève un sourcil en signe de confusion.

— Et alors ?

— Je ne savais pas que tu viendrais ici aujourd'hui. Si j'avais su, j'aurais invité Duang et Punch à se joindre à notre dîner. En souvenir du bon vieux temps.

— En souvenir du bon vieux temps ? Je n'étais même pas proche de Punch.

— C'est pour que tu puisses être plus proche d'elle.

Je jette un coup d'œil à papa, qui hausse les épaules sans faire de commentaire. C'est typique des familles chinoises de trouver une épouse pour leur fils. Je veux dire, oui, mon père est à moitié chinois. Mais ne s'est-il pas débarrassé de cette question en se mariant avec ma mère thaïlandaise ? Pourquoi ramènent-ils cette tradition dans ma génération ?

— Vous suggérez un mariage arrangé ?

— Pourquoi tu le présentes comme ça ? Tu es célibataire, non ? Je veux juste que tu essaies de t'entendre avec elle.

— Maman, à notre époque ? Ne sois pas ridicule.

— Qu'est-ce qui est ridicule ? ricane Maman, incroyablement satisfaite. Punch est si mignonne, Pat. Attends de la voir. Quand tu la rencontreras, tu me demanderas de préparer un mariage tout de suite. D'ailleurs, elle a semblé intéressée quand j'ai parlé de toi. Ce n'est pas comme si je voulais précipiter les choses, de toute façon. Vous pouvez prendre le temps d'en apprendre plus l'un sur l'autre.

Je jette un coup d'œil à Par. Ma sœur me fait un sourire docile et lève les paumes de ses mains pour nier qu'elle m'a piégée pour que je rentre à la maison et que je sois mis en couple avec la fille de la meilleure amie de maman avec qui j'ai grandi.

— Maman, c'est trop tôt pour discuter de ce sujet. Je n'ai même pas encore atteint l'âge crucial de vingt-cinq ans. Si je n'ai toujours pas de partenaire d'ici là, on en reparlera.

— C'est ce que je pensais. Vous pouvez commencer par être amis et vous marier dans les prochaines années.

Maman prélève une gelée de sang dans la délicieuse soupe poulet-coco et la dépose dans mon bol. Je regarde le cube brun et j'ai envie de crier.

Tu aurais pu m'arracher le cœur et le faire bouillir pour en faire un repas.



— Je pense que c'est une bonne idée, cependant.

Je me suis excusé et je suis allé dans ma chambre après le dîner, avec un air gêné. Ma sœur est allongée sur le lit. Elle secoue une bille d'eau et regarde les paillettes à l'intérieur tomber lentement par gravité. Ses yeux les suivent sans s'inquiéter alors que je m'agite, tournant sur ma chaise. Mes pensées sont toutes confuses.

— Au moins, la fille recommandée par maman est meilleure que celles avec qui tu es sorti jusqu'à présent.

— Tu te moques de moi ?

— Qui se moque de moi ? Je le pense vraiment.

— Ça ne va pas. J'ai quelqu'un que j'aime bien.

— Sérieusement ? Qui ? Ne me dis pas que c'est cette sorcière, Nat.

— Tu la détestes vraiment, hein ?

— Oui, je la déteste. Ne me fais pas dire autre chose, ou tu pourrais croire que je l'envie.

Par coupe court, mais elle est toujours aussi curieuse. J'hésite à lui dire ou non. Mais c'est Par, ça devrait aller.

— Qui est-ce ? Est-ce que je la connais ?

— Oui.

— Une amie à toit ? C'est bizarre. Tu n'as pas d'amies femmes, pour info.

— Ouais, c'est mon ami.

J'ébouriffe mes cheveux, souhaitant tout retirer.

— Eh bien, 'ami' n'est pas le bon terme. Je ne sais pas.

— Pourquoi tu ne l'as pas dit à maman plus tôt ? Tu es toujours comme ça.

— Je ne pouvais pas.

— Hé, si tu ne le dis pas, alors prépare-toi à épouser Punch. Maman n'est pas stricte au point de ne pas approuver les autres filles, Pat. Elle est juste inquiète car tu es célibataire depuis un bon moment, depuis que tu as été trompé par cette fille pendant les années de lycée.

— Mon amoureux est un homme, Par.

Une chose est sortie, et je ne sais pas comment lui dire l'autre. Par se raidit, me regardant avec incrédulité.

— Tu es gay ?

— Si c'est comme ça que tu appelles les hommes qui aiment les hommes, je suppose que oui.

— Ne plaisante pas avec moi. Il n'y a pas de quoi rire.

— Pourquoi je plaisanterais avec ça ? Je suis complètement stressé.

— Dis à maman que tu aimes les hommes, alors.

Ce n'est que le sommet de l'iceberg. Le problème, c'est l'identité de mon petit ami. Je soupire profondément et je croise le regard de ma sœur, puis je glisse vers l'avant de ma chaise jusqu'à pouvoir saisir ses genoux. Je maintiens son regard et rassemble le courage nécessaire pour laisser sortir les mots.

— Tu dois m'aider, Par. Je sors avec Pran.

— Ugh, pourquoi je n'étais pas aussi vive quand je passais mes examens ?

— Whoa.

Sois maudite, Par.

— Comment tu l'as découvert ?

— Allez, vous êtes restés collés l'un à l'autre comme de la glu. En plus, quand vous vous êtes disputés à l'époque, vous l'avez pris tellement au sérieux que c'était inhabituel pour de simples amis. Ce n'était qu'une supposition, cependant. Je n'ai jamais pensé que ce serait vrai.

Nous soupirons tous les deux simultanément, saisissant enfin le vrai problème ici.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

— Je ne sais pas. Si je le savais, je ne serais pas aussi stressé.

— Pran est effrayant quand il est jaloux ? Pourquoi tu n'essaies pas de le lui expliquer ? Si Pran peut l'accepter, tu pourrais te marier juste pour le spectacle et rester dans une relation avec lui.

— Par, tu pourrais supporter que ton amoureux soit impliqué avec quelqu'un d'autre ? En plus, Pran me fait la tête quand il est jaloux. Je n'aurai même pas la chance d'expliquer quoi que ce soit à ce moment-là.

Quand Nat était dans les parages, Pran m'évitait et me frappait parfois. Cependant, c'est quand il est resté collé à Waiyakorn qu'il m'a le plus blessé. Ok, c'est normal de passer du temps avec un ami dans les moments difficiles, mais ne pouvait-il pas traîner avec quelqu'un d'autre que ce voyou ?

— Il n'y a pas d'issue, Par.

— Depuis quand ? Je suis curieuse.

— Je craque pour lui depuis longtemps.

Je l’avoue pour la première fois. Je ne peux pas lui dire quand ça a commencé, cependant.

— Mais je n'ai été certain de mes sentiments que récemment.

— Mon cher frère. Ugh, est-ce que je regarde Roméo et Juliette en ce moment ?

— Pas celui-là, Par. Je ne veux pas mourir à la fin. Et je doute que Pran se tue pour me rejoindre dans la mort. Je suis beaucoup plus pathétique que Roméo.

— Tu plaisantes toujours, hein ?

Qui a dit que je plaisantais ? Je suis très sérieux. Nous sommes tous les deux dans la même situation. On pose nos têtes dans nos paumes, en essayant de trouver une solution.

— Qu'est-ce qu'on doit faire, Pat ?

J'expire et je penche la tête. Si je pouvais trouver une solution tout seul, pourquoi je te demanderais ton aide ?

Si je continue à sortir avec lui, je meurs. Je romps avec lui et je meurs.

Pourquoi ma vie est-elle si dure ?


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Scène Dix-Neuf
Pran
'Bizarre'

C'est le seul mot qui me vient à l'esprit alors que je me roule dans mon lit. Après mon réveil, j'ai pris une douche, mis de nouveaux vêtements, pris mon petit-déjeuner et me suis allongé sur mon lit pour me détendre. La même chambre, le même lit, la même couverture, le même oreiller. Tout est pareil, mais c'est différent. L'air conditionné est plus froid, la couverture est moins chaude, et le lit semble plus spacieux. Ce silence étrange flotte dans l'air. Je vis ici depuis quatre ans et je n'ai jamais ressenti cela auparavant. Pat n'est rentré chez lui que pour un jour, mais pourquoi ma chambre est-elle devenue si inanimée ?

Je dois être habitué à ce que l'autre gars s'accroche trop à moi. Nous avons été ensemble jour et nuit pendant plus d'un mois. Je le voyais dès que j'ouvrais les yeux. Pire encore, il était toujours dans mon champ de vision puisque je n'ai pas vraiment dormi en premier lieu.

Ce genre de familiarité est effrayant.

J'entre dans le salon et balaie du regard la zone qui est maintenant plus rangée qu'elle ne l'était à la période ardente de la thèse. Pendant un mois, j'ai mangé et dormi devant l'ordinateur portable. Mes yeux étaient fixés sur l'écran. J'étais comme un zombie que l'on sort de sa tombe, forçant mes lourdes paupières à s'ouvrir pour terminer mon travail à temps. J'avais à peine le temps de prendre une douche, sans parler du nettoyage de la chambre. Même si le sale type nommé Pat balayait et passait la serpillière pour moi, c'était quand même le bordel. J'agrippe le sac en plastique noir contenant les morceaux laissés par mon modèle de projet et le jette dans la poubelle près de l'ascenseur. Je retourne dans ma chambre, me lave les mains et attrape mon sac à dos, prêt à rentrer chez moi.

C'est parce que je ne suis pas rentré chez moi depuis un mois déjà et que mes parents me manquent, pas à cause de ce chien sauvage qui a été appelé chez lui en premier...



Je sors du taxi et franchis la porte d'entrée de ma maison, puis j'aperçois Pat sur son balcon. Il lève un sourcil de surprise. J'étouffe un sourire, je ne le salue pas et je rentre d'un air posé.

— Je suis rentré.

Dès que j'entre dans ma maison, je vois maman qui lit un livre sur un canapé près du balcon. Elle me fait un doux sourire et ouvre ses bras pour que je l'embrasse.

— Pourquoi tu as l'air si crevé ? Tu as encore perdu le sommeil, non ?

Après une longue étreinte, maman s’éloigne pour bien me regarder. Sa main pâle caresse ma joue avant de se poser délicatement sous mon œil.

— Regarde ces cernes.

— Je n'ai pas beaucoup dormi, mais je me sens mieux maintenant.

Je fais un large sourire et embrasse la joue de maman.

— Où est papa ?

— Il est sorti. Il sera bientôt de retour. Mets tes affaires dans ta chambre et mange un peu. Je vais dire à la gouvernante de préparer ton déjeuner.

— D'accord.

Je me retire des bras de maman et souris une dernière fois avant de monter à l'étage. Au moment où je suis sur le point de poser mon sac à dos, mon téléphone vibre dans ma poche. Il n'est pas difficile de deviner qui appelle.

— Quoi de neuf ?

Je garde ma voix imperturbable. Je dépose mon sac à dos sur la table et sors mes affaires.

— Tu ne m'as pas dit que tu allais rentrer, pleurniche Pat, ce qui me fait sourire.

— Tu m'as vu.

— C'est pas pareil.

— D'accord, acquiescé-je avant de faire une pause. Je rentre à la maison aujourd'hui. Tu es arrivé chez toi ? Heureux ?

Pat rit.

— D'accord.

Sa réponse m'ébranle un peu. Pourquoi a-t-il abandonné si facilement ?

— Est-ce que tout va bien chez toi ?

— Rien n'a changé.

— Ta mère t'a reproché de ne pas être rentré plus tôt ?

— Non…

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'es pas bavard aujourd'hui.

— Je ne le suis pas ?

— Hum, tu vas bien ?

— Tu as dû trop me manquer. On ne s'est pas vus depuis plus d'un jour. Je me sens si seul, incapable de te faire un câlin.

Je fronce les sourcils, sentant quelque chose de bizarre dans sa voix malgré sa tentative de paraître enjoué. Nous sommes ensemble depuis un moment. Pourquoi ne l'aurais-je pas remarqué ? Je ne pense pas qu'il l'admettrait, cependant. Quand Pat décide d'être têtu, il est vraiment différent.

— Tu as mangé ?

Changer de sujet est probablement le meilleur choix pour le moment.

— Ouais. Et toi ?

Vous voyez... ? C'est inhabituel. Avant, Pat aurait utilisé une petite voix, disant qu'il ne peut pas manger beaucoup à la maison parce qu'il veut manger avec son amoureux et ainsi de suite. Il ne m'aurait pas donné une réponse aussi creuse et ennuyeuse que celle-ci.

— Je vais déjeuner maintenant. Je range mes affaires.

— Bon appétit, alors. Tu es trop maigre. Appelle-moi quand tu auras fini.

— Très bien, je raccroche.

Pat marmonne une réponse. Je termine l'appel et fixe l'écran affichant les icônes avec inquiétude. Sa mère l'a-t-elle grondé ? Ou est-ce que Par s'est fait engueuler à sa place pour qu'il devienne si docile ? Il n'y a que peu de choses qui peuvent rendre Pat morose.



— Tu es là.

La voix familière et grave m'accueille alors que je descends les escaliers dans mes vêtements décontractés.

— Salut, papa. Tu es rentré ?

— Je devrais être celui qui pose cette question. Je n'ai pas vu ton visage depuis un mois.

— C'est la thèse. J'ai failli mourir devant mon ordinateur portable.

Je rigole et je me dirige vers lui.

— Tu as mangé ?

— Je t'attendais. Ta mère est déjà à table, dit papa en s'approchant de moi avant de me tapoter l'épaule. Tu n'as plus que la peau sur les os.

— Je ne vais pas rester comme ça longtemps.

— Très bien. Mange beaucoup aujourd'hui. Oh… J'ai aussi un invité.

— Un invité ? Qui ?

— Tu vas voir.

Je lève un sourcil et suis papa dans la salle à manger. Une fois que j'ai franchi l'entrée, un sourire surpris apparaît sur mon visage en voyant la personne assise à côté de maman.

— P' Pong !

— Ça fait un bail, Pran.

— Tu es revenu quand ?

D'après mes souvenirs, cela fait trois ans, depuis ma première année d'université. Il est parti étudier en Angleterre et ne nous a jamais rendu visite.

— Tu ne m'as rien dit.

— Comment j'aurais pu ? Tu n'étais pas actif sur Skype.

— J'ai été super occupé par les travaux scolaires. Regarde-moi bien. Je suis si proche d'être un zombie.

— Je sais. Tu as maigri ?

— Je n'ai même pas eu le temps de dormir. Quand j'aurais pu avoir le temps de manger ? Au fait, tu restes combien de temps ?

— Je pars après-demain. Mon meilleur ami se marie, alors j'ai pris l'avion pour les féliciter. Je suis passé dire bonjour à mon oncle et à ma tante. Je ne m'attendais pas à te voir ici. Je pensais passer à ton appartement, poursuit Pong.

Il se penche pour ramasser un sac à provisions et me le tend.

— Tiens, c'est pour toi.

— Tu es parti pendant trois ans, et c'est tout ce que j'ai.

— Arrête. Bref, quels sont tes projets après le diplôme ?

— Je n'arrive toujours pas à me décider. Je veux d'abord me reposer, je dis.

Je prends l'assiette que maman me tend et je la remercie.

— Je veux que tu continues à étudier. Il n'y a pas d'urgence à trouver un emploi. Tu peux étudier le commerce et reprendre l'entreprise de ton père, suggère maman.

— Ou tu peux étudier et travailler en même temps. Le plus vite tu travailleras avec moi, le mieux ce sera. Comme ça, le fils de cette famille ne pourra pas te rattraper. Il a l'air frivole, une cause perdue, grogne papa en se nourrissant d'une cuillerée de riz.

Lorsqu'il est question de travail ou d'affaires, l'autre famille est toujours mentionnée.

Pourtant, je fronce les sourcils. Aussi désinvolte que Pat semble être, il fait toujours son travail.

— Ou bien tu veux obtenir un autre certificat en décoration d'intérieur ? Je vais créer une société pour toi afin que nous puissions étendre notre activité. Cette famille ne pourra pas nous copier.

— Pourquoi ne pas en parler plus tard ? Pran a l'air fatigué. Laisse-le manger d'abord.

Je veux remercier Pong à haute voix pour m'avoir sauvé. Avec cette rivalité qui se prolonge, je ne pense pas pouvoir supporter ces critiques malveillantes. Peu importe le temps écoulé, je n'arrive toujours pas à cerner la raison de leur haine. Sans parler du fait que nous vivons à côté.

Mes yeux se tournent vers mes parents qui dégustent leur repas. Cela me met mal à l'aise. Que diront-ils lorsqu'ils apprendront que le fils de la famille qu'ils méprisent au plus haut point s'est occupé de moi vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant ma période de thèse ? Papa me détestera-t-il quand il découvrira que je me suis endormi dans les bras de la personne qu'il juge frivole tous les soirs ?



— Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu es renfrogné.

Je lève les yeux pour trouver Pong assis sur le canapé et posant un grand bol de crème glacée devant moi.

— Ce n'est pas ta préférée ?

— Si.

Je rayonne et prends le bol de glace bleu-vert, parfum menthe, mon addiction. J'ai l'habitude d'en stocker quelques énormes boîtes quand je suis à la maison.

— Tu ne manges pas ?

— Je n'ai besoin que de café, dit Pong en levant une tasse de café chaud. Mais qu'est-ce qui t’arrive ?

— C'est rien.

— Quel entêtement. Tu n'as pas changé du tout au cours des trois dernières années.

Je souris, avale une grosse cuillerée, et me tourne pour croiser son regard. Pong est le fils du frère de ma mère. C'est mon cousin, il a cinq ans de plus que moi. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble quand nous étions jeunes. Pong m'a appris beaucoup de choses. Il est fiable, calme, vif et brillant. Je ne peux jamais rien lui cacher. Nous étions assez proches jusqu'à ce qu'il parte en Angleterre il y a trois ans pour étudier pour une maîtrise et ne revienne jamais en Thaïlande.

— Tu t'es amusé en Angleterre ?

— Oui. Je suis allé dans différents endroits et je me suis fait pas mal d'amis étrangers. J'ai appris de nouvelles choses. Il y a tellement de choses à découvrir que je n'avais pas envie de revenir.

— Tante ne t'a pas grondé ? Tu es parti pendant longtemps.

— Elle se plaint de temps en temps. Eh bien, que pouvait-elle faire quand j'ai décidé de ne pas revenir ?

— Tu as de la chance.

— Hmm ?

Pong lève un sourcil comme s'il me taquinait.

— Quoi ? Tu as été tout renfrogné pendant le repas. Il y a quelque chose que tu souhaites faire après l'obtention de ton diplôme mais que tu ne peux pas faire ?

— Quelque chose comme ça.

— Qu'est-ce que c'est ?

Je serre les lèvres et me retourne pour m'assurer que mes parents ne sont pas près de nous. Le gars à côté de moi rit tout bas. Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? Qui d'autre peut vivre sa vie comme il l'entend comme lui ?

— Après mon diplôme, je veux voyager pendant quelques mois… et je veux trouver un travail moi-même. Je ne pense jamais à reprendre l'affaire de papa.

— Pourquoi ? Qui d'autre le ferait si ce n'est toi ? Ils n'ont que toi.

— Je ne veux pas être en mauvais termes avec qui que ce soit. C'est pénible.

— Tu n'es pas obligé de détester les gens que tes parents détestent. Tu ne peux pas les changer, mais tu peux te changer toi-même."

— … C'est dur.

— Tu penses que c'est dur ? Quelle faiblesse d'esprit.

— Ouais, je suis trop fatigué pour être fort.

Je pose ma tête sur l'appui-tête. Le fils de l'autre famille apparaît dans mon esprit. J'ai l'impression que j'aimerais pouvoir m'échapper de la réalité.

Je veux retourner dans mon appartement…



Après avoir raccompagné Pong, je retourne dans ma chambre et passe un coup de fil à la personne qui a dû éternuer des milliers de fois. Mes parents l'ont beaucoup maudit. Je pensais que son caractère facile à vivre chasserait le malaise causé par la conversation de mes parents, comme toujours, mais je me trompais. Ce chien sauvage imprévisible est toujours aussi abattu.

— Qu'est-ce qui ne va pas chez toi, Pat ?

— Rien.

— Tu es si déprimé mais tu insistes toujours pour dire que ce n'est rien.

— Qui se sent déprimé ? Je viens de te raconter une blague. C'est pas drôle ?

— Tu pensais que je ne pouvais pas le ressentir ?

— Non. Bien sûr, tu peux tout ressentir. Tu es humain.

— …

Je déteste tes blagues stupides et distrayantes, Pat.

— Est-ce que tu me prends de haut ?

— Je…

— Si je ne vois pas que quelque chose ne va pas chez toi, ne m'appelle pas ton petit ami.

— Pran…

— Que s'est-il passé ?

— C'est rien. Tu m'as juste manqué. Je n'ai pas pu dormir du tout.

Je soupire lourdement. Pourquoi est-il si têtu ? J'ai envie de le frapper au visage.

— Pat.

— Oui, monsieur.

— Oublie ça.

— Tu es en colère ?

— J'ai une raison de l'être ?

Pat s'arrête un moment, puis il continue.

— On peut se retrouver après vingt-trois heures ? Sur le banc en marbre.

— Tu es fou ? Nos parents nous tueraient s'ils le savaient.

— Mais tu es en colère contre moi…

— Je ne le suis pas.

— Alors viens me voir. Tu me manques tellement.

— Non.

— Très bien. J'irai seul.

— Toi…

Je soupire et change de sujet.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je parle à mon petit ami.

— N'utilise pas cette voix avec moi.

— Je veux retourner à notre appartement.

— L'appartement de qui ?

— Le nôtre.

— C'est le mien. Comment peut-il être à toi ?

— La possession de la femme est aussi celle du mari. N'est-ce pas normal ?

— N'en fais pas trop. Qui est la femme et qui est le mari ?

Toc, toc.

— Chéri, qu'est-ce que tu fais ?

La douce voix de ma mère succède aux coups. Je détourne mon attention du téléphone pour répondre à la personne derrière la porte.

— Je viens de prendre une douche. Attends une minute, maman.

Je chuchote au téléphone.

— Je dois y aller maintenant. Ma mère m'appelle.

— Viens me voir après onze heures.

— Tu ne comprends pas la moindre chose.

— Je m'en fiche. J'attendrai.

Je souffle de frustration alors que ma mère frappe à nouveau à la porte quand le fils d'à côté raccroche, me privant de la possibilité de refuser.



Cela fait longtemps que je ne suis pas rentré à la maison, mes parents ont donc beaucoup de choses à rattraper. Il est onze heures et demie lorsqu'ils me laissent aller me coucher. Pat m'a envoyé un texto il y a une heure, mais je n'ai pas pu lui répondre. Je l'appelle dès que je suis dans ma chambre. Après ça, je ne bouge plus jusqu'à ce que toutes les lumières soient éteintes. Je descends les escaliers sur la pointe des pieds et me faufile dans le jardin. J'attends le fils de la maison voisine sur le banc de marbre, sous l'arbre, dans l'obscurité, sans allumer la lumière. Les moustiques volent partout la nuit. Heureusement que je porte un pantalon, mais les piqûres sur mes bras et mes épaules me démangent douloureusement.

Quelques instants plus tard, j'entends un cliquetis provenant du portail. Je remarque une lampe de poche de téléphone avant que Pat ne grimpe sur le mur entre nos maisons. Il agite la main joyeusement, et je lui fais un signe de tête sévère. Il devrait arrêter de jouer et sauter en bas.

Alors que Pat se positionne sur le mur et ramène son autre jambe de mon côté, la lumière de la salle à manger s'allume soudainement. Mon cœur se serre et mes mains deviennent froides à la seconde où quelqu'un crie.

— Qui c'est ?!!

FWIP !

Mon père pousse la porte du balcon et se montre. Il fixe Pat d'un regard noir, sans remarquer ma présence. Mes yeux s'écarquillent quand je vois la chose noire dans la main de mon père.

— Papa !

Je crie et saute en avant pour bloquer Pat, qui n'a toujours pas atterri au sol correctement.

— Pran ? Qu'est-ce que tu fais là ? Va chercher ton téléphone. Je vais appeler la police pour l'arrêter !

— Papa, calme-toi. Pourquoi as-tu apporté le pistolet ?

— Parce que le fils de cette famille ose être un voleur en escaladant le mur !

— Attends, papa !

Je saisis le bras de papa alors qu’il se dirige vers Pat. Accablé par le choc, je me suis mis à hurler sans réfléchir.

— C'est moi qui l'ai appelé ici !

Mon père s'immobilise et tourne la tête vers moi avec un regard que je n'ai pas le courage d'affronter.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:29



Scène Vingt
Pat
C'est éprouvant d'affronter ses parents après avoir failli se faire tirer dessus par la famille d'à côté.

Je suis sur un canapé dans le salon avec ma mère à côté qui me regarde d'un air renfrogné. Mon père croise les bras, arborant la même expression que le propriétaire de l'arme, comme s'il voulait aussi me tuer.

— Je te demande, quand est-ce que tu t'es rapproché de lui ?

Je jette un coup d'œil à Par, qui se tient anxieusement plus loin. Tout ce que je peux faire, c'est garder la bouche fermée.

— Tu ne vas pas répondre, Pat.

— On n'est pas proches.

— Ne mens pas.

Je lève les yeux au ciel, me sentant étouffé d'être poussé à donner une explication. Et je ne suis pas doué pour mentir.

— Nous allons dans la même université. On est obligés de se voir de temps en temps.

— Tu n'es pas obligé d'interagir avec lui quand tu le vois. Cette famille est sacrément arrogante et envieuse. Ils savent que nos affaires vont bien, alors ils essaient de nous mettre des bâtons dans les roues. Leur fils n'est pas bon non plus. Ne sois jamais comme lui, d'accord ? Sa famille dirige une entreprise de construction, pourtant il a choisi d'étudier l'architecture.

— C'est le même domaine. Tu ne peux pas construire une maison avec seulement des ingénieurs. Tu travailles dans ce domaine, donc tu dois savoir que ces deux carrières sont liées.

— Tu réponds maintenant ? Réfléchis à tes actes, sale gosse ! Arrête de traîner avec lui. Tu n'as pas vu son visage ? Il a les yeux creux et il est maigre comme un drogué. Vous vendez de la drogue tous les deux ?

— Ça va trop loin. Je voulais juste son avis sur quelque chose.

— Pourquoi tu n'es pas venu nous voir à la place ? Tu nous as pris pour des bons à rien ?

Peu importe à quel point j'essaie d'expliquer, ils voient ça comme une excuse superficielle. Je me masse les tempes. Je n'arrive pas à faire entendre mes mots à papa quand il élève la voix comme ça. Et même si je ne suis pas obéissant, c'est trop gênant pour moi de discuter avec les gens.

— D'accord, d'accord, je vais arrêter de le voir. C'est bon ? J'ai sommeil. Je veux aller me coucher.

— Ne balaie pas ça d'un revers de main. Napat, Par, venez ici.

La fille, mon seul espoir, s'avance, répondant à l'appel. Elle me fait un signe avec ses yeux. Nous sommes sur la même longueur d'onde.

— Surveille ton frère à partir de maintenant. Ne le laisse pas traîner avec ce drogué. Ils finiront par ruiner leur propre vie autrement.

— Pran n'est pas un junkie. Il a l'air épuisé parce qu'il est resté debout toute la nuit pour terminer son projet.

— Comment pourrait-il rester debout toute la nuit s'il n'utilise pas de drogues ? Tu es encore jeune et naïf, Pat.

Par fait la moue à ces mots tandis que je soupire. Il nous voit toujours comme des enfants.

— Prends bien soin de ton frère à partir de maintenant, Par.

— Je ne le quitterai pas des yeux.

— Et toi, Pat, ne fais pas de bêtises.

Je réponds en marmonnant et en expirant dans le dos de papa. Après une leçon de deux heures, je survis péniblement à cette journée.



— Tu n'aurais pas dû aller là-bas, grommelle Par lorsque nous sommes de retour dans ma chambre.

Je soupire en regardant par la fenêtre. La chambre de Pran est encore sombre. Il doit être complètement vidé à l'heure qu'il est. Sur cette pensée, je m'affale sur mon lit, épuisé.

La chambre de ma sœur est à côté de la mienne, sur la gauche. Si elle n'est pas occupée à discuter avec son petit ami au téléphone, elle joue habituellement à des jeux dans ma chambre. Nous n'avons que l'un et l'autre et nous nous comprenons mieux que nos parents, qui nous ont élevés. Comme nous sommes proches en âge, nous partageons nos affaires personnelles et nous nous entendons bien.

— Je ne me suis jamais fait prendre avant.

— C'était imprudent. Tu as failli être blessé.

— Eh bien, j'ai survécu.

— Pour combien de temps ?

— C'est dur.

— Et ton amoureux doit être Pran, entre tous.

Je soupire. La chambre de Pran est enfin éclairée. Je traîne une chaise, l'installe près de la fenêtre et l'appelle. Il répond d'une voix lasse et tire le rideau sans me jeter un regard. Il n'arrête pas de ramasser tout ce qui l'entoure, hébété.

— Comment ça se passe ?

— Ils m'ont fait la leçon comme prévu. Et toi ?

— Hum, comme tu peux le deviner. Tu vas bien ?

— Hum, dit Pran d'un ton égal, en soupirant.

Je sais. On est tous les deux perturbés par quelque chose qu'aucun de nous n'a commencé.

— Je suis désolé.

— Pour quoi ?

J'hésite, incapable de faire un choix. D'avoir escaladé le mur pour le voir si insouciamment ? D'avoir été singulièrement et sensiblement stressé ? Pour l'opposition de nos parents ? Ou pour être tombé amoureux de lui ?

Peu importe ce que c'est, je déteste l'expression déprimée de Pran dans cette maison en ce moment.

— Pran, retournons chez nous après-demain.

Il détourne les yeux du livre qu'il lit pour regarder vers la fenêtre. Nos regards se croisent, sans qu'aucun mot doux ne soit échangé. Mais au moment où nous pensons à notre chambre, l'endroit où nous pouvons faire ce qui nous plaît, mon cœur se réchauffe soudainement.

— Rentrons pour être ensemble, Pran.



Cette nuit-là, Pran et moi avons convenu de partir séparément à des heures différentes. Mes parents me ramèneront en voiture le matin, tandis que Pran suivra dans l'après-midi. Papa et maman m'ont harcelé depuis ce matin jusqu'à ce que nous soyons arrivés à destination. J'ai fait la promesse de leur donner un peu de répit et de mettre fin au problème. Pourtant, ils ne peuvent pas s'arrêter quand il s'agit de Pran.

— Accompagne-moi juste ici. Je vais monter tout seul.

— Pat, ne fais pas de bêtises, d'accord ?

— Ouaaaais, réponds-je.

Par et moi prenons nos sacs à dos et sortons de la voiture. Ma soeur et moi poussons un soupir et disons au revoir à nos parents. Ils rappellent à Par de me surveiller à nouveau, puis nous regardons la voiture partir.

— Je ne veux pas être diplômé, marmonné-je à personne en particulier.

La pensée de l'avenir me déprime. Je ne veux pas imaginer comment sera ma relation avec Pran lorsque nous partirons d'ici. Ma sœur touche mon coude pour me réconforter. Pour l'instant, Par est la seule personne qui comprend cette situation désespérée.

"Je veux vraiment savoir pourquoi nos familles sont en mauvais termes."

— On ne peut rien y faire de toute façon.

La réponse de Par creuse le misérable trou dans mon cœur. J'acquiesce et pousse le bouton de l'ascenseur pour que nous puissions ranger nos affaires dans notre appartement. Je vérifie l'heure sur l'horloge, en attendant de voir Pran. Je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que nous pouvons faire de plus. Dans une famille qui s'attend à ce que son fils épouse une fille, il est difficile d'accepter que son fils soit gay. Pire encore, l'amant de leur fils est de la famille qu'ils méprisent plus que tout. Tout semble désespéré.

— Prends ton temps pour trouver une solution, Pat. Tu n'as rien à craindre, alors profite de ta vie pour l'instant.

Je suis d'accord avec elle. Après avoir compté le temps pendant un moment, Pran m'envoie enfin un texto pour me dire qu'il va partir. Je réponds pour confirmer que la voie est libre et je m'allonge sur mon lit.

Pour Par et moi, il est normal que nos parents nous déposent. Mais aujourd'hui, les parents de Pran le conduisent ici, se méfiant de notre relation. Ils gardent aussi un œil sur lui.

— Tu vas le dire à Pran pour Punch ? demande Par.

Je presse ma langue sur l'intérieur de ma joue, en y réfléchissant. La télé reste allumée, mais mes yeux s'égarent.

— Je me demande combien de temps je vais pouvoir lui cacher.

— Pourquoi ne pas le lui dire franchement ? Comme ça, vous pourrez régler les choses ensemble.

— Ou rompre plus tôt.

Je ne me suis jamais considéré comme un lâche…

Jusqu'à ce que notre relation soit en jeu.



Mon téléphone sonne en fin d'après-midi. Je me suis endormi en regardant la télé. Par joue sur son téléphone dans sa chambre. L'écran affiche le numéro de Pran. Je décroche en somnolant et j'obtiens comme réponse des cris indéchiffrables, comme une dispute. Cela semble désagréable. Pran crie au milieu de tout ça. Je pense qu'il me dit de descendre.

— Par.

J'appelle ma sœur. Elle lève les yeux et enlève un écouteur.

— Où vas-tu ?

— Pran m'a dit de descendre.

— Hein ? Sa mère ne l'a pas conduit ici ? Les choses vont devenir moches si tu la croises.

— Je ne sais pas. Tu as besoin de quelque chose ? Je l'achèterai.

— Oh, je n'ai plus de tampons. Je vais aller en acheter moi-même. Où est mon porte-monnaie ?

— Prends le mien.

Par rayonne et me serre les bras comme si j'étais un millionnaire. Elle ferme la porte à clé pendant que j'attends l'ascenseur. Elle me rattrape quand le seul ascenseur de l'immeuble arrive.

— Qu'est-ce qu'il a dit ?

— C'était bruyant, donc je n'ai pas pu entendre grand-chose. Il pourrait avoir besoin de moi pour porter des trucs, mais il ne m'a jamais demandé de faire autre chose que la vaisselle.

— Whoa, je suppose qu'il a découvert pour Punch.

— Je vais te gifler la bouche.

Par sort sa langue, me taquinant. Une fois arrêtés au rez-de-chaussée et la porte de l'ascenseur ouverte, ma sœur et moi n'aurions jamais pu être préparés à la scène qui nous attend. Deux hommes d'âge moyen foncent l'un sur l'autre. Pran essaie d'arrêter son père tandis qu'un agent de sécurité bloque les bras du mien. Heureusement, nos mères se contentent de se crier dessus, sans utiliser la violence comme leurs maris.

— Tu es là, petit morveux. Qu'est-ce que ça veut dire ? Pourquoi tu ne nous as pas dit que tu vivais dans le même immeuble que ce drogué ?

— Qui est le drogué ? Surveille ton langage. Je vais porter plainte pour diffamation.

— Et quand tu traites mon fils de fauteur de troubles ? Je peux porter plainte aussi ?

— Arrête, maman. Papa, toi aussi. Pourquoi vous vous battez ? On vit dans le même immeuble, et alors ? On vit tous dans le même lotissement depuis plus de dix ans.

— Pat ! Tu réponds maintenant ?

— Papa, calme-toi, tente Par.

— Vous utilisez tous les deux cet endroit à des fins illégales, non ? Je voulais que tu t'occupes de ta soeur ici, pas que tu te drogues avec ce gamin.

— Se droguer ? Ton fils n'a pas arrêté d'embêter Pran au point qu'il a dû travailler jusqu'à l'aube. Qu'il soit indiscipliné est une chose, mais maintenant il entraîne mon fils dans sa chute.

— Papa, arrête ça. Nous n'avons rien fait de mal. Je pense que maman et toi devriez partir maintenant.

— Comment pouvons-nous partir ? On doit régler ça.

Quel match. Comme nous sommes plus nombreux que l'autre famille, Par et moi réussissons à faire sortir papa du bâtiment. Pran et moi nous sommes regardés, et avons décidé de nous occuper de notre propre famille. L'agitation que j'ai entendue au téléphone un peu plus tôt devait être due à ces adultes qui se disputaient.

Ils désapprouvent les jeunes qui se battent, mais ces vieux hommes se battent sans se soucier de leur santé. Incroyable.

— Pourquoi es-tu revenu, papa ? Tu n'es pas rentré chez toi ?

— Si Par n'avait pas laissé son portefeuille dans la voiture, je n'aurais jamais appris que tu vivais dans le même immeuble que ce gamin, non ?

— Nous vivons juste dans le même immeuble.

Ce n'est pas tout. En fait, je veux dire que ce n'est pas un problème même si on dort dans le même lit. Ceux qui ont des problèmes sont les adultes.

— Pourquoi tu dois faire des histoires pour ça ? Ce n'est pas un problème.

— Tu as aidé ton frère à nous le cacher, Par.

Maman gronde ma sœur, voyant que les mots de mon père n'ont pas marché sur moi.

— Je le savais. Vous ne pouviez pas devenir amis juste parce que vous vous croisiez parfois à l'université. Est-ce que tes notes ont baissé parce que tu as été distrait ?

— Mes notes ont baissé parce que je n'ai pas étudié dur. Ne blâme pas quelqu'un d'autre sans réfléchir, maman.

— Maintenant, tu le protèges. Vous êtes si proches ?

— Si je dis que nous sommes proches, tu me grondes. Si je dis qu'on ne l'est pas, tu penses que je mens. Quel genre de réponse tu veux, papa ?

Je passe mes doigts dans mes cheveux, je bouillonne. Même les gazouillis des oiseaux et la brise ne parviennent pas à atténuer mon irritation. Je me lèche les lèvres. Par est la première à sentir que je ne suis pas différent d'un moteur surmené en ce moment.

— Papa, s'il te plaît, arrête.

Ma sœur le met en garde, mais papa est toujours en colère. Si vous vous demandez de qui je tiens ces qualités têtues et impulsives, le voici. Maman ne veut tout simplement pas s'opposer à papa la plupart du temps. Elle est aussi plus calme, et Par aussi.

Je n'écoute jamais mes parents.

Le mieux que je puisse faire c'est les écouter mais jamais les prendre au sérieux.

— Fais tes valises. Tu reviens vivre chez nous.

— Je ne le ferai pas.

— Comment pourrais-tu ne pas le faire ? Combien de temps penses-tu pouvoir vivre cette vie insouciante ? Tu devras revenir tôt ou tard de toute façon. Tu as une maison et une entreprise à gérer. Tu ne peux pas continuer à être un morveux sans but. Tu n'as pas passé la plupart des examens ?

— Il m'en reste encore quelques-uns. C'était des quiz. Comment je pourrais partir ? Il y a des projets sur lesquels je dois travailler. Arrête d'être ridicule et aveuglé par tes propres préjugés.

— C'est toi qui devrais arrêter de fréquenter ce genre d'amis. Je t'ai donné trop de liberté ? As-tu la moindre idée que tout ce que je t'ai appris était de bonne volonté ?

— Tu veux juste que je déteste Pran comme tu détestes son père.

— Je m'en fiche. Il faut que tu rentres à la maison, termine papa d'une voix sèche.

Nous nous fixons l'un l'autre sans rien lâcher.

— Je vais t'acheter une voiture. Choisis le modèle que tu veux. Mais tu dois venir avec nous.

— Pas besoin de m'appâter avec une telle chose. Je ne pars pas.

— Par, emballe tes affaires.

— Tu ne m'écoutes pas ?!

Je pousse la poitrine de mon père et maman crie. Par se précipite pour me retenir, essayant de me calmer. C'est ridicule. Je me suis enfui de chez moi pour passer du temps avec Pran, mais il s'avère que je suis toujours hanté par ce cauchemar.

— Par doit rentrer à la maison. Je ne la laisserai pas s'approcher d'un serpent comme l'enfant de cette famille, grogne maman.

— Vas-y. Fais ce que tu veux.

— Tu peux supporter de voir ta soeur prendre un bus et passer un mauvais moment juste parce que tu veux être avec ton ami minable ?

Papa sait ce qui est important pour moi, ce qui me lie à notre maison. Par resserre son étreinte comme si elle sentait la rage bouillonnante qui se répand dans tout mon corps.

— Tu ne peux pas utiliser Par comme ça.

— On verra.

Je force mes yeux à se fermer, les lèvres serrées. Je secoue Par et donne un coup de pied dans une table en marbre à l'ombre d'un arbre, si fort que la pièce se détache.

— Va chercher tes affaires.

Je jette un dernier regard à Papa et je rentre dans le bâtiment. Pran n'est nulle part en vue. Il a probablement emmené ses parents dans sa chambre. Je monte seul, laissant Par s'occuper de nos parents. J'ai besoin de me calmer après la bagarre.

— Pat.

La porte à côté de ma chambre est ouverte. Les parents de Pran se tiennent derrière lui. Je croise mes mains sur ma poitrine pour les saluer, mais ça ne semble pas apaiser leur colère.

— Si quelqu'un doit partir, ça doit être moi. Tu devrais rester ici. Tu as une tonne de travail. Ce serait dur pour toi de faire des allers-retours entre ta maison et l'université.

Je presse mes lèvres et soupire. L'un de nous doit rentrer chez lui pour éviter toute interaction possible entre nous comme ils le souhaitent.

— Pat…

— Mon père m'a dit de faire mes bagages. Je ne prendrai que le nécessaire aujourd'hui. Je suis désolé. Je ne savais pas qu'ils allaient revenir.

— Ce n'est pas grave.

Nous soutenons le regard de l'autre. Il y a tant de choses à dire, mais la toux qui vient de derrière Pran nous fait détourner maladroitement les yeux.

— Rentre bien chez toi.

— Je suis désolé. Je n'ai jamais voulu causer un tel désordre. S'il vous plaît, laissez Pran rester ici. C'est mieux pour lui.

Je rentre dans ma chambre avant qu'ils ne puissent me maudire à nouveau. Ce n'est que le début, Pat. Quel est ton prochain geste pour être avec Pran ?

J'appuie mon dos contre la porte et je ferme les yeux, avec cette pensée douloureuse qui reste dans mon esprit.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:29



Scène Vingt-Et-Un
Pran
Pat est parti, mais son expression est encore présente dans mon esprit. Je serre les poings, incapable de supporter ce sentiment d'étouffement. Je voudrais pulvériser ce fichu mur, briser les préjugés stupides de ces adultes qui m'enchaînent la jambe, et courir pour attirer dans mes bras le type qui était sur le point de pleurer. C'est la faute à qui ? Quand cette guerre sans fin a-t-elle commencé ? Et combien de temps devrons-nous attendre pour qu'elle se termine ?

— Pourquoi tu ne nous as jamais dit que tu vivais au même endroit que lui ?

Mes lèvres sont pressées si fort qu'elles me font mal lorsque mon père pose la question de manière abrupte. Je garde les yeux rivés sur la porte et compte silencieusement de un à dix pour dissiper la fureur qui couve dans ma poitrine. "Pran ! Je te pose une question !"

Ma patience s'effrite lorsque mon père crie et me tire l'épaule pour me faire face. Je me dégage de son emprise, montrant ainsi mon mécontentement. Papa semble décontenancé par ma réaction.

— Je ne vois pas en quoi c'est mal.

— Qu'est-ce que tu as dit ? murmure papa tout bas en serrant les dents.

Maman m'appelle par mon nom pour tenter de me retenir. Mais je ne crois pas que ce soit moi qui doive me calmer.

— J'ai dit, je ne vois pas en quoi c'est mal.

— En quoi ce n'est pas mal ?! C'est pour ça que tu n'es pas rentré à la maison récemment ?!

— Ça n'a rien à voir avec ça papa, répliqué-je alors que le niveau de colère de mon père monte. J'ai travaillé sur mes devoirs ici et j'ai géré mes responsabilités. Je ne me suis jamais mal conduit comme vous le croyez tous les deux. Et Pat n'a rien fait de mal. Qu'y a-t-il de mal à ce que nous soyons des amis ou des connaissances ?!

— Pran !

— Vous détestez tous les deux les parents de Pat, mais qu'est-ce que ça a à voir avec moi ?!

— La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre !

— Il ne vous a rien fait !

Nous tremblons tous les deux, nos visages se tordent de rage. Nos mots ne veulent rien dire pour l'autre, et nous devenons de plus en plus bruyants à mesure que nous nous disputons. Nous ne pouvons rien faire d'autre que de crier parce que mes arguments ne collent pas avec leur ressentiment envers cette famille.

— Je t'interdis de le voir.

— Je m'en fiche.

— Pran !

— Quand est-ce que tu vas mettre tes préjugés de côté, papa ? Si tu ouvres ton cœur pour une fois, tu verras que Pat n'est pas si mauvais.

— Je le sais maintenant. Tu n'as jamais répondu comme ça avant. De qui d'autre tiens-tu ce comportement, si ce n'est de ce sale gosse ?

— Je ne peux plus supporter ces absurdités.

— Je crois qu'il faut qu'on parle sérieusement des études à l'étranger.

La voix de mon père devient froide, et mon expression devient sévère. Je me souviens des paroles de papa pendant la première année de Pong en Angleterre. Il avait dit qu'il m'enverrait là-bas pour être avec lui. Je ne m'en souciais pas vraiment à l'époque puisque mes parents m'ont toujours laissé la liberté de décider de mon éducation, et je n'ai jamais voulu être loin de la maison. En plus, j'ai Pat maintenant.

Je sais très bien que papa me menace…

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Bien que je sache exactement ce qu'il veut dire, je ne peux que poser la question d'une voix plus douce.

— Ne m'oblige pas à faire ce que je ne veux pas faire.

Papa me regarde dans les yeux en silence. Quand il est sûr que je ne dirai plus un mot, il dit à maman, qui se tient à ses côtés, qu'il est prêt à partir. Papa sort de la pièce sans dire au revoir.

La porte est claquée. Je ne bouge pas, regardant toujours devant moi l'endroit où se trouvait mon père. Un contact chaleureux se pose sur mon épaule, et je lève les yeux pour croiser le regard de maman.

— Tu le comprends, n'est-ce pas ? Tout ce que ton père a fait, c'était pour ton bien. Cette famille est pleine de déshonneur. Je ne veux pas que tu les fréquentes.

— …

Ça ne sert à rien de discuter.

— Je vais partir maintenant. N'oublie pas les paroles de ton père, Pran.

Je ne parle ni ne hoche la tête, je reste là jusqu'à ce que je sois seul dans la pièce. Je soupire et je m'écroule sur le canapé.

Mes larmes sont si près de couler…



— Je suis désolé.

Des excuses prononcées d'une voix coupable au téléphone, sans une once d'espièglerie, me font mal à la poitrine. Ça ne ressemble pas du tout à Pat.

— Pourquoi tu t'excuses ? C'est moi qui ai tort.

— Non, Pran.

— Si je n'avais pas été déraisonnablement en colère contre toi, tu n'aurais pas insisté pour me voir.

— Tu t'inquiétais pour moi. En quoi c'est mal ? J'ai agis comme un idiot.

— … Tes parents ont dit quoi ?

— Ils ont piqué une crise comme prévu. Rien de nouveau.

— Hum…

— Tu fais quoi ?

— Je vais me coucher.

Je lui dis la vérité en remontant la couverture au-dessus de ma taille pour couvrir ma poitrine. La chambre est étrangement froide.

— Et toi ?

— Je suis sur mon lit. Ce n'est même pas un grand lit, mais il semble vide.

— Je ressens la même chose. Mon lit est grand, mais maintenant il semble vraiment grand.

Nos rires doux et sans joie se transforment rapidement en silence. Nous écoutons tous les deux la respiration de l'autre pendant un moment avant que Pat ne reprenne la parole.

— Tu me manques, Pran.

— … Hum, marmonné-je en agrippant la couverture.

— J'ai tellement envie de te serrer dans mes bras.

— J'ai aussi…

— … Pat !

Je fais une pause, en entendant un cri distant de l'autre côté.

— Je dois raccrocher. Je t'appelle plus tard. Ma mère frappe à la porte…

— Pourquoi tu n'ouvres pas la porte, Pat ?!

— Dans une seconde, maman ! Je t'appelle plus tard.

Pat explique la situation à la hâte tandis que sa mère continue de crier. Après qu'il a raccroché, je pose mon téléphone tranquillement. Je regarde le plafond, en attendant que mon téléphone vibre à nouveau. Finalement, je m'endors et me réveille le matin pour constater qu'il n'y a pas d'appels manqués.



— Qu'est-ce qui ne va pas, Pran ? demande Wai en tapant doucement sur mon genou.

Je lève les yeux du bureau.

— Rien…

— Rien, mon cul. Ça fait une semaine que tu as le moral à zéro. Tu t'es disputé avec Pat ?

Je secoue la tête en guise de réponse. Les choses auraient été plus faciles si c'était juste une dispute avec Pat.

— Est-ce que Pat s'est enfui avec quelqu'un d'autre ?

— Putain, ça va pas ? Je vais te virer de la chaise.

— Aw, tu es inquiet maintenant.

Analyse l'humeur, Wai, connard.

— Tais-toi.

Wai rit, heureux de réussir à me taquiner.

— Il s'est passé quoi ?

— Je suis juste fatigué.

— Qu'est-ce qui te rend si fatigué ? Tu as rattrapé ton manque de sommeil.

— Ce n'est rien.

Je m'allonge et pose mon visage dans le creux de mes bras sur la table. Wai soupire, mais je n'ai pas l'intention de poursuivre la conversation. Je ferme les yeux et me renferme sur moi-même. Je n'ai pas parlé avec Pat depuis cette nuit-là, et je n'ai pas réussi à le joindre du tout. Nos horaires de cours ne correspondent pas et il n'est pas facile de se croiser par hasard sur le campus.

— Pran !

SLAP !

— Putain ! Ça fait mal !

Je me relève d'un bond alors que Wai crie dans mes oreilles et me donne une claque dans le dos.

— Je t'ai appelé plusieurs fois. Tu ne t'es pas relevé.

— Qu'est-ce que tu veux, bordel ? dis-je en grimaçant et me frottant le dos. C'était ta main ou ton pied ?

— Pat est là.

— Hein ?

Wai plisse les yeux et fait un geste vers la porte. Je suis son regard et vois le type en question qui se cache derrière l'entrée. Il tend le cou et me fait un sourire. Je me redresse et presse mes lèvres l'une contre l'autre, sentant à quel point son sourire est différent. Je sens un pincement dans ma poitrine, trop anxieux pour me mentir. J'expire et chuchote à mon ami.

— Je reviens tout de suite…

Je fais semblant d'aller aux toilettes et traîne le gars d'une autre faculté vers un coin isolé près des escaliers.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? On est en plein cours. Tu auras des problèmes si quelqu'un te voit.

— Tout le monde sait que toi et moi avons arrêté de nous battre.

— Tout le monde ne le sait pas. Tu portes même ta chemise d'atelier. Les professeurs pourraient venir te trouver.

— Je voulais te voir.

Son expression déprimée quand il murmure ces mots m'arrête net. Je souris, renonçant à le réprimander.

— Vraiment.

— En te voyant sourire comme ça, ça ne me dérange pas de me faire sermonner pendant trois jours.

— Tu exagères.

— Pran…

— Hmm ?

— Je suis désolé de ne pas t'avoir contacté. Ma mère m'a surveillé. Elle a commencé à écouter aux portes récemment. Certains jours, elle a même pris mon téléphone.

— Ce n'est pas grave. Par m'a envoyé un texto. Et je ne suis pas en colère contre toi.

— Mais je suis en colère.

— Pourquoi ?

— Je suis en colère contre tout ce qui m'empêche d'entendre ta voix, d'être avec toi, de te câliner pour dormir.

— …

— De te voir rougir et froncer les sourcils comme ça.

— Tu t'es trompé de pilule ou quoi ? demandé-je en repoussant sa main quand il touche ma joue. Tu es bizarre.

Mon visage est chaud à son contact.

— Je n'ai pas pris de pilules. C'est pour ça que je me sens mal. Quand est-ce que je pourrai prendre ma pilule ?

— Pat.

— Je vais mourir.

— Toujours en train de plaisanter.

Je ne parviens pas à étouffer mon sourire, me sentant un peu mieux puisqu'il peut encore faire des blagues. J'ai été inquiet pendant des jours parce qu'il était horriblement abattu. Pourquoi me regarde-t-il comme ça, d'ailleurs ?

— Qu'est-ce que tu regardes ?

— Mon petit ami. Ça fait des jours que je n'ai pas eu l'occasion de te voir. Laisse-moi te regarder. Tu ne seras pas souillé par mon regard.

— Quelle plaie.

— Quoi ? Je parle gentiment et tu m'engueules. Je te taquine et tu m'engueules. Tu es si difficile à satisfaire.

— Retourne dans ta classe.

— Je n'y retournerai pas. Je vais rester avec toi.

— Ne sois pas ridicule, Pat.

— Je dois rentrer à la maison juste après les cours. Je ne pourrai pas te voir à ce moment-là.

— Pat, nous sommes à l'université.

— Juste un bisou.

Ce chien sauvage et malade se penche plus près et plisse les lèvres, ce qui ne va pas du tout avec son visage. Je garde mes lèvres fermées, ne le laissant pas me toucher comme il le désire, mais le gars devant moi n'abandonne pas. Il s'approche, braque son regard sur moi et gémit un peu. Mes sourcils se froncent. Je détourne les yeux, essayant d'ignorer son miaulement dans mes oreilles. Finalement, je cède. Je pose mes lèvres sur les siennes pendant un bref instant, puis je me recule.

— Voilà. T'es content maintenant ?

Pat lève un sourcil, incapable de cacher son sourire en coin. Je commence à rougir.

— Non, mais c'est suffisant pour l'instant, murmure-t-il à voix basse avant de se reculer.

Je recule immédiatement et regarde autour de moi, inquiet que quelqu'un puisse nous voir.

— Je m'en vais.

— Ok. On en reparle plus tard.

Pat acquiesce et m'envoie un baiser, puis il descend lentement les escaliers. Je le suis du regard, et il se retourne pour me faire un signe de la main.

J'attends qu'il soit parti et je retourne dans la salle de cours. Mes amis agaçants me demandent avec un air taquin si je suis sorti pour faire caca, mais je m'en moque.



Après notre rendez-vous imprévu, Pat m'a envoyé des textos de temps en temps. Il restait simple, me demandant seulement ce que je faisais, et Par me parlait en son nom quand il ne pouvait pas le faire lui-même. Ils doivent le surveiller de près. Cette pensée me dérange. Un gars qui aime autant la liberté que lui doit se sentir étouffé en étant ainsi enfermé.

De plus… une des raisons pour lesquelles Pat a choisi de déménager est qu'il s'inquiétait de ma charge de travail et de mes déplacements. Après tout, c'était lui ou moi. Et je m'en voulais d'être aussi inutile.

— Merci, dis-je en tendant l'argent au chauffeur du taxi vert garé devant chez moi.

Je sors de la voiture et je jette un coup d'œil furtif à l'autre maison tout en me dirigeant vers la mienne. Je n'ai pas dit à Pat que je rentrais chez moi puisqu'il n'a pas répondu à mon texto hier soir.

— Je suis rentré.

Je salue mon père, qui est en train de lire un livre sur le canapé. Il me regarde et replonge son regard dans le livre. Nous n'avons pas beaucoup parlé depuis ce jour-là, alors l'atmosphère autour de nous est tendue.

— Oh, tu es rentré, Pran.

La voix de maman vient de la cuisine avant qu'elle n'apparaisse.

— Tu as mangé ?

— Oui.

— Mets tes affaires dans ta chambre et descends pour manger des fruits.

— D'accord…

Ma réponse est simple. Papa et maman ne me regardent plus et ne me disent plus un mot. C'est gênant de se tenir ici, et je suis mal à l'aise pour entamer une conversation. Je n'ai jamais été dans ce genre de situation. Maintenant que j'y pense, je ne me suis jamais disputé avec mes parents au sujet de cette famille. Ça va être difficile.



Je vérifie mon téléphone une fois que j'ai changé de vêtements. Pat ne répond toujours pas et ne lit pas mes textos. Sa mère a probablement pris son téléphone. Il n'y a personne en vue quand je jette un coup d'œil à l'autre maison, alors je sors sur le balcon. Je pose mes yeux sur le mur qui sépare nos deux résidences, plongé dans mes pensées. N'est-ce pas bizarre ? Deux familles se détestent alors qu'elles utilisent le même mur. C'est encore plus bizarre que Pat et moi ayons des sentiments l'un pour l'autre. Pourquoi devons-nous être liés l'un à l'autre ? Les choses auraient été plus faciles si nous avions ressenti la même haine que nos parents.

Je reste là, à profiter de la brise du soir et de la vue sur les oiseaux et le ciel. Une Audi blanche flambant neuve s'arrête bientôt dans la cour de l'autre maison. Je regarde avec curiosité jusqu'à ce que Pat descende du siège conducteur. Son père est allé jusqu'à lui acheter une Audi en échange du fait qu'il reste à la maison et qu'il coupe les ponts avec moi.

Mon sourcil s'agite, repérant quelqu'un d'autre dans la voiture. Mon cœur se serre car c'est une fille, apparemment. Pat n'a jamais eu d'amie féminine et n'en a jamais invité à la maison.

Cela ne me dérangerait pas trop si Pat n'ouvrait pas la portière pour elle et n'attendait que la fille dans une robe aux couleurs douces en sorte. J'ai les jambes lourdes pendant qu'ils discutent et se sourient. C'est peut-être parce que je suis trop loin d'eux pour lire la signification du regard et du sourire de celui que j'appelle mon petit ami.

Néanmoins, le fait qu'il l'ait emmenée chez lui est incontestable.

Je sursaute lorsque Pat me remarque. Nos regards se croisent, mais je n'arrive pas à y voir clair. Il me semble qu'il est en état de choc. Pat s'agite comme s'il voulait dire quelque chose. La fille lui tape sur l'épaule et fait un geste vers sa maison. Sans réfléchir, je me retourne, rentre dans ma chambre et claque la porte du balcon.

La pièce retombe dans le silence après une détonation retentissante. Je m'appuie contre le mur, confus, incapable de comprendre ce que je viens de voir. Mais qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi n'ai-je rien su de tout cela ? Est-ce la raison pour laquelle Pat semblait avoir beaucoup de choses en tête ces derniers temps ? Ma tête est submergée de suppositions négatives. Je commence à croire qu'il ne m'a pas contacté depuis des jours à cause de la fille.

Que dois-je ressentir maintenant ? Que dois-je croire ?


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Ven 6 Sep 2024 - 18:30



Scène Vingt-Deux
Pat
Fais chier !

Je suis dans la merde. Qu'est-ce qui pourrait être plus désastreux que le fait que ton copain découvre que tu as ramené une fille à la maison ? Je me fige, mon visage pâlit, mon cœur défaille. Pran a dû tout voir puisqu'il est retourné à l'intérieur dès que nos regards se sont croisés. Des milliers de mots sont coincés dans ma gorge. Pour lui, tout mène à cette seule conclusion parce que j'ai été occupé à faire plaisir à ma famille ces derniers jours et que je n'ai pas eu le temps de lui parler.

Vraiment pathétique. Qui aurait cru qu'un gars de 22 ans serait tenu en laisse par sa famille ?

Non seulement ils m'ont interdit de traîner avec Pran, mais ils m'ont aussi ordonné de manger et de regarder des films avec l'ami d'enfance de Par presque tous les jours. Ils pensaient que, de cette façon, je n'aurais pas le temps de penser à retrouver un ami aussi mauvais que Pran.

— Oh, Punch est là juste à temps. Je prépare un dessert. Tu as déjà essayé les marrons glacés faits maison ?

Ma mère est toute heureuse en ce moment. C'est une vraie femme au foyer. Comme notre famille possède une entreprise, et que mon père la dirige seul, elle a beaucoup de temps. Par conséquent, elle passe tout son temps à organiser notre maison, à faire des desserts et à préparer nos repas. Une fois, nous avons engagé quelqu'un pour s'occuper de la maison, mais ma mère n'était pas satisfaite. Finalement, elle s'est occupée de tout chez nous comme une parfaite fée du logis. Je ne suis pas surpris qu'elle apprécie Punch, une fille incroyablement bien élevée.

— Avant le décès de mon père, j'en faisais très souvent avec ma mère. Il adorait ça.

Je soupire. Elle est si douce et gentille que mon contact pourrait la briser. Nous ne sommes pas compatibles. Maman traîne maintenant Punch à la cuisine pour faire quelques tâches ménagères, alors je me dirige vers le salon avec mon cœur fébrile. Je m'enfonce dans le canapé et m'ébouriffe les cheveux en signe de frustration.

Putain de merde !

— Qu'est-ce qu'il y a, Pat ? demande Par.

— Pran a vu Punch.

— Et ?

— Et ? Pran n'a jamais pu s'asseoir sur le siège passager de ma voiture, murmuré-je en serrant les dents.

Bien sûr, d'autres pourraient voir tout ça comme un comportement normal, qu'un garçon devrait donner à une fille. Punch pourrait être n'importe qui pour moi à leurs yeux. Mais, c'est de Pran qu'on parle. Il sait que je ne traiterais jamais quelqu'un comme ça s'il n'était pas spécial. Je veux dire, j'ai ouvert la portière de la voiture pour elle et tout. Aurais-je pu éviter ça ? Allez, ma mère me harcèlerait toute la nuit si je ne le faisais pas.

Pourquoi la vie est-elle si dure ?

— Où est Punch ?

— Elle aide maman à la cuisine.

— J'ai faim, grommelle ma sœur en s'asseyant à côté de moi. Tu as appelé Pran ?

— Non. Je ne sais pas quoi dire.

— Tu es allé où avec Punch ce matin ?

— Nous sommes allés au temple pour faire du mérite et des offrandes.

Par étouffe son rire, sachant que ce ne sont pas mes activités habituelles.

— Allez, continue à faire plaisir à maman jusqu'à ce qu'elle arrête de se préoccuper de toi. Quand elle sera sûre que tu te comportes comme elle le souhaite, elle te laissera probablement continuer ta vie. Eh bien, tu t'es fait prendre tant de fois d'affilée.

— Tu as raison, acquiescé-je en poussant un soupir. Mais je suppose que je dois parler de Punch à Pran.

— Oui, ce n'est peut-être pas aussi grave que tu le penses, dit gentiment Par en me massant les épaules pour me montrer son soutien.



Notre déjeuner a l'air si raffiné, comme de la nourriture royale thaïlandaise, mais l'anxiété me fait perdre l'appétit. Je picore l'énorme tas de nourriture que Punch a mis dans mon assiette, réfléchissant à ce que je dois faire concernant ma relation avec Pran.

— La nourriture n'est pas à ton goût ? me demande Punch.

Elle a aidé ma mère à préparer la plupart des plats ici. Elle est timide et parle très doucement avec une voix douce. Je dois écouter attentivement quand elle dit quelque chose. Je suppose que c'est une fille timide issue d'une famille stricte.

— Je n'ai pas faim.

— Pat, parle-lui plus gentiment.

Je regarde ma future fiancée et j'expire. Je ne la déteste pas, mais tout semble forcé. J'ai toujours été un gars franc et direct. C'est inconfortable quand on me dit d'agir comme un gentleman.

— C'est bon. Sois toi-même, Pat.

— C'est gentil de sa part.

Maman est prête à me faire un long sermon. Pour éviter ça, je la coupe d'une voix mielleuse.

— Normalement, je saute le petit-déjeuner. Comme j'ai pris un repas ce matin, mon estomac n'a pas de place pour le déjeuner.

— Ce n'est pas bon. Le petit-déjeuner est le repas le plus important.

J'acquiesce, m'empêchant de lui dire que le soleil est généralement déjà juste au-dessus de ma tête au moment où je me réveille. Je mets fin à la conversation en enfournant de la nourriture dans ma bouche. Tout semble idéal pour tout le monde ici. Je suis le seul à suffoquer. Par me jette un coup d'œil de temps en temps pour vérifier si ma patience va bientôt s'épuiser.



En fin d'après-midi, quand le soleil ne brille pas trop et qu'il n'y a pas trop de vent, mon père me propose d'aller me promener dans le jardin avec Punch. Il y a un petit jardin entretenu par un jardinier une fois par jour avec, au milieu, un pavillon blanc propre et ancien. Par aimait cet endroit quand elle était petite. Elle ramassait les fleurs de papa pour jouer avec, en faisant semblant d'être une commerçante.

— Cela fait un moment. Ça me rappelle l'époque où nous étions jeunes.

Punch engage la conversation, en se promenant sur le chemin de latérite. Je marmonne une réponse. Pran est présent dans tous les souvenirs de mon passé.

— Tu as grandi et tu es devenu assez sérieux, Pat.

— Pas tant que ça.

— Je me souviens que tu étais si gentil quand on était petits. Tu jouais au commerçant avec Par et moi, en utilisant des feuilles comme argent.

— Si je ne jouais pas le jeu, Par hurlait.

— Tu aimes tellement Par que parfois je l'envie d’avoir un frère aussi gentil.

Si Punch savait tous les moments difficiles que je fais passer à Par, elle retirerait immédiatement ses paroles. Je soupire et m'installe sur le banc inutilisé depuis longtemps.

— J'aime bien ta maison. C'est frais et agréable.

— Mon père s'occupe de l'arrière-cour. Il a aussi choisi lui-même le jardinier qui travaille chez nous.

— Tes parents sont très gentils. Ma mère est effrayante.

Punch sourit aimablement. C'est une fille naturellement jolie. Comme maman l'a dit, je pourrais finir par tomber amoureux de cette vieille amie. Si je n'avais jamais rencontré Pran, bien sûr.

Mais qu'est-ce que je peux faire ? C'est impossible de remonter le temps. Même si je le pouvais, je ne serais pas capable de déterminer le moment exact où je devrais recommencer.

Quand je n'aimais pas autant Pran, je suppose.

— Tu vas bien ? Tu as beaucoup soupiré.

— J'ai mal au ventre.

Plus comme une lourdeur étrange dans mon ventre. Je n'arrive pas à respirer correctement à cause du stress lié à une certaine personne.

— Punch, je dois aller aux toilettes. Tu peux rester ici ou discuter avec Par à l'intérieur. Ça pourrait prendre du temps.

Je me retourne et je cours à l'intérieur de la maison. Une fois à l'étage, j'ouvre la porte de ma chambre, je prends mon téléphone et j'appelle immédiatement la personne à laquelle je pense. Pran décroche après un long moment. Je serre mon téléphone et j'attends qu'il parle. Il peut crier ou poser autant de questions qu'il veut. Mais je n'obtiens qu'un doux marmonnement.

— Hum.

— Pran…

J'aimerais pouvoir déverser tous les mots qui sont dans ma poitrine. Je ne suis pas le seul à me sentir mal à l'aise dans cette situation. Pran était manifestement partagé entre répondre à l'appel ou non. Maintenant que nous sommes tous les deux au téléphone, nous restons silencieux, sachant que notre relation part lentement en lambeaux. Pran ne demande rien, attendant probablement que je me confesse.

— Pran.

— Oui ?

Je n'aime pas sa voix froide et son mot distant. Ça ressemble à l'ancien Pran, mais on sait que quelque chose est différent. Je presse fortement mes lèvres, cherchant les bons mots pour le mettre à l'aise.

Tout ça parce que je tiens à lui plus que quiconque.

— Pran.

— Si tu ne fais que dire mon nom, je raccroche.

— Attends.

Il me donne une chance, la dernière avant qu'il n'entende plus un mot de moi.

— Ouvre la porte. J'arrive.

— Pat ! En plein jour ?

— Il faut que je te parle.

— On est en train de parler.

— Non.

Je ne veux pas que mes mots ne soient qu'un prétexte d'un type sans cervelle. Tout ce que je vais dire ne sera réel que si c'est transmis directement à une autre personne.

En plus… il me manque comme un fou.

— Pran, je raccroche maintenant. Garde la porte du balcon ouverte.

Je raccroche sans attendre sa permission. D'ici, je me penche au-dessus du toit sur une courte distance et j'atteins le mur. J'utilise mon habileté pour me hisser sur le toit de sa cuisine, puis je grimpe sur le balcon de la chambre de Pran. Ce doit être un secret absolu. Si mes parents l'apprennent, je devrai changer de chambre avec Par.

Pran grimace quand je me présente au balcon pieds nus. Quand j'atterris sur le sol sans faire de bruit, il se détend. Il croise ses bras sur son torse et fait quelques pas pour s'asseoir sur la chaise de son bureau, et je prends la liberté de m'installer sur son lit impeccable.

— Alors ?

— Tu te souviens de Punch ?

— Non.

— Elle venait souvent chez moi pour jouer avec Par quand on était jeunes.

Il a dû la voir, mais ça ne l'intéressait pas vraiment. Même moi, le propriétaire de la maison, je m'en fichais.

— La fille que tu as vue.

— Est-ce que Par sait conduire ?

— Oui. Pourquoi ? Mon père a acheté la voiture pour nous deux.

— Alors pourquoi c'est toi qui es allé chercher l'amie de Par ? C'est pas que tu ne peux pas le faire. C'est juste…

Pran fait une pause.

— … improbable de ta part.

Pran me connaît mieux que quiconque. Je soupire lourdement. Je n'ai jamais voulu lui mentir. C'est juste que je ne savais pas comment aborder le sujet sans heurter ses sentiments déjà blessés. C'est pourquoi je lui ai caché.

Apparemment, c'était un mauvais choix.

Tôt ou tard, Pran l'aurait découvert de toute façon.

— Sa famille dirige une entreprise de conseil. Elle est fille unique et étudie la comptabilité à Chiang Mai. Elle a fini ses examens et est revenue ici. Elle est dans la même année que nous.

— Et ?

— Mes parents et sa mère veulent qu'on apprenne à se connaître.

— Ils veulent vous caser ensemble ?

Ses yeux papillonnent. Ils sont fixés sur mon visage avant qu'il ne se détourne. Je soupire à nouveau, ma poitrine étant sur le point d'éclater. Je n'arrive toujours pas à trouver de solution. Et plus le temps passe, plus j'ai l'impression d'être perdu dans un labyrinthe.

— Elle est jolie de loin.

— Elle l'est.

— Tu l'aimes bien ?

— Pran, ne demande pas ça comme si tu ne savais pas ce que je ressens.

Je tire la chaise de bureau sur laquelle il est assis vers moi et je saisis son visage pour le regarder dans les yeux.

— Tu sais qui j'aime.

— Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr parfois.

— Tu penses que ça va être comme avec Nat.

— Je ne veux pas évoquer le passé. Mais tu n'as aucun problème à sortir avec des filles. En fait, ce genre de relation semble plus probable.

— C'est à nos cœurs de la rendre réelle ou non. Pran, je n'ai jamais eu d'yeux que pour toi. Je l'ai fait à cause de nous, et je suis désolé. C'est juste que je n'arrive pas encore à trouver une porte de sortie, mais je promets que je vais résoudre ce problème.

— Pat, tu es un fils obéissant ? Je ne sais pas. Tu peux t'opposer à eux. Tu n'as pas à ouvrir la portière de la voiture ou à t'occuper de cette fille. Tu as fait tout ça, d'après ce que j'ai vu. Tu ne fais ces choses qu'à la personne que tu aimes, celle pour qui tu veux le faire.

— Tu me connais si bien.

Est-ce que je dois être heureux ou triste que Pran voit toujours ce que je suis ? Eh bien, je comprends son exaspération. Si c'était moi, je détruirais tous ceux qui font des avances à Pran.

— Oublie ça. J'ai probablement trop parlé.

— Pran, tu as le droit d'être jaloux. Écoute-moi juste.

— Je ne suis pas jaloux !

— Pran, écoute-moi !

Je serre ses mains et fixe ses yeux clairs d'un air sévère. Pran se sent vulnérable. Notre relation est un gratte-ciel sans fondations profondes à friction. Pas de confiance ni de sécurité.

— Je dois faire plaisir à ma mère pour la tranquilliser. Comme ça, elle ne se montrera pas à l'université. On peut toujours se voir là-bas, tu sais.

Il ne nous reste plus beaucoup de temps. Je me déteste de ne pas avoir réalisé mes sentiments plus tôt. J'ai pris quatre années d'université pour acquises. Je garde mon regard sur le visage de Pran, mes yeux brûlent. Le malaise me ronge car j'ai peur qu'il rejette mon explication. La possibilité que Pran se sente découragé et abandonne notre relation m'angoisse.

— Je ne suis pas un playboy. Tu le sais bien. Je ne me soucie pas vraiment des filles.

— Pat, je sais. Mais qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Je vais résoudre ce problème.

Même si ça semble sans espoir, je refuse de reculer. Je desserre mon emprise et masse le dos de ses mains à la place, le suppliant avec toute ma sincérité.

— Fais-moi confiance.

— Encore une chose.

Pran prend une profonde inspiration. Il semble maintenant convaincu que je ne le tromperai pas, mais quelque chose le tracasse encore. J'attends tranquillement qu'il parle, ce qu'il fait finalement.

— Si je ne vous avais pas vus aujourd'hui, tu me l'aurais dit ?

Une question simple. Mais je n'ai pas de réponse. Je reste immobile et je détourne le regard. Pran me tire l'épaule et m'oblige à répondre avec son regard insistant.

— Je t'ai posé une question.

Je n'ai pas le courage de le regarder car j'avais prévu de lui cacher la vérité jusqu'à la fin. Pran n'aimerait certainement pas la vérité, mais je ne vais pas mentir.

— Ce n'est pas notre problème, Pat ?

— Je peux m'en occuper.

— Si tu le pouvais, tu n'aurais pas attendu de te faire prendre.

— Ce genre de choses prend du temps. Tu crois sérieusement que j'épouserais quelqu'un d'autre ?

— Comment je pourrais savoir ce que tu penses ?

Pran se lèche les lèvres. Le mobile près de la fenêtre tinte dans le vent, mais nos cœurs sont à vif.

— Pour qui tu me prends ? Est-ce que je dois me cacher derrière ton dos et te laisser tout résoudre par toi-même ?

— C'est ma mère le problème. Comment tu peux m'aider avec ça ? C'est déjà assez fatigant d'avoir affaire à ses propres parents. Je ne veux pas t'embêter avec d'autres problèmes.

— On n’est pas censés résoudre le problème ensemble pour être considérés comme des amoureux ?

Je ne dis rien de plus, incapable de répondre à la question. En vérité, j'ai peur qu'il ne comprenne pas où je veux en venir.

— Je suis désolé.

— J'en ai marre de tes excuses.

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

Je soupire et pose mon front sur ses genoux, mes bras autour de sa taille. Je savais qu'il serait en colère contre moi tôt ou tard.

— Elle est où en ce moment ?

— Je ne sais pas. Tu crois que ça m'intéresse ?

— Retourne la voir.

— Arrête d'être contrarié d'abord.

Pran expire. Quand je lève les yeux, il hoche la tête.

— Pars maintenant. Ma mère sera dans la cuisine dans la soirée. Il sera difficile de rentrer à ce moment-là.

J'embrasse ses doigts, son odeur me manque. Tous ces jours que nous avons passés ensemble défilent dans mon esprit.

Si possible, je serais avec lui à chaque seconde, sans le perdre de vue.

— Tu me manques tellement, Pran.

Pran est complètement immobile, ne répondant pas tout de suite. Mon téléphone vibre dans ma poche et il me fait signe de prendre l'appel.

— Qu'est-ce qu'il y a, Par ?

— Tu es où ? Maman te cherche. Elle veut que tu raccompagnes Punch chez elle.

— Tu peux le faire ? Dis à maman que j'ai la diarrhée.

— Tu es où ?

— Dans la chambre de Pran.

Je réponds d'un ton égal, et Par me fait juste un ‘hum’.

— Tu l'as vraiment fait, hein ? Je vais ramener Punch. Dépêche-toi et reviens. Maman ira voir comment tu vas quand je lui proposerai de la ramener chez elle.

Je prends note et raccroche, puis je lâche malgré moi la main de Pran.

— Je m'en vais.

— Hum, sois prudent.

— Pran.

Il lève les yeux vers moi, toujours aussi froid.

— Je t'aime.

Je souhaite que mes sentiments fassent fondre la glace de l'amertume dans son cœur. Pran hoche la tête, sans répondre à ces mots affectueux. Il me regarde par la fenêtre jusqu'à ce que j'atteigne ma chambre.

Nous nous regardons depuis nos deux maisons opposées, avec un mur et quelques mètres entre nous. J'espère que le mur est la seule chose qui nous sépare.

Que notre amour n’est pas comme sur la pointe des pieds sur un gratte-ciel, prêt à être renversé par le plus doux des vents.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:30



Scène Vingt-Trois
Pran
— Ils veulent vous caser ensemble ?

La question que j'ai lâchée résonne encore dans ma tête. C'est terrible, même si c'est moi qui l'ai posée. D'innombrables fois, je me suis assis et je me suis demandé à quel moment nous avons développé ces sentiments interdits l'un envers l'autre. Pat est juste un gars typique qui peut sortir avec des filles sans problème. Moi aussi. Quand avons-nous commencé à désirer le contact de l'autre ? Est-il trop tard pour revenir en arrière, à l'époque où les choses étaient plus faciles ?

L'image de Pat ouvrant la portière de la voiture à cette fille est encore vive dans mon esprit. Son sourire et la façon dont ils allaient si bien ensemble. Nous sommes dans un monde où il est considéré comme normal pour les filles d'être avec des garçons. Personne n'a besoin de me dire que nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre.

Par chance, le téléphone sur mon lit sonne. Toutes ces pensées disparaissent avant que je ne perde la tête.

En voyant le nom sur l'écran, je pose mon doigt sur l'icône pour répondre.

— Hey, Wai.

— Bonjour, Monsieur. Vous êtes chez vous aujourd'hui ?

— Bien sûr, j'y suis. Je viens juste de rentrer. Où est-ce que je pourrais aller ?

— Super. Je suis venu dans ton quartier pour faire une course et j'ai pensé que je devais m'arrêter. Tu es occupé ?

— Je suis sur le point de tuer des moustiques pour passer le temps. Viens.

— D'accord. Je vais acheter du poulet frit. J'en ai une envie folle.

— Ok, ok.

— A plus.

Wai raccroche immédiatement après ça. Je ris doucement à la façon dont il est insouciant. C'est une bonne idée d'arrêter de trop penser. L'habitude d'imaginer des milliers de scénarios catastrophes quand j'ai des problèmes est difficile à perdre.

Toc, toc.

— J'entre, Pran.

La voix de maman suit les coups. Elle ouvre la porte après que j'ai répondu, portant une assiette de fruits coupés.

— Tu as été long, alors j'ai pensé t'apporter ça.

Je la remercie et prends l'assiette. C'est toujours gênant entre nous. Nous ne nous regardons pas dans les yeux, et je n'ai pas le courage de lever le regard vers elle.

— Pran, commence maman.

— Oui ?

— Ne sois pas en colère contre ton père pour ce qui s'est passé. Il était un peu impétueux. Il ne voulait pas te crier dessus.

— Ce n'est pas grave. Il est en bas ?

— Il vient de partir en voiture. Il reviendra en début de soirée.

— Je vois, marmonné-je, sans rien dire de plus.

J'ai souri tout au long de la conversation, bien que le sourire n'ait pas atteint mes yeux. Le remarquant, maman tend la main pour me serrer doucement l'épaule et part.

Après avoir mangé quelques bouchées de fruits, Wai m'appelle à nouveau. Sachant qu'il attend devant chez moi, je raccroche, laisse mon téléphone sur le lit et porte l'assiette de fruits en bas. Wai discute avec ma mère. Il se retourne pour me sourire avec un énorme sac en plastique de poulet frit. Sa gloutonnerie me fait sourire. Nous transvasons la nourriture dans des bols et des assiettes et nous engloutissons tout.

Après ce repas copieux, nous regardons la télévision dans le salon jusqu'à cinq heures, lorsque le ciel commence à changer de couleur. Nous sortons et traînons sur le banc dans le jardin, emportant avec nous des snacks stockés dans les placards depuis toujours. Je me demande secrètement si nos estomacs peuvent le supporter. Mais quand on ouvre les snacks, je continue à les mettre dans ma bouche.

Nous parlons tranquillement pendant que les snacks sont vidés. Nos rires s'éteignent progressivement après une heure de discussion bruyante. Je ne peux pas nier le fait que je peux compter sur mon ami quand j'ai des problèmes.

— Pran.

— Hmm ?

— Tu ne t'es toujours pas réconcilié avec Pat ?

Sa question soudaine m'arrête. En croisant son regard, je réalise qu'il attendait le bon moment pour en parler.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Ne fais pas l'idiot.

Je soupire, me sentant trop fatigué pour prétendre que tout va bien.

— Um… C'est difficile cette fois.

— Tu t'es finalement ouvert. Tu pensais que j'étais si stupide que je ne pouvais même pas écouter les problèmes de mes amis ?

— Je n'ai jamais dit ça.

— Tes actions en disent long.

— Allez, je ne savais pas par où commencer.

— Commence juste quelque part.

J'émets une longue expiration et pose mes mains sur le banc en me penchant en arrière.

— Comme tu le sais, nos familles ne sont pas en bons termes.

— C'est vrai. Ça n'a pas toujours été comme ça ? Pourquoi est-ce que ça te dérange maintenant ?

— Parce que les choses ne sont plus les mêmes.

— Oh, tu veux dire que vous étiez amis, mais maintenant vous baisez.

— Espèce de salaud.

— Je plaisante.

Il change de ton en recevant ma réponse sévère, et me regarde avec mécontentement.

— Que s'est-il passé ?

— Eh bien, nos parents ont découvert que nous vivions dans le même immeuble et en ont fait toute une histoire. Pat a dû déménager et rentrer chez lui.

— Merde, c'est comme un feuilleton. Vous êtes Roméo et Juliette ? Attends ! Ça devrait être Roméo et Roméo, non ?

Wai me taquine, et je lui donne une bonne claque dans le dos.

— Calme-toi. Tu veux que ma mère nous entende ?!

Wai s'excuse rapidement et baisse la voix.

— C'est vrai, désolé. Continue.

— Il n'y a pas grand chose. Je me suis disputé avec mes parents, et il s'est disputé avec les siens. Une histoire sans fin.

— Ça a commencé il y a longtemps. Tu ne peux pas tout résoudre en un clin d'œil.

— Je sais.

Je soupire et je regarde ailleurs, dépité.

— Le problème c'est que ses parents essaient de le mettre en couple avec une fille.

Wai se tape le genou, me faisant sursauter.

— Je le savais.

— C'est quoi ce bordel ? Tu m'as fait peur.

— Elle est jolie ? Tu l'as vue ? Je la connais ?

— Elle est jolie. Je l'ai aperçue aujourd'hui. Je ne pense pas que tu la connaisses.

— Et alors ? Tu vas laisser tomber ?

Je reste silencieux, ne sachant pas quoi dire. C'est une question facile, mais je ne comprends toujours pas mes propres pensées. C'est trop compliqué de trouver les bons mots pour décrire ce que je ressens.

— Tu t'inquiètes pour les adultes ou pour Pat lui-même ?

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Tu penses qu'il va recommencer à sortir avec des filles, n'est-ce pas ?

— …

Mince…

— Laisse-moi deviner. Quand tu l'as vu avec la fille, tu as pensé que c'était comme ça que les choses devaient se passer, hein ?

Ce satané devin continue, ayant l'air de tout savoir en grignotant des chips. Mais ses mots font mouche et me font taire.

Parce qu'une partie de moi le croit vraiment.



‘Chef de gang de l'Ingé 2m

Appels manqués (11)’



Je regarde mon téléphone. Il vient d'arrêter de vibrer après plusieurs appels. J'étais à côté de mon téléphone pendant tout ce temps, donc ce n'est pas que je n'ai pas pu l'entendre ou le prendre à temps. Je ne suis pas prêt à continuer notre conversation. Je ne veux pas parler lorsque je suis de mauvaise humeur ou que j'ai quelque chose en tête. Je pourrais laisser mes émotions prendre le dessus et finir par nous blesser tous les deux.

Je regarde l'écran affichant les appels manqués et me perds dans mes pensées. Le nom bizarre que j'ai enregistré me fait craquer à chaque fois. Avant, je l'avais enregistré en tant que simple "P" pour éviter les problèmes si mes amis ou mes parents le voyaient. Mais quand notre relation a changé et qu'il a été assez effronté pour le révéler à mes amis, il a réinitialisé son nom sur mon téléphone. "Le Beau Pat, Papa de Nong Nao, Amoureux de Pran" était trop long et insupportablement stupide. Ça m'ennuyait au plus haut point, alors je l'ai changé.

C'est hilarant, mais je n'ai pas du tout envie de sourire.

Toc...

Je me fige et fronce les sourcils. Quel son familier. Ou est-ce que j'entends des choses ?

Toc...

Je fais une grimace. Ne me dites pas...

FWIP !

Je me lève et j'ouvre le rideau d'un coup sec. J'ai envie de m'engueuler pour avoir de bonnes oreilles et un bon flair. Ce chien fou a encore grimpé sur mon balcon. Je me renfrogne et ouvre la bouche, mais Pat met son doigt sur ses lèvres pour me faire signe de me taire et de déverrouiller la porte. Je pousse un soupir d'exaspération et fais glisser la porte vitrée aussi silencieusement que possible. Pat fait un pas à l'intérieur avant que je ne referme la porte et tire le rideau.

— Qu'est-ce que tu crois… !

Avant que je puisse terminer, le fauteur de troubles me prend dans ses bras.

— Ne sois pas fâché.

— Comment je pourrais ne pas l'être ? A quoi tu penses !!!

— A quoi je pourrais penser ? Wai est venu traîner avec toi toute la journée et tu n'as pas fait attention à moi. Je ne peux pas supporter de te voir rire avec quelqu'un d'autre.

Pat gémit et embrasse ma tempe. Je me penche en arrière.

— Et tu n'as pas répondu à mes appels ni lu mes textos.

— Tu ne peux pas être patient ? Tu ne peux même pas supporter Wai, mon ami. Je n'ai jamais dit quoi que ce soit sur ta fiancée.

— Ne l'appelle pas ma fiancée. Je ne l'accepte pas.

— Tes actions indiquent le contraire, pourtant.

— Ne dis pas ça. Tu sais combien je t'aime. Je n'ai plus de place dans mon coeur pour les autres.

— Tu es un putain d'égoïste.

— Seulement quand ça te concerne. Ne bouge pas. Tu me manques.

— Ne me serre pas dans tes bras. Lâche-moi.

— Arrête de me frapper. Ça fait mal.

— Alors laisse-moi partir.

— Ça fait encore plus mal si je ne peux pas te prendre dans mes bras quand tu es en colère.

Mon Dieu, comme c'est mignon…

— Je vais vomir.

— Tu es tombé enceint à cause d'une étreinte ?

— Pat.

— Ne sois pas en colère.

Il me relâche rapidement et me lance un regard suppliant, puis il me prend la main et m'entraîne pour qu'on s'assoit ensemble sur le lit.

— S'il te plaît, arrête d'être en colère contre moi.

— Je ne suis plus en colère contre toi, dis-je en évitant le contact visuel. Je ne veux juste pas encore parler.

— Pran…

Pat continue de geindre. Il caresse ma main et en embrasse le dos. Je ne résiste pas, faisant semblant de ne pas être gêné.

— Je suis désolé de te l'avoir caché. S'il te plaît, ne m'ignore pas comme ça.

— J'ai dit que je n'étais pas en colère. Mais comment je peux oublier ça ?

— Je vais tout arranger. Je ne vais pas te laisser tout endurer tout seul. Je te le promets.

— Ne fais pas une promesse que tu n'es pas sûr de pouvoir tenir.

— Je vais essayer. Je vais le faire. Fais-moi confiance.

— …

— Fais-moi confiance. Pran.

— … Quand est-ce que je pourrai te dire non ?

Comprenant le sens de mes mots, Pat sourit largement et me serre dans ses bras. Bon sang, il se comporte mal parce que je le gâte toujours.

— Dis-moi tout à partir de maintenant. Je ne suis pas un type faible que tu dois protéger et éloigner du danger. Nous devons résoudre les problèmes ensemble, sinon mon existence est inutile.

— Compris, monsieur. Mais ne dis plus de choses comme ça. Ton existence signifie le monde pour moi.

— … La prochaine fois, je ne me soucierai plus de toi.

— Je te le promets.

Je l'ai laissé m'enlacer, sans me dégager. Au lieu de cela, je mets mon poids sur lui et place mes mains sur son dos dans une étreinte lâche. Nous ne disons rien, nous enfouissant dans les bras l'un de l'autre, respirant les odeurs familières, et partageant les mêmes sentiments que lorsque nous étions ensemble dans l'appartement.

— Heureux maintenant ? Rentre vite.

— Non, gémit Pat en resserrant son étreinte. Je reste ici.

— Pat, reprends tes esprits.

— Je vais dormir ici avec toi. Je mettrai le réveil à cinq heures du matin et je rentrerai rapidement.

— Pourquoi tu ferais ça ? Retourne dans ta chambre.

— Je veux te faire un câlin. Ça fait un moment. Je ne t'ai pas manqué ?

— On ne peut pas prendre ce risque insensé. C'est ma maison. Mes parents sont dans la pièce d'à côté. Tu veux te faire tirer dessus par mon père ?

— Je suis amoureux de son fils. Ça fait partie du risque.

— Pat.

Je baisse la voix et j'essaie de me libérer de son étreinte. Il est toujours en train de plaisanter, il ne prend jamais les choses au sérieux.

— Je t'en supplie. Tu me manques.

— Non.

— S'il te plaît, Pran.

— J'ai dit non.

J'insiste. Pat se dégage pour me regarder et bat des paupières pour me supplier. Quel spectacle douloureux. Ce n'est pas du tout mignon. Quand se débarrassera-t-il de cette fausse impression ? Mais si je lui dis honnêtement, il pourrait perdre confiance.

En y pensant, ce serait mieux s'il en perdait un peu.

— Pran…

Et cette voix mignonne (?).

— Arrête de faire le mignon. Non c'est non.

— Je ne t'ai pas manqué du tout ? Quelle cruauté.

— Tu m'as manqué… marmonné-je.

Pat remue la queue et se penche plus près de moi.

— J'ai pensé à ce qui se passerait si mes parents l'apprenaient. Les choses sont déjà assez compliquées. Va-t'en.

— Ugh, Pran.

— Tout ça, c'est pour nous deux.

— D'accord. Mais viens t'asseoir ici. dit-il en tapotant l'espace entre ses jambes. Viens ici et apaise mon désir.

Je ferme les yeux, hésitant à le faire car je ne sais pas quel genre de tour il va me jouer. Pat est implacable et têtu. De toute façon, en pensant à la façon dont il a transpiré en grimpant furtivement jusqu'ici, je m'adoucis. Je me laisse aller et m'assois comme demandé.

En une fraction de seconde, Pat me serre contre sa poitrine. Ses lèvres chaudes effleurent mes oreilles jusqu'à mon cou, me faisant sursauter. Il glisse ses mains sous ma chemise et caresse mon abdomen.

— Pran.

— Um…

— Tu m'as manqué.

— Je sais. Hmm, ne me suce pas le cou. Ça va laisser des marques.

— Tu m'as manqué. Ton odeur m'a manqué, putain.

— Renifle juste ta peluche miteuse.

— Nong Nao ne pourra jamais prendre ta place.

Avant que je puisse répondre, Pat touche ma joue et m'oblige à le regarder. Nous soutenons le regard de l'autre, comprenant l'implication de ce geste. Il caresse mes lèvres avec son pouce et les sépare, et je le laisse faire. Quelque chose nous rapproche. Nos visages se déplacent jusqu'à ce que nos lèvres soient scellées. Le doux contact sur mes lèvres fait son chemin jusqu'à ma bouche. Il lèche mes dents avant de s'emmêler avec ma langue.

Ce baiser est plus lent que d'habitude, il ne révèle pas d'émotions ou de désirs. C'est comme si nous transmettions combien nous avons manqué l'un à l’autre à travers nos langues. Je bouge la mienne en fonction de ses mouvements. Notre baiser est intime comme notre étreinte, nos souffles se mêlent. Il fait de plus en plus chaud quand Pat essaie d'enlever ma chemise.

— Pat… Ça suffit.

J'halète et me recule, essayant de libérer mes lèvres, mais Pat ne me laisse pas faire. Il continue à mordre et à grignoter mes lèvres. Maintenant que je commence à haleter pour respirer, il me lâche et pose son front sur le mien. On ferme les yeux et on écoute la respiration de l'autre.

Mon cœur s'emballe encore quand Pat me surprend avec son chuchotement.

— Pran… Je veux le faire, dit-il à mon oreille puis il me picore doucement le cou. Faisons l'amour.

Je recule d'un bond et lui gifle le bras.

Ce satané chien n'a aucune idée de l'heure et du lieu !


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Ven 6 Sep 2024 - 18:30



Scène-Quatre
Pat
Les relations sont faites pour évoluer. Ça peut être difficile et imprévisible, mais les sentiments changent tous les jours.

Je le ressens. Je le ressens si fort que je ne peux pas me contrôler quand je suis avec lui.

— Ça fait mal… Aïe… Ça fait mal.

Je demande grâce dans cette petite pièce carrée. Je me mords les lèvres et grimace lorsque la lotion liquide rouge s'infiltre dans ma blessure. Cette seule phrase a incité Pran à me gifler très fort. Et lorsque je me suis rapproché de lui, il m'a fait tomber du lit d'un coup de pied. Je n'ai pas réussi à saisir la chaise à proximité à temps et je suis tombé. Mon coude a éraflé le bord du lit et s'est blessé.

Par fixe mon visage et soupire en essuyant l'excès de liquide sur ma blessure fraîche. Elle l'évente avec un cahier pour que cela ne tache pas le drap quand je vais me coucher.

Il est minuit. Par secoue la tête d'un air fatigué, comme elle l'a toujours fait lorsque ma bouche a été abîmée après plusieurs bagarres avec Pran.

— On ne peut jamais perdre l'habitude de se faire blesser, hein ?

— Qui aurait pensé qu'il me donnerait un coup de pied aussi fort ?

— Qu'est-ce que tu lui as fait ?

Je veux tout expliquer, mais nous devrions garder les choses personnelles pour nous. Je ne peux pas crier au monde entier que je n'ai pu que me masturber jusqu'à présent.

Je pousse un soupir.

Si Gon le savait, il me traiterait de poule mouillée pendant encore dix vies.

Mais je n'ai pas à m'en soucier. La personne à laquelle je tiens le plus n'est pas prête. Je ne peux que l'accepter.

— Je ne vais pas mettre de pansement pour aérer la plaie. Fais juste attention. Je vais me coucher maintenant.

— Oui, merci.

Ma sœur range la trousse de premiers soins et s'en va. Je m'allonge sur mon lit et regarde le rideau de la chambre d'une autre personne. La lumière est toujours allumée. Il a probablement du mal à dormir lui aussi.



Le matin, je fais semblant d'être épuisé par la diarrhée. Ma mère me laisse donc partir, sans me forcer à passer du temps avec Punch. Maintenant, j'ai plus de temps pour étudier pour le reste des examens, mais c'est difficile de se concentrer. D'habitude, je vais à la bibliothèque avec mes amis et les filles nous donnent des cours particuliers. C'est impossible de s'éclipser, et Gon s'est plaint que les filles ne leur donneraient pas de cours si je ne venais pas. Je ne sais pas s'ils ont besoin de moi là-bas parce que je suis beau ou parce que je peux définitivement faire baisser la moyenne.

Dès que Gon sait que je ne suis plus puni, il passe et supplie mes parents de me laisser étudier avec lui. Il promet qu'il prendra bien soin de moi. En recevant des desserts en cadeau, ils traitent Gon aussi gentiment que si c'était leur autre fils. Leurs enfants ne les flattent jamais, alors ces deux aînés tombent facilement dans le piège de ce diable rusé.



— Comment as-tu pu supporter ça ? J'étouffais, putain.

Quel putain de démon. Écoutez ce qu'il a dit après être monté dans le dernier modèle Audi. Gon soupire et change de station de radio. Il était en train de flatter mes parents il y a un instant.

— Ton père ne plaisante pas. Il t'a acheté une Audi pour que tu restes à la maison. Incroyable.

— Il veut nous séparer, Pran et moi.

— Oh, alors c'est comme ça. Il t'a attiré à la maison avec cette voiture.

— Ouais, réponds-je, inévitablement. Ils m'ont même trouvé une petite amie.

— Oh, ta femme est au courant ? Il t'a poignardé dans les tripes ?

— Pran le sait. J'ai essayé de me réconcilier avec lui hier soir et il m'a donné un coup de pied. Je me suis écorché le coude et j'ai eu des bleus au ventre.

— Il devient violent quand il est jaloux, hein ?

Gon rit. Je n'ai pas envie de décrire comment est réellement Pran quand il est jaloux. Quant à la cause de ces blessures ? Je laisse Gon réfléchir par lui-même.



L'Audi blanche la plus récente tourne dans le parking quelques instants plus tard. Gon appelle les autres gars pour leur demander à quel étage ils se trouvent, puis nous nous dirigeons vers la bibliothèque. Jor et les gars braillent à la seconde où j'entre, ce qui pousse les autres à les dévisager. La bibliothèque est plus calme que d'habitude puisque nous sommes en période d'examens.

— Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus, salue Poom en me lançant le livret supplémentaire. On a beaucoup étudié pendant ton absence.

— J'ai seulement besoin de 2.00 pour être diplômé.

— Ouais, c'est ça. Tu vas reprendre l'affaire de ta famille de toute façon. Tu n'as pas à te soucier des notes.

L'intello à quatre yeux se moque. Je lui donne une claque sur la tête et j'obtiens un regard noir en réponse.

— Pourquoi es-tu contrarié ? Je t'ai manqué ou quoi ?

— Pourquoi je le serais ? J'ai vu Pran à l'université plusieurs fois. Je me suis demandé pourquoi vous n'étiez pas ensemble alors que votre relation n'est plus un secret.

— Je suis retourné vivre chez moi, réponds-je grossièrement, trop paresseux pour expliquer mon histoire personnelle.

Pran n'avait aucun problème pour sortir. Au moins, il pouvait le faire plus librement que moi. Mes parents m'enfermaient et gardaient un œil sur moi.

Comme Pran l'a dit, mes parents avaient vraiment confiance en moi, donc ça a été un coup dur pour eux quand quelque chose d'inattendu est arrivé. Et comme la personne qui a causé cette situation inattendue était leur fils, ce fichu fauteur de troubles, ils sont devenus plus paranoïaques.

— Oh, les gars de l'architecture sont en bas.

— Ouais ? Je reviens tout de suite.

— Pat, espèce d'enfoiré ! Viens étudier !



Pran étudie avec ses amis au premier étage de la bibliothèque. Quand il me voit, il a l'air peiné. Mais quand je traîne une chaise et m'installe à côté de lui sans m'en soucier, il ne me chasse pas comme je le pensais.

— Tu peux sortir de chez toi maintenant ?

— Oui, Gon est venu me chercher.

Pran marmonne une réponse. Waiyakorn est à côté de lui, avec un sourire agaçant.

— Quand est-ce que tu passes ton examen ?

— Après-demain.

— Tu as mangé ?

— Je reviens de la cafétéria, mais j'ai quitté la maison dans la matinée. Tu ne vas pas étudier pour l'examen ?

— Je vais le faire bientôt.

J'ai presque dit qu'il me manquait. Je ne veux pas dire ce genre de choses devant les autres. Je rougirais. Je suis une personne timide, vous savez.

— A quelle heure tu rentres chez toi ? Allons dîner ensemble.

— Où ?

— La cafétéria fera l'affaire. C'est tout près d'ici.

Pran acquiesce. C'est peut-être un peu court, mais c'est suffisant.

— Comment va ta blessure ?

— Elle est loin de mon cœur.

— Tu plaisantes tout le temps.

Je souris, heureux qu'il s'inquiète pour moi. Malgré son expression froide, Pran n'a pas pu cacher l'inquiétude dans sa voix. Mes yeux se posent sur sa joue, ses lèvres, puis son cou. Une petite marque violette est visible. Je l'ai laissée avant de me faire virer du lit la nuit dernière. Ça en valait la peine.

— Je vais aller étudier maintenant. Au deuxième étage. Envoie-moi un message quand tu auras faim.

Pran acquiesce. Entendant ses amis ricaner, le chef de la bande lance un regard furieux et fronce les sourcils. Personne ne le sait sauf moi : Pran se renfrogne quand il rougit.

— Va t'en.

— N'oublie pas de m'envoyer un message.

— Ok !

— Travaille bien.

Je pose ma main sur sa tête, et ses amis sifflent. Incapable de contenir sa timidité, il l'évacue en me faisant un doigt d'honneur.

Je ris et me retire, montant les escaliers pour étudier avec mon groupe d'amis.



Bien que j'aie pu passer du bon temps avec Pran, mon cœur se fendille dès que j'arrive à la maison. Gon m'a accompagné, heureusement, et il dit à mes parents que nous avons mangé ensemble, ce qui me permet de sauter le dîner avec ma famille. J'utilise l'examen comme excuse pour mon visage aigre. Ma mère chantonne et me dorlote en m'apportant une tasse de lait chaud dans ma chambre. Elle me dit aussi de dormir alors qu'il n'est que huit heures.

La lumière dans la chambre de Pran est allumée à neuf heures. Ce n'est pas si souvent que je regarde son ombre depuis mon lit. L'ombre sombre enlève ses vêtements et déploie la serviette. Je suppose qu'il va prendre une douche après être sorti toute la journée.

Mon désir de le faire mien devient de plus en plus fort. J'ai rêvé de lui de nombreuses fois et je me suis fréquemment masturbé en imaginant son visage en secret comme thérapie. Depuis que nous nous sommes touchés cette fois-là, mon désir brûle comme de la lave qui bout dans l'océan.

Je soupire. Mon envie de le tenir dans mes bras est si forte que je grimpe sur son balcon sans réfléchir. Quand Pran revient de la douche, je frappe à la porte vitrée. Des gouttes d'eau scintillent sur sa peau. Seul le bas de son corps est recouvert d'une serviette blanche et propre.

— Encore ? Tu n'as pas du tout peur de la mort ? grommelle Pran, contrarié, mais il ouvre quand même la porte.

Il me permet de m'asseoir sur son lit pendant qu'il fait des allers-retours devant le placard, agacé.

— Ne le fais pas trop souvent.

— Je voulais te voir.

— On s'est vus aujourd'hui.

— Ce n'est pas pareil. Je n'ai pas pu te serrer dans mes bras.

Je me lève et j'enroule mes bras autour de sa taille. Pran agit comme s'il ne m'aimait pas, même s'il m'aime. Je peux le dire aux battements de son cœur quand je le touche.

— Pat, laisse-moi m'habiller d'abord.

— Tes cheveux sont encore humides. Je vais les sécher pour toi, sinon ton t-shirt sera mouillé aussi.

Je prends la petite serviette sur son épaule et la frotte sur ses cheveux corbeau. La tête de Pran tremble. Je m'amuse à bercer sa tête jusqu'à ce qu'il frappe mon ventre avec son genou.

— Tu t'amuses ?

— Ugh, ça a touché le vieux bleu.

Pran soulève ma chemise en signe de choc. L'ecchymose est encore vive, troublant l'agresseur.

— Tu l'as soignée ?

— Je l'ai fait la nuit dernière.

— Et aujourd'hui ?

— Par est resté chez son amie. Personne n'était là pour le faire à ma place.

— Tu ne peux pas le faire toi-même ?

Pran râle mais prend quand même la pommade dans le tiroir et s'en applique un peu sur la main. Il me pousse sur son lit et applique le gel frais sur mon ventre, près de la zone meurtrie autour de mon nombril. Ses doigts doux et chauds tournent sur mon abdomen, lentement et doucement. Voir son visage inquiet sous cet angle me donne des papillons. Ma peau se réchauffe sous son contact, et quelque chose plus bas se réchauffe encore plus fort.

Sentant mon silence et la réaction de mon corps, Pran sourit. Je suis désavantagé dans cette position. Quand il se penche et me donne un doux baiser sur la bouche, toute mon énergie disparaît. L'odeur de savon du corps de Pran me remplit le nez. Nous nous embrassons sans précipitation, puis cela devient plus intense à mesure que nos sentiments se révèlent. Les sons de notre salive, de notre respiration et des battements de notre cœur se mêlent. Notre désir débordant éclate. Je reste allongé, laissant Pran prendre les devants, et il semble apprécier.

Pran retire mon t-shirt de ma tête. Mon pantalon roule sur le bord du lit, tout comme la serviette de Pran. Finalement, nous sommes tous les deux nus. Quand nos yeux se rencontrent, nous voyons le profond désir qui s'y reflète. Comme les bougies allumées dans la nuit noire, il nous tente et nous attire dans l'inéluctable grotte.

Pran et moi échangeons nos places sur ce grand lit. Nous savons tous les deux instinctivement que cette fois-ci ne se terminera pas comme avant. Il ne s'agit pas de blagues de copains ou d'amateurs qui s'entraident. Ce soir, tout va changer.

— Pat !

Le propriétaire de la chambre glapit lorsque je retourne son corps une dernière fois, que je glisse mes bras sous ses genoux et que j'utilise mes genoux pour pousser ses jambes ouvertes. Je couvre ses lèvres avec les miennes tout en saisissant le gel lubrifiant à proximité pour l'appliquer sur son entrée et mon sexe dur.

— Pran, tu le veux aussi.

— Mais…

— Faisons un essai, chuchoté-je, en pressant mon corps contre le sien.

Je ferme les yeux et je sens la partie cachée et douce de son corps avec le gel. J'embrasse Pran encore et encore, goûtant ses lèvres jusqu'à son menton, reniflant la sueur qui coule le long de son cou. Avant que je ne le sache, Pran me frappe le dos avec ses poings. Mon visage se déforme alors que j'appuie et insère mon sexe à l'intérieur jusqu'à ce que nous ne fassions plus qu'un. Il relâche ses poings pour enfoncer ses doigts dans mon dos à la place. Pran, qui reçoit, ne fait pas un seul bruit. Il se mord la lèvre et respire rapidement.

J'enlève les mèches de cheveux qui dégoulinent de son front et je mets mon pouce dans sa bouche pour écarter ses lèvres. Des larmes coulent sur son visage. Je continue à embrasser son front et ses joues.

— Tu peux le supporter ?

— Donne-moi une seconde.

— Ok.

Je prends une profonde inspiration et caresse son corps nu pour l'apaiser. Je titille ses tétons avec mes pouces avant de descendre à l'autre endroit, en essayant de le mettre dans l'ambiance. Sa poitrine se soulève et s'abaisse au fur et à mesure qu'il respire.

— Pat.

La voix de Pran frémit. J'utilise toujours ma main pour l'exciter, et son corps réagit constamment. Je pourrais le faire à ma façon, mais c'est la première fois que nous faisons un pas en avant. Je veux que Pran me le donne de plein gré.

— Ce n'est pas bon ? demandé-je doucement, inquiet et excité à la fois.

Pran secoue la tête, mais je ne sais pas ce que cela signifie.

— Ça fait si mal que ça ?

— Ça fait mal, dit-il.

Le gel froid ne sert à rien ici. Je pèse mes options, mon sexe à l'intérieur est encore dur comme de la pierre. Il réagit encore plus activement lorsque le corps chaud et doux me tient dans ses bras.

— Tu veux que j'arrête ? demandé-je.

Je ne pourrai peut-être pas me retenir plus tard.

Pran secoue à nouveau la tête, les yeux fermés.

— Bouge… Tu dois bouger.

Je regarde son visage. Pran ne pleure pas. Le moment qui vient de se passer était trop fort pour lui puisque c'est la première fois. Il attrape mon cou et m'embrasse, brisant toutes les chaînes qui lient mes sens. Je suis une bête sauvage que l'on relâche, libérant mon désir de posséder son corps, son cœur, tout. Mon cœur est si rempli et palpite tandis que je pousse plus profondément, soulignant par mon action que j'ai exploré chaque centimètre de ce corps.

Je tiens sa tête quand je commence à frapper pour qu'elle ne heurte pas la tête du lit. On peut entendre le bruit de nos chairs qui se cognent l'une contre l'autre et le drap qui bouge. Sa peau pâle sous la lumière rougit de son visage à son cou. Je savoure son goût avec ma bouche et absorbe son parfum. Nos corps dénudés s'entrelacent, comblant le vide dans nos cœurs. Nous changeons de position sans relâche. C'est comme si nous avions été volés par les ténèbres et que nous avions laissé tous les problèmes derrière nous.

Il n'y a que nous.

Juste nous.

— Je t'aime, Pran, dis-je à son oreille, réprimant le gémissement satisfait dans ma gorge pour ne pas réveiller les autres.

Pran fait de même. Il soulage ses sentiments douloureux en plantant ses dents dans mon épaule, mais ça ne me dérange pas.

Si je pouvais faire un vœu dans cette nuit sans étoiles...

je souhaiterais que cette nuit dure pour l'éternité.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:30



Scène Vingt-Cinq
Pran
Ça fait mal...

C'est la seule chose que je ressens en ce moment. J'ai presque envie de battre en retraite et de chasser Pat qui me donne l'impression que mon corps est sur le point de se diviser en deux. Je veux m'échapper de cette douleur torturante. Mais quand je lève les yeux vers le type au-dessus de moi, vers son visage en sueur et plein d'émotions, vers son regard frustré qui me fixe, vers ses gestes douloureux - pas mon genre de douleur mais quand même - vers sa patience et ses efforts pour ne pas succomber à son désir, je serre les dents. Je peux sentir son inquiétude pour moi à travers sa voix et son toucher.

— Tu veux que j'arrête ?

Ces mots me font retenir mon souffle, secouer la tête et parler d'une voix tremblante et embarrassante.

— Bouge… Tu dois bouger.

Je cache mes sentiments en saisissant son cou et en lui donnant un baiser. Je suce et triture ses lèvres autant que je suis gêné. Nous passons toute la nuit à nous concentrer sur le corps de l'autre. Nous nous couvrons de caresses et de baisers et finissons par nous embrasser à plusieurs reprises. Pat me serre fort dans ses bras et me murmure le mot amour à l'oreille, mais je ne peux que gémir son nom.

Je ne me souviens pas de la fin de la nuit ni des détails de ce souvenir. Je sais seulement que mon visage et mon corps étaient brûlants, et que le visage rouge et en sueur de Pat est la dernière chose que j'ai vue avant que les heures d'activité épuisante ne m'assomment.

— Ugh…

J'ouvre les yeux à cause de la lourdeur de mon corps. Je me déplace et grimace à cause de la douleur dans ma moitié inférieure. Chaque partie de mon corps, depuis la taille jusqu'en bas, me fait mal comme si j'avais une paralysie de la moitié du corps. Je me tourne vers la cause de tout cela avec exaspération. Il dort profondément, son bras et sa jambe reposant sur mon corps. Regardez comme il est détendu. Il doit être heureux, non ? Comment ai-je pu laisser cela se produire ?

C'était dans le feu de l'action.

— Pat.

— Um, Pran…

Il murmure dans un étourdissement. Je ferme les yeux, réfléchis un moment, et frappe l'épaule de la tête endormie.

SLAP !

— Aïe !

La victime sursaute et ouvre grand les yeux. Il cligne des yeux en signe de confusion avant de retourner mon regard et de se frotter l'épaule. Il fait la moue.

— Ça fait mal. Pourquoi as-tu fait ça ?

— Tu as autant mal que moi ? Tu as même posé tes membres sur moi et tu m'as fait me sentir inconfortable.

— Je voulais faire des câlins.

— Tu m'as traité comme un traversin.

— Allez…

Une fois qu'il a fini de pleurnicher, son visage boudeur devient sournois. Pat affiche un sourire en coin indigne de confiance. J'essaie de fuir quand il se rapproche.

— Ça a fait très mal ?

— Va-t'en.

— J'étais si heureux hier soir.

— Arrête.

— J'étais vraiment heureux.

— Tais-toi.

— Fais-moi un câlin.

— Tu n'en as pas eu assez hier soir ? Mon corps est plein de suçons !

— Qui t'a dit d'avoir un corps si embrassable ?

Je ferme la bouche, sachant que c'est un argument inutile.

— … Vraiment.

Je jure dans ma gorge.

Pat rit et me prend dans ses bras sans problème. Si mon corps était en bon état, il roulerait déjà hors du lit.

— Je t'aime, dit-il et il pose son menton sur mon épaule, me berçant comme un enfant.

Ce n'est pas si romantique, mais je suppose que ce n'est pas si mal.

— Hum…

— Tu ne dis jamais que tu m'aimes.

En entendant sa voix triste, je lève un sourcil et tourne la tête pour le regarder. Il se redresse même et s'éloigne un peu de moi.

— Quoi ?

— J'ai dit que je t'aimais plusieurs fois. Je l'ai fait un millier de fois hier soir, mais tu ne me l'as jamais dit en retour.

— Pourquoi tu fais des histoires maintenant ?

— Ne sois pas froid avec ton mari.

— Pat.

— Oui ?

— Qui est le mari ici ?

— C'était évident hier soir, dit Pat avec un sourire, se fichant de mon humeur grincheuse.

— Je pourrais changer de rôle pour de bon.

— Aw, je plaisantais, corrige rapidement Pat, qui se montre tout à fait obéissant.

Il se rapproche de moi pour me faire un câlin affectueux.

— Mon Pran est le plus mignon.

— …

Je lève les yeux au ciel mais je m'appuie toujours sur sa poitrine. Je laisse le chien sauvage picorer mon cou et mon épaule. Je résiste un peu, mais je ne le gronde pas ou quoi que ce soit.

— Je t'aime vraiment, Pran, dit Pat, plus sérieux qu'avant et je dois l'écouter attentivement. Je t'aime tellement que je n'arrive pas à croire que je puisse aimer quelqu'un à ce point. Je ne peux pas continuer sans toi. Tu le sais, n'est-ce pas… ?

Il prend mes mains et les caresse.

— Tu m'aimes beaucoup aussi, n'est-ce pas ?

Je soupire, ne sachant pas pourquoi il utilise ce ton. Qui est censé être incertain ici ?

— … Je t'ai laissé en faire autant. Pourquoi tu demandes encore ?

Pat ricane et resserre ses bras autour de moi. Il embrasse ma joue de ses lèvres chaudes et enfouit son nez dans mon épaule.

— Merci.

Je ne dis rien, souriant secrètement tout seul. Je m'appuie sur Pat dans son étreinte bien que ma moitié inférieure soit encore lourde. Mes joues brûlent à l'idée de la nuit dernière. Malgré cela, je peux sourire quand je suis enveloppé dans cette chaleur.

Je ferme les yeux et absorbe cette agréable douleur.



La nuit dernière, j'ai appris à quel point le sexe entre hommes est douloureux. Le pire, c'est la sensation de douleur prolongée. Je serre les dents si fort qu'elles pourraient se casser alors que j'essaie de marcher aussi normalement que possible. J'inspire et je prie pour ne pas m'évanouir en descendant les escaliers ou dans le bus cahoteux.

La personne qui a causé cette douleur a-t-elle une idée du genre de souffrance qu'elle m'a fait endurer ?

— Qu'est-ce qui ne va pas, Pran ? Tu transpires beaucoup. Est-ce qu'il fait chaud ? demande Ke après que j'ai fait le chemin pour m'asseoir aussi doucement que possible à côté de lui à la cafétéria.

Je force seulement un sourire et réponds.

— Oui, un peu. Je vais bien.

Sur cette réponse, Ke acquiesce et prend le verre de soda de Golf pour le boire.

— C'est bizarre maintenant que nous avons soumis le rapport. Je veux dire, nous sommes soudainement des diplômés, fait remarquer Wai, attirant notre attention.

— Ce n'est pas génial ? Enfin. J'étais impatient, dit Golf en expirant. La moitié de mes cheveux sont devenus gris.

— C'est génial, bien sûr, mais je me sens un peu triste. Nous n'aurons pas l'occasion de nous voir très souvent maintenant.

— Ce n'est pas comme si nous allions dans un endroit loin d'ici. On ne va pas à l'étranger. Nous pouvons toujours traîner ensemble de temps en temps, explique Ke, avant de tapoter l'épaule de Wai et de se lever. Allons chercher notre repas. Viens, Golf.

— Vas-y d'abord. Je vais fumer une cigarette pendant une minute. Tu en veux une, Wai ?

— Je m'en fiche. Je ne suis pas d'humeur, répond Wai.

Ke part chercher sa nourriture tandis que Golf disparaît derrière le bâtiment avec un paquet de cigarettes et un briquet. Le seul gars qui reste se tourne vers moi.

— Et toi, Pran ? Tu vas gérer l'entreprise familiale après ton diplôme ?

— Je ne suis pas sûr. Je pense toujours à obtenir un master.

— Tu as dit que tu y avais renoncé.

— Je veux le reconsidérer maintenant que je suis diplômé. Je veux étudier davantage.

— Et Pat ? Comment il va ?

— Il a deux derniers examens aujourd'hui aussi.

— Et pour l'avenir ? Tu en as parlé avec lui ?

— … Non.

— Je suppose que tu n'as pas réglé le problème dont tu m'as parlé l'autre jour.

— Oui, qu'est-ce que je peux faire, de toute façon ? Nos parents se détestent toujours.

— Alors ? Vous allez vous séparer ?

— Je ne pense jamais à ça.

Wai soupire et sourit avant d'ébouriffer mes cheveux.

— Ça doit être dur, Jeune Maître Pran.

— Jeune maître, mon cul.

— Whoa, pourquoi être si dur ?

Il fait semblant d'être offensé, un sourire malicieux toujours affiché sur son visage.

— Quoi qu'il en soit, je te souhaite bonne chance.

— Um… Merci.

— Tu peux tout me dire. Ne garde pas tout pour toi. Tu pourrais éclater un jour.

— Comme si tu pouvais m'aider.

— Je ne peux peut-être pas, mais je peux écouter, monsieur.

Je ricane et secoue la tête à sa voix enjouée. Wai a l'air de plaisanter, mais je sais qu'il veut le meilleur pour moi.

— Si j'ai un gros problème. Je penserai à toi après Pat. Je promets.

— Espèce d'ordure. Je suis presque touché. Ton mari vient en premier, hein ?

— Tu vas être touché maintenant, Wai, par mon pied.

— Aw, je plaisante. Baisse ton pied, Pran. Calme-toi.

Je rigole et je repose mon pied. Je regarde le visage de mon meilleur ami. Malgré toute la malchance et les situations terribles que j'ai traversées, les avoir comme amis... est ma meilleure chance.



Après le repas à la cafétéria, nous allons regarder un film ensemble. Et quand nous sortons du cinéma, nous nous dirigeons vers le bar, notre destination finale. Lorsque nous nous séparons et rentrons chez nous, c'est presque l'aube. Je ferme les yeux lorsque j'ouvre la porte pour trouver Pat allongé sur mon lit avec la climatisation allumée. Maintenant qu'il peut venir secrètement, il en fait trop.

FWIP ! BAM !

— Ouch !

Le gars qui a été tiré du lit crie et se remet sur ses pieds.

— C'est quoi ce bordel, Pran ? Et si je me cassais le cou ?

— Qui t'a permis de dormir dans ma chambre ?

— Tu m'as manqué. Pourquoi tu rentres si tard ?

— Tu es trop gâté.

— Qu'est-ce que ça peut faire ? Tes parents ne sont pas en ville, alors je veux passer du temps avec toi.

Je lève les yeux au ciel maintenant qu'il passe en mode mignon. Il s'assoit sur le bord de mon lit et me tire vers lui. Il me prend dans ses bras et me fait un grand sourire, les yeux brillants.

— Tu m'as manqué.

— Pourquoi ? On s'est vu ce matin à l'université.

— Comment ça pourrait être suffisant ? Je dois te serrer dans mes bras comme ça.

Il me cale entre ses jambes et me tient fermement.

— Et embrasser ta joue comme ça.

Pat ne s'arrête pas. Il appuie son nez sur ma joue.

— Et embrasser ta… Ah !

Avant que ce chien fou puisse me mordre les lèvres, je repousse son visage en arrière.

— Pran, tu redeviens violent.

— Parce que tu continues à profiter de moi.

— Enlacer et embrasser mon amoureux signifie profiter de toi ? Viens ici tout de suite.

— Tu es fou ? As-tu pris ta pilule ? Retourne dans ta chambre.

Ignorant ses jérémiades, je lui fais signe de partir, j'attrape une serviette et je vais dans la salle de bain avec indifférence. Environ une heure plus tard, je ressors et ce vaurien sans vergogne est toujours en train de jouer sur son téléphone à plat ventre sur mon lit. Je savais qu'il ne partirait pas si facilement.

— Pourquoi tu n'es pas parti ?

— Je ne partirai pas. Je reste ici.

— C'est trop fréquent, Pat. Tu sais que ce n'est pas sûr.

— Il n'y a personne d'autre à la maison. C'est bon. Tes parents sortent rarement de la ville, alors laisse-moi rester. Je rentrerai demain matin.

— Et ce truc d'escalade. Et si tu tombais et te cassais le cou ?

— Aha, tu es inquiet.

— Je préfère qu’il n’y ait pas de mort dans ma maison.

— Tu ne l'admets pas.

— Pars.

— Non. J'ai passé tous mes examens, et ton devoir a été soumis et approuvé. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Donne-moi un cadeau de fin d'études, tu veux ?

— Tu es le genre de personne qui veut quelque chose en retour, hein ?

— Bien sûr, je veux beaucoup de toi.

Pat se lève du lit et fait trois longs pas pour m'embrasser, utilisant sa vieille astuce en me suppliant du regard.

— Pat, non.

— Ça fait plusieurs jours qu'on ne l'a pas fait…

— Plusieurs jours ? On l'a fait samedi.

— On est déjà jeudi. Tu n'as pas de peine pour Pat Junior ?

— Si tu ne peux pas le supporter pendant quatre ou cinq jours, fane-toi et meurs.

— Je ne peux pas. Si je me fane et meurs, tu vas pleurer.

— Laisse-moi être le top, alors. Facile.

Les yeux de Pat s'élargissent. Il regarde autour de lui maladroitement. Maintenant il a peur ? Il n'avait aucun problème à me prendre, il était même trop heureux.

— Alors ?

— Je ne peux pas te prendre… ? Je ne t'ai pas rendu heureux ?

Ne me fais pas ce coup-là.

— Je veux te rendre heureux aussi.

— Je suis heureux juste en te serrant dans mes bras.

Ne me serre pas dans tes bras et ne m'embrasse pas comme ça, Pat !

— Hmm ! Ne mords pas mon oreille.

— S'il te plaît, Pran. Tu m'as tellement manqué. Je ne t'ai pas manqué ?

Je me détourne de ses lèvres chaudes et implacables, mais elles touchent toujours ma joue, mon menton, mon cou et ma clavicule. Et je sais que mon corps et mon cœur ne pourront jamais lui résister.

— Pran…

Je ne sais pas à quel point l'amour est puissant. Tout ce que je sais, c'est que lorsque je suis touché et que j'écoute sa voix suppliante, mon cœur froid fond. Je soupire et hoche la tête sans avoir le choix, laissant l'enfant gâté me conduire au lit.

Juste une autre nuit avec la chaleur brûlante sur le matelas. Cela dure presque une heure et se termine avec des murmures d'amour dans mes oreilles. Nous nous serrons l'un contre l'autre, échangeons notre souffle et écoutons les battements de notre cœur jusqu'à ce que nous tombions dans un profond sommeil.

La joie débordante m'aveugle de la tempête à venir. J'oublie tout et je profite du moment où il n'y a que nous deux.

Au matin, un cri perçant me tire de mon sommeil. Quand j'ouvre les yeux, j'ai envie de les fermer tout de suite et d'espérer que ce que j'ai vu n'était que le pire cauchemar de cette année. Cependant, peu importe à quel point je prie, la réalité ne change pas. Quand je force mes yeux à s'ouvrir à nouveau, je vois toujours ma mère qui a l'air d'avoir vu un fantôme. Sa bouche s'ouvre et se ferme, puis elle crie.


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Ven 6 Sep 2024 - 18:30



Scène Vingt-Six
Pat
L'odeur âcre de l'alcool emplit l'air. Un tiraillement de douleur se répand sur mes lèvres et mes pommettes. La zone autour de mes yeux palpite sous les coups de poing répétés d'un homme d'âge mûr. J'ai essayé de me protéger, sans répondre. Le père de Pran était furieux après avoir entendu sa femme crier et trouvé le fils de l'ennemi en train de mettre son pantalon.

On se faisait des câlins, nus. Tout semblait être un rêve. Dans la nuit noire qui nous a bercé pour nous endormir et ne jamais vouloir nous réveiller.

Le matin venu, la cruelle réalité était inévitable.

J'expire alors que ma mère sanglote et inspire l'inhalateur. Mon père se tient à côté d'elle en silence, l'air plus menaçant que jamais. Par est la seule à soigner mes blessures et leur jette des regards furtifs et inquiets.

— C'est arrivé quand, Pat ?

Je lève le menton pour que ma sœur puisse inspecter les bleus. Je lève également mes bras pour qu'elle puisse voir ceux des coudes. Par soupire et presse la pommade sur le bout de ses doigts. Elle la frotte soigneusement sur ma peau.

— Pourquoi tu veux savoir ?

— Est-ce que je t'ai mal élevé ? Pourquoi tu t'es rapproché de ce bâtard et tu as commis quelque chose d'aussi honteux ? Tu devrais avoir honte !

— La personne aveuglée par les préjugés et ne sachant rien de l'amour devrait avoir honte.

— Pat ! Fils ingrat !

Mon père est sur le point d'arracher mon col, mais ma mère tire sur l'ourlet de sa chemise, toujours en sanglotant. C'est la première fois qu'elle pleure à cause de moi.

— On s'aime. Ça ne fait de mal à personne.

— Ta mère pleure et tu dis que ça ne fait de mal à personne ?

— Tu pleures parce que tu es dégoûtée par ton fils ?

— Arrête de répondre et réfléchis à ton erreur.

— Tu es si déçue que je ne sois pas le fils que tu veux ?! Je ne déteste pas Pran comme tu détestes Pakorn. Je n'aime pas Punch comme toi, Maman. Tu es déçue que je sois un humain avec un cœur et des sentiments ?!

— Arrête ton numéro de frivole et reviens à la raison !

— C'est toi qui dois revenir à la raison, papa !

— Ça suffit ! crie Maman.

Papa et moi sommes furieux. En ce moment, quand le stress me ronge le cœur, je m'inquiète pour Pran. Je m'en veux mille fois d'avoir été trop imprudent et égoïste. Mais si je pouvais remonter le temps, je tiendrais Pran jusqu'à la toute dernière minute.

Notre relation a toujours été destinée à être révélée. C'était juste une question de temps et de comment ça allait se passer.

— Tu es trop dur avec ton fils. Pat a juste dérapé comme n'importe quel jeune homme.

Par recule quand maman s'approche et prend mes mains. Ses yeux et son nez deviennent tout rouges, déversant la culpabilité dans mon cœur. J'essuie ses larmes avec mes doigts avant de me mettre à genoux, puis je me prosterne jusqu'à ce que ma tête touche ses pieds.

— Maman, je suis désolée, mais j'aime vraiment Pran.

— Pat… Ne dis pas de bêtises. Tu es un homme. Comment peux-tu avoir des sentiments pour un autre homme ?

— Je pense ce que j'ai dit.

— Ne me dis plus jamais ça. Tu essaies de me tuer ?

— Je ne voulais pas que ça arrive, mais je suis tombé amoureux de lui. Je l'aime comme tu aimes papa. Je l'aime de la façon dont une personne aime une autre personne. Est-ce que tu me comprends ?

La femme d'âge mûr secoue la tête. C'est difficile pour elle d'accepter, mais j'espère… que celle qui m'aime le plus comprendra.

— Je ferai tout sauf rompre avec Pran. Je ferai tout ce que tu veux.

— Non, Pat. C'est juste la curiosité des jeunes hommes. Tu n'es pas gay.

— Mais je…

— Je ne peux pas accepter ça.

La sensation de brûlure dans ma poitrine se propage jusqu'à mes yeux. Elle brûle et se transforme en gouttelettes. Ma vision se trouble. Je roule mes yeux sur le côté pour empêcher mes larmes de couler… Mais à la fin, la tristesse dans mon cœur coule.

— Fais-le pour moi, Pat. Pense au passé comme à un cauchemar.

— Ce n'est pas un cauchemar !

— Napat ! N'agis pas contre moi !

Sa voix en colère sort dans un sanglot. Je suis tourmenté. Maman est malheureuse. Papa serre les poings. Nous ne nous comprenons pas.

— Tu dors dans la chambre d'amis ce soir. Ne prends que le nécessaire et déménage tout dans cette chambre demain. Je verrouille ta chambre.

— Ne me fais pas ça, maman.

— Je dois le faire ! Je suis ta mère, Pat ! Comment je pourrais laisser mon fils être comme ça ?!

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre. Même ma sœur semble troublée. La femme d'âge mûr prend une profonde inspiration, se ressaisissant, mais la personne qui parle est mon père furieux.

— Prends son téléphone aussi.

— Je ne te laisserai pas le prendre !

— Par, prends son téléphone.

Par respire et me tend la main. Elle ne peut pas refuser à papa, et je ne peux pas passer ma colère sur ma sœur.

— Calme-toi, Pat, murmure-t-elle assez fort pour que nous n'entendions que tous les deux, tout en prenant mon téléphone.

Mon téléphone est maintenant confisqué, et ma chambre n'est plus notre pont.

J'ai l'impression que mon cœur est sur le point de s'arrêter, que je suis lentement torturé à mort. Je suis enfermé dans une cage avec des parties de mon corps coupées une par une...

— A partir de maintenant, tu ne sortiras plus à moins que Punch ne t'accompagne.

— Tu sais que je ne l'aimerai jamais.

— Tu n'essaies même pas de l'aimer, c'est tout, dit sévèrement papa, comme si son cœur n'avait jamais connu le véritable amour.

— Tu sais que l'amour arrive sans aucun effort.

— Punch n'a aucun défaut. Qu'est-ce qui t'empêche de l'aimer ?

— J'aime quelqu'un d'autre !

— Pourquoi tu ne comprends pas que ton action stupide n'est pas de l'amour ?! Nous avons vécu plus longtemps que toi, Pat. Pourquoi nous ne saurions pas que tu es juste rebelle ?

Il est toujours aussi furieux qu'il l'était l'heure précédente. Son visage est rouge et ne montre aucun signe d'apaisement.

— Je parlerai à la famille Duangkamon demain. Pour le mariage.

— Papa !

— Après le mariage, on verra si tu n'as pas oublié l'odeur de l'homme que tu as tenu !

— Ça ne résout pas le problème, papa.

— On verra bien.

Ses yeux sombres flamboient, soulignant le sérieux de sa voix.

— Je veux aussi savoir si Pakorn a élevé son fils pour qu'il devienne la maîtresse d'un autre.

Il s'en va, ne laissant que le profond et affreux jaillissement dans mon cœur.

La seule chose que je puisse faire une fois l'ordre exécuté est de fixer le plafond de la chambre d'amis en début de soirée. Aux premières lueurs du jour, la lumière est toujours allumée. Il est impossible de voir le visage de Pran d'ici, pas même le toit de sa maison. Pour moi, ce n'est pas différent de la prison.

J'entends des coups prudents à la porte quand la lumière du soleil devient forte. Je n'accueille ni ne refuse qui que ce soit, alors cette personne prend la liberté d'entrer. Par s'assied sur le bord du lit et soupire.

— Maman veut que tu descendes prendre ton petit-déjeuner. Nous allons chez Punch à midi. Nous irons d'abord au centre commercial à dix heures pour acheter des cadeaux à tante Duang.

— Je n'ai pas faim.

— Pat, tu n'as rien mangé depuis une journée.

— Je n'ai pas faim.

— Ne joue pas la comédie.

Je ne réponds pas, mon esprit est rempli de la personne que j'ai enlacée hier soir. Comment va-t-il maintenant ? Quel stress doit-il ressentir ? Est-ce qu'il m'a appelé ?

— Laisse-moi emprunter ton téléphone.

— Si tu acceptes de prendre un repas et d'être gentil avec maman.

— Tu vois comment sont les choses.

— C'est la conséquence dont Pran et toi avez toujours été conscients quand vous avez décidé de sortir ensemble, dit Par en soupirant à nouveau. Je ne dis pas que tu as tort. Mais la situation de nos familles est comme ça depuis le début. Tu ne peux pas t'attendre à ce que papa et maman changent pour toi. Ce serait toujours difficile même si c'était une fille. Maintenant, ils prennent deux problèmes en même temps : Tu es gay, et ton amant est de la famille qu'ils détestent.

— Ce n'est pas juste.

— Je suis de ton côté.

Par prend rarement mon parti. Si elle dit ça, c'est qu'elle le pense.

— Mais tu dois leur donner du temps. Sors avec Punch et montre-leur que tes efforts sont vains. C'est mieux que d'aller contre eux comme ça.

— Mais Pran…

— S'entêter ne change rien, Pat.

Je ne comprends pas. Pourquoi l'amour est-il si compliqué ?

— Tu vas appeler Pran ?

Je hoche la tête, et Par me tend son téléphone.

— Je ne peux pas t'aider à parler à Pran trop souvent maintenant parce que papa pourrait avoir des soupçons… Et descends prendre ton petit déjeuner.

Je suis dans un meilleur état d'esprit maintenant que j'ai cet appareil en main. Ma soeur part, me laissant un peu de temps seul avec Pran. Quand j'appelle son numéro, mon cœur s'emballe à nouveau. Pran décroche après un long moment.

— Hey, Par.

— C'est moi. Mon père a pris mon téléphone. Comment tu vas ?

— Tu es très blessé ?

— Non… Loin de mon cœur.

Je ris un peu. Mais alors que mes lèvres se retroussent, ma vision se trouble de larmes. J'inspire et ça sort comme un sanglot étouffé. Pran se tait. J'entends seulement sa respiration répétée, comme s'il pleurait.

— Pran, ne pleure pas.

— Je ne pleure pas.

Sa voix tremble malgré tout. Je pose mon visage sur mes genoux, las, perdu dans une impasse. Ce désespoir est pire que de se perdre dans un labyrinthe.

— Ton père a dit quoi ?

— Toujours la même chose.

— Je suis désolé.

— Oui, comme tu le devrais.

— Je suis vraiment désolé.

Pran ne dit plus rien. On écoute juste le souffle de l'autre comme si c'était la seule chose qui apaisait notre douleur.

Ça nous donne l'impression que… la douleur terrifiante de ces deux personnes mourantes s'apaise un peu.

— Je t'aime, Pran.

— Pourquoi tu continues à dire ça ?

— C'est débordant. Je vais exploser et mourir si je ne le dis pas.

Pran rit, mais ça ne veut pas dire qu'il est heureux. Mon désir de prendre soin de lui et d'être plus proche de lui s'intensifie. Il se sent si faible qu'il ne parvient pas à le cacher. Cela ne ressemble pas au Pran têtu que je connaissais.

— Pat… Tu n'as pas dormi dans ta chambre ? C'est dans le noir depuis la nuit dernière.

— Ils m'ont fait déménager dans l'autre chambre. La mienne est fermée à clé.

— Je le savais, mais je pensais que tu aurais juste à changer de chambre avec Par.

— Ouais, c'est pire que ce que je pensais.

— Ma maison n'a pas de chambre d'amis, heureusement, donc je peux toujours voir ton balcon. Dis à Par d'ouvrir les rideaux quand elle est en haut.

— Mais je n'y reste plus.

Pran devient silencieux. Bien qu'il ne dise pas que je lui manque, je peux le sentir. Chaque centimètre de mon cœur le sent, ce sentiment invisible, intouchable et inaudible.

— Pran, je vais trouver une solution.

— Hum.

— Mais ma mère m'emmène discuter du mariage aujourd'hui, murmuré-je doucement et encore plus doucement au fur et à mesure que je continue.

Ce doit être une nouvelle déchirante pour son cœur déjà brisé, mais je veux qu'il l'entende directement de moi.

— Je veux être celui qui te le dit. Je vais jouer le jeu pour gagner leur confiance pendant que nous cherchons une solution ensemble.

— Hum.

— Ne dis pas juste "Hum".

— Qu'est-ce que tu veux que je dise ?

— Dis que tu m'aimes. C'est mieux, non ?

Je lui demande en retour, en souhaitant qu'il le dise vraiment. Si je ne peux pas voir son visage, sa voix prononçant ces mots guérira au moins mon cœur. Pran se moque, inflexible.

— Pran.

— Tu es si exigeant.

— Ma meilleure qualité.

— J'appelle ça la pire.

Sa voix sonne mieux maintenant. La mienne aussi.

— Quand est-ce que tu pars ?

— Avant midi.

— Alors vas-y, ou ta famille aura des soupçons.

Je murmure une réponse, sans bouger d'un pouce, comme si raccrocher était trop difficile. Nous restons comme ça pendant presque une minute. Pran refuse aussi de mettre fin à l'appel.

— Pat.

— Oui ?

— Tu m'as demandé de te dire que je t'aime. Si je dis juste 'Um', tu seras fâché ?

— Non.

Je fais le premier sourire depuis des heures de souffrance épouvantable.

— Merci, Pran.

Pour avoir fait savoir à mon cœur qu'il doit continuer à battre pour quelqu'un.



La maison individuelle de Punch, au centre de la ville, est la plus grande parmi les autres de ce quartier. Mes souvenirs d'enfance sont fugaces, mais j'ai rendu visite à tante Duang une ou deux fois quand j'étais adulte. Aujourd'hui, Punch porte une robe jusqu'aux genoux. Elle porte un plateau de nourriture à la table, comme sa mère l'a ordonné.

Comme pour la cérémonie informelle, nous commençons par avoir une petite conversation avec les aînés au sujet de la compagnie et des cadeaux. Je viens d'apprendre que Punch vit seule avec sa mère. Par conséquent, sa mère considère que c'est son travail de planifier l'avenir de sa fille depuis qu'elle est enfant. Punch n'a jamais été une enfant rebelle, je suis donc le seul ici à ne pas être d'accord avec le mariage, le sujet du déjeuner.

— Pat a déjà obtenu son diplôme. Il assistera à la cérémonie de remise des diplômes en octobre, fait remarquer ma mère, me jetant un regard en mentionnant son fils.

Sachant qu'un certain sujet est sur le point d'être abordé, je reste silencieux. La meilleure façon de contrôler mes émotions est de ne pas les exprimer.

— Ce sera d'ici la fin de l'année pour Punch. C'est long. Au fait, quelle est la date de la cérémonie de Pat ? Punch peut aider à porter ses affaires.

— Pas besoin, Duang. Pat a dit qu'il n'assisterait pas à la cérémonie. C'est embêtant pour lui, toutes les répétitions et les mesures pour la toge. Je veux tellement qu'il le fasse, mais il n'écoute pas. Quel entêté.

— Les enfants sont comme ça. Punch a aussi prévu de ne pas le faire. Le voyage n'est pas pratique parce qu'elle a choisi d'étudier dans une autre province. J'étais si anxieuse quand je l'ai laissée partir.

— Punch est une bonne fille. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Au fait, Punch, vas-tu aider ta mère après l'obtention du diplôme ?

— Je vais probablement l'aider avec la comptabilité et d'autres choses, répond-elle d'un ton poli, en mettant de la nourriture dans chacune de nos assiettes à la place des domestiques, qui servent les boissons à leurs invités. Comme ça, j'en apprendrai plus sur le travail, étape par étape. Ma mère est encore forte.

— Je souhaite prendre ma retraite le plus tôt possible, mais ma fille timide ne pourra jamais gronder personne. Ce serait bien d'avoir un gendre pour m'aider.

— C'est ce que je pensais aussi.

Ma mère sourit gentiment maintenant que l'autre femme a lancé l'appât. Je regarde ma supposée fiancée de temps en temps. Elle n'est pas choquée ou quoi que ce soit, tellement posée comme si elle savait déjà le but de ce repas.

— Si tu es d'accord, je propose que nous consultions les moines demain. Trouvons la date propice pour le mariage. Qu'en dis-tu, Duang ?

— Oh mon Dieu, quelle est l'urgence, Kaew ? ricane Duangkamon, sans vraiment refuser la suggestion. Les enfants sont-ils prêts, cependant ? Ils viennent juste de se revoir.

— Les préparatifs vont prendre des mois, Duang. Je suis impatiente, et Nui aussi. Nous ne savons pas où trouver une aussi bonne belle-fille. Qu'en penses-tu, Punch ? Est-ce que je précipite les choses ?

N'ayant pas mon mot à dire, je regarde le visage rougi de la fille de l'autre côté de la table, puis je garde les yeux sur mon assiette blanche encore pleine de nourriture.

— Je suis d'accord avec tout. C'est à vous de voir.



Si j'étais un oiseau, alors je serais un oiseau aux ailes brisées.

Si j'étais le ciel, alors je serais celui qui est projeté dans un grand dôme fermé.

J'ai perdu la tête depuis que j'ai quitté la maison de tante Duang jusqu'à ce que nous arrivions à la maison. Mon esprit imagine une sombre solution. Il n'y a aucune chance que ces deux familles se réconcilient un jour. Si une famille était le feu, l'autre serait l'eau, impossible d'être en harmonie jusqu'au dernier souffle.

Par se laisse tomber sur mon lit comme d'habitude et tend la main pour me serrer l'épaule. Je parle moins avec mes parents, les mots disparaissent dans ma gorge. Maintenant, je n'ai même plus envie de parler à ma sœur, comme si on m'avait définitivement volé mon âme.

— Prends ton temps pour penser à toi et à Pran, Pat. Chaque problème a une solution.

Je ferme les yeux. Ces paroles apaisantes inutiles, douloureuses et inconfortables ne servent à rien. Ma tête est bloquée sur la promesse que j'ai faite à Pran de trouver une solution, mais je suis si impuissant. J'avais l'habitude de penser que j'étais puissant, fort, avisé et capable de faire tout ce que je voulais.

Je viens de réaliser aujourd'hui que ma vie n'a aucune liberté. Ça pique plus que d'être blessé par les combats physiques.

Même mon cœur ne peut pas être là où il doit être.

Il est deux heures quarante-cinq du matin. Par est retourné dans sa chambre. Le programme de demain prévoit que je passe prendre tante Duang et Punch chez elles à huit heures. Le moine, que respecte tante Duang, est au temple de la banlieue, il nous faudra donc du temps pour y arriver avant le repas de l'avant-midi. Le mariage aura lieu. Après y avoir réfléchi, je dois admettre que c'est inévitable. La prochaine chose que je fais est de mettre mes vêtements et mes affaires dans un sac à dos. J'ai environ cent mille dollars sur mon compte en banque. Si je les retire un peu à la fois, je peux louer une petite chambre en attendant de trouver un emploi. Je pourrais au moins garder Pran dans la maison de mon ami pendant un certain temps.

Alors que je réfléchis à ce que je ferai si mon père me retrouve, le fait que c'est mieux que de rester coincé ici sans issue me pousse à prendre ce risque. Mon corps commence à protester car je n'ai pas dormi depuis deux jours en pensant à notre situation. J'ai mal à la tête et j'ai la nausée car mon estomac est vide depuis aussi longtemps.

Malgré tout, il n'y a plus de retour en arrière possible.

À partir de maintenant, tout va changer.

La solitude, née du fait que ma famille m'a tourné le dos, fait mal. Mais l'image que j'ai devant les yeux en ce moment, c'est Pran, le futur, la personne qui me comprend et qui restera avec moi pour toujours. Cela peut sembler être un fantasme, mais je ne peux pas me forcer à épouser quelqu'un d'autre et blesser Pran, qui n'a rien fait de mal.

J'ai encore deux bras et deux jambes pour me porter hors d'ici.

Je préfère prendre des risques devant moi plutôt que d'être enchaîné et de voir mon cœur se faire torturer sans rien faire.



La maison est dans un silence de mort autant que mon cœur se sent calme et déterminé. Il me faut quelques instants pour franchir le plus discrètement possible la porte d'entrée. D'ici, je vois que la lumière est allumée dans la chambre de Pran. Si je grimpe de là où je suis ou si je jette une pierre pour attirer son attention, les autres pourraient se réveiller.

Je déverrouille le portail, la dernière barrière, fuyant la forte cage de mes parents, et je le verrouille. La prochaine étape est d'appeler Pran pour qu'il sorte.

Quand le soleil se lèvera, il sera le seul dans mon monde.

Et j'utiliserai toutes mes forces pour protéger notre amour de quiconque tentera de nous séparer.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:31



Scène Vingt-Sept
Pran
La porte de ma chambre est claquée, faisant trembler le plafond. Il continue à trembler de façon effrayante pendant un moment avant que tout ne devienne silencieux. J’halète de colère, mon cœur bat trop vite, au point que ma poitrine me fait mal. En repensant à la récente conversation avec mes parents, mes yeux deviennent larmoyants.

SLAP !

Ma tête est projetée en arrière par la force du coup. La personne qui m'a giflé frémit de rage, ses yeux rougissent et débordent de larmes. Son chagrin et sa déception m'ont fait détourner les yeux. Je savais que l'incident précédent était impardonnable et je comprenais que ma relation avec Pat était inacceptable pour eux, que ce soit maintenant… ou tout au long de ma vie.

— Je t'ai mal élevé ? Comment tu as pu faire ça ?!

— …

— Tu as perdu la tête pour fréquenter ce morveux honteux ? A quoi pensais-tu, Pran !!!

Plus j'étais silencieux, plus mon père était bruyant. J'ai gardé mes yeux fermement fermés quand sa fureur s'est intensifiée au point que je ne pouvais plus la supporter. L'air était tendu comme il ne l'avait jamais été auparavant. Pendant que papa hurlait et que maman n'arrêtait pas de pleurer sur le canapé, j'ai réalisé que c'était la première fois qu'un fils comme moi faisait pleurer sa mère aussi fort.

— Pat n'est pas un mauvais homme, papa.

— Tu as le culot de me dire ça maintenant ! Tu…

— Chéri !

Maman a sauté et a tiré sur le bras de papa au moment où il allait me frapper à nouveau. Ses larmes continuaient de couler sur ses joues. J'ai détourné le regard, incapable de supporter cette vue.

— Pran…

La voix de maman tremblait alors qu'elle tenait mes mains.

— Je t'en supplie. S'il te plaît, coupe les liens avec lui et reviens à ton ancien toi… Hic… S'il te plaît, sois à nouveau mon bon garçon.

— … Je suis toujours moi, maman. Aimer Pat ou pas, la personne en face de toi est toujours ton fils.

— Tu ne vas pas rompre avec lui, n'est-ce pas ?!

Papa l'a interrompu, et maman a pleuré encore plus fort.

— …

— Tu es sûr de ça ? Tu crois que nos familles vont se donner la main parce que vous, des personnes perverties, sortez ensemble ?!

— Papa…

— Nous verrons si je ne peux pas te discipliner, Pran.

Papa a serré les dents, me regardant fixement, ne montrant aucun signe de compromis. Son geste m'a fait économiser mon souffle, puis il a continué.

— Puisque tu as obtenu ton diplôme, je vais t'envoyer rejoindre Pong en Angleterre.

— Papa !

— Je vais m'en occuper le plus vite possible. Au diable la cérémonie de remise des diplômes. On verra si je ne peux pas vous séparer tous les deux.

— Ça n'a rien à voir avec ça. Ne mélange pas deux choses, papa.

— Je m'en fiche ! Pourquoi prendre la peine de différencier quoi que ce soit à ce stade ? Même si tu t'agenouillais et me suppliais, je le ferais quand même !

Papa a crié, perdant le contrôle. C'était la première fois que je voyais mon père bouillonner d'une telle rage. Plus il parlait, plus il était bruyant. Plus je lui expliquais, plus il hurlait, comme si sa colère était sans fin. Ce doit être la plus grosse erreur que j'ai faite dans ma vie et que mes parents ne pardonneront ou n'accepteront jamais…



Depuis, je me suis enfermé dans ma chambre. La porte est solidement verrouillée. Je refuse de répondre aux coups ou aux questions. Je ne fais que me reposer dans mon lit, étourdi, la tête vide, avec des sentiments indescriptibles. Le visage souriant de Pat le matin après notre réveil surgit dans mon esprit. La chaleur de sa main sur ma joue était si douce, contrastant avec son comportement négligent.

Cela fait un jour que nous n'avons pas entendu la voix de l'autre. Un jour de plus à être enfermé dans une cage. Je m'allonge et laisse les larmes couler et s'infiltrer dans mon oreiller. Je pleure juste un peu, mais cela m'apaise l'esprit. Lorsque mon téléphone vibre dans ma poche, je sursaute et le sors rapidement. Le nom de Par s'affiche sur l'écran. Je décroche sans trop réfléchir.

— Hey, Par.

— C'est moi. Mon père a pris mon téléphone. Comment tu vas ?

— Tu es très blessé ?

— Non… Loin de mon cœur.

Pat fait semblant de ne pas s'inquiéter et fait une blague comme d'habitude, mais sa respiration est si étrange que je ne peux pas retenir mes larmes. Mes yeux commencent à déborder à nouveau.

— Pran, ne pleure pas.

— Je ne pleure pas.

Je lutte contre l'envie de fourrer la couverture dans ma bouche quand ma voix contredit mes paroles.

— Qu'a dit ton père ?

— Toujours la même chose.

— Je suis désolé.

— Ouais, comme tu devrais.

— Je suis vraiment désolé.

Je me tais, sans dire un mot de plus. J'écoute ses excuses et je ferme les yeux. Je ne suis pas en colère et je ne lui en veux pas. Tout est arrivé à cause de notre amour et de notre désir d'être ensemble. Nos sentiments mutuels n'ont rien de honteux, et je ne regretterai jamais d'être tombé amoureux de lui. Encore aujourd'hui, je souhaite détruire tous les murs qui nous séparent. Je ne veux pas me soucier des sentiments des autres, à part la personne qui vit dans la maison voisine de la mienne.

Même si nos cœurs sont attachés, pourquoi le fait de se fréquenter est considéré comme une erreur en réalité… ?

— Je t'aime, Pran.

Pat le dit doucement mais clairement, comme s'il chuchotait à mon oreille. Je souris malgré les larmes qui coulent sur mes joues.

— Pourquoi tu continues à dire ça ?

— C'est débordant. Je vais exploser et mourir si je ne le dis pas.

J'ai toujours été jaloux de son honnêteté. Si je pouvais dire ce que je pense à moitié autant que lui, je ne me sentirais pas aussi mal à l'aise. Malgré tout, ma bouche ne dira pas la vérité de mon cœur.

— Pat… Tu n'as pas dormi dans ta chambre ? C'est dans le noir depuis la nuit dernière.

— Ils m'ont fait déménager dans l'autre chambre. La mienne est fermée à clé.

Je souris amèrement à moi-même. Bien que je pouvais prédire la réponse, je ne sais pas pourquoi je l'ai posée pour me faire encore plus mal. Je regarde par la fenêtre, au-delà du balcon, vers l'autre porte du balcon dont les rideaux sont fermés, bloquant tout à l'intérieur. Il me manque tellement que je dis sans réfléchir qu'il devrait dire à Par d'ouvrir les rideaux de sa chambre.

— Mais je n'y reste plus.

La réponse de Pat est comme une eau froide qui me gifle le visage pour me réveiller de mon rêve stupide. J'ai beau fixer la chambre vide avec son propriétaire dans mon imagination qui se superpose, cela ne règle rien.

Le sujet suivant est le mariage de mon petit ami. Sa voix m'assure qu'il est sérieux dans sa recherche pour trouver une solution. La personne qui va se marier bientôt et celle qui ne peut que rester assise ici et regarder sont toutes deux aussi angoissées.

Pat fait de son mieux pour me mettre à l'aise, mais il m'est toujours difficile de sourire. Outre sa résolution, une chose est claire : le fait indéniable que nos tentatives et nos efforts sont ceux de poissons hors de l'eau luttant pour respirer… au moins une seconde de plus.



Je me suis enfermé dans ma chambre pendant plus de vingt-quatre heures, sans sortir ni laisser entrer personne. Le soir, le bruit de la porte qui se déverrouille me fait froncer les sourcils et je me lève. Elle est bientôt poussée pour que mon père, plein de ressentiment, puisse entrer.

— Ça ne sert à rien d'être rebelle, dit-il sèchement, sans aucune trace d'inquiétude, comme s'il donnait un ordre à son élève.

Maman porte un plateau de nourriture à l'intérieur et le pose en silence. Elle me regarde avec peine et part sans un mot. Papa est là. Il plisse les yeux sur moi et ferme la porte avant de jeter une longue enveloppe brune sur la table.

— Voici le document de l'université où je t'envoie. J'ai contacté Pong hier. Tu pars dans deux semaines. Je demanderai à quelqu'un de t'accompagner pour obtenir le visa.

— …

Cette longue intervention n'est pas une question ou une déclaration. C'est un ordre qui doit être suivi. Un fils comme moi ne peut qu'écouter en baissant les yeux, n'ayant pas le droit d'argumenter. La pièce est silencieuse lorsque personne ne parle. Quelques secondes plus tard, papa sort de ma chambre. Je regarde l'enveloppe et j'ai une boule dans la gorge.

Je me rallonge sur mon lit et fixe le plafond blanc, sans manger la nourriture bien que je sois affamé. Même si je n'ai pas envie de manger, mon corps en a besoin. Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, me rappelant le temps où Pat et moi étions dans mon appartement. Pat ouvrait la porte avec un sourire et allait directement sur mes genoux, me demandant de faire ceci et cela pour lui. Ce sentiment me manque, quand on se câlinait et qu'on s'endormait sur le lit. C'est quelque chose d'ordinaire qui ne manque jamais de me faire sourire. Avec cette pensée, je continue à me demander.

Comment en est-on arrivé là ?

Je veux revenir à cette époque…



Le téléphone sur la table de nuit vibre à nouveau au milieu de la nuit. Réveillé, je grimace, me frotte les yeux et le prends. Je fronce les sourcils quand il affiche un numéro inconnu.

J'hésite. Alors que la ligne est sur le point d'être coupée, je décide de décrocher.

— Bonjour…

— Pran.

Je reconnais immédiatement la voix familière et j'entends aussi de loin les voitures qui passent. Je me lève d'un bond et allume la lampe de chevet.

— Pat ? D'où est-ce que tu m'appelles ?

— Je suis dans la rue principale.

— Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je d'une voix sérieuse en regardant l'horloge. Il est trois heures du matin. Tu veux te faire agresser ?!

— Je ne peux plus supporter ça.

Sa voix est aussi sérieuse que la mienne. Ça m'arrête net.

— Le mariage. Ma mère ne reculera pas. Elle va le faire. Je ne veux plus jouer le jeu.

— Pat…

— Emballe tes affaires et viens ici tout de suite.

— Attends, Pat…

— Enfuis-toi avec moi, Pran. Soyons ensemble. Recommençons à zéro, juste tous les deux, et allons n'importe où nous pouvons être ensemble.

— Pat, écoute-moi.

— Louons une maison loin d'ici. On peut s'en sortir si on travaille tous les deux.

— Pat, écoute-moi !

Je crie, ma poitrine brûlante et douloureuse. Tout ce qu'il a dit m'a fait trembler. Je suis à la fois effrayé et heureux. Je ne peux pas nier que mon cœur se gonfle à ces mots. Je sais que je le veux autant que lui. Cependant, la réalité ne changera pas.

En réalité, ce n'est pas facile de faire ce qu'il veut. Pat est toujours le même gars téméraire, qui fonce toujours tête baissée et pense aux conséquences plus tard. L'image de lui dormant devant la supérette avec un chien lui léchant la bouche surgit dans mon esprit. Je souris un peu et secoue la tête en signe d'affection.

Tout ce qu'il est me donne le sourire, toujours. Je ne veux pas gâcher ça de mes propres mains.

— Pat…

— Pran.

La façon dont il prononce mon nom montre qu'il sait ce que je pense. On se connaît si bien. Trop bien.

— A propos de ce que tu as dit, je veux l'accepter sans réfléchir.

— Alors ne réfléchis plus.

— Mais ce n'est pas aussi simple dans la réalité, Pat.

— Pourquoi tu te soucies de la réalité ? Je t'aime. Je veux être avec toi.

— L'amour et le désir d'être ensemble ne suffisent pas. Tu ne comprends pas ? Tu crois que c'est facile de tout laisser derrière soi et de s'enfuir ensemble ? Tu crois que c'est facile de trouver une maison, de trouver un travail, de vivre sans projets et de juste se faire des câlins dans notre chambre ?

— C'est mieux que d'être enfermé et forcé d'épouser quelqu'un d'autre et pas toi !

— Pat, tu ne comprends pas. Je suis déjà un fils terrible. Ma mère pleure depuis plusieurs jours maintenant. Tout se dégrade, tu ne le vois pas ?

— Je ne me soucie pas des autres. Je veux être avec toi. Tu ne comprends pas ?!

— Pat !

— Je ne veux pas endurer ça plus longtemps. Tu comprends ? Je ne veux pas !

— Pat, calme-toi. Écoute-moi. S'il te plaît, écoute-moi.

Mes larmes coulent enfin. Nous souffrons tous les deux, et notre patience est à bout. Nous pouvons la perdre à tout moment, comme des drogués en phase de sevrage.

— Il faut que tu te ressaisisses. Tu sais qu'on ne peut pas s'enfuir comme ça. Tu peux vraiment laisser ta famille derrière toi ?

— Tu te soucies de ton père, de ta mère, de tout le monde, mais pas de moi.

— Pat, arrête de dire n'importe quoi.

— Tu te fiches qu'on ne soit pas ensemble, qu'on doive rompre, ou que je doive être avec quelqu'un d'autre ?

Je fais une pause car ses mots me transpercent le cœur. Je n'ai jamais dit que je pourrais le supporter ou que je serais prêt à rompre avec lui. Je n'ai jamais objecté que je ne l'aimais pas. Rien que de le voir être avec quelqu'un d'autre et de savoir que le mariage aura lieu bientôt, j'ai envie de crier que je ne peux pas supporter ça.

Je veux tout laisser derrière moi et m'enfuir avec lui comme il l'a dit.

Je veux être un idiot impulsif.

Je veux ne me soucier de personne et être égoïste pour une fois.

Parce que je sais trop bien que je veux passer le reste de ma vie avec lui.

Mais…

— Tu ne te soucies pas de tes parents, mais qu'en est-il de ta sœur !

— …

En entendant ces mots, Pat se tait. Il a toujours été le frère qui aime sa sœur autant que sa vie. Il fait passer sa sœur en premier, quelles que soient les circonstances. De ce que je me rappelle, Par est sa seule faiblesse.

— Qu'est-ce que tu veux dire exactement… ?

Une main invisible vient d'arracher mon cœur de ma poitrine en entendant sa voix tremblante. Je peux dire qu'il pleure.

— Tu ne partiras pas avec moi quoi qu'il arrive, n'est-ce pas ?

Je ne veux jamais le voir pleurer ou le blesser. Notre amour est comme tenir un couteau sans manche à mains nues. Nous ne voulons pas renoncer à notre amour, alors nous serrons les dents et nous tenons bon, sans relâcher notre emprise, même si la lame nous coupe la chair. Les blessures sont devenues trop profondes pour guérir avec le temps. La seule solution est que l'un de nous accepte de lâcher prise.

— Pat…

Ma voix s'éteint. Mon cœur hurle que je l'aime des milliers de fois, mais je réprime tout à l'intérieur.

— Je pars à l'étranger.

— Quoi ?

— Mon père m'envoie étudier à l'étranger avec Pong.

— Je ne te laisserai pas faire.

— Tu sais que je ne peux pas aller contre mon père.

— C'est pour ça que je te dis de t'enfuir avec moi. Je ne te laisserai pas partir !

— Tu ne peux pas continuer à agir comme un enfant, Pat !

— Si être un adulte signifie te perdre, alors je ne le serai pas. Est-ce que tu m'entends ? Je n'en serai pas un !

On halète tous les deux à cause de tous ces cris. Malgré notre amour immense, il est impossible de prendre le parti de l'autre.

— Je ne peux pas discuter avec toi jusqu'au matin, Pat. Il est tard et c'est dangereux. Rentre chez toi.

— Non.

— Pat, ne fais pas l'enfant.

— Tu es en train de rompre avec moi ?

Je savais que ça allait arriver, mais maintenant qu'on en parle enfin, ça fait tellement mal que je pleure.

— Tu sais que je vais devoir me marier, n'est-ce pas ?

— …

— Tu peux le faire ?

— …

— Tu peux supporter de me voir avec quelqu'un d'autre ?

Je me tais, la boule dans ma gorge devient si grosse qu'aucun mot ne sort.

— Je vais te le demander encore une fois, Pran… dit Pat, la voix tremblante, en serrant les dents patiemment. Tu vas vraiment partir à l'étranger ? Tu ne viendras pas me voir, n'est-ce pas ?

Je prends une grande inspiration et la retiens, en essayant de ne pas laisser échapper un sanglot. Je ne veux pas lui montrer mon côté faible alors que nous nous libérons mutuellement.

— Hum…

Sur ce, Pat se tait pendant un long moment. En l'entendant sangloter, je ne peux retenir mes larmes, mon cœur brûle. C'est comme si tout s'écroulait, et je n'ai pas assez de force pour rassembler les morceaux de notre amour dans mes bras.

— Si c'est ta décision, je suppose que je dois me marier pour mes parents aussi.

La voix rauque de Pat prononce ces mots blessants. Cette fois, il raccroche simplement, sans mots doux ni promesses. Je n'entends que le son du bip et je l'écoute jusqu'à ce qu'il s'interrompe.

Mes genoux vacillent. J'espère que Pat sera heureux et qu'il pourra redevenir lui-même, même sans moi. Je serre mon téléphone avec mes deux mains et pose mon visage dessus. Les larmes continuent de couler maintenant que je ne les retiens plus. Je murmure le mot d'amour qui ne l'atteindra jamais, même s'il est fort.

— Je t'aime…

Même si je ne peux pas suivre mon désir, j'espère que le propriétaire de mon cœur se portera bien au moins.


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Scène Vingt-Huit
Pat
Sans amour, je m'interroge sur la raison d'être de mon cœur.

La lumière du soleil frappe mes yeux lorsqu'il se lève au-dessus du bâtiment. J'ai décidé de dormir chez Gon la nuit dernière après avoir erré partout, épuisé. Mon espoir d'être aux côtés de Pran et d'affronter tous les obstacles ensemble a été anéanti. Ce qui me fait le plus mal, c'est que nous n'avons pas rompu à cause de quelqu'un d'autre, mais que Pran a choisi de nous abandonner.

Si ça avait été avant, j'aurais fait tout mon possible pour que ça marche.

Mais maintenant, je suis trop fatigué pour tout surmonter seul.

— Tu as bien dormi ? demande en somnolant le propriétaire de la maison tout en s'asseyant sur le lit.

Il n'y a plus de bière dans le frigo. Gon n'a pas demandé pourquoi j'étais venu ici ni ce qui s'était passé. Quand j'ai sonné, il m'a simplement laissé entrer et s'est recouché, me laissant contempler ma vie tout seul. Néanmoins, peu importe le temps que cela a pris, mon inquiétude tourne toujours violemment dans mon cœur comme une poussière fine.

— Tu vas me dire ce qui s'est passé maintenant ? Qu'est-ce qui se passe, bordel ? Tu t'es enfui de la maison ?

Je ne donne aucune explication, croyant que le silence est la meilleure réponse pour le moment. Gon se lève du lit et défait la fermeture de mon sac à dos. En regardant mes vêtements, il soupire et s'assoit à côté de moi. Il pousse doucement ma tête, et je tombe faiblement en arrière.

— Tu exagères.

— Pran m'a largué.

— Hmm ?

— Il… ne voulait pas partir avec moi.

— Pour aller où ? Pat, fils de pute, ne me dis pas que tu voulais t'enfuir avec lui. Tu es fou ? Ça provoquerait un scandale. Tu n'as pas vu les avis de disparition sur Internet ! Jusqu'où penses-tu pouvoir aller ?

— Qu'est-ce que je suis censé faire ? Je suis dans une impasse.

— Calme-toi.

— Pran m'a largué.

— Bien fait pour toi. Quel gamin, murmure Gon avant d'aller à la salle de bain, me laissant fixer le plafond, allongé sur le dos.

Maintenant que le silence revient, la réponse courte de Pran se répète dans ma tête.

— Tu sais.

Le propriétaire de la maison revient avec une brosse à dents dans la bouche. Je dois écouter attentivement sa voix étouffée.

— Je pense que tu devrais rentrer chez toi et arranger les choses avec ta famille. Aucun parent ne peut supporter de voir ses enfants souffrir.

— Tous les parents n'aiment pas leurs enfants, marmonné-je. Une maison n'est pas une zone de sécurité pour tout le monde, Gon.

— Je sais... Mais tu sais aussi que fuir vous mettra toi et Pran dans une position difficile. Il en va de même pour Par.

— Pran part à l'étranger.

— Ce n'est pas comme s'il allait mourir.

— Je vais devoir me marier.

— A quoi bon se battre de cette façon ! dit-il, la voix basse.

Gon disparaît dans la salle de bain pour se rincer la bouche et en ressort en me jetant une serviette.

— Prends une douche et ressaisis-toi. Je te ramènerai chez toi.

— Je ne veux pas rentrer chez moi.

— Pat.

Gon pose sa main sur mon épaule. Ses yeux transmettent tout ce qu'un ami peut ressentir.

— Pran t'a quitté, mais tes parents ne te quitteront jamais. Rentre à la maison, d'accord ? Fais-moi confiance.

Je reste silencieux pendant un moment…

Et j'acquiesce.



Le bruit des objets qui se brisent et les pleurs se répercutent lorsque Gon et moi entrons dans ma maison. Je me sens plus mal à l'aise que jamais. Mes vêtements, mes précieux disques de jeux et ma collection de modèles de voitures s'éparpillent sur le sol en marbre. Mes yeux les parcourent jusqu'à l'homme d'âge moyen qui bouillonne. Il halète, ses épaules se soulèvent et se baissent.

— Pourquoi tu t'es encore montré ici, enfant ingrat ?!

Je reste immobile et regarde derrière lui. Ma mère pleure sur le sol tandis que Par la tient dans ses bras. Elle met l'inhalateur sur le nez de notre mère et l'empêche de s'effondrer.

Je ne sais pas quand ils ont découvert que je me suis enfui de la maison.

Une chose est sûre : c'est un désastre, un désordre total.

— Pat, comment je t'ai élevé pour que tu sois aveuglé au point d'abandonner tes parents et ta sœur pour t'enfuir avec un homme ?

— Je ne me suis pas enfui avec Pran.

— Ce n'est pas à cause de ce morveux que tu as fait quelque chose de honteux et que tu as fait s'évanouir ta mère si tôt le matin ?

La personne mentionnée essaie de se lever et de venir vers moi, mais son terrible état mental affaiblit son corps. Par la soutient et la conduit un peu énergiquement vers le canapé en velours au milieu de la maison.

— C'était pas parce que toi et maman n'arrêtiez pas de me forcer ?

— Tu n'as pas réfléchi à tes actes, hein ?! Tu nous as causé des problèmes. Quand est-ce que tu reviendras à la raison ? Tu n'aimes pas ta mère du tout?!

— Est-ce que l'un de vous m'aime ?!

— Pat, je t'aime. Maman t'aime… S'il te plaît ne pars pas.

Cette vision me fait agoniser. Je ne serais pas fâché contre papa s'il me frappait au visage. Un fils mérite la pire des punitions s'il fait pleurer sa mère à chaudes larmes.

— Pat. Je t'en supplie. Ne t'enfuis pas encore. Reste ici avec maman.

Mon cœur est déjà en morceaux à cause de Pran. Et quand j'entends un sanglot me suppliant de revenir, tout s'écroule. La douleur d'être rejeté me pousse vers la personne qui m'aime. Je suis faible. C'est le moment de faiblesse le plus simple et le plus solitaire de ma vie. Il me met à genoux et me fait m'incliner devant maman en signe de désespoir.

Sa main chaude touche ma tête et la caresse avec amour et indulgence.

Elle est la seule...

— J'abandonne.

Peu importe ce qui arrive...

— Je ferai tout ce que tu veux, maman.

Elle m'aime toujours et se soucie de moi...

Et ne lâchera jamais ma main.



Nous faisons tous des erreurs terribles et causons des problèmes aux autres une fois dans notre vie, et chacun a des méthodes différentes pour y réfléchir. Je fais ce que je veux depuis que je suis enfant. J'ai toujours été impulsif, imprudent et gâté.

Je viens de m'en rendre compte maintenant que je dois suivre des règles strictes comme une personne complètement différente.

Le mariage qui réunira les deux familles est prévu pour le premier mois de l'année suivante. Cet hiver, une autre personne rejoindra ma famille. Et peu après, une autre viendra naturellement.

Mes sentiments ont disparu, ne laissant que l'engourdissement. Puisque je n'ai plus mon propre bonheur, je désire ruiner celui des autres. Ma respiration n'est qu'un mécanisme automatique pour me maintenir en vie jour après jour.

— Pat, n'oublie pas de prendre le costume demain.

Les couteaux entrechoquent doucement les assiettes en porcelaine dans un restaurant chic du centre commercial. Ma future fiancée coupe le steak en petites bouchées et les mâche poliment. Je hoche la tête et sirote l'eau en guise de réponse.

— Mon amie m'envoie d'autres modèles de coiffures. Je n'arrive vraiment pas à me décider.

— Celle que tu as choisie semble assez bien.

— Elle a l'air bien, mais les autres sont aussi mignonnes. Les tresses avec le costume traditionnel thaïlandais ne me feront pas paraître vieille.

— Tu devrais en parler à ton amie.

Je me sens mal à l'aise de partager mon opinion sur la cérémonie de fiançailles qui aura lieu dans quelques semaines. Bien que le frivole Pat ait disparu, je suis toujours la même personne qui trouve ces choses ennuyeuses.

— Tu n'as pas l'air de t'en soucier.

— C'est comme ça que je suis.

— Tu n'es pas comme ça quand tu es avec Par.

Je me dispute avec Punch plus souvent ces derniers temps. Surtout à cause de ma personnalité irréfléchie.

— Pourquoi tu t'occupes de tout pour ta sœur mais tu ne montres aucun intérêt pour ce qui nous concerne ?

— Je ne veux pas me battre avec toi.

— Je suis désolée, mais parfois je ne peux pas m'empêcher de me demander si tu vas m'épouser parce que je te plais ou parce que tu ne peux pas dire non à ta famille.

Je reste silencieux. L'amour n'a jamais été notre sujet. Si je pouvais regarder dans mon cœur, il serait semblable au cœur mourant d'un animal attendant d'être dépecé et vendu.

— Tu pourrais me répondre ?

— Bien, je dois juste choisir une coiffure, hein ?

— Pat… je ne te dis pas de me faire plaisir. Je veux savoir ce qu'on ressent.

— Ne sois pas trop exigeante, Punch, grogné-je entre mes dents serrées.

Quelle patience dois-je avoir pour vivre avec quelqu'un qui a une attitude différente ?

— Nous savons tous les deux que ça n'a pas très bien commencé. Tout s'est passé trop vite.

— Tu devrais en parler à ta mère si tu n'es pas prêt. Je ne suis pas pressée, de toute façon.

Heureusement, la fille d'avant a encore de la patience avec moi.

— Alors… comment tu vas te coiffer ? Tu y as pensé ? Je pense que les attacher serait bien.

— Non.

En pensant à la personne qui me demandait sans cesse de me couper les cheveux à l'époque où nous étions étudiants, c'est comme si le sang de mon cœur était aspiré complètement. Depuis le début, j'ai laissé pousser mes cheveux parce que j'aime mon image de brute. Des cheveux longs et bouclés en désordre. Et j'aimais d'autant plus mes cheveux en désordre que Pran semblait agacé quand je frottais mes longs cheveux sur son épaule. J'aimais l'entendre râler comme un fou. J'avais prévu de me couper les cheveux avant de commencer à travailler, mais il fallait que ce soit lui qui me supplie gentiment de le faire.

— Je vais juste les couper.

Parce que mon souhait… ne se réalisera jamais.



Je passe tout l'après-midi à changer ma coiffure et à raser ma barbe. Mon visage est maintenant impeccable. Je ne me reconnais pas dans le miroir. Cependant, à en juger par la façon dont le coiffeur et ma future fiancée me regardent, je sais que cette coiffure me convient mieux que la précédente. Même mes parents et Par sont surpris de voir le fils aîné entrer dans la maison avec un look complètement différent.

Je ne dis rien et évite toutes les questions. Après avoir déposé Punch chez elle, je suis resté pour dîner avec Tante Duang et j'ai pris congé une fois le soleil couché. Ma routine quotidienne est répétitive ces derniers temps. Je passe la plupart de mon temps avec Punch pour apprendre à gérer et à supporter ma future compagne.

Je soupire, déboutonne ma chemise et la jette dans le panier à linge dans le coin de ma nouvelle chambre. Je ne pourrai pas voir la chambre de l'autre depuis le balcon.

C'est comme ça que ça doit être... Mes parents sont en paix, et Pran a un bel avenir devant lui.

— Pat, j'entre.

La voix de ma sœur est douce mais claire dans ce silence. Je marmonne la permission, en fixant toujours le plafond. J'étouffe l'amertume qui monte dans ma gorge, la repoussant avec mes dernières larmes d'il y a quelques jours, bien que mon cœur hurle comme un bébé qu'on ne nourrit pas pour le punir.

— Tu vas bien ? demande Par tout en s'asseyant, s'enfonçant dans le matelas. Je suis inquiète de te voir comme ça.

— Je vais bien.

— La date de départ de Pran est le treize.

Je me tais pendant un moment. D'après ce qu'elle vient de dire, ça signifie que Pran est toujours en contact avec ma sœur.

Mais notre relation s'est terminée cette nuit-là.

La nuit où il a décidé de me lâcher la main pour suivre sa propre voie.

— Le même jour que la cérémonie de fiançailles.

— Tu vas faire quoi maintenant ? Te fiancer et trouver un moyen de rompre avec Punch plus tard ? Tu as parlé à Pran ?

— Non, et je ne le ferai pas. Je vais juste faire ce que maman veut.

— Mais tu n'as pas l'air heureux du tout.

Sa voix tremble comme si elle allait pleurer. Je détourne mon regard du plafond vers le dos de ma sœur et le tapote doucement pour la réconforter.

— Je n'aime pas la façon dont les choses sont en ce moment.

— Tu es une adulte. Tu sais qu'on ne peut pas avoir tout ce qu'on veut.

— Tu vas abandonner aussi facilement ? Ça ne ressemble pas à mon frère aîné.

— Qu'est-ce que je peux faire ?

Je baisse faiblement ma main et ferme les yeux de douleur.

— La personne pour laquelle je souhaite me battre ne veut pas de moi.

— Pran est têtu. Tu le sais bien.

— Il avait raison, Par… Il n'y a pas que nous deux dans ce monde.

J'aurais pu l'entraîner dans un chemin misérable si j'avais insisté pour faire ce que je voulais.

— J'y ai réfléchi. C'est mieux de lui laisser du temps et de me donner une chance.

— Quelle chance ?

Par enroule ses bras autour de ses genoux.

— Une chance pour moi de perdre le grand frère que j'ai connu ?"

Je ne dis rien, je la laisse continuer.

— Ce n'est pas comme si les autres ne le sentaient pas. Tu es le pire pour cacher tes sentiments, tu sais ? Moi, maman, papa et tous les autres savons que tu n'es pas d'accord avec ça.

Pourtant, nous espérons tous les deux que demain sera meilleur si nous ne faisons rien aujourd'hui.

— Tu vas vraiment laisser les choses continuer comme ça ?

Je hoche la tête en pensant à l'homme que j'aime.

— Je vais faire ce qu'il a dit pour une fois.

Mes yeux brillent, puis je grogne.

— Si ça n'aide personne à se sentir mieux au final, je ne le laisserai jamais partir.


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Scène Vingt-Neuf
Pran
Pat a mis fin à l'appel depuis un moment, mais je suis toujours agrippé à mon téléphone, incapable de le lâcher comme si c'était le seul moyen de nous connecter. Je prie pour être assez fort pour ne pas emballer mes affaires et sauter par la fenêtre pour m'enfuir avec lui.

Pat a toujours été impulsif et pris des décisions basées sur ses émotions. Il agit avant de réfléchir. Mais comme je pouvais nettoyer tous les dégâts qu'il causait, il ne s'est jamais soucié des conséquences défavorables de ses actions.

J'ai essayé de le protéger, même si je ne le disais pas à voix haute. J'ai joué le rôle du méchant et j'ai blessé la personne que j'aime. J'ai lâché sa main et je suis parti, abandonnant notre amour. Malgré cela, je n'étais pas heureux de toutes les décisions que j'ai prises.

Tout… J'ai tout fait pour lui.

Je passe la nuit à m'agiter et à ouvrir les rideaux pour vérifier si Pat est rentré. J'ouvre et ferme les rideaux et fais des allers-retours jusqu'à ce que les premières lueurs du jour apparaissent. Le temps semble si lent jusqu'à ce que j'entende une agitation provenant de la maison voisine. Je presse mes lèvres si fort qu'elles me font mal, sachant que Pat n'est pas rentré. Ses parents ont commencé à faire du bruit. Ils crient si fort que je m'inquiète pour Par. Je savais que ça allait arriver...

Pat, reviens pour t'occuper de ta sœur.

Mes yeux deviennent larmoyants quand je réalise à quel point notre amour est désastreux. Je n'ai jamais pensé que notre bonheur pourrait dévaster les autres. Je peux entendre la mère de Pat crier d'ici. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe à l'intérieur. Après une heure, tout devient enfin calme. Je fronce les sourcils et serre les poings si fort que mes mains saignent, me détestant encore plus pour mon incapacité à faire quoi que ce soit. Je ne suis qu'une personne ordinaire qui ne peut rien changer.

Pat finit par rentrer à la maison. Il entre avec un gros sac à dos, ce qui signifie que l'appel d'hier soir n'était pas le fruit de mon imagination. Je laisse mes larmes couler à nouveau quand je vois son profil. Le monstre dans mon cœur hurle et essaie de déchirer ma poitrine. J'ai envie de crier et de tout détruire juste parce que je ne supporte pas le regard qu'il porte.



— Leur enfant a finalement montré sa vraie nature. Comment a-t-il pu s'enfuir de la maison comme ça ? Comment l'ont-ils élevé ?

Je mâche ma nourriture, la tête basse, en écoutant ces paroles haineuses envers l'autre famille. La situation ne fait qu'empirer. J'aimerais pouvoir couper la chaîne attachée autour de mes jambes, taper du poing sur la table, balayer tout ce qui se trouve devant moi, et courir vers la personne qui agonise comme moi dans la maison juste à côté de la mienne. Mais je ne peux que faire la sourde oreille aux paroles de mes parents, je dois l'endurer pour qu'il ait un avenir meilleur. En réalité, nous devons accepter que nous ne pouvons pas faire tout ce que nous voulons.

— N'est-ce pas ? Et ils ont même fait tant d'histoires si tôt le matin. Quelle impolitesse.

— Il pourrait être un drogué, à s'enfuir de la maison comme ça.

Alors que maman intervient, papa continue.

— Finalement, il a juste fait une connerie et est revenu moins d'un jour après.

J'aimerais devenir sourd et muet si je ne peux pas dire ce que je pense alors que ma bouche et mes oreilles fonctionnent bien.

— Ne le fréquente plus jamais, Pran. Pense au passé comme à une morsure de chien.

Si papa voit notre amour comme une morsure de chien, alors la morsure est une blessure extrêmement laide, laissant une énorme cicatrice sur ma poitrine. C'est douloureux et inoubliable…

— Tu as regardé les universités ?

La conversation dévie sur moi, mais je ne suis pas vraiment d'humeur à répondre.

— Je vais le faire.

— Choisis vite. J'ai l'intention de t'y envoyer plus tôt que prévu dans le mois. J'ai parlé avec Pong.

— Papa.

— Quoi ?

Il demande sévèrement et rencontre mon regard. Il rétrécit même ses yeux pour me rappeler que je dois réfléchir avant de parler.

— Si je coupe les liens avec Pat pour de bon, tu peux ne pas m'envoyer à l'étranger ?

— Pourquoi ?

— Je ne veux pas partir. Je veux rester ici.

Papa me regarde. Nous soutenons le regard de l'autre. Mon cœur bat plus vite, s'attendant à ce que ses prochains mots soient différents.

— Nous ne parlerons plus de ça.

— Mais papa…

J'ai beau espérer désespérément, mon souhait ne se réalise jamais.

— J'ai pris ma décision.



— Tu t'es vraiment décidé ?

— Est-ce que j'ai mon mot à dire en premier lieu ? réponds-je honnêtement.

À ce rythme, Wai est la seule personne avec qui je peux dire ce que je pense.

— Pran.

— Ouais ?

— J'ai pris un verre avec ces ingénieurs l'autre jour.

— Comment ça ? dis-je en rigolant. Vous avez arrêté de vous battre ?

— C'est à cause de vous deux.

— …

Je m'arrête et rencontre ses yeux, notant l'implication.

— Quelque chose a changé, tu vois. C'est vraiment arrivé. Votre relation n'a pas apporté que de mauvais résultats.

— Et alors ? Ça a de l'importance ? Ça peut nous aider ?

J'élève un peu la voix, me sentant oppressé. Il n'y a que Wai et moi dans sa chambre, donc personne ne peut nous entendre.

— Qui s’en soucie si je suis misérable ! Qui peut nous aider ? Tu crois que nous n'avons pas eu de dispute avec nos parents ? Nos familles étaient si près de s'effondrer.

— Pran…

— Je vais bien, mais sa famille… Je suis désolé pour Par.

Je me calme en mentionnant la seule sœur de Pat. En soupirant, je regarde par la fenêtre.

— Fuir ensemble est facile, et ce n'est pas comme si je ne voulais pas le faire. Je refuse de le faire parce que je sais que personne ne sera heureux comme on l'espère à la fin.

Le visage de Pat apparaît dans le ciel au-dessus. Je le regarde jusqu'à ce qu'il s'efface.

— Pat ne cessera jamais de s'inquiéter pour sa sœur et moi, je n'oublierai jamais ma famille.

Le connaissant bien, je sais que nous n'aurons pas le bonheur que nous souhaitons même si nous nous enfuyons au bout du monde.

— …

La pièce devient silencieuse. Nous sommes perdus dans nos pensées pendant dix minutes.

— … Je compatis avec toi, dit Wai en me serrant fermement l'épaule.

Je croise son regard et ne peux que sourire devant son expression solennelle.

— Je ne serais pas capable de prendre des décisions si je devais faire face à la même situation. Je ne serais pas capable de faire ce que tu as fait.

— … Je vais bien.

— Tu ne vas pas bien.

— Ouais, désolé, dis-je avant de rigoler. J'ai l'habitude de me mentir à moi-même.

— Pran, arrête de plaisanter.

— Je ne plaisante pas.

C'est la vérité.

— Vraiment.

— Allez, j'ai même demandé la permission à ma mère de sortir avec toi. J'en ai marre d'être puni.

— C'est vraiment sérieux. Elle t'a même conduit ici.

— Et elle viendra me chercher.

— Putain… C'est dur d'être toi.

— Quelqu'un a la vie plus difficile.

Wai rit, sachant exactement qui c'est.

Qui d'autre que la personne à laquelle je pense de tout mon cœur pourrait être cette personne ?



— Tu as commencé à faire tes valises ?

Maman demande pendant le trajet du retour. Nous ne nous regardons pas. Ses yeux sont fixés sur la route tandis que j'appuie ma tête sur la vitre et regarde la vue à l'extérieur.

— Non.

— J'ai préparé les valises. Choisis-en juste une. Peut-être la grande pour que tu puisses prendre beaucoup d'affaires ?

— Ouais.

— Pong s'occupera de toi là-bas. Comme tu sais cuisiner, je ne m'inquiète pas pour tes repas.

— Ouais.

— J'ai entendu dire qu'il faisait froid. Allons acheter des pulls ensemble après-demain.

— Ouais.

Je suis d'accord avec tout, comme un robot programmé pour suivre les ordres. J'ai le droit d'écouter et de ne pas refuser. J'ai le droit de penser mais pas de prendre des décisions. Tout se passe contre ma volonté.

Je sors de la voiture une fois que nous sommes arrivés à la maison. Mon téléphone vibre soudainement. Je jette un coup d'œil furtif à l'écran et j'y vois le nom de Par. Mon cœur bat la chamade tandis que je rejette l'appel pour arrêter la vibration avant que maman ne le remarque. Je glisse mon téléphone dans ma poche, en faisant semblant d'être naturel, puis je me précipite dans ma chambre sans avoir l'air suspect.

Dès que je ferme la porte, je décroche immédiatement le deuxième appel.

— Bonjour.

— Pran.

— Hey, Par.

— Comment tu tiens le coup ?

— Moi… ? Je vais bien.

Est-ce que Pat va bien, cependant ? Elle ne m'a pas appelé pour parler de lui ?

Malgré le malaise, pas une seule question ne s'échappe de ma bouche.

— J'ai entendu dire que tu allais à l'étranger.

— Oh, tu as raison. La date est fixée. Je partirai le treize de ce mois.

— Le treize ?!

Je lève un sourcil à la voix choquée de Par qui répète mes mots.

— Oui, le treize. Qu'est-ce qu'il y a ?

— R… Rien.

Elle bégaie, mais je ne la pousse pas.

— Pourquoi si tôt ? C'est dans quelques jours.

— Mon père veut que je parte le plus tôt possible.

Je rigole, en forçant ma voix pour ne pas paraître ennuyé.

— Nous en avons discuté pendant environ un mois. Quand tout a été réglé, il a décidé de m'y envoyer tout de suite.

— Ah, oui… ?

Sa voix semble faible. Je peux sentir qu'elle a quelque chose à dire mais qu'elle n'ose pas le faire. Et je n'ai pas l'intention d'en parler en premier, alors gardons le silence.

— Comment vas-tu, Par ? Ça fait un bail.

— Je vais bien. Au fait, puisque tu pars à l'étranger, ça veut dire que tu ne vas pas à la cérémonie de remise des diplômes ?

— Je suppose que non. Mes parents se soucient davantage de m'envoyer à l'étranger.

Un bout de papier n'est rien comparé au fait de me garder à un continent de Pat.

— Oh, ouais… ? répète Par.

Sans qu'aucun de nous ne mentionne ce qui nous préoccupe, nous nous disons au revoir et nous raccrochons. Je tire la grosse valise près de la porte, au milieu de ma chambre. Je l'ouvre, prends une grande inspiration et commence à fouiller dans l'armoire pour trouver les vêtements que j'aimerais emporter. Je n'en emporterai pas beaucoup, car il est plus facile d'en acheter de nouveaux une fois sur place. Cependant, je fais mes bagages comme ils me l'ont ordonné pour éviter les questions.

Je plie mes vêtements grossièrement. Les autres objets de première nécessité que ma mère a laissés sur la table sont déposés un par un dans la valise. J'ai fini de faire mes bagages assez rapidement, ne voyant pas l'intérêt d'apporter trop de choses. La dernière tâche consiste à acheter les pulls comme le veut maman. Je soupire et m'installe sur le lit. Mon regard se porte sur le lapin en peluche qui est maintenant plus foncé que la dernière fois que je l'ai lavé. Il était bien plus beau à l'époque.

Son propriétaire l'a laissé ici depuis le jour où ma mère est entrée et a crié. Je ne sais pas s'il peut dormir sans faire de câlins à sa peluche miteuse. C'est impossible de le rendre maintenant. Je le tiens dans mes mains, je caresse ses oreilles et je souris. En me rappelant la façon dont le voyou le câlinait chaque jour, je craque.

Nous étions tellement plus heureux à l'époque, n'est-ce pas, Pat ?

J'expire, laissant les souvenirs effacer le sourire sur mon visage. Je serre la peluche contre ma poitrine et ferme les yeux pour arrêter les larmes qui débordent. J'inspire profondément et chuchote assez fort pour que seul son Nong Nao puisse entendre.

— Tu viens avec moi…



Trois jours avant le départ, la famille voisine était occupée à préparer la cérémonie de fiançailles. Les gens entraient et sortaient de la maison presque tous les jours. Le jardin était entretenu et joliment décoré pour ce jour important. J'apprends que la cérémonie a lieu le jour de mon départ lorsque je me prépare à sortir et que j'aperçois Pat en costume clair dans son jardin. C'est la première fois que nous nous voyons depuis un mois. Il a coupé ses cheveux courts, il a l'air totalement différent. Ça fait mal parce qu'il ne voulait pas les couper, même si je le suppliais, mais il a pu le faire facilement pour sa future personne importante.

Malgré tout, une sorte de désir surgit dans mon cœur. Il est sur le point de dire quelque chose et décide de ne pas le faire. Nous ne sommes qu'à quelques mètres l'un de l'autre, de son jardin à la porte d'entrée, et pourtant la distance semble si loin et sans lien.

Quand ma mère sort pour me sommer de monter dans la voiture. Aucun mot n'a été échangé entre lui et moi. Aucun au revoir n'a été prononcé lorsque je suis monté dans la voiture et que nous sommes partis. Je ferme les poings, en serrant mes mains l'une contre l'autre. Je les serre jusqu'à ce qu'elles tremblent, craignant que ma patience ne s'évanouisse à tout moment. Je ferme les yeux, sans regarder en arrière, en suppliant la douleur dans mon cœur de s'estomper.

À l'aéroport, je suis mes parents en silence, les laissant s'occuper de tout pour moi sans un mot. Quand je suis à la porte d'embarquement, je leur dis simplement au revoir. Nous ne nous serrons pas dans les bras, n'exprimons pas notre amour et n'échangeons pas de mots affectifs. Je me retourne et entre dans la porte d'embarquement, en suivant parfaitement les étapes, puis je me dirige vers la zone d'embarquement pour attendre l'heure du départ. Je joue sur mon téléphone pour passer le temps, bien qu'une certaine chose me trotte dans la tête. Alors que je fais défiler le fil d'actualité de Facebook, je jette un coup d'œil à l'heure et constate qu'il est temps d'embarquer. Au moment de fermer l'application, mon doigt effleure l'écran et une photo apparaît. C'est la photo de la cérémonie de fiançailles d'un couple. Ils s'étreignent avec joie.

Je ne m'en soucierais pas beaucoup si ce n'était pas Pat sur la photo…

Je la fixe pendant un moment jusqu'à ce que je réalise que je dois monter dans l'avion. Je me frotte le visage avec ma main pour me ressaisir. Avant de me lever, je like la photo et je verrouille l'écran.

Je m'en vais vers le pays dépourvu de "nos" souvenirs.

Et de lui…


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Scène Trente
Pat
J'ai récemment découvert que tant que mon cerveau fonctionne et que je respire encore, je peux vivre ma vie sans problème.

La cérémonie de fiançailles était simple et traditionnelle, comme le faisaient les anciens. Tout le monde avait un sourire ravi. Même une certaine personne a froidement aimé la photo téléchargée sur la plateforme sociale après la fin de la cérémonie. Malgré la douleur, nous savons tous les deux qu'un cœur brisé ne tue pas, même s'il laisse de sérieux dégâts à l'intérieur.

La vie… continue.

Cinq mois sont passés si vite que même moi, je suis surpris d'avoir pu supporter ça aussi longtemps. Le soleil se lève et se couche comme toujours. Punch et moi avons appris à mieux nous connaître. Par reste à la maison et conduit seule une Nissan March toute neuve jusqu'à l'université. La maison d'à côté... Pran n'y vit plus.

Le jeune homme mal élevé s'est transformé en Napat qui porte un costume et une cravate pour travailler dans l'entreprise familiale, comme les autres personnes qui sont sorties de la machine à produire des salariés appelée université et qui sont entrées dans la société active.

Je me réveille tôt et, dans ce grand et haut bâtiment, je suis assis dans la salle carrée climatisée qui donne sur des milliers de bâtiments similaires. Je dois résoudre de nouveaux problèmes chaque jour et cela nécessite parfois mes connaissances d'ingénieur. De temps en temps, j'ai seulement besoin d'utiliser la capacité de réflexion organisée que j'ai apprise en première année.

Les jours passent avec le même sentiment.

Je me languis du passé qui ne reviendra jamais.



— Qui a approuvé ce bon de commande ?

Dans la salle de réunion de taille moyenne de la tour de dix étages, j'appuie mon dos contre le dossier, tournant mon regard de l'écran du projecteur vers l'orateur. Mon père est assis en bout de table, tenant les rênes de l'entreprise d'aussi loin que je me souvienne. Il pose la question d'un ton bas, en tapant des doigts sur la table en acajou poli. La personne censée répondre baisse les yeux par instinct. Apparemment, les employés de tous rangs trouvent mon père intimidant lorsqu'il est en colère.

— Il a été signé sous l'ère du ministre Kanlong, monsieur. Après la transition, certains détails du projet TOR ont été modifiés. Par conséquent, l'édition approuvée diffère de celle que nous avons découverte.

— Et le département des ventes ne s'en est pas occupé ?!

— Nous l'avons fait, monsieur, mais nous avons été dupés. SR Corp. visait également le projet. Je suppose que le département des achats n'a pas discuté de la question avec M. Kanlong, ce qui a entraîné une mauvaise spécification. Il nous a prévenus plus tard, afin que nous puissions modifier le document d'enchères à temps.

— Mais nous avions déjà commandé ce set ?

J'écoute et je jette un coup d'œil au visage pâle du superviseur des ventes.

Ils ont dépensé un gros montant en frais de représentation mais n'ont pas réussi à obtenir le projet. Si tout est gâché à cause d'une mauvaise commande, quelqu'un sera forcément puni sévèrement.

Mon père a repris l'entreprise de construction de taille moyenne de mon grand-père. Nos relations financières ne sont pas assez solides pour faire face aux dommages si l'opération prend du retard. Le problème actuel est que le projet que nous avons soumis aux enchères demande du matériel particulier qui doit être acheté spécifiquement. Malheureusement, SR Corp. a acheté les produits disponibles, estimant qu'ils avaient remporté le projet.

— Est-ce que les fournitures dans l'usine sont suffisantes pour l'achat ?

— Elles sont en production, mais ça va ralentir tout le processus.

— Les frais seront énormes. Ce putain d’enfoiré nous a mis dans une situation difficile exprès.

Tout le monde se tait. Ce putain d’enfoiré en question est SR Corp., la société du père de Pran. Maintenant que je travaille officiellement ici, je comprends un peu pourquoi les deux familles sont en mauvais termes. En fait, comme nous sommes des rivaux en affaires, il s'agit d'être plus malin que l'autre dans une compétition sans merci. Mais quand même, je me demande si la raison pour laquelle deux hommes d'affaires nourrissent tant de haine l'un envers l'autre n'est pas simplement le fait qu'ils dirigent le même type d'entreprise.

— Je les déteste vraiment. Si je pouvais, j'engagerais un tireur pour leur faire sauter la cervelle et régler les choses pour de bon, grogne le président, attirant mon attention alors que je m'éloigne.

Son expression clairement grincheuse m'irrite.

— S'ils le pouvaient, ils te feraient la même chose, murmuré-je, mais tout le monde l'entend.

Des rires éclatent au milieu de cette situation stressante. Même si j'ai accepté d'épouser la fille que mes parents ont choisie et d'aider mon père au travail avec tout ce qu'il demande, le côté rebelle réprimé en moi ondule, comme un courant sous-jacent créant occasionnellement des tourbillons à la surface.

— Attention à ce que tu dis ! Eh bien, dis-moi. Comment tu résoudrais le problème ?

Le président râle. La situation à laquelle nous sommes confrontés est l'une des quelques épreuves que je dois passer. C'est un jeu d'enfant, cependant, si nous laissons tomber notre ego.

— Tu veux que ce soit moi qui m'occupe de ça ?

— Contacte Manop toi-même, alors. Très bien, comment se passe le projet à Chumphon ? Montrez-moi le programme d'avancement.

L'écran du projecteur affiche le programme d'avancement en le comparant à notre plan. Je sirote du café pour rester éveillé dans l'après-midi et je regarde la vue de temps en temps. Je regarde la tasse en céramique de café tiède, mon esprit vagabonde vers quelqu'un.

J'aimerais pouvoir l'oublier, mais ma position au travail me fait toujours penser à lui en fin de compte.

Honnêtement…

… Tout me fait penser à lui.



J'ai eu la permission de reprendre ma chambre d'origine peu de temps après que Pran est parti étudier à l'étranger. J'ai gagné leur confiance en fréquentant Punch tout en me perdant moi-même chaque jour. Après avoir dîné avec elle, je m'excuse et vais directement dans la chambre à l'étage. Pran n'est jamais venu dans cette chambre. Même s'il l'avait pu, je ne l'aurais pas laissé prendre le risque d'escalader le toit pour venir ici.

C'est pénible quand quelqu'un peut entrer et sortir d'ici comme si c'était sa propre chambre.

— J'ai fait des courses avec ta mère cet après-midi et je t'ai trouvé une autre boîte pour ranger tes affaires dans le placard. Je l'ai mise à sa place.

J'acquiesce et allume mon ordinateur portable, ignorant la personne qui continue à parler.

— Je t'ai dit plusieurs fois d'utiliser d'abord le pyjama du dessus. Si tu les sors négligemment comme ça, tout ce que je plie va se retrouver en désordre.

— Laisse-le comme ça.

— Pat, ranger tes affaires est fatiguant.

— Je t'ai dit de laisser ça. Va faire ce qui te plaît.

— Pourquoi tu ne prends pas une douche avant d'utiliser l'ordinateur ?

Je ne réponds pas. Punch m'entoure de ses bras par derrière et appuie son nez sur ma joue rugueuse, mais ce geste intime n'a aucun effet sur mon excitation.

Nous sommes assez proches pour nous embrasser. Je l'évite la plupart du temps, mais pas au point de la faire douter de mes sentiments.

— Tu pues.

Passer du temps avec Punch est si différent de quand Pran était à mes côtés. Je hoche silencieusement la tête et fais défiler le fil d'actualité pour voir comment vont mes amis. Poom a gagné une bourse pour étudier à l'étranger. Gon travaille à Chiang Mai et passe régulièrement dans les bars.

— Oh, qui est-ce ? Je ne l'ai jamais vu avant.

C'est la dernière photo de la personne qui était à mes côtés. Pran porte un manteau de couleur sombre, il fait signe de la main pour éloigner l'appareil photo, ce qui rend la photo floue. La personne qui l'a taggé est celle avec qui il vit actuellement. J'ai l'habitude de les voir ensemble dans de nombreux endroits, mais je ne suis pas sûr du type de relation qu'ils entretiennent.

Pran met rarement à jour son statut sur les plateformes sociales, je dois donc vérifier ses photos taggées à la place. Il est toujours le même, avec son visage impassible et arrogant, et l'arrière-plan est sa chambre. J'aurais été furieux si je n'avais pas aperçu Nong Nao couché sur l'oreiller derrière.

Je savais que je l'avais perdu il y a longtemps, mais je ne m'attendais pas à ce que Pran l'ait emmené à l'autre bout du monde.

C'est vraiment drôle que cela suffise à apaiser inexplicablement mon cœur flétri.

— Tu ne me réponds pas. Eh bien, prends une douche et utilise l'ordinateur portable plus tard, d'accord ?

Elle embrasse ma joue, encore et encore, jusqu'à ce que je me détourne finalement, agacé.

— Arrête de plaisanter, Punch.

— Tu es redevenu sérieux.

— Je dois réfléchir à quelque chose. Je vais d'abord te raccompagner et je reviendrai prendre une douche plus tard.

— Je devrais rester ? Je peux te préparer un bain chaud.

— Pas la peine, décliné-je en expirant. Ce n'est pas bon pour toi. Allez, viens. Je te ramène chez toi.

— Pat, on se marie dans quelques mois.

— Attendons jusque-là.

Je lui lance un regard sévère. Elle me regarde avec des yeux tristes. De toute évidence, elle veut passer à l'étape suivante avec moi. Comme une femme qui sort avec son futur partenaire, notre relation superficielle lui donne un sentiment d'insécurité. Punch m'a dit des tonnes de fois qu'elle souhaitait que j'exprime davantage mon désir sexuel masculin. À en juger par la façon dont je me suis comporté, elle craint que je ne l'épouse que pour ma famille et que je n'aie aucun sentiment pour elle.

On dit que les femmes sentent mieux les choses que les hommes. Je suppose que je ne peux pas dire le contraire.

— On a encore le temps, Punch. Pas besoin de précipiter les choses.

Je la réconforte et pose ma main sur sa tête, en regardant ma fiancée avec mes yeux faussement doux.

J'ai tellement de peine pour la fille devant moi.



Vers vingt-deux heures, je suis arrivé à la maison avec la bière que j'ai achetée dans une supérette sur le chemin. La maison isolée à plusieurs millions de dollars est calme, sans activités familiales. Nous nous sommes comportés de manière indifférente et froide les uns envers les autres, et il n'y a aucun moyen pour nous de nous réconcilier. Je pourrais cesser d'être rebelle et suivre les ordres de mes parents, mais je ne suis plus l'ancien Napat, le fils aîné qui plaisantait toujours pour faire sourire sa famille.

Comme l'a dit Par, tout le monde le sait mais l'ignore. Ils savent tous que ma vie a radicalement changé, mais décident de fermer les yeux.

Dire que je vais bien et que tout va bien, ce n'est qu'un mensonge éhonté pour cacher le fait que je ne peux même pas accepter la misère que je me suis infligée en me soumettant à la convenance que les juges, ma propre famille, estiment appropriée.

Les rideaux occultants sont ouverts. J'ouvre la bière et je bois la bouteille en regardant par la fenêtre. De l'autre côté, c'est le balcon de la chambre de Pran qui est fermé depuis des mois. Je me souviens de ces jours de frivolité où je suivais mon cœur sans crainte, de l'expression de Pran quand je frappais à sa porte vitrée, et même de ses yeux inquiets me regardant sauter du balcon au mur, enjamber le toit de tuiles et remonter dans ma propre chambre.

Je le ferais mille fois de plus.

Ça me mettrait plus à l'aise que de rester assis dans cette chambre sûre mais solitaire.



Des coups frappés à la porte rompent le silence un peu après que j'ai commencé à boire. Ma voix est rauque lorsque je donne la permission à l'autre personne d'entrer. La lumière extérieure s'infiltre par l'interstice de la porte ouverte. Je tourne la tête et constate que ce n'est pas ma sœur comme je m'y attendais. Maman fronce les sourcils et allume la lumière douce et orange.

— Pourquoi tu n'as pas allumé la lumière, Pat ?

— Je vais dormir tout de suite après avoir bu quelques verres.

— Tu bois encore de la bière ?

Maman marmonne et pousse un soupir. Après que Pran est parti étudier à l'étranger, j'ai commencé à compter constamment sur l'alcool pour me bercer. Je ne fais pas ça pour attirer l'attention. Les nuits où je réalise que Pran est parti pour toujours sont juste insupportablement cruelles.

— J'ai peur que tu ne deviennes un ivrogne.

— Je ne serai pas un ivrogne, dis-je humblement. Juste assez pour me sentir endormi.

Je continue à siroter la bière, et l'invitée s'assoit bientôt sur le matelas. Je suis sur le sol, appuyant mon dos contre le grand lit.

— Comment c'était de la conduire à la maison ? Vous vous entendez bien ? J'ai remarqué que tu es devenu assez silencieux ces derniers temps.

— C'était bien.

— Le mariage est dans quelques mois, mon chéri.

J'engloutis la bière pendant un long moment en entendant ces mots. N'arrivant pas à reprendre mon souffle, je pose la bouteille à côté de moi et ferme les yeux.

— Je sais.

— Tu n'agis pas comme un futur marié digne de ce nom.

— Je suis désolé, maman, murmuré-je.

Je suis désolé de ne pas avoir pu être plus gentil. Certains jours, je souris, mais sous le sourire se cache un simple engourdissement. Mais quand ma tristesse se montre, en dessous il y a un chagrin d'amour plus misérable et plus authentique. Je viens de découvrir qu'on peut feindre le rire mais qu'on ne peut jamais feindre la tristesse sans la ressentir vraiment.

— Je fais de mon mieux.

— Pat… Elle n'est pas gentille avec toi ? Vous vous êtes disputés ?

— Punch est super, dis-je honnêtement.

Si quelqu'un est à blâmer, ce n'est certainement pas la fille qui ne fait jamais de mal à personne.

— C'est moi le méchant.

Bien que je n'arrive pas à comprendre en quoi avoir un cœur est considéré comme de la culpabilité.

Je suis coupable d'aimer quelqu'un. Pourquoi un individu qui a de l'amour, de l'avidité, de la colère et du désir tout comme moi juge mes sentiments pour Pran comme un grand péché ?

J'entends le bruit d'un mouvement sur le lit. Maman descend et s'assied à côté de moi, ses yeux suivent mon regard fixé sur l'endroit devant moi.

— Maman, je peux te demander quelque chose ?

Je me détourne du balcon de Pran vers ma mère, les yeux pleins de questions.

— Pourquoi nos familles se détestent-elles autant ?

— Pat, c'était il y a longtemps. Sache juste que ton père ne leur pardonnera jamais.

— J'ai fait tout ce que tu m'as dit et j'ai donné ma vie, mais je n'ai pas le droit de savoir quoi que ce soit ?

Je baisse le regard et bois une nouvelle bouteille de bière. Nous restons tous les deux assis en silence jusqu'à ce que la troisième bouteille soit vide. J'attrape la quatrième, puis la cinquième. C'est alors que ma mère commence à répondre à la question qui me trotte dans la tête depuis longtemps.

— Ton père est le fils unique de ton grand-père. Notre entreprise a été transmise à ton père après sa mort. C'est le seul héritage que ton grand-père lui a laissé, commence ma mère en racontant l'histoire qui s'est passée avant ma naissance. Ton père tenait beaucoup à cette entreprise, Pat. Il l'a dirigée avec d'anciens collègues de travail. Beaucoup d'entre eux sont décédés ou ont démissionné pour aller travailler ailleurs, mais ton père n'a jamais abandonné. Il a tout fait pour maintenir l'entreprise. Un an avant ta naissance, il avait prévu de réduire les pots-de-vin versés pour obtenir des projets afin de poursuivre une activité décente. Il a utilisé le budget pour améliorer nos affaires.

Je hoche la tête. La faible lumière de la chambre fait ressortir son visage fatigué dans le miroir.

— Nous avions appris depuis un certain temps que nos nouveaux voisins dirigeaient aussi le même genre d'entreprise, alors nous échangions parfois nos connaissances. Cependant, alors que notre entreprise réduisait son budget, la leur faisait des dépenses de représentation, nous contredisant ainsi. Au final, SR Corp. a obtenu tous les projets cette année-là. Leur entreprise a été fondée quelques années après nous, mais ils ont réussi à gravir les échelons jusqu'à notre niveau en un rien de temps. C'est alors que ton père a découvert que leur plan était de gagner notre confiance pour être proche de nous afin d’obtenir des informations sur la manière de récupérer des projets.

— Même si nous n'avons pas réussi à décrocher les projets en partie parce que nous avons décidé de changer notre plan d'affaires ?

— C'était plus que ça, Pat. Tu ne peux pas tout juger uniquement à partir de ce fait. L'entreprise était dans un état critique. Ton père avait du mal à payer les employés, et nos proches qui travaillaient avec lui se sont retirés. Finalement, il s'est retrouvé tout seul. Il était trop tard pour changer la politique. Nous n'avions plus d'argent. Nous ne pouvions même pas payer notre nourriture." Maman se serre les mains, tourmentée par ce passé cruel. "Ton père s'est décidé et a contracté un prêt pour investir. Il a finalement obtenu un projet, mais nous avons été confrontés à la crise économique, à la bulle financière. La société qui nous avait engagés n'a pas envoyé le paiement et a disparu sans laisser de trace. Le fournisseur auquel nous achetions les produits à crédit nous a poursuivis en justice car nous ne pouvions pas les payer.

— C'est arrivé il y a longtemps ?

— C'était avant ta naissance. Ton père avait vraiment des difficultés. Il a essayé de chercher de l'aide mais n'en a trouvé aucune. De plus, tous les clients crédibles ont choisi SR Corp. Ils ont fait de la sous-enchère et ont reçu des tonnes de gros projets. Quand ton père a rabaissé sa fierté pour leur emprunter de l'argent, ils ont dit qu'ils n'en avaient pas. Comment c'était possible ? Ils ont obtenu plus de projets que nous n'en avions eu pendant notre temps de gloire. Les informations sur les politiciens qu'ils ont soudoyés proviennent toutes de ces conversations avec ton père.

— Mais ils auraient pu avoir leur propre méthode pour faire des offres pour les projets.

— Personne ne savait avec certitude comment ils faisaient, Pat. Pakorn était plus jeune que ton père et avait moins d'expérience dans le domaine de la construction. Nous l'adorions et voulions l'aider à réussir dans une certaine mesure, mais il nous a abandonnés quand nous avons touché le fond. Nous avons finalement fait faillite. Comme je te l'ai dit, l'entreprise était la seule chose que ton grand-père lui avait laissé. Ton père avait trop honte d'admettre qu'il ne pouvait pas la conserver.

Maman presse ses lèvres l'une contre l'autre avant de reprendre.

— C'était une période très difficile que tu ne peux pas imaginer.

Ses sentiments se reflètent sur son visage. Ce doit être une difficulté que je ne connaîtrai jamais, mes parents y ayant survécu il y a des années.

— La maison était très calme ce jour-là. Il n'y avait même pas le bruit de la brise. Je suppose que mon corps s'est affaibli à cause du stress, et ton père a perdu l'appétit et a souffert du manque de sommeil. J'ai dû aller seule à l'hôpital pendant la journée. Quand j'ai su que j'étais enceinte de toi, je ne savais pas si je devais être heureuse ou triste. Nous pouvions à peine nous nourrir, et nous allions t'avoir.

Maman pose ses yeux sur moi. Ils sont pleins d'affection et de gratitude sincère.

— Quand j'ai ouvert la porte, ton père a pointé l'arme de ton grand-père sur sa tête. Il avait abandonné, mais il a décidé de se battre à nouveau, sachant que tu étais en moi. Ton père t'aime tellement, et il ne veut pas qu'on s'associe à cette famille maléfique.

Je déglutis maintenant que j'ai appris le secret gardé pendant plus de vingt ans.

Le profond ressentiment de ce jour-là continue de s'intensifier, et personne n'a jamais eu l'occasion d'en parler. Mes parents considèrent la famille de Pran comme des monstres, mais je crois que chacun a ses propres raisons derrière ses actions. Et ça ne profite pas toujours à l'autre partie.

Ça pourrait être la raison pour laquelle mes parents ne peuvent pas me laisser sortir avec Pran comme mon cœur le désire.

— Heureusement, il y avait une fête de retrouvailles. Ton père n'y avait jamais assisté avant cette année-là. Il s'est joint à la fête et a repris contact avec un senior dont il était proche. La famille maternelle de Punch nous a donné une autre chance et nous a aidés à survivre, Pat. Je veux leur rendre la pareille. Tu peux t'occuper de Punch à notre place, pour que Duang soit tranquille ?

Je serre les lèvres et bois plus de bière.

— Maman... S'ils sont gentils avec nous, on ne devrait pas faire ça à leur fille.

— Pat.

— J'ai essayé, maman. J'ai essayé si fort. J'ai essayé de lui ouvrir mon cœur et de m'occuper d'elle autant qu'un homme le peut. Mais au fond, Punch sait qu'on est très loin d'être amants.

Une larme coule de mes yeux. Je détourne le regard pour cacher mon chagrin, mais tout se déverse comme un barrage qui aurait explosé.

— Je ne veux pas la blesser. Je ne veux pas vous faire de mal, à toi et à papa. C'est pourquoi j'essaie d'oublier que ma vie m'appartient. J'essaie tellement fort que parfois je m'en veux d'avoir un cœur.

J'ai posé mon visage sur mes genoux. C'est peut-être la cinquième bouteille de bière qui me fait sangloter comme un petit enfant. Une main chaude touche mon dos. Je ne peux pas assurer à ma mère que mes efforts porteront leurs fruits comme elle l'espère.

— C'est si douloureux, Pat ?

— Essayer d'aimer quelqu'un n'est pas douloureux. C'est douloureux d'oublier que je suis aussi amoureux, l'amour impossible. Pran et moi n'avons rien fait de mal. Il a été si gentil avec moi et Par, si gentil que toi et papa ne le croiriez jamais même si j'essayais de vous le dire.

— Nous avons fait tout ça parce que nous tenons à toi.

— Alors pourquoi j'ai l'impression de suffoquer au point de pouvoir mourir ?

Maman me prend dans ses bras. C'est si chaleureux et aimant, mais ça n'atténue pas la douleur qui est vraiment apparue.

Je ferme les yeux et reste longtemps dans l'étreinte de ma mère, laissant couler les larmes, pleurant, évacuant tous mes sentiments refoulés.

Si longtemps... que je m'endors sous l'effet de l'alcool comme la nuit dernière.



Au matin, mes souvenirs sont flous, et je fais semblant d'oublier l'explosion de mes émotions lorsque j'étais ivre hier soir.

Je me retrouve sur ce lit moelleux alors que le soleil brille. La couverture couvre mon cou plus proprement que jamais. Je salue tout le monde sans émotion comme si je ne ressentais aucune douleur au fond de moi.

Ma mère m'observe de son regard fatigué, épuisé. Lorsque nos regards se croisent, elle se détourne pour me cacher ses sentiments.

Dans l'après-midi, j'examine la cause du problème actuel de notre entreprise, tel qu'il a été défini lors de la réunion, à savoir que l'offre de P&P a été acceptée mais que SR Corp. a acheté tous les produits de construction. En analysant le problème sans préjudice, il s'avère que SR Corp. a fait une erreur avec l'accord. Ils n'ont pas essayé de nous faire manquer de matériaux volontairement comme mon père l'a accusé. En pensant à leur conflit, il est fort possible que ces deux familles se soient mal comprises et n'aient jamais eu de conversation à cœur ouvert.

— Ils n'ont pas obtenu ce projet et pourtant ils ont dépensé leur argent pour un produit qui ne peut pas être utilisé pour d'autres projets. Ils devaient être tellement confiants qu'ils ont commandé les fournitures avant l'annonce du résultat.

Je réfléchis, en appuyant mon dos contre le coussin en cuir. Je me mordille le bout du doigt tandis que mon cerveau travaille. Après avoir contemplé la question de nombreuses fois, la conclusion est que les deux sociétés sont en difficulté.

— On dirait que c'est comme ça.

— Manop, tu crois qu'ils vont nous vendre le produit ? C'est un très gros projet. Nous allons le terminer en retard, quelle que soit la rapidité du processus de production.

— Bon sang, Pat.

Le superviseur des ventes rit sèchement. Nous savons tous les deux quel est le véritable problème.

— Il semble impossible pour eux de nous vendre le produit même si nous doublons le prix. Une situation similaire s'est déjà produite. Heureusement, le client a accepté notre excuse et a reporté le calendrier.

— Je ne veux pas prendre ce genre de risque. Ce projet vaut des millions, Manop. Si on nous fait payer, le coût moyen journalier est assez élevé.

— Je ne sais pas quoi faire. C'est ma faute pour avoir traité avec la mauvaise personne.

— Ce n'est pas grave. Les erreurs arrivent tout le temps. Le client est aussi difficile. Ils n'ont même pas certaines informations sur la personne qui a rédigé les restrictions. Heureusement, nous avons reçu un appel et avons modifié le contenu du document d'enchères à temps.

Je ris doucement, agissant de manière complètement différente de mon père qui prend les erreurs trop au sérieux.

— Fais-moi une faveur, Manop. Prépare un panier de fruits et prends rendez-vous avec M. Pakorn pour moi.

— Tu es sûr de toi ? Et si…

— Oublie mon père. Notre entreprise est plus importante. Je vais juste acheter le produit, pas demander la main de son fils.

Je plaisante, et ça me blesse au plus haut point. Manop soupire, troublé, mais accepte quand même de le faire contre sa volonté.

Si l'on compare l'entreprise du père de Pran et la mienne, les seules différences sont les lieux et les apparences. SR Corp. est dans un immeuble de trente étages au centre de Bangkok, bien desservi par les transports. Ils ne sont pas propriétaires d'un immeuble privé et doivent payer une location coûteuse. Bien sûr, cela signifie qu'ils maintiennent un haut degré de liquidité.

Après plusieurs tentatives de Manop, Pakorn a finalement accepté de me rencontrer le vendredi après-midi. Je m'y rends dans ma propre voiture, sans rien dire à personne. Seuls quelques collègues responsables et moi-même sommes au courant de cette rencontre. J'ai besoin de le voir en personne pour lui montrer mon respect autant que possible.

En devenant adulte, j'ai appris une chose : tout ne joue pas forcément en notre faveur. Même si je ne veux pas faire affaire avec l'entreprise de Pran, les confronter ou quoi que ce soit d'autre, je dois montrer ma maturité en faisant passer mon entreprise en premier, et non mes affaires personnelles.

— Bonjour.

La salle du président est ouverte par la secrétaire. Je salue Pakorn et pose la corbeille de fruits sur la grande table en verre noir. Ses yeux sont calmes et froids, le regard sur moi toujours aussi indifférent.

— Comment allez-vous, monsieur ?

— Dis ce que tu as à dire. Ne tourne pas autour du pot. Je n'ai pas beaucoup de temps.

— Oh, d'accord. Allons droit au but. Je voudrais parler du projet Chiang Dao que P&P a obtenu. Il y a ce produit pour lequel le TOR demande une spécification particulière. J'ai contacté l'usine et il m'a semblé que le processus de production serait trop lent. De plus, ils avaient vendu toutes les fournitures en stock à SR Corp.

— Vous avez travaillé vite et obtenu le projet. Êtes-vous ici pour être complimenté.

— Non, monsieur, dis-je poliment et je serre les mains sur mes genoux. Je crois que nous sommes tous les deux confrontés à des problèmes.

— Il n'y a aucun problème ici.

— S'il vous plaît, laissez-moi dire quelque chose sur le passé. Je sais que les deux entreprises méprisaient leurs stratégies de travail respectives. Cependant, une fois que mon père aura démissionné, je prévois de moderniser la gestion de l'entreprise. L'antagonisme entre les deux entreprises ne profite à personne. Au lieu de maintenir vos liquidités, vous avez perdu votre argent juste pour protéger votre fierté. Je m'excuse si cela semble offensant, mais je suis ici dans un but de réconciliation.

— Les jeunes de nos jours pensent qu'ils peuvent tout faire facilement, critique Pakorn, et je baisse le regard.

L'histoire que ma mère m'a racontée m'a donné un aperçu des conflits entre les deux familles. Mais ce n'est qu'un aspect de l'histoire.

— Pour moi, tout cela s'est passé il y a longtemps. Nous n'avons pas besoin d'être coincés dans le passé. Quel qu'ait été notre conflit, le monde a changé. La demande est plus forte, mais le nombre de concurrents et de ces capitalistes impitoyables augmente également. En conséquence, nous sommes devenus de petites entreprises de construction alors que nous étions florissants.

Pakorn soupire et dit à voix basse.

— Tu n'as pas peur du tout de venir ici ?

— Eh bien, un peu. Mais je dois demander votre pitié pour sauver mon entreprise.

— Quel beau parleur, dit-il, les lèvres retroussées par le dédain. C'est pour ça que Pran a dérapé.

— Ce n'était pas ma façon de parler. Pran était une personne raisonnable. Il m'a appris beaucoup de choses, corrigé-je, souriant inconsciemment en me rappelant le temps que nous avons passé ensemble pendant la période de l'université.

Il me harcelait tous les jours, mais c'était ma période la plus heureuse.

— Il était posé et ne me gâtait presque pas, mais il avait ce côté doux derrière sa façade froide. Pran est gentil. Vous l'avez vraiment bien élevé.

— Pran n'a jamais montré aucun signe d'un tel penchant.

— Moi non plus. Je n'aurais jamais pensé tomber amoureux de lui à ce point. Je me sentais à l'aise quand on était ensemble. Ce qui m'inquiétait, c'est qu'il ne prenait pas bien soin de lui. Chaque fois qu'il travaillait sur un projet, il se donnait à fond et restait debout toute la nuit. Il ne mangeait pas si je ne le forçais pas et ne dormait pas si je ne le suppliais pas. Et, quand il semblait très stressé, je devais le traîner dehors pour faire autre chose afin qu'il puisse se détendre un peu. C'est pour ça que je veux m'occuper de lui autant que je le peux.

Je baisse les yeux, réalisant que Pakorn ne voudrait pas que je m'occupe de son fils.

— Mais il s'est avéré que c'était lui qui prenait soin de moi. Je suis devenu plus mature et plus réfléchi grâce à lui.

— Plus mature ? J'ai entendu dire que tu avais fugué de chez toi.

Je rigole. Nous parlons maintenant d'un sujet totalement différent, et l'air est moins tendu. Je ne regarde pas les yeux de Pakorn, mais je peux dire qu'il est heureux de m'entendre partager tous les bons côtés de son fils, comme s'il ne pouvait pas être plus fier.

— Vous avez raison. J'ai été irréfléchi et impétueux. Je tiens cette personnalité téméraire et volontaire de mon père, dis-je avant de presser mes lèvres l'une contre l'autre. J'ai abandonné et suis rentré à la maison parce que Pran m'a rappelé qu'être têtu ne justifierait pas notre amour. Je ne ferais que souligner à quel point nous étions aveuglés par l'amour. J'ai fini par lui en vouloir de ne pas s'être enfui avec moi. Au moment où j'ai compris son intention, j'ai perdu la chance de le remercier.

— Tu es exactement comme ton père, glousse l'homme d'âge mûr, les yeux fixés sur le bout de ses doigts. Nui est têtu et n'écoute personne. En plus, sa femme ne le prévient jamais et continue à lui faire plaisir.

— Oui, c'est mon père. Heureusement, j'avais Pran.

Malheureusement, je l'avais. Tout ça, c'est du passé. Le président tourne son regard du bout des doigts vers moi.

— Je voulais vraiment te tuer pour avoir influencé Pran de cette façon. J'ai même parlé une fois à sa mère du fait que notre fils n'a jamais eu de petite amie.

— C'est vrai. Je n'ai jamais pensé au fait que Pran avait toujours été célibataire.

— Ha, soupire-t-il en fermant les yeux. Ton père est au courant de ta venue ici ?

— C'est un vieil homme têtu. Je ne peux pas le laisser savoir, ris-je amèrement et je m'éclaircis la gorge, revenant au sujet. Il y a une autre chose dont j'aimerais discuter. Je travaille avec mon père depuis six mois maintenant. Je n'ai eu à m'occuper que de quelques projets de ventes aux enchères. Mais, j'ai remarqué que nos deux entreprises manquent de moyens dans certaines situations. Une coentreprise, par exemple. Nous avons parfois dû coopérer avec des entreprises incompétentes, ce qui a conduit à l'échec. Je ne parle pas en tant qu'homme d'affaires, donc mes mots ne sont pas forcément fantaisistes. Mais... je crois qu'au fond de vous, vous savez ce que nous avons perdu.

Pakorn reste silencieux. Son geste me rappelle clairement Pran. Chaque fois que je lui demandais de faire quelque chose contre sa volonté, il ne cédait pas instantanément. Au contraire, il se taisait et réfléchissait avant de prendre une décision.

Si les enfants copient certains traits de caractère de leurs parents, je ne suis pas surpris que Pran soit un gars si passif-agressif.

— Si j'ai mal compris, s'il vous plaît, donnez-moi des conseils. Je vais bientôt reprendre l'entreprise de mon père, j'ai donc besoin d'en apprendre plus de la part des professionnels.

Pakorn tapote ses doigts ridés sur la table en verre et me regarde attentivement. Comparé à mon père, il est beaucoup plus calme.

Il semble aussi ouvrir un peu plus son cœur maintenant que je l'ai abordé poliment, contrairement à mon ancien moi.

— A en juger par tes comportements passés, je n'aurais jamais pensé que tu serais si bien élevé.

Ma famille éclaterait de rire si elle me voyait maintenant.

C'est similaire... à la fois où personne n'aurait cru que j'étais devenu un idiot pour Pran.

— Je suis désolé de la façon dont je me suis comporté avec vous.

Pakorn n'accepte pas mes excuses et ne les rejette pas. Il reste silencieux, toujours aussi imposant. Néanmoins, je sens d'instinct quelques changements derrière cette expression calme.

— Je vais y réfléchir.

— Vous pouvez augmenter le prix.

— Je peux faire ça, s'esclaffe-t-il en souriant avec dérision. Vous n'avez pas obtenu beaucoup de bénéfices de votre projet précédent. Votre entreprise a baissé le prix au point que vous avez presque dû ajouter votre propre budget.

— Notre situation est probablement la même que lorsque SR Corp. a dû prendre des projets non rentables pour maintenir l'entreprise pendant la crise économique.

Je souris. Après avoir fait quelques recherches sur SR Corp. et leurs chiffres d'affaires il y a quelques jours, je comprends un peu leur situation à l'époque.

— Si mon père n'avait pas été si désireux de n'obtenir que des projets très rentables, il aurait obtenu plus d'emplois.

Pakorn se moque.

— Quel malheur pour P&P d'avoir un chef aussi stupide que Nui.

— Les gens ont l'impression de ne pas avoir le choix quand ils sont stressés. Mon père devait être comme ça.

— Et donc, il a blâmé les autres.

Pakorn a poussé un rire moqueur. Évidemment, avec mon père mentionné, le président de notre entreprise rivale devient grossier.

— Il a envoyé quelqu'un pour s'immiscer dans nos affaires pendant des années avant de se retirer. Il était tellement noyé dans sa rancune qu'il n'a pas réussi à s'améliorer. S'il ne s'était pas accroché à la jupe de cette femme, il ne se serait jamais relevé.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre. Sa voix est pleine de ressentiment.

— Au final, il a vendu son fils pour la rembourser.

— Je suis désolé pour le passé.

Je m'avoue vaincu, ravalant ma fierté. Comme je ne réponds pas, Pakorn s'adoucit comme s'il réalisait que tout ce qu'il a dit était les conséquences du passé. Il me regarde, non pas affectueusement, mais plutôt pensivement.

— Tu es plus mature que la dernière fois que je t'ai vu.

— Comme je l'ai dit, j'ai de la chance d'avoir pu aimer Pran.

— Tu as dit que tu l'aimais, mais tu seras bientôt marié.

— Oui.

Je serre les lèvres, envahi par une sorte de sentiment indescriptible. La pièce devient silencieuse pendant un long moment lorsqu'on aborde le sujet sans rapport avec le travail. Je suis sûr que nous pensons à la même personne.

— Puis-je vous demander une chose sur Pran ?

— Qu'est-ce que c'est ?

— Est-ce qu'il va bien ?

— Oui, il a commencé une nouvelle vie. Beaucoup de choses ont changé. Je te suis reconnaissant de ton admiration pour Pran. Eh bien, ces actions disgracieuses, penses-y comme une période de jeunesse sauvage. Un nouveau départ. Au fait, je vous souhaite du bonheur pour votre mariage.

En entendant cela, ma politesse se transforme en douleur. Quelque chose dans le cœur du père de Pran est inébranlable. C'est toujours là, la conviction que ma relation avec son fils était temporaire et irréelle.

— Si quelqu'un peut réellement trouver le bonheur dans tout ça, ce sera les anciens qui préfèrent que les choses se passent selon les règles qu'ils ont établies.

Je souris avec toute l'agonie et la suffocation réprimée avant de rencontrer les yeux de Pakorn, exposant la vérité que j'ai gardée pendant longtemps.

La douleur de mon cœur écrasé vivant.

— Quant au mariage, je n'y prends aucun plaisir. Mais s'il peut satisfaire tout le monde, alors je n'ai pas le choix. Les enfants naissent pour rendre la pareille à leurs parents, n'est-ce pas ?

Je baisse mon regard car mes yeux sont chauds.

— Parce qu'au final, Pran et moi étions tous deux sans espoir et forcés d'accepter le destin que nous n'avions pas choisi… Veuillez m'excuser. J'ai pris trop de votre temps.

Je dis au revoir et recule avant que mes larmes ne puissent couler. J'ai récemment découvert que je suis aussi sensible que si j'étais adolescent. Rien qu'en pensant à quelqu'un, mon cœur se serre si fort qu'il va se briser.

Je regarde le président de SR Corp. dans les yeux. Il me retourne le regard avec une certaine intensité dans ses yeux.

C'est profond et incompréhensible pour moi...


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Ven 6 Sep 2024 - 18:31



Scène Trente-Et-Un
Pran
Une chose que j'ai découverte dans ce pays où personne ne me connaît, où la température est bien plus basse que dans mon pays natal, où tous les gens que je rencontre sont grands, blancs, avec des yeux clairs... c'est que je suis plutôt doué pour cacher mes sentiments.

Je ris quand quelqu'un me fait une blague. Je parle et je souris très bien. Je dors toute la nuit. Je mange bien pour prendre soin de ma santé. Je fais tout ce qu'un humain est censé faire.

Bien que mon cœur ne soit plus dans mon corps…

Depuis que je suis ici, j'ai développé deux étranges habitudes. Premièrement, je porte habituellement une montre indiquant l'heure du fuseau horaire différent et je la regarde régulièrement, en pensant à la personne qui se trouve sur un autre continent. Deuxièmement, je suis devenu un type bizarre qui ne peut pas dormir sans câliner ou serrer cette stupide peluche miteuse.

Toc, toc.

— Pran.

Je détourne le regard de 'Nong Nao' et le pose à côté de mon oreiller avant de me lever pour ouvrir la porte.

— Oui, Pong ?

— Rita nous a fait une tarte aux pommes. Viens manger et discuter un peu avec moi, d'accord ? Tu ne peux pas rester enfermé dans ta chambre le week-end.

La troisième personne mentionnée est une femme britannique qui vit à côté. Comme elle adore cuisiner, elle partage souvent ses plats ou ses desserts avec nous. Mais elle s'entraîne encore, alors les desserts sont brûlés sur les bords et la pâte n'est pas cuite parfois.

— Ok, réponds-je avant de me diriger vers le canapé.

Un plat avec une tarte aux pommes dégage un arôme merveilleux sur la table. Pong me passe une couverture moelleuse lorsque je me suis assis. Je coupe un morceau et le mets dans ma bouche. Elle a réussi son coup cette fois-ci. Le goût est plutôt bon.

— Pran.

— Oui ?

— Tu es ici depuis des mois. Comment tu te sens ?

Je lève les yeux pour croiser le regard de mon cousin, sachant qu'il est conscient que j'ai des problèmes en Thaïlande. Pong est trop gentil pour me poser la question, même si je suis devenu habituellement terne et silencieux.

— Je vais bien. J'ai commencé à m'y habituer.

— Vraiment ?

— Oui. Pourquoi ? Est-ce que j'ai l'air malheureux ?

Je ris, en essayant d'être joyeux.

— Ouais.

Pong n'en a rien à faire.

— Tu as l'air malheureux.

— Je vais bien.

— Je ne voulais pas demander parce que tu n'as pas l'air de vouloir en parler. Mais ça fait des mois, dit calmement Pong en me regardant dans les yeux. Je suis inquiet pour toi.

— …

— Tu peux me parler de tes problèmes. Tu t'es disputé avec tonton ?

— Qu'est-ce que mon père t'a dit ?

— Rien. Il m'a juste dit de prendre soin de toi et de ne pas trop te gâter.

— Ouais... ?

— Mais je pouvais sentir son mécontentement. Tu as appelé ta famille depuis que tu es arrivé ici ?

— Je l'ai fait.

Mais pas papa.

Maman m'appelle une fois par semaine.

— Tu n'as pas contacté tonton ?

— Non.

— Tu vois ? Tu es encore têtu.

— Je suis têtu, Pong.

Je rigole.

— Pourtant, j'ai quand même dû venir ici.

— Eh bien, tu es plutôt passif-agressif. Cette paire d'yeux ne montre aucune docilité.

— Je ne suis pas toujours agressif. Tu ne sais rien.

Pong sourit et me tapote la tête. Il est le seul à me donner l'impression que je peux dire ce que je pense.

— Qu'est-ce que je ne sais pas ? Dis-le moi.

— Tu te souviens de Pat ?

— Pat ?

Le type plus âgé lève un sourcil et se tait, cherchant dans ses souvenirs.

— Le gamin d'à côté qui te jetait des bâtons.

— Whoa, c'était il y a longtemps.

Il rit et hoche la tête d'un air amusé.

— Vous avez tous les deux essayé de grimper au point le plus haut de l'arbre et vous avez fini par tomber.

— Pong…

— D'accord, d'accord. Je me souviens de lui. Et alors ?

Je presse les lèvres en le regardant, puis je soupire lorsqu'il hausse le sourcil une fois de plus.

— Hmm ?

— Eh bien…

— Quoi ? Pourquoi tu hésites ?

Je prévois d'avouer, mais maintenant que je dois le dire, les mots ne sortent pas.

— Hey, ton visage a l'air si sérieux.

— Eh bien... Pat et moi étions amoureux.

— Amoureux ?

Pong répète mes mots, confus.

— Vous ne vous détestiez pas tous les deux ?

— On se détestait.

— Et ?

— Puis on ne s'est plus détesté.

Pong reste immobile, et moi aussi. Personne ne dit rien. On dirait qu'il réfléchit à quelque chose, puis il fronce les sourcils.

— C'est quoi ce genre d'amour ?

— L'amour, c'est l'amour. Je n'utiliserais pas ce mot avec un ami.

— D'accord, j'ai compris ton point de vue. Donc tu t'es disputé avec ton père à ce sujet ?

J'acquiesce sans autre explication.

Pong soupire cette fois. Il s'appuie contre le dossier et se masse les tempes. Tu vois à quel point c'est troublant ? Et je suis assez fort pour garder le sourire.

— Tu as parlé avec Pat ?

— On s'est dit au revoir.

— Hein ? Vous avez rompu tous les deux ?

— On ne l'a pas dit à voix haute, mais je suppose que c'est comme ça, prononcé-je en baissant le regard.

Mes yeux doivent être rouges.

— Tu vas bien, quand même ?

— Je vais bien.

— Alors pourquoi tu pleures ?

Je touche mes yeux et constate que mes larmes dégoulinent déjà.

— Je…

— Ne le nie pas quand tu es manifestement en train de pleurer.

Pong est toujours rapide sur ce genre de choses.

— Je ne le nie pas. J'allais dire que je vais bien.

J'essuie mes larmes et je ris en mon for intérieur.

— J'ai connu pire.

— Ah bon ?

— J'aimerais ne pas l'avoir fait.

Pong regarde mon visage. Nous nous regardons, et je détourne d'abord les yeux. Je ne veux pas être un tel pleurnichard.

— Pran…

Il appelle mon nom et touche mon épaule de sa main chaude.

— Tu peux pleurer. Je ne te jugerai pas.

— Ce n'est pas grave.

Je secoue la tête et j'efface mes larmes.

— Je ne comprends simplement pas pourquoi ils se détestent autant.

— …

— Au moins, je n'aurais pas à rester assis ici sans la moindre idée, comme un idiot.

— C'est arrivé avant ta naissance, marmonne Pong.

Il a l'air troublé, comme s'il voulait le dire mais ne le voulait pas en même temps.

Je fronce les sourcils et verrouille son regard, mon cœur battant étrangement vite.

— Tu sais... ? Tu sais ce qui s'est passé ?

Toutes ces choses dont je n'ai pas la moindre idée.

— Je... sais certaines choses, admet Pong en détournant le regard. Mes parents m'en ont parlé.

— Pong.

J'appelle son nom, me rapproche et tire sur sa manche.

— Dis-moi. Dis-moi tout.

— Mais c'est…

— Au moins, dis-moi pourquoi je dois subir ça.

Pong se calme lorsque je l'interromps avant qu'il ne puisse terminer sa phrase. Nous fermons les yeux jusqu'à ce que Pong soupire en cédant.

— C'est à propos du business.

Je hoche la tête sérieusement. Quand Pong commence enfin, je l'écoute attentivement, les yeux fixés sur lui.

— Je ne connais pas les détails, mais je sais que cette famille gère l'entreprise de construction depuis l'époque où le grand-père était encore en vie. Ils étaient l'une des meilleures entreprises à l'époque et ne recevaient que de gros projets. Quand ta famille a déménagé là-bas, personne ne savait rien de l'autre. Ils n'ont découvert qu'ils dirigeaient le même type d'entreprise que lorsqu'ils se sont rencontrés. C'est à ce moment-là que l'opposition s'est formée. Ils ont commencé à se battre après plusieurs ventes aux enchères. Ça a empiré quand votre famille a gagné toutes les enchères.

— Est-ce qu'on leur a volé les opportunités ?

Pong secoue la tête.

— Ce sont les affaires, Pran. Dans ce jeu, celui qui est intelligent avec un budget élevé et un bon soutien gagne.

— … Que s'est-il passé ensuite ?

Pong soupire à nouveau. Il sourit un peu et secoue lentement la tête.

— C'est tout ce que je sais. Je ne suis pas sûr que tout soit vrai. Tu dois demander à ton père toi-même.

— Oui…

Je murmure et regarde mes mains.

— Est-ce que tu l'aimes tant que ça ?

— Bien sûr, réponds-je, le visage de cette personne apparaissant dans mon esprit.

Il me manque comme un fou. Je veux entendre sa voix et voir son visage... Je veux le toucher si désespérément.

— Beaucoup plus que je ne le pensais.

— Pourquoi tu as abandonné, alors ? Tu n'as jamais été une personne obéissante.

— C'est pour ça que je t'ai dit que je ne suis pas toujours agressif. Cette affaire est trop compliquée. Elle affecte beaucoup de choses.

— Et Pat aussi a abandonné ? Je me souviens qu'il était assez impulsif.

— Il m'a téléphoné et m'a demandé de nous enfuir ensemble.

— Sérieusement ?

— Pas drôle.

Je fronce les sourcils, regardant la personne qui sourit malgré le choc.

— Il était peut-être impétueux et imprudent, mais qui aurait pensé qu'un type raisonnable comme moi aurait eu envie de se précipiter vers lui à ce moment-là ?

— Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

— Si seulement c'était aussi facile. Tu en sais quelque chose.

— Je le sais. Je sais ce que tu penses.

Pong pose sa main sur ma tête. Je pleure à nouveau à cause de ses mots.

— Bon garçon.

Je secoue la tête, souriant toujours faiblement, laissant l'autre gars me caresser la tête. Je marmonne dans ma gorge.

— Je ne suis pas heureux du tout d'être un bon garçon.



Tous les soirs, quand j'ai terminé mes affaires, je repose mon dos sur la tête de lit, je pose un oreiller sur mes genoux et je place mon ordinateur portable dessus pour me tenir informé. Je n'ai pas de problème de sommeil. Je veux juste savoir comment quelqu'un se porte. Si l'on pouvait vraiment vérifier qui consulte le plus son profil, je serai le premier visiteur du profil de Pat dans un jour. La photo de sa cérémonie de fiançailles est toujours sur le fil d'actualité. Cela me fait mal chaque fois que je la vois, même si je sais que son sourire n'est pas naturel sur la photo. Nous nous connaissons depuis des années, c'est impossible de ne pas le remarquer.

Je fais défiler la page et je vois la photo où sa sœur l'a taggé. Ses cheveux sont plus longs que la dernière fois. Il lit quelque chose, l'air très sérieux. Il est rare de voir cette expression. Ma nostalgie pour lui refait surface. Je touche l'écran du bout des doigts et j'entoure la structure du visage que je n'ai pas vue en personne depuis des mois.

Mon cœur se serre à l'idée qu'il puisse enlacer et embrasser quelqu'un d'autre. J'aimerais pouvoir remplacer l'oreiller sur mes genoux par sa tête. J'aimerais pouvoir remonter le temps pour que nous puissions soutenir nos regards et nous embrasser en nous allongeant, en respirant et en touchant nos corps respectifs comme nous le faisions auparavant.

Je retiens les larmes qui débordent de mes yeux lorsque la notification de message sonne avec le nom de Par affiché sur la boîte de discussion en dessous.



Par Napapha : Tu es toujours debout ?



Je souris, me sentant mieux de parler avec quelqu'un de proche de Pat. Nous ne nous envoyons des messages qu'une fois de temps en temps à cause de nos fuseaux horaires différents. L'occasion ne se présente que lorsque je me couche tard.



Parakul S : Oui, je vais rester debout un moment.

Par Napapha : Ce n'est pas bientôt l'aube là-bas ?

Parakul S : Je n'ai pas sommeil. Comment tu vas ?

Par Napapha : Je vais bien. Et toi ?

Parakul S : Rien d'excitant.



Après la réponse, on voit que Par est en train de taper quelque chose. Le signe disparaît et réapparaît comme si elle tapait et effaçait sans cesse. Et donc, je décide de commencer.



Parakul S : Est-ce qu'il...

Parakul S : il va bien ?

Par Napapha : Probablement aussi bien que toi.

Par Napapha : Vous semblez avoir des sentiments partagés.



Je ris parce que cette fille effrontée est aussi vive d'esprit avec les mots que son frère.



Parakul S : Quel excellent choix de mots.

Par Napapha : Pat ne te manque pas ?

Parakul S : Si.

Parakul S : Pourquoi il ne me manquerait pas ?

Par Napapha : Tu ne vas pas revenir ?



Puisque je parle honnêtement, Par a cessé d'hésiter à mentionner Pat après avoir tapé et effacé ses mots. Ses messages continuent à apparaître.



Par Napapha : J'ai de la peine pour Pat.

Par Napapha : Il n'a pas l'air bien. Il a l'air bien à l'extérieur, mais ça doit être le chaos à l'intérieur.

Par Napapha : C'est pareil pour toi, hein... ?

Parakul S : Je vais bien. Prends soin de Pat, d'accord ?

Par Napapha : Tu es toujours aussi têtu. Je ne saurais dire si tu es en train de pleurer pendant que nous parlons.



Je lis sa réponse à plusieurs reprises et je prends une profonde inspiration pour lui prouver qu'elle a tort. Je déteste parfois ma propre obstination.



Parakul S : Je vais me coucher.

Parakul S : S'il te plaît, prends soin de Pat pour moi.

Par Napapha : Bonne nuit. Prends soin de toi aussi.



Je lis sa réponse et ferme l'écran sans répondre. J'appuie ma tête sur la tête de lit et je fixe le plafond blanc dans un état second, laissant mes pensées s'envoler, réfléchissant à mes propres sentiments.

Peu importe le temps qui passe, mes sentiments pour Pat ne diminuent jamais.



La chose la plus étrange de cette année vient de se produire. J'ai froncé les sourcils et j'ai pressé mes lèvres l'une contre l'autre lorsque Pong a déposé son téléphone dans ma main en disant, "C'est tonton".

Mes yeux sont bloqués sur le téléphone pendant un moment, puis je rassemble mon courage pour le mettre à mon oreille et dire, "Oui ?".

— Pran.

Sa voix est la même, pas différente de la dernière fois où je l'ai entendue.

— Oui ?

— Comment vas-tu ? Ça fait un moment.

Je fronce encore plus les sourcils, en écoutant ces mots inattendus. Je n'aurais jamais pensé qu'il m'appellerait pour me demander une chose aussi simple.

— Je vais bien... Comment vas-tu ?

— Um... Je vais bien.

— Je vois.

On ne dit plus rien après ça. Nous n'avons pas parlé depuis des mois, et pourtant nous n'avons rien à dire maintenant que nous en avons l'occasion. C'est très gênant. Je serre le poing et bouge nerveusement mon postérieur, essayant de trouver un sujet. Mais c'est papa qui parle le premier.

— J'ai vu Pat l'autre jour.

— …

— Pour discuter du travail.

— Je vois.

Je serre les lèvres, me demandant pourquoi il a parlé de ça.

— Il est venu me voir assez souvent ces derniers temps pour me proposer sa collaboration, dit mon père en ricanant. Le gamin a l'air bien, mais je n'en suis pas si sûr quand je pense à son père.

— Ouais.

— Il est plus mature maintenant. Nous pouvons avoir de vraies conversations, à ma grande surprise.

— …

— Je viens d'apprendre que le morveux d'à côté est bon dans son travail.

— … Oui.

Je répète mon mot, hésitant à demander quelque chose qui me tracasse depuis hier. Mais puisque le silence se prolonge plus longtemps qu'il ne devrait, je décide de l'exprimer.

— Papa.

— Quoi ?

— Je peux te demander quelque chose ?

— Qu'est-ce que c'est ?

— Tu peux me dire ce qui s'est passé entre notre famille et celle de Pat ?

— Pourquoi tu voudrais savoir ça ? Ne t'embête pas avec une telle chose. Je ne veux pas en parler.

— Tu ne veux pas me le dire même si cela affecte ma vie dans tous les aspects ? demandé-je avant d’inspirer profondément. Alors que c'est la raison pour laquelle j'ai été envoyé ici... ?

Papa ne dit rien pendant presque dix minutes, mais je suis prêt à attendre... sans le brusquer, en le laissant évaluer les options.

— P&P était une célèbre entreprise de construction à l'époque, commence-t-il assez vite. Tous les grands projets leur appartenaient. Il se peut qu'ils aient reçu la plupart des projets de la part des politiciens, ils avaient donc des soutiens décents et de gros budgets. Lorsque j'ai lancé notre entreprise et que j'ai découvert que notre voisin était propriétaire de P&P, j'ai simplement pensé que c'était une sacrée coïncidence. Nous nous consultions souvent et échangions occasionnellement des informations. En les connaissant mieux, j'ai pu constater qu'ils avaient de nombreuses faiblesses. Surtout pendant la crise économique, ils n'arrivaient pas à gagner de l'argent, face à la bulle financière. Leur entreprise a fini par être rayée de la liste des soumissionnaires.

— Et nous avons obtenu tous les projets... ?

— Pas tous.

Papa pousse un soupir. Je peux sentir l'épuisement dans sa voix, réalisant à quel point il est devenu vieux.

— Plus tard, ils sont venus nous voir pour emprunter de l'argent.

— Le père de Pat ?

Je fronce les sourcils, incapable de l'imaginer.

— Emprunter notre argent ?

— Oui, pour des millions.

La voix de papa s'assombrit, vexé.

— Comment quelqu'un pouvait-il leur prêter de l'argent pendant la crise économique ? Leurs proches ne pouvaient pas les aider, et nous n'étions même pas proches. Ils n'avaient pas non plus de garantie. De plus, notre famille a également souffert de la bulle financière. J'admets que nous avons dû garantir des projets non rentables et utiliser notre propre budget afin de monopoliser les projets futurs. Nous étions nous-mêmes dans une situation risquée. Il était impossible de leur prêter de l'argent.

— Alors pourquoi tu dois détester…

— Ce n'est pas moi qui ai commencé.

— …

— Les perdants ne pouvaient pas accepter qu'ils avaient merdé et nous blâmaient pour leur situation difficile. Ils n'étaient pas différents des crétins incapables d'accepter la réalité.

Je presse mes lèvres et déglutis. La voix de papa est plus tendue et plus sérieuse que jamais.

— Ils n'avaient pas de budget, ils n'ont pas trouvé d'emploi. Leur succès s'est transformé en échec. Ils nous ont maudits lorsque nous avons refusé de leur prêter notre argent. Il y avait des moyens de résoudre le problème, mais ils ont choisi d'envoyer quelqu'un pour ruiner notre entreprise. Ils nous ont même exposé que nous dirigions une entreprise infidèle, que nous étions si fourbes que nous avons détruit une bonne entreprise.

Cela me donne la migraine. Je traite rapidement l'information brute. J'ai d'autant plus mal à la tête que j'en suis arrivé à une conclusion.

— Ils nous ont exposés... quand ils ont fait la même chose ?

— Ouais, ricane Papa. C'est comme ça que ça se passe dans cette industrie. Pas de route avec des pétales de rose pour toi. J'ai tellement perdu pour en être là où je suis. Tu comprends maintenant pourquoi notre relation avec cette famille est irrémédiable ?

— Mais tu peux leur pardonner... ? Tu peux pardonner à Pat ?

— On s'en veut depuis des années. Je ne pense pas que la réconciliation soit une option.

— …

— Je m'en ficherais s'ils n'avaient pas envoyé quelqu'un pour nous détruire. Qui leur a dit de nous attaquer en premier ? dit Papa dans un profond soupir. Eh bien... Ils ont assez souffert. Tout ce que je peux faire maintenant, c'est de ne pas me mêler de leurs affaires.

— Papa…

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu es fatigué ?

— Bien sûr.

— Je suis désolé.

— … Si tu te sens coupable, tu dois juste devenir le même fils que j'ai toujours eu.

— J'ai toujours été le même fils.

— Oublie ton erreur et recommence à zéro. Vis comme les autres personnes normales.

On dirait que papa parle de Pat et de moi. À ce moment-là, je sens une boule amère dans ma gorge.

— Je ne me suis jamais considéré comme anormal.

— Je ne comprends pas. Tu n'as jamais penché de ce côté.

— Je ne comprends pas non plus.

— Alors n'investis pas ton esprit là-dedans. Oublie juste ça. Tu es encore jeune, Pran. Pat l'est aussi.

— Ce n'est pas une question d'âge, papa. Même des années après cela, je suis sûr que je ne regarderai jamais mes sentiments comme une erreur de jeunesse.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, retenant mes larmes.

— Je suis désolé... d'avoir été incapable de contrôler mon cœur.

— …

— …

La conversation s'arrête juste comme ça. Personne ne dit plus rien. C'est si calme qu'on s'entend respirer. Finalement, papa parle.

— Pran.

— Oui ?

— Tu es heureux ?

Cette question soudaine me surprend. C'est une question facile, mais je dois y réfléchir pendant plusieurs minutes. Finalement, je lui réponds par une question.

— … Tu veux que je sois heureux ?

— …

Il se tait pendant un moment. Je relâche mon poing serré et respire plus lentement.

— Repose-toi un peu. Nous parlerons plus tard. Prends soin de toi et sois gentil avec Pong, d'accord ?

— Oui, toi aussi.

— … Je veux que tu sois heureux.

Papa termine l'appel, me laissant avec un sentiment étrange. Je ne sais pas si je suis heureux ou triste. La chaleur et la vision floue rendent ma tête vide.

Je jette un coup d'œil à ma montre. Il semble que ce soit une heure appropriée pour un appel téléphonique, alors je saisis à nouveau mon téléphone et sélectionne le numéro de la personne que je ne pourrai jamais oublier. Je passe mes yeux sur le numéro avant de trouver le courage d'appuyer sur le bouton d'appel. Les battements de mon cœur s'accélèrent de façon effrayante. J'écoute la tonalité d'attente constante.

Finalement... Personne ne décroche.


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Scène Trente-Deux
Pat
Après une conversation avec le président de SR Corp. avec le panier de fruits, nous avons pu cerner le problème et le résoudre parfaitement. Enfin, si la dernière personne à signer l'offre à notre partenaire ne provoque pas de scandale dans sa propre maison.

En fait… je m'y attendais déjà.

Furieux, papa crie dans le bureau séparé du salon. J'appuie mon dos contre le coussin en cuir d'un noir profond, tapant mes doigts l'un contre l'autre alors que le document est jeté et éparpillé sur le sol devant moi.

— C'est quoi cette blague, Pat ?!

— Ce n'est pas une blague, réponds-je en haussant les épaules.

Je ramasse le document et le pose sur la table.

— C'est une situation gagnant-gagnant.

— Ils vont se moquer de nous. Ha, ils vont penser que nous sommes tellement incompétents que nous ne pouvons pas faire d'offre pour le projet ou continuer notre travail.

— Ils ont aussi perdu de l'argent pour rien. Sois conscient de notre époque, papa. Les hommes d'affaires ne sont pas forcément des rivaux.

— Tu ne sais rien.

— Je ne connais pas le passé et je ne pense pas en avoir besoin. Je m'intéresse au présent et à l'avenir. Tu devrais te calmer et réfléchir au fait que ta rancune envers SR Corp. ne nous profite en aucun cas. Regarde autour de toi. Les alliances font grandir les entreprises de nos jours.

— Ne me fais pas le coup de la nouvelle ère. Tu veux toujours que le fils de cette famille soit ta femme, hein ?

— Tu sais quoi ? J'avais tellement peur de me faire virer quand j'ai rencontré Pakorn. Mais maintenant je sais qui est le plus têtu.

— Pat.

— Maman a dit que tu tenais beaucoup à cette entreprise. Tu sais que nous avons un problème, et que l'économie n'est pas au mieux en ce moment. J'essaie de rendre les choses plus faciles pour nous.

— Espèce de sale gosse irréfléchi !

— Ou tu préfères sauver ta fierté et regarder ton entreprise s'écrouler devant toi ? dis-je, en soupirant, sentant le regard furieux qui se pose sur moi. Pourquoi ne pas trouver une solution, alors ? Tu m'as confié cette tâche parce que tu n'as pas trouvé de meilleure solution, n'est-ce pas ?

— Tu n'as pas honte ? Tu penses que ta décision nous sera bénéfique ? Nous ne pouvons pas faire confiance à ces serpents.

— Il n'y a pas de serpents. Nous aimons tous les deux nos propres entreprises. C'est toi qui n'es pas raisonnable et qui blâme les autres !

J'ai mis ma paume sur mon visage. Je tiens vraiment ce côté têtu de mon père. J'ai essayé de trouver plusieurs méthodes et j'ai même rencontré notre rival bien qu'il ne soit pas le bienvenu. Ils ont cédé et ont finalement accepté l'offre, mais l'obstacle le plus difficile n'est pas SR Corp mais le président de P&P qui prétend aimer et chérir sa société.

— Plus de discussion. Signe simplement l'offre et laisse-la dans ton bureau. Je la prendrai demain matin et je me mettrai au travail.

— Pat ! On n'a pas fini.

— Je suis en charge de ce dossier tel que tu me l'as confié, et c'est moi qui décide. Tu peux t'occuper de l'affaire tout seul si tu penses que ta décision sauvera l'entreprise fondée par grand-père, et non ta fierté. Mais si tu insistes pour t'aveugler avec ta lâcheté passée, je ne m'en mêlerai pas. L'entreprise peut faire faillite pour ce que j'en ai à faire. J'aimerais bien voir ça.

Je pivote sur la chaise et quitte la pièce. J'ai pu rester calme pendant un certain temps, mais j'ai perdu mon sang-froid à la seconde où mon père a mentionné la personne qui a un impact important sur moi.

Il peut me maudire autant qu'il veut… mais Pran est hors limite.

Je pousse un soupir et descends les escaliers. J'entends le bruit des pas derrière moi avant que mon épaule ne soit tirée par la personne avec laquelle je viens de me disputer.

C'est tout à fait normal. Dès que l'un de nous ouvre la bouche, ça ne finit jamais bien. La meilleure façon d'éviter les disputes est de se taire. Je choisis généralement cette option pour résoudre les conflits, mais pas cette fois.

— Ne réagis pas et ne t'éloigne pas de moi comme ça ! De quoi tu lui as parlé ?!

— J'ai eu une discussion d'affaires avec lui comme les hommes d'affaires sont assez courageux pour le faire.

— Tu dis que je suis un lâche ?

— Comment tu décrirais une personne qui est tellement coincée dans le passé qu'elle ne peut pas aller de l'avant ? Je dirais qu'elle a peur d'admettre son erreur.

J'halète. Nous brûlons tous les deux de rage.

— Tu n'as pas dit que tu aimais cette entreprise ? Alors pourquoi tu n'essaies pas de l'améliorer ?

— L'améliorer ? Tu penses que ta décision peut améliorer notre entreprise ? Tu utilises juste cette excuse pour devenir un gay. Comment tu peux être un tel morveux égoïste ?!

— Égoïste ? Qui est l'égoïste ici ? C'est moi l'égoïste ?!

J'enlève sa grosse main de mon épaule et je lui lance un regard noir. J'ai tout sacrifié, mais il ne le voit pas. Je le regarde fixement.

— Nous savons que l'usine ne peut pas accélérer le processus de production. Avec les spécifications que le projet exige, tu es prêt à payer au lieu de rabaisser ta fierté ? Tu sais que cette entreprise peut doubler le prix ou refuser de nous vendre les produits. Et ta fierté va nous foutre dans la merde. Les deux entreprises pouvaient faire face aux pires scénarios, donc Pakorn a choisi de prendre du recul. Mais regarde-toi, tu agis toujours comme un vieux fou !

— Ne te donne pas trop de crédit !

— Tu sais pourquoi je suis différent de toi ? Je n'ai jamais pris le crédit ou blâmé les autres pour mes erreurs. C'est facile, n'est-ce pas, de dire que tu es blanc et les autres noirs alors que tout le monde sait ce qui s'est réellement passé.

L'homme d'âge mûr me lance un regard furieux, en serrant la mâchoire. Je suis tout aussi exaspéré.

— C'est quoi toute cette agitation ?

La femme d'âge mûr pénètre dans le hall. Elle a l'air inquiète, en voyant papa et moi nous fixer d'un regard noir.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi vous ne vous calmez pas un peu tous les deux ?

— Regarde ton fils. Quelle déception. Est-ce qu'on l'a élevé pour qu'il soit un fauteur de troubles ?

— J'admets que j'étais un fauteur de troubles avant, mais maintenant je ne te laisserai pas m'accuser de quelque chose que je n'ai pas fait.

— Ah, oui ? Qu'est-ce que tu fais, alors ? Ton esprit est rempli de cette famille. Tu essaies d'échanger notre société comme leur pion pour leur horrible fils.

— Je fais tout pour notre société.

— C'est juste une excuse.

— Assez ! Arrête de dire ça, coupe maman et elle presse ses lèvres l'une contre l'autre, les yeux brillants.

Elle me regarde avant de tirer le bras de papa et de l'entraîner à l'étage.

— Je pense que tu as besoin de te calmer.

— Comment je pourrais me calmer ? Tu sais ce que Pat a fait ?!

La plus grande personne la secoue et se tourne vers moi. La situation s'aggrave. Mon cœur brisé est à nouveau écrasé sous ses pieds.

Tous mes efforts…

Au final… il pense toujours que je ne fais jamais rien pour les autres.

— Qui est celui qui est égoïste ?

Ma voix est calme alors que je regarde douloureusement papa. Ça fait plus mal que de se couper le poignet encore et encore. C'est comme si ce que j'avais fait ne voulait rien dire.

— Après tout ce temps, je ne t'ai jamais donné l'impression de me sacrifier ? Même si vous m'avez tous les deux traité comme si je n'avais pas ma propre vie, je vous ai laissé faire. Je travaille même si je ne suis pas prêt. Je vais épouser Punch même si je ne l'aime pas. Tu crois que c'est facile pour un gay d'épouser une fille juste parce qu'on est bien assortis ?!

— Ne parle pas comme ça. Je t'ai forcé à faire tout ça pour ton propre bien, mais tu as trahi tout le monde. Quelle ingratitude !

— Personne ne fait rien pour moi ! Tout le monde m'a critiqué. Vous m'avez tous puni puis dit que vous étiez désolés et que vous aviez pitié de moi. Mais vous m'avez quand même laissé tout assumer seul et m'avez fait cacher mon cœur dans un coin sombre. Vous me tuez à petit feu en me faisant croire que ce que je subis est de l'amour et votre bonne volonté pour moi.

Une larme coule de mon œil gauche. Le silence est assourdissant. Maman secoue la tête, mais je continue comme si ma patience s'était envolée.

— Regardez-moi sans vos propres normes. Je ne suis pas différent d'un chien battu au bord de la mort qui doit lécher ses propres blessures et revenir servir ses attaquants juste parce qu'ils l'ont élevé.

Je serre les lèvres et baisse le regard, une autre larme tombe.

— Je suis revenu pour faire ce que vous voulez et essayer de comprendre votre passé, pourtant c'est ce que j'ai eu en retour. Je suis catalogué comme un enfant ingrat juste parce que je ne peux pas être la personne que vous voulez que je sois.

— Pat…

Quelqu'un m'interrompt après que j'ai prononcé ces mots. La personne concernée par tout cela reste sur place, serrant le poing. Ses yeux sont rouges et des larmes coulent sur ses joues.

Je ne suis pas sûr que Punch ait entendu mes véritables sentiments.

— Punch, tu es arrivée quand ?

Ses grands yeux ronds sont baissés. Ses larmes continuent de couler, mais personne ne dit un mot pour clarifier la situation. Punch force un sourire. C'est le pire sourire que j'ai jamais vu de sa part.

— Ce n'est pas aussi important que ce que j'ai entendu.

Elle croise mon regard et presse ses lèvres rouges l'une contre l'autre.

— C'est vrai ?

— Je…

Les mots restent coincés dans ma gorge. Je peux dire à son regard triste qu'elle ne croira pas à mon mensonge.

La preuve, c'est que je n'ai jamais dépassé les limites ces derniers mois.

— Je pensais que tu avais juste besoin de temps. Je comprends maintenant. Je suis désolée de m'être immiscée dans les problèmes de ta famille et d'avoir empiré les choses.

Elle essuie ses larmes avec le dos de sa main, étouffant un sanglot du mieux qu'elle peut. Mes jambes se raidissent et ma gorge est sèche.

— Quant au mariage que nos familles considèrent comme une bonne chose, je vais en parler à ma mère. Je suis désolée de m'en rendre compte trop tard.

— Punch, je…

— Et s'il te plaît, ne viens pas me voir ou te rendre chez moi pendant un moment, dit Punch fermement.

Alors qu'elle a besoin d'être forte, la gentille et douce Punch montre sa force incroyable. D'un autre côté, je suis si faible que je ne peux même pas me résoudre à m'excuser.

Le monde de la jeune fille s'écroule.

Punch enlève la bague de fiançailles, la dépose dans ma main et part immédiatement. La maison est maintenant débarrassée du bruit des querelles. J'entends des bruits de pas derrière moi. Quand je me retourne, Papa lance sa main vers moi. Mais maman lève la main pour l'arrêter.

— Ça suffit !

La voix est tremblante mais puissante. Les yeux de papa s'écarquillent un peu. Les miens aussi, car je n'ai jamais pensé que maman l'arrêterait quand la situation serait vraiment chaotique.

— Tu te souviens quand nous avons parlé de l'avenir de notre fils ? Nous voulions qu'il se marie, qu'il ait des enfants pour nous et qu'il ait un emploi stable parce que nous lui souhaitions du bonheur.

L'homme d'âge mûr presse ses lèvres l'une contre l'autre, se détournant de moi vers celle qui parle.

— Certaines choses ne se passeront jamais comme nous le souhaitons, peu importe à quel point nous essayons ou forçons les choses à se produire.

— On a tout fait pour lui !

— Regarde-le maintenant.

Les yeux et le nez de maman rougissent, mais elle ne pleure pas.

— Pat souffre tellement qu'il n'a plus aucune idée de ce qu'est le bonheur depuis longtemps. Tu peux arrêter ça ?

Avec cela, l'étreinte de ma mère apaise mon cœur mort et le ramène à la vie.

Au moins, mon cœur sait que malgré ma tentative pour me montrer fort, au fond de moi, je suis horriblement faible.

— Nous avons fait de notre mieux, et Pat aussi. Il est temps pour nous de prendre du recul. Je ne veux vraiment pas le perdre.

Elle me protège, prononçant chaque mot doucement mais avec beaucoup de force.

— Pat peut être qui il veut et aimer qui il veut. Qu'il soit mauvais ou bon, c'est un être humain. C'est notre fils.

Les yeux furieux de papa s'adoucissent. Il regarde maman et moi alternativement, avec confusion. Il serre les poings avant de monter les escaliers sans un mot.

Je suis toujours figé sur place, avec une main qui me caresse le dos pour me réconforter un peu.

— C'est bon maintenant, Pat.

— Maman…

— Je vais parler à ton père.

Je croise mes mains sur ma poitrine, m'agenouille et m'incline devant ma mère avec la plus grande gratitude.

— Je suis désolé, maman.

— C'est bon, mon chéri. Ce n'est pas de ta faute. Je comprends maintenant.

Ma mère ébouriffe doucement mes cheveux, les caressant avec amour comme quand j'étais enfant.

— Je comprends maintenant que mon vrai bonheur est de te voir heureux.

Je la serre très fort dans mes bras et je pleure.

Maman me comprend.

C'est suffisant.



Le lendemain, en fin de matinée, le document concernant la transaction de produits de construction entre P&P et SR Corp. dans le dossier noir est sur la table du bureau de la société. Il y a les conditions de l'accord que j'ai préparé à l'intérieur. Il est finalement complet avec la signature d'approbation du président. Je pousse un soupir de soulagement et appelle Manop avec l'interphone.

— Oui ?

— S'il vous plaît, déposez le document de transaction du produit pour moi.

— Oh, le président l'a approuvé ?

— Oui, je viens de le voir.

Je remets le document au superviseur des ventes.

— J'ai donné à Pakorn le panier de fruits en personne l'autre jour. Je devrais laisser tomber pour l'instant. Cela va sembler peu sincère si je visite l'entreprise trop fréquemment. J'aimerais que vous rameniez nos récents projets désapprouvés parce que nous n'avions pas de partenariat. Si une collaboration avec SR Corp. est possible, je veux essayer.

— Vous devriez d'abord en discuter avec le président.

— Vous savez que si nous avons un partenariat comme il se doit, nous n'aurons plus besoin de prendre de petits projets. Un projet de partenariat est suffisant pour ce trimestre.

L'employé senior a un air troublé sur le visage. Je lui adresse un sourire encourageant, en tapant des doigts sur la table en verre.

— Allez, Manop. J'ai même réussi à convaincre papa d'approuver notre achat auprès de SR Corp. Vous ne voulez pas un gros bonus ?

— Vous êtes sûr que le président ne va pas me virer ?

Je souris. L'inquiétude de papa envers ma tendance rebelle passée s'estompe. La façon dont il gère mes tâches a entièrement changé. J'ai plus de pouvoir pour prendre des décisions alors qu'il me met constamment en charge de grands projets.

— Je ne pense pas que ce soit le cas. J'en prendrai l'entière responsabilité.

C'est comme si papa avait une nouvelle façon de m'enseigner comme jamais auparavant.



Ma relation avec le fondateur de l'entreprise est peu à peu devenue une simple relation patron-employé.

Depuis que le mariage qui devait avoir lieu dans quelques mois a été annulé, papa a cessé de converser avec moi. La maison reste calme, comme le jour où j'ai perdu Pran.

L'éloignement s'infiltre à travers les hauts murs de sa fierté, et finalement, il ne me parle que du travail. Néanmoins, il ne montre aucun signe de ressentiment ou de désapprobation comme il le faisait auparavant.

— Il a l'intention de prendre sa retraite.

C'est ce que dit maman un après-midi, alors que je parcours la grosse pile de documents emportés de l'entreprise dans mon bureau à la maison. Le plateau en verre s'entrechoque sur la table en verre. Je sens l'odeur du thé aux fruits servi avec du melon orange clair sur une petite assiette.

— Je lui ai dit que nous étions peut-être trop inquiets pour toi et que tu n'avais pas eu la chance de vivre ta vie librement, même si tu es officiellement devenu adulte depuis longtemps.

— Est-ce que vous me reniez ?

— Pourquoi tu dis ça comme ça ? Ton père est juste contrarié. Il t'a élevé, et pourtant tu n'as pas pu répondre à ses attentes.

— Seulement sur ma vie amoureuse.

Maman acquiesce et me tapote doucement la tête.

— Il veut que tu sois parfait à sa façon. Ton père t'aime tellement qu'il t'étouffe.

— Je ne dis pas qu'il ne m'aime pas. Je le comprends. Je le comprends encore mieux au fur et à mesure que je grandis. Mais le fait que je sois homosexuel ne veut pas dire que je ne suis pas normal.

— C'est vrai, mais ton père a grandi à une époque différente. Donne-lui un peu de temps. J'ai moi aussi eu besoin de temps pour accepter que mon fils n'aime pas les filles comme je l'espérais.

— C'est une certitude.

Je bois une gorgée de thé et je pose la tasse.

— Le truc, c'est que même si je n'avais pas de relation amoureuse avec Pran, papa continuerait à détester cette famille, ce qui nuit à notre entreprise.

— Je t'ai dit ce qui s'est passé.

— C'est notre version de l'histoire. Nous n'avons jamais demandé sérieusement quelles étaient leurs raisons.

Maman soupire et fait glisser la chaise opposée autour du grand bureau pour s'asseoir à côté de moi.

— Oublie ça. C'est difficile pour ton père de se réconcilier avec eux. Il a gardé rancune pendant trop longtemps. Tu dois juste lui laisser du temps. Le meilleur scénario serait qu'il te donne la permission de sortir avec le fils de cette famille, mais qu'il ne se réconcilie pas avec eux.

Je hoche la tête pour acquiescer. Avec leur vision globale, SR Corp. est définitivement un rival redoutable.

— Les temps ont changé, maman. Si papa aime notre entreprise, il a intérêt à savoir dans quelle direction nous devons aller.

— C'est pourquoi il va prendre sa retraite et te laisser prendre la relève. Il ne peut pas se forcer à s'entendre avec eux. Au moins, il a baissé sa fierté et a arrêté de traiter SR Corp. comme un ennemi.

— Je ne ruinerai pas notre entreprise. Je ne décevrai pas papa dans cette affaire.

Je le promets sérieusement à maman. Même si je m'associe au rival de toujours de papa, je suis sûr que je peux maintenir P&P jusqu'à la fin.

— Au fait, qu'a-t-il dit à mon sujet lors de la réunion de vendredi ?

— A propos de la collaboration avec cette famille pour faire une offre pour le bâtiment Narai ?

— Oui. J'ai récemment découvert que nous y avons renoncé puisque nous n'avions pas de partenariat. Si je peux trouver un moyen de travailler avec SR Corp., nous pourrions réussir cette enchère. Le projet est à l'échelle internationale. Tu le sais.

— Il n'a rien dit, dit doucement maman, sa main caressant ma tête avec affection. Il a toujours prévu de te transmettre cette entreprise parce que c'est toi qui lui a donné une raison de vivre ce jour-là.

— Tu es toujours en colère contre moi ?

— Puisque tu ne changeras pas, je ne peux que l'accepter. Je veux juste que tu sois un garçon heureux comme avant. Est-ce que tu bois toujours pour dormir ? Je n'ai pas repéré de bière dernièrement.

— J'ai réduit ma consommation. Je bois seulement les jours où Pran me manque trop.

Le silence emplit le petit bureau. Maman expire avant de s'interroger sur mon avenir.

— Qu'est-ce que tu vas faire avec lui si on arrête de se mêler de tout ?

— Si Pran ne souhaite plus être avec moi, je continuerai comme ça. Je ne veux pas le troubler. En plus, c'est un si bon garçon.

— Je peux te demander encore une chose ? Si vous ne pouvez jamais être ensemble, tu te marieras ?

Encore une fois, le seul son dans la pièce est notre respiration. Je regarde les billes d'acier sur la table se cogner doucement les unes contre les autres.

— Je ne sais pas.

— Eh bien, peu importe… C'est ton avenir. Je te laisse décider. Je souhaite que tous tes espoirs se réalisent en dépit de ce que je veux.

Nous savons tous les deux ce qu'est le véritable amour. C'est le sourire sur le visage de l'autre, et maman espère que je pourrai sourire avec ma bouche et mes yeux comme le bon vieux Napat qu'elle a élevé toute sa vie.

J'appuie mon visage sur sa douce paume. La peur et la solitude me rongent le cœur, mais j'ai chaud. Je me suis rendu compte que même si Pran n'est pas à mes côtés, il y a quelqu'un ici pour me réconforter.



Lundi, en fin de matinée, j'ai rendez-vous avec Pakorn, le fondateur de SR Corp., pour la deuxième fois ce mois-ci. Manop m'accompagne avec le document et un sac d'ordinateur portable accroché à mon épaule. On nous accueille dans une petite salle de réunion. Une jolie employée connecte mon ordinateur portable à l'écran de projection pendant que nous attendons l'arrivée du président. Lorsque la porte s'ouvre à nouveau, le père de Pran entre seul dans son costume noir.

— Bonjour.

Je salue et récupère un verre d'eau fraîche de la part de sa secrétaire. Pakorn acquiesce et s'assoit en bout de table sans un mot.

— J'ai passé en revue les projets que nous avons manqués ou auxquels nous n'avons pas répondu parce que nous n'avions pas de partenariat. Je pense que notre collaboration profiterait à la fois à P&P et à SR Corp. et j'aimerais donc vous soumettre une offre à considérer.

— Tu n'avais pas besoin de venir en personne, dit Pakorn en me regardant à travers ses lunettes. Tu aurais pu simplement envoyer le responsable des ventes.

— C'est impossible. C'est un gros projet. Je préfère en discuter moi-même avec vous.

— Je suppose que ton père n'est pas au courant.

— Oh, cette fois, il est au courant et ne s'oppose pas à l'idée. Il va bientôt prendre sa retraite, alors il me confie la plupart des projets, dis-je honnêtement, ne voyant pas l'intérêt de le cacher. Nous sommes tous deux conscients du fait que nous faisons des affaires à l'ère moderne. Je pense que les collaborations et les alliances nous mèneront à un plus grand succès. Vous avez des architectes professionnels tandis que ma société a des années d'expérience dans le domaine de la construction. Avec ces qualités dans le document d'appel d’offres, nous allons être un candidat exceptionnel.

Pakorn acquiesce tandis que j'ouvre le fichier de présentation sur l'écran de projection.

— Voici la liste des projets pour lesquels P&P n'était pas qualifié pour faire une offre. Sur le côté gauche se trouve la liste des projets pour lesquels SC Corp. n'a pas fait d'offre. Vous manquez également d'années d'expérience avec les ingénieurs-conseils pour répondre aux exigences. P&P a les ressources nécessaires en la matière.

Je déplace le bout de mes doigts sur la somme d'argent que nous avons tous deux perdue en seulement un an.

— C'est une information très précise. Où as-tu trouvé tout ça ?

— Pour être honnête, je collecte tout cela depuis que j'ai commencé à travailler, mais je n'ai pas eu l'occasion de suggérer la collaboration avec SR Corp.

La diapositive affiche le dernier emploi sur le marché, le grand projet encore en période d'offre. Je me tourne à nouveau vers l'homme d'âge mûr.

— Si nous accélérons les choses demain, je pense que nous pourrons tous les deux préparer le document d'enchère pour le projet du bâtiment Narai. Si nous réussissons à l'obtenir, cela enverra nos deux entreprises au plus haut niveau. Si nous ne sommes pas choisis, nous aurons au moins plus de chances de répondre aux appels d'offres pour de futurs projets. Qu'est-ce que vous en dites ?

Le regard de Pakorn est inébranlable. Il regarde l'écran, il réfléchit. Manop et moi attendons tranquillement de connaître sa décision. Finalement, il se tourne vers moi avec des yeux impénétrables.

— Envoie-moi ce fichier.

— Je l'ai joint à l'email que je vous ai envoyé hier soir. J'ai également envoyé une copie à Anong, votre secrétaire. Il devrait être dans votre boîte de réception.

— Je n'ai pas le temps de vérifier mes emails pour le moment. Je m'assurerai de le faire aujourd'hui. Tu penses que tu peux préparer le document et utiliser tes contacts à temps ?

— Je dois essayer. C'est mieux que de ne rien faire.

Il acquiesce, en me regardant toujours avec le même regard.

— Tu as l'air très mature. Je suppose que c'est pour cela que ton père te fait confiance. D'ailleurs, tu as été très pris par ton travail. Ta fiancée ne va pas être contrariée ?

— J'ai…

Je fais une pause, puis je décide de lui dire la vérité.

— … annulé le mariage.

Le fondateur de SR Corp. semble nonchalant, il reste silencieux et attend que je m'explique.

— Ma fiancée a découvert mes sentiments pour Pran il y a quelques semaines. Elle a donc annulé le mariage. Je n'ai pas demandé une seconde chance ou quoi que ce soit, mais juste laissé les choses se terminer ainsi. Forcer deux personnes sans sentiments l'une pour l'autre à être ensemble est dangereux pour leur vie de couple.

— Même si tu n'as aucune chance de te remettre avec Pran de toute façon ?

Je me fends d'un sourire amer, ma poitrine se resserre. Je ne peux pas décrire mes sentiments avec des mots.

— Si l'amour fait mal, qu'il ne fasse mal qu'à moi.

Pakorn hoche la tête, reconnaissant ma réponse. Il tourne sur sa chaise et regarde par la fenêtre en verre transparent qui donne sur l'immense Bangkok. Personne ne peut deviner ce qui se passe dans son esprit sous son expression calme. Nous sommes dans une pièce avec pour seul bruit celui de notre respiration. Enfin, l'homme parle solennellement.

— Pour la collaboration, je vais l'examiner et ma secrétaire t'enverra la réponse aussi vite que possible.

Je me sens soudain soulagé. Au moins, la situation est encourageante.

— Quant à Pran, si tu es libre de tout engagement et toujours sûr de tes sentiments, tu peux t'envoler pour l'Angleterre pour le voir.

Mes yeux sont fixés sur le dossier de sa chaise. Il n'y a pas plus d'explication, mais j'ai l'impression que je viens d'obtenir la clé qui me débloque de l'impossible et me donne de l'espoir. Cependant, le geste froid de Pran ce jour-là m'empêche de me réjouir.

— Je ne sais pas s'il veut encore voir mon visage.

— Ce n'est pas plutôt Pran qui n'est pas sûr de lui ?

Je fronce instantanément les sourcils. Avant que je puisse demander, Pakorn explique.

— J'ai envoyé Pran chez Pong, son cousin. J'ai entendu dire que ce petit têtu a essayé de t'appeler, mais tu n'as pas décroché. C'est pourquoi je ne suis pas sûr que tu veuilles toujours te remettre avec lui.

— Il m'a appelé ?

En y repensant, un numéro inconnu m'a appelé il y a quelques jours. J'étais occupé par le travail qui m'était assigné et j'ai ignoré l'appel de ce numéro étrange.

— Je ne savais pas que c'était Pran.

— Il doit se sentir seul à vivre là-bas. Si tu y vas, dis-lui qu'il me manque.

— Pardon ?

— Je vous donne la permission de sortir ensemble. Dis-lui d'arrêter d'être en colère contre son père. Je n'ai qu'un seul fils, après tout.

En baissant le regard, je ne peux pas m'empêcher de sourire et d'entendre mon cœur battre la chamade. Le fait que le gentil garçon de Pakorn ait essayé de me contacter malgré l'interdiction me donne l'impression que je vais le récupérer.

Est-ce que ce n'est pas fou que je ne sois plus contrarié par le fait qu'il ait lâché ma main et soit parti ce jour-là, simplement à cause de ce petit geste qui montre qu'il a toujours envie de moi ?

— Si tu peux le rendre heureux, fais-le. Un père aussi mauvais que moi l'a fait souffrir pendant trop longtemps.

Pakorn appuie sa tête sur le dossier, l'air visiblement fatigué.

— Je vais terminer ma tâche et trouver le temps de délivrer votre message en personne aussi vite que possible.

Pran m'attend. Évidemment, je vais le voir. Je vais raviver notre amour flétri et le faire revivre… dans nos cœurs.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:32



Scène Trente-Trois
Pran
Après cette nuit-là, je n'ai plus jamais appelé Pat. La dernière conversation avec mon père a probablement déclenché ma nostalgie de lui et mon désir, si bien que j'ai inconsciemment appuyé sur le numéro dont je me souviens trop bien. Je n'avais même aucune idée de qui j'étais pour l'appeler comme ça, de ce dont nous devrions parler, ou de ce que je devrais dire. Je veux dire, tout se met en place. Pat va se marier avec la fille parfaite, avec une personnalité, une apparence et un statut formidables. Dans un moment comme celui-ci, je suis celui qui est censé disparaître…

— Tu vas quelque part aujourd'hui, Pran ?

Je m'habille après une douche. Je glisse mes bras dans les manches, passe ma tête dans le col, et tire l'ourlet du tee-shirt avant de crier la réponse à Pong dans le salon.

— Non. Et toi ?

— Je dois retrouver mes amis. Ils ont changé l'heure pour la fin de l'après-midi. Tu veux te joindre à nous ?

Je passe la tête hors de la chambre et vois Pong se servir un verre de lait sur le plan de travail, déjà habillé.

— Non, merci. Je vais regarder un film ici.

— Je vois. Je vais te tenir compagnie pour passer le temps, dit Pong avant de me suivre dans ma chambre.

Il s'assied par terre, appuie son dos contre le lit et pose un oreiller sur ses genoux pendant que je choisis parmi les films rangés dans une boîte en plastique.

— Qu'est-ce que tu veux regarder ?

— A toi de voir.

— Je reste ici toute la journée. Je peux choisir le mien plus tard. Pourquoi tu n'en choisis pas un maintenant ?

— Je ne connais pas grand chose aux films. Choisis-en juste un pour moi.

Je ris et continue à hocher la tête avant de chercher celui qu'il aimerait.



DRING !

On sonne à la porte un moment après que j'ai commencé à regarder un film avec Pong sur mon ordinateur portable. Nous nous détournons tous deux automatiquement de l'écran.

— J'y vais, dit Pong et il sort de ma chambre, laissant la porte entrouverte.

— Si c'est Rita, n'oublie pas de lui rendre ses assiettes. On en a deux.

Je crie après Pong, les yeux rivés sur l'écran.

— Ah… Je pense que je vais partir maintenant, et je ne reviendrai peut-être pas ce soir, marmonne Pong en parlant plus vite.

Cela attire mon attention. Je tourne la tête pour regarder.

— Pong…

Je fais une pause puisque celui qui marche ici n'est pas mon cousin mais la personne que je n'ai pas vue depuis des mois.

— Tu as l'air en forme.

— Comment es-tu venu ici ?

Je fronce les sourcils et me lève en une fraction de seconde. Mon cœur bat si vite que j'ai peur qu'il ne saute hors de ma poitrine. Je serre les poings, sentant à quel point mes doigts sont en sueur.

— Ma femme est partie depuis des mois. Je suis ici pour la ramener.

— Pat…

— Pourquoi tu es encore là ? Je ne t'ai pas manqué ?

— Je…

— Tu m'as manqué comme un fou, Pran.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, mes yeux sont brûlants, incapable de me reprendre plus longtemps. Je sens que je vais faire la moue comme un enfant, et la meilleure solution est de lui cacher mon visage…

En me jetant dans son étreinte et en enfouissant mon visage dans son épaule.

Pat me prend dans ses bras. Nous nous étreignons fermement, pressant nos corps l'un contre l'autre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace. Nous exprimons notre désir l'un pour l'autre alors que nos larmes coulent.

Sa température corporelle m'a manqué.

Son parfum unique m'a manqué.

Sa voix agaçante m'a manqué.

Son regard effronté m'a manqué.

Les sentiments quand on était ensemble m'ont manqué.

Il m'a tellement manqué...

— Pran.

— Um,

Je marmonne, mes yeux toujours fermés. Nous resserrons notre étreinte, ne laissant aucun espace entre nous.

— Qui est Rita ?

— Hein ?

J'ouvre les yeux dès que j'entends la question, pris au dépourvu.

— Je te demande, qui est Rita ?

— Pat, bon sang.

Je sursaute quand il glisse ses mains dans ma chemise et caresse mon dos.

— Pas maintenant.

— Réponds-moi.

— Calme-toi. Enlève tes mains.

Je me recule, faisant glisser ses mains loin de mon corps, mais je garde mes mains sur ses bras. On se regarde dans les yeux, et ça me fait taire.

— Est-ce que tu vois quelqu'un ici ?

La voix de Pat est sévère, sans aucun signe d'espièglerie dans ses yeux.

— Qui je pourrais voir ?

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre avant de les relâcher. Je baisse mon regard, timide.

— Tu m'as toujours manqué.

En entendant son rire doux, j'ai envie de le gronder. Mais ses mots suivants m'arrêtent.

— Ta façon de parler s'est adoucie après des mois.

— Tais-toi.

— Voyons si ta bouche est plus douce aussi.

— C'est quoi ce bordel… ? Tu ne veux pas me dire comment tu es venu ici ?

— Je ne peux pas te le dire après un baiser ?

— … Non, murmuré-je pas si fermement.

Mon cœur et mon corps ont probablement fondu à la seconde où nos regards se sont croisés. Pat me tire vers lui, et la chaleur de sa peau fait rougir mes joues. Je presse mes lèvres l'une contre l'autre pour cacher mes sentiments. Seules les larmes qui débordent de mes yeux montrent à quel point je me suis senti oppressé.

— Ne pleure pas.

— Je ne pleure pas.

— Ça me donne envie de pleurer aussi.

— …

— Pran…

Pat appelle mon nom et je ferme les yeux. Depuis que j'ai pris l'avion, j'ai perdu le compte des nuits où je me suis endormi avec sa voix près de mon oreille et où je me suis réveillé pour découvrir que c'était mon imagination.

J'aimerais pouvoir m'assurer que ce qui se passe en ce moment n'est pas le résultat de mon imagination répétée qui se superpose à la réalité.

— Pran.

J'ouvre les yeux lorsqu'il appelle à nouveau mon nom avec sa voix grave. Mes larmes ruissellent sur mes joues quand Pat est toujours là devant moi, me tenant la main, me serrant dans ses bras et appelant mon nom.

— … Hic.

— Whoa.

— H… Hic.

— Pran, ne pleure pas.

Sa main chaude essuie mes larmes sur mon visage. C'est réel.

C'est vraiment en train d'arriver.

— Pran.

Pat m'appelle plus fort alors que j'éclate en sanglots et que j'enroule mes bras autour de lui fermement. J'appuie mon visage sur son épaule, laissant mes larmes s'infiltrer dans le tissu de son t-shirt. Je n'ai jamais pensé que je pourrais l'enlacer comme ça à nouveau. Je n'ai même jamais pensé que je verrais son visage une fois de plus.

— Pran…

— Je suis désolé.

— …

— Je… Hic… Je suis désolé.

Je suis désolé de n'avoir jamais rien fait pour toi. Je suis désolé d'être si faible et de te faire souffrir. Je suis désolé…

— Désolé. Je suis désolé.

Pat expire par le nez comme s'il riait. Il me rend mon étreinte avec son bras gauche, sa main droite soutenant ma tête et ébouriffant mes cheveux.

— Pourquoi tu es désolé ?

Je secoue la tête, essayant d'étouffer un sanglot.

— Tu n'as rien fait de mal.

Pat murmure à mon oreille et me serre dans ses bras sans un autre mot. On s'enlace comme ça, laissant le temps passer. J'arrête finalement de pleurer au bout d'un moment, sans bouger mon visage de son épaule. Ce n'est pas parce qu'il m'a tellement manqué que je ne peux pas me retirer de cette étreinte. J'ai juste repris mes esprits et je me sens embarrassé. Pourquoi ai-je craqué et me suis-je précipité vers lui comme ça ? Ugh !

— Pran...

Pat prononce mon nom et presse ses lèvres sur ma tempe, puis il pose son menton sur ma tête.

— Laisse-moi voir ton visage.

Je reste immobile. Comment puis-je le laisser voir mes yeux rouges et gonflés en ce moment ?

— Pran.

— …

— Tu dors ?

Dormir, mon cul…

— Non.

— Alors lâche-moi. Tu vas juste me serrer dans tes bras comme ça sans regarder mon visage ? demande Pat.

Ne recevant aucune réponse, il continue.

— Tu m'as tellement manqué.

Je cède finalement et desserre mes bras. Je me recule lentement et je garde les yeux sur le sol, sans les lever. Je sursaute lorsque Pat caresse la zone sous mon œil.

— Tes yeux sont gonflés.

— …

Je serre les lèvres et lève les yeux. Ils s'élargissent à la vue des yeux rouges de Pat. Malgré l'absence de traces de larmes sur ses joues, ses cils humides en sont la preuve évidente.

Nous soutenons le regard de l'autre, rejetant notre entêtement et transmettant nos sentiments sans nous cacher. Nous nous penchons en avant jusqu'à ce que nos lèvres se touchent. Nous restons comme ça avant de commencer à les presser, en avançant lentement, en y allant doucement. Nous ne nous précipitons pas pour utiliser nos langues, nous nous contentons de grignoter et de profiter de la sensation du contact de nos peaux. On s'embrasse et on se recule, puis on scelle à nouveau nos lèvres. Ça se répète.

Lorsque cela ne semble pas suffisant, la personne devant moi met sa langue dans l'espace entre mes lèvres, comme si elle demandait la permission. Je l'autorise simplement à entrer, entrouvrant mes lèvres pour accueillir la sensation douce et humide. Il fait tourner sa langue dans ma bouche, savourant le goût qui lui manque depuis longtemps, aspirant mon âme.

Je ne pourrai jamais lui résister, quoi qu'il arrive.



— Tu vas me dire maintenant comment tu es arrivé ici ?

— En avion.

— Pat…

Il a encore le culot de plaisanter, hein ?

En entendant ma voix posée, l'effronté se rapproche.

— Je plaisante. Je ne veux pas que tu aies une mine stressée.

— …

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Je pensais… que tu n'avais pas répondu à mon appel parce que tu ne voulais plus me parler.

— Comment c'est possible ? Je ne savais pas que c'était toi.

— … Tu n'es pas en colère contre moi ?

— Si, je le suis.

— …

Je serre les lèvres à cette réponse. Bien sûr, il l'est. Qui ne le serait pas ?

— Mais je t'aime encore plus.

Cela me fait lever le regard. Avec nos yeux l'un sur l'autre, je peux voir la façon dont il me regarde. Mes joues sont chaudes. Depuis combien de temps mon cœur n'a pas battu aussi vite ?

— Je suis désolé.

— Je comprends, dit Pat en souriant et caressant ma joue. Moi aussi, je suis désolé d'avoir agi de façon si immature et de t'avoir toujours donné du fil à retordre.

— Pas du tout… marmonné-je en attrapant les doigts qui jouent avec ma joue. C'est bon pour toi d'être ici… ? Et pour Punch ?

— Le mariage a été annulé.

— Pourquoi ?

Ça me fait sursauter.

— Tu t'es enfui ici ?!

Ma tête est maintenant pleine de situations terribles. Je ne peux pas m'empêcher de penser au pire des scénarios. Avant que je ne perde la tête, Pat me remet les idées en place.

— Rien de tel. Eh bien, elle a découvert que j'étais gay.

Mes yeux s'écarquillent.

— Alors… ?

— Elle a annulé le mariage, bien sûr. Qui épouserait un type qui aime un autre type de tout son cœur ?

— Tes parents n'ont pas pété les plombs ?

— Mon père a explosé, mais ma mère a aidé à l'arrêter.

— …

— Ne fais pas cette tête. Il ne s'est rien passé. Mes parents sont d'accord avec ça. Même ton père nous a donné la permission de sortir ensemble. Il sait que je suis venu ici. Tout va bien maintenant.

— … Et toi ?

— Hmm ?

— Est-ce que tu vas bien ?

— Je n'allais pas bien, mais je vais bien maintenant.

Pat affiche le sourire qui m'est familier.

— Arrête de plaisanter.

— Je ne plaisante pas, corrige immédiatement Pat, la voix encore plus dure. Tu n'as pas idée à quel point c'était un supplice pour moi quand tu n'étais pas là. Même si nous avons fait ce qu'on nous a dit et sacrifié notre bonheur, ça n'a rien arrangé.

Je presse mes lèvres l'une contre l'autre, sans discuter. Tout ce qu'il a dit est la vérité que je ne peux pas nier. Je ne peux pas mentir en disant que je me sentais bien, pas quand nous nous regardons dans les yeux comme ça.

— Pat.

— Hmm ?

— Je t'aime.

Pat est clairement abasourdi. Il se tourne vers moi comme s'il n'arrivait pas à y croire.

— Qu'est-ce que tu as dit ?

— …

— Qu'est-ce que tu as dit, Pran ?

— Rien.

— Rien ? J'ai entendu ce que tu as dit.

— Alors pourquoi tu demandes ?

— Je veux l'entendre à nouveau. Dis-le.

L'effronté commence à pleurnicher, en secouant mes bras.

— S'il te plaît, Pran.

— Je l'ai dit. Si tu n'as pas pu l'entendre, tant pis pour toi, dis-je en fronçant les sourcils.

Je rougis si fort que je ne sais pas comment me comporter.

— J'ai même combattu l'envie de détruire la cérémonie de fiançailles et de te suivre à l'aéroport. Tu n'as pas pitié de moi ?

— …

— Je me suis aussi coupé les cheveux pour toi. Tu vois ?

— …

— J'ai travaillé très dur. J'étais en charge de plusieurs projets réussis, comme je te l'ai dit.

Je réprime mon sourire alors que Pat continue avec sa liste interminable de bons points. Je regarde ses cheveux, qui sont plus longs maintenant, de mes propres yeux, pas sur l'écran de l'ordinateur portable. Je touche l'arrière de sa tête et je glisse mes doigts dans ses cheveux noirs. Je lui caresse la tête affectueusement avant de me pencher plus près jusqu'à sentir son souffle.

— Je t'aime, chuchoté-je en levant mon regard vers lui. Je t'aime.

— …

— Je n'aime que toi… Hum !

Avant que je puisse finir ma phrase, Pat m'attaque avec un baiser soudain. Il ferme les yeux, fronce les sourcils et gémit dans sa gorge pour garder le contrôle de ses émotions. Il m'enlace, caresse mon dos et mes bras si intensément qu'il est difficile de respirer. Il vole mon souffle, et mon cœur saute un battement.

— Hmm, Pat…

— Faisons-le.

Il se recule un peu et murmure sur mes lèvres d'une voix rauque.

— Whoa... attends. Tu ne veux pas d'abord me raconter tout en détail ? Je suis curieux de savoir ce que mon père a dit.

— Je te le dirai plus tard. Je veux te serrer dans mes bras, plaide-t-il en frottant son nez sur ma joue. Tu me manques tellement, Pran.

— Mais…

— Mon cœur est sur le point d'éclater.

— Pat…

Gasp !

Je frissonne quand Pat malaxe mes hanches. Il le fait si fort que ma peau doit devenir rouge.

— Attends.

— Pran…

— … verrouille la porte d'abord.

Pat soulève son visage de mon cou et me regarde avec des yeux si joyeux, en souriant. En une fraction de seconde, il bondit et fait un grand pas pour sortir de ma chambre. J'entends un bruit de verrouillage, puis il revient et verrouille la porte de ma chambre. Il pousse maintenant mon corps sur le lit et se met sur moi.

Je le regarde et soupire… Il ne change vraiment jamais.



Nous avons évacué la chaleur de nos corps, mais nous reprenons toujours notre souffle. Nos poitrines se soulèvent et s'abaissent tandis que nous enchevêtrons nos corps nus, en nous câlinant l'un l'autre. Nous ne sommes pas différents de deux patients gravement malades qui viennent de recevoir des médicaments, comme des poissons mourants retournant à la mer.

Pat embrasse mon visage, caresse mes joues avec ses pouces jusqu'à mes lèvres. Le contact est si doux qu'il me chatouille. Nous nous regardons dans les yeux et nous sourions. Il se rapproche et pose son front sur le mien.

— Pran.

— Hmm ?

— Ne me quitte pas à nouveau.

— …

— Ne disparais jamais.

— Pat…

— Promets-moi.

— … je te le promets.

Ma voix est un murmure, mais elle est ferme. Je tends la main et touche sa joue.

— Je ne vais nulle part.



Nous passons la nuit à nous câliner sur le lit et à parler de ce qui s'est passé pendant les mois où nous étions séparés. Nous rions en échangeant nos histoires. En écoutant Pat râler parce que je vis seul avec Pong, je souris de son éternelle jalousie. Parfois, je tourne la tête et Pat me regarde déjà avec un regard si émouvant qu'il me prend au dépourvu. Nous gardons nos mains entrelacées, posons nos têtes sur le même oreiller, nous couchons sous la même couverture et nous nous endormons ensemble.

Nous restons ensemble pendant trois jours entiers. Peu importe à quel point nous sommes heureux, Pat doit rentrer chez lui un jour ou l'autre. Pong et moi allons à l'aéroport pour l'accompagner. En fait, je me sens mal parce que Pong a dormi chez son ami alors que Pat est resté ici. Il m'a laissé passer du temps avec Pat à ma guise. Je lui ai dit que ce n'était pas nécessaire, mais Pong a insisté pour ne pas revenir chez nous.

— Je t'attends à la sortie, dit Pong une fois que Pat s'est enregistré et est prêt à se diriger vers la porte. Bonne chance, Pat.

— Oui, répond-il de manière plutôt rigide.

Il se méfie toujours de Pong et moi ?

— S'il te plaît, prends soin de Pran.

Pong sourit et acquiesce. Il me tapote doucement l'épaule et part.

— Finis tes études rapidement et reviens me voir en Thaïlande.

Ces mots me font me détourner de Pong pour me tourner vers lui.

— Comment je peux me dépêcher ?

— Je m'en fiche. Il suffit d'étudier dur et d'obtenir rapidement ton diplôme.

Je rayonne et acquiesce, en prenant sa commande égoïste mais tentante.

— Compris.

— Je t'attendrai en Thaïlande.

— Ouais, sois un bon garçon.

— Toi aussi. Ne laisse personne flirter avec toi.

— Je sais.

— La même chose vaut pour ce satané Pong.

— Surveille ton langage. Il a même dormi chez son ami pendant des jours à cause de toi.

— C'est un autre sujet.

— Sérieusement. Vas-y maintenant. C'est presque l'heure.

— … Prends soin de toi, Pran.

— Toi aussi.

Je souris en lui tapotant la joue. Je suis triste, mais pas autant qu'avant.

— Appelle-moi quand tu seras là-bas.

Parce qu'on peut se contacter quand on veut maintenant, non ?

Muah !

Pat sourit et m'embrasse soudainement sur la joue. Je suis surpris, je regarde de droite à gauche en état de choc.

— Pat ! C'est quoi ce bordel ?!

Je le gronde, en lui donnant une tape sur le bras.

— On est dehors.

Regardez son sourire insouciant.

— Je t'aime, Pran.

— Je sais, murmuré-je. Je t'aime aussi... Va-t'en !

Je crie par-dessus ma propre réponse et je le pousse dans le dos. Pat rit et monte finalement dans l'escalator. Il se retourne et me fait signe de la main pendant tout le trajet, et je le regarde jusqu'à ce qu'il soit hors de ma vue.

Un autre au revoir, mais mon cœur ne ressent aucune douleur comme avant.


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Johanne
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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 18:32



Scène Trente-Quatre
Pat
— Le chiffre d'affaires de ce trimestre a augmenté de 3,27 % par rapport au trimestre précédent. 18 % du bénéfice total proviennent de la galerie d'art de Phuket, qui est achevée à 95 %. La tâche restante consiste à livrer le projet d'ici la semaine prochaine. Le projet le plus lent est l'hôtel de Chiang Dao, en raison du problème de transport causé par la tempête du début du mois, qui a coupé la route.

Dans la salle de réunion de P&P au dernier étage, Manop résume l'avancement des travaux du dernier trimestre sur le grand écran de projection. Cet endroit m'est familier. Cela fait plus d'un an que j'ai suivi mon père dans les salles de réunion et que je suis devenu son secrétaire alors que je venais d'obtenir mon diplôme, en rédigeant des comptes rendus. Les chefs de chaque département sont assis de part et d'autre, mais le directeur général assis en bout de table est différent maintenant. Je tapote le stylo à encre sur la table, observant avec attention les chiffres qui marquent l'amélioration de l'entreprise au cours des trois derniers mois.

— Qu'est-ce qui ne va pas avec le projet de Khon Kaen ? Il ne progresse pas.

— Les fortes pluies. Ils ne peuvent pas répandre le ciment.

— Pratin, les fortes pluies existaient bien avant la création de notre entreprise. On ne peut rien y faire ? Nous devons fermer notre entreprise à chaque saison des pluies, alors ?

Je regarde les responsables et soupire.

— Retournez-y et vérifiez si c'est à cause de la pluie ou parce que les inspecteurs ne l'ont pas examiné sur place. J'ai reçu le rapport GPS des voitures que nous avons prêtées à l'entrepreneur. Certains jours, ils sont venus travailler à presque midi. Soyez strict avec vos ouvriers. Nous avons le projet de Nakhon Ratchasima à venir. Maintenant, continuons.

La diapositive change. Mon père se rend de temps en temps dans l'entreprise pour assister à des réunions importantes. Il prend un poste de consultant, mais il ne s'occupe plus d'aucun projet. Notre relation s'améliore lentement depuis notre dernière dispute. En fait, elle s'améliore beaucoup chaque fois que P&P apparaît comme l'une des entreprises de construction les plus remarquables du classement.

— M. Pat, vous avez une réunion avec Ital Corp. concernant l'immeuble W dans la salle 905 à 13 heures. La secrétaire de M. Danupon a appelé pour dire qu'ils avaient une affaire urgente. Ils enverront quelqu'un d'autre pour vous rencontrer à la place.

— D'accord, dis-je en prenant le document de la secrétaire plus âgée.

Je lis brièvement les détails et je lève le dossier.

— J'ai besoin de plus de temps pour étudier tout ça.

— Le département marketing souhaite une réponse avant 13 heures.

— D'accord. Pouvez-vous dire à Choo de conduire mon père chez lui ? J'avais prévu de le déposer moi-même, mais ça semble impossible maintenant.

— Oui. Voulez-vous déjeuner ici ? Je vais commander pour vous.

— Commandez quelque chose de simple, s'il vous plaît, dis-je et j'entre dans mon bureau.

D'énormes piles de documents sont éparpillées partout. Je jure que j'ai une femme de ménage qui range cet endroit presque tous les jours. J'expire et rassemble quelques dossiers pour faire de la place au nouveau document.

— Tu ne manges pas à la maison ?

La porte de la salle de direction s'ouvre. Le consultant d'âge mûr s'appuie sur la porte, les bras croisés sur sa poitrine. Je me tourne pour le regarder une seconde avant de me pencher.

— J'ai une tâche urgente à accomplir.

— Tu ne travailles pas trop ces derniers temps, Pat ?

— Non, papa.

Je nie. Je pense que je me débrouille bien.

— C'est le propre du dernier trimestre.

— Très bien. Ta mère est inquiète, cependant.

Je hoche la tête, acquiesçant à ses paroles. Je lève à nouveau les yeux lorsque le silence s'installe. Il y a quelque chose dans la façon dont papa me regarde. Il ne dit jamais qu'il est fier de moi ou qu'il est inquiet parce que je travaille trop, mais tout se reflète dans ses yeux.

— Choo va te conduire à la maison. Je me dépêcherai de revenir dans la soirée.

— Pat.

— Oui ?

— J'ai entendu dire que le fils de cette famille a été diplômé.

Je marmonne une réponse. Papa a toujours évité le sujet de ma relation avec Pran. Cependant, il sait tout depuis que j'ai pris l'avion pour l'Angleterre pour voir mon amoureux l'année dernière. Nous sommes restés en contact par téléphone et par message, et je lui ai rendu visite de temps en temps. De plus, mes parents ne se sont jamais mis en travers de mon chemin comme avant.

— Est-ce qu'il va prendre la place de son père ?

— Je ne sais pas. D'ailleurs, il n'est pas prêt de revenir. Il reste probablement là-bas pour voyager pendant un moment.

— Il ne faut juste pas tout gâcher entre vous.

— Papa.

Je lâche les dossiers et me lève. L'homme d'âge mûr s'arrête sur place alors qu'il est sur le point de partir. Alors que je croise mes mains sur ma poitrine pour lui montrer mon respect, il reste réticent, comme toujours.

— Merci.

— Ça ne m'enchante pas, dit papa d'une voix basse, réservée.

Il a l'air d'en avoir marre, mais c'est aussi le geste d'un homme orgueilleux qui s'abandonne à l'entêtement et à la résolution de son fils unique.

— Mais tu as prouvé que tu es assez mûr. Ne me donne pas l'impression que je fais confiance à la mauvaise personne. L'entreprise ne tourne pas autour de toi. Il s'agit de cent autres personnes et de ta famille. Si tu veux sortir avec lui ouvertement à son retour, je m'en fiche. Mais que ça n'affecte pas ton travail. Tu n'es plus un enfant. Avec toutes ces responsabilités sur tes épaules, tu ne peux plus être égoïste comme avant.

— Je sais.

Je fais une pause, puis je dis ce que j'ai en tête.

— Merci de me faire confiance, papa.

La porte de la salle de direction se referme, et je souris intérieurement, seul.



Je garde ma relation avec Pran aussi simple que possible. Nous nous contactons quand nous avons le temps et nous ne nous dérangeons jamais pendant les périodes chargées. Notre relation est plus mature que lorsque nous étions étudiants. Parfois, il ne répond pas à mes appels ni à mes messages, ce qui est tout à fait normal.

La seule chose qui me dérange, c'est le cousin de Pran. Ce n'est pas de la jalousie. Je veux dire, comme Pran et moi sommes séparés, quelqu'un reste à ses côtés. Je suis juste un peu envieux de n'avoir jamais eu la chance de m'occuper de Pran autant que lui. Eh bien, je sais que Pran ne changera pas d'avis tant que nous resterons en contact comme ça.

Je mets fin à l'appel après que Nida m’a informé que l'oncle Pakorn souhaitait reporter la réunion de demain à aujourd'hui, à 19 heures, au restaurant de la banlieue, assez loin de l'entreprise. Je dois soudainement mettre le clignotant sur le chemin du retour dans cette voiture européenne. Après avoir rassemblé mon courage pour négocier en personne avec le président de SR Corp. à ce moment-là, la collaboration entre P&P et SR Corp. prend lentement une meilleure direction. Ce n'est pas comme s'ils devaient penser à nous en premier lorsqu'ils obtiennent des projets nécessitant un partenariat. Néanmoins, il est évident que nous sommes l'un des choix de l'autre pour se donner la main et recevoir de plus gros projets.

— Par, tu peux dire à maman que je ne dînerai pas à la maison aujourd'hui ?

J'appelle ma sœur, sachant que maman n'aurait pas décroché. Par est la plus facile à joindre dans notre famille.

— Ah oui ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as dit que tu mangerais avec nous à midi.

— Une affaire urgente. Ce n'est rien. Je vous achèterai quelques snacks plus tard.

— À ce rythme, tu n'auras même pas le temps pour Pran quand il reviendra.

La voix enjouée de ma sœur me fait rire. Par passe plus de temps à la maison pendant les vacances scolaires. Depuis que j'ai commencé à travailler, je n'ai plus vraiment le temps de m'occuper d'elle. Papa a décidé de lui acheter une voiture, et elle a choisi une petite voiture écologique. Elle est rarement restée à la maison pendant un certain temps après cela. Malgré mon inquiétude, je me répétais chaque jour que ma sœur avait grandi.

— Bien sûr, j'aurai du temps pour lui. Je dois conduire. Je rentrerai à la maison quand j'aurai fini.

— D'accord. N'oublie pas mes snacks.

Je lui promets avant de raccrocher. La vue de la circulation dans la ville me fait soupirer. Le grand soleil rond s'est couché. Je ne sais pas si je manque à Pran comme il me manque en ce moment.



Oncle Pakorn et moi n'avons pas souvent de rendez-vous à l'extérieur. Nous nous retrouvons parfois au restaurant à midi les jours de grande affluence. Si les réunions se prolongent jusqu'au soir, nous allons généralement dîner avec d'autres employés après. Il est rare que nous prenions rendez-vous pour créer des liens ou discuter de sujets non divulgués concernant les ressources non officielles du projet.

Oncle Pakorn a choisi un restaurant thaïlandais chic. La plupart des clients sont des étrangers ou des visages familiers de l'industrie. Je dis mon nom au serveur, puis l'employé au nœud papillon me conduit de l'autre côté du restaurant, l'espace extérieur décoré d'un jardin et d'une fontaine rafraîchissante. La musique se mêle au cliquetis des couverts. Nida a commandé la nourriture. Les menus sont généralement les préférés du président, et j'en prendrai par courtoisie. Si ce n'est pas à mon goût, je trouve autre chose à manger après avoir fini nos affaires.

— Voulez-vous qu'on vous serve le repas tout de suite ?

Je regarde ma montre. Il est l'heure.

— Oui, s'il vous plaît. Préparez-le pour mon invité.

Le serveur s'excuse pendant que je vérifie l'email que Nida m'a envoyé. Il s'agit de détails supplémentaires concernant le projet que P&P et SR Corp. vont soumettre en tant que partenaire d'ici la fin du mois prochain. Le merveilleux arôme de la nourriture arrive à mon nez. Quand le dîner est servi, je lève le regard et je vois tous mes plats préférés, pas ceux de l'oncle Pakorn comme d'habitude.

— C'est ma secrétaire qui a commandé ça ?

— Oui, monsieur, répond le serveur en posant chaque plat sur la table en verre.

Je compose tout de suite le numéro de Nida, mais la chaise en face de moi bouge en premier. Je lève les yeux, la personne devant moi n'est pas celle qui a soudainement reprogrammé la réunion.

— Pran ?

— Tu n'aimes pas la nourriture ?

Le nouveau venu demande avec désinvolture, mais je vois l'amusement briller dans ses yeux. Ses lèvres se retroussent alors qu'il boit de l'eau.

— Il fait super chaud ici.

— Comment es-tu venu ? Et quand ? Pourquoi tu ne m'as rien dit pour que je vienne te chercher à l'aéroport ?

— Ça n'aurait pas été une surprise, alors.

Je contracte tous les muscles de mon visage pour m'empêcher de sourire trop fort. Je bois de l'eau et me détourne.

— Quel menteur… Tu as dit que tu serais de retour à la fin du mois.

— Ne baisse pas la voix et ne fais pas semblant d'être en colère.

Pran me donne un coup de pied dans la jambe sous la table. Juste comme ça, mon masque d'indifférence tombe. Mince, il remue mes sentiments comme il veut et voit toujours à travers moi.

— Admets juste que tu es heureux. Tu n'as jamais été réservé. Est-ce que c'est parce que tu es le directeur maintenant ?

— Ugh, Pran.

Je pleurniche comme je l'ai toujours fait. Je ris et lui donne le plus beau sourire que j'ai fait cette année. Le propriétaire du nom se contente de sourire, mais ses yeux montrent à quel point je lui ai manqué sans se cacher.

— Je suis tellement heureux. Pourtant, tu aurais dû me le dire. C'est quoi cette surprise ? Et si j'avais eu une crise cardiaque ?

— Je t'aurais fait un massage cardiaque.

Pran lève un sourcil d'un air moqueur. Je baisse les yeux et je ris, puis je lève les yeux pour observer son visage.

— Viens ici.

— Non.

— Pran, ne sois pas vilain. Tu as déjà été un mauvais garçon.

— Et alors ? Tu en as marre de moi ?

— Comment c'est possible ?

C'est moi qui vais vers lui, en fin de compte. Je me rapproche assez pour lui faire un câlin. Je tiens Pran dans mes bras.

— Tu m'as tellement manqué. Alors ? Tu n'as rien de bon à me dire ?

— Tu es incroyable d'avoir convaincu mon père de faire des affaires avec toi.

— Je t'en ai parlé.

— Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant de collaborations.

Pran me rend mon accolade sur son siège. Je me penche et mets mon nez dans ses cheveux. Son parfum est vif et clair. Peu importe le nombre d'années écoulées, il reste le parfum qui me met à l'aise et me transforme en Pat qui n'a rien sur les épaules.

— Il faut que je discute de quelque chose avec toi.

— De quoi ?

— La société…

Avant que Pran ne puisse terminer, je resserre mon étreinte.

— On peut ne pas parler de travail maintenant ? On ne s'est pas vus depuis environ un an.

Pran glousse. Il marque une pause avant de poursuivre avec ténacité.

— Pat, les deux entreprises sont devenues partenaires malgré le conflit passé. Est-ce que tu veux aussi être partenaire à un autre niveau ?

Je desserre automatiquement les bras et je le fixe dans les yeux. Pran sourit, ne faisant pas comme si c'était une simple blague.

— Je suis désolé. Je t'ai laissé ici pendant un long moment. Et maintenant que nous sommes réunis, je te parle à la place de quelqu'un d'autre.

— Hmm ?

— Papa m'a envoyé pour en discuter avec toi.

Sans répondre, je me penche et embrasse les lèvres rouges qui ne cessent de prononcer ces mots qui font battre le cœur. Je savoure ce baiser qui s'est fait attendre et notre désir ardent de nous toucher. Heureusement, notre table est relativement isolée, si bien que cette action expressive ne le met pas mal à l'aise, à en juger par la façon dont il répond à mon baiser si volontiers.

— Viens-en au fait. De quoi ton père voulait-il que tu me parles ?

Pran sourit et incline légèrement la tête.

— Il aimerait savoir si tu veux être notre partenaire dans autre chose que le travail.

— Et qu'est-ce que c'est, M. Parakul ?

— Le partenaire de vie de son fils.

Nous gardons nos regards l'un sur l'autre avec des milliers de mots débordant à l'intérieur. Mes yeux brillent sous la lumière. Je lutte contre l'envie de sauter de joie comme mon cœur insouciant le désire.

— Si je suis intéressé, je peux connaître les conditions ?

— Si tu es un bon garçon et que tu te comportes bien, il n'y a pas grand-chose. Je pense que tu sais quelles sont les conditions.

— Je dois signer un contrat ?

— Désolé. Le mariage homosexuel n'a pas été légalisé en Thaïlande. Nous ne pouvons que promettre avec notre cœur, dit Pran, les joues rougissantes.

La brise porte le son de la musique sur l'espace extérieur du restaurant, et au-dessus de nous, les étoiles scintillent. Je ne peux m'empêcher d'enrouler ma main autour de sa nuque pour le maintenir en place. Ce n'est pas comme le baiser enjoué que nous venons de partager. Mon visage se rapproche du sien alors que mon cœur s'emballe. Je masse sa joue avec mon pouce et j'incline ma tête pour que nos lèvres soient complètement scellées.

— Pas de signatures. Pas d'empreintes digitales. Un baiser fera office de promesse.

Je murmure sur sa bouche avant de mordiller ses lèvres, les suçant selon mon désir. Même si je veux lui donner un baiser intense, c'est si doux. Pran est pareil. Il sourit quand nos lèvres se frôlent.

Si le passé n'était qu'un cauchemar, alors nous nous sommes réveillés. Si c'était un test de Dieu, alors il a dû être conçu pour me faire savoir combien l'amour est doux après l'amertume et la souffrance.

— Ne me quitte plus jamais, Pran.

Je me recule, satisfait du baiser. Je pose mon front sur le sien.

— J'ai signé le contrat avec un baiser.

— Ok. Si je vais quelque part, tu viens avec moi.

Il sourit si largement que ses yeux sont fermés. Cela fait si longtemps que je n'ai pas vu cette expression chez lui. Pran est vraiment adorable.

— Pat.

Pran m'appelle par mon nom et appuie son visage sur mon épaule alors que je suis toujours en train de me pencher et de le tenir dans mes bras. Quand il frotte sa tête sur moi, je ne peux m'empêcher d'enfouir mon nez dans ses cheveux une fois de plus.

— Reste chez moi ce soir.

Je ris, et Pran frappe ma poitrine.

— Nous avons beaucoup de choses à rattraper.

— Wow, je pensais que tu voulais dire autre chose.

— Pervers.

— Tu sais à quoi je pensais ?

Pran garde son visage rougissant sur mon épaule. Je ne veux plus le pousser. Il va être super gêné la moitié de la nuit de toute façon.

— Je vois clair dans ton jeu, Pat.

— Et tu m'aimes quand même, hein ?

Pran passe ses bras autour de mon cou et penche un peu la tête pour embrasser ma joue. Mes genoux se sont mis à trembler.

— Je viens de signer le contrat pour être ton partenaire de vie.

— Quelle audace.

— Tu sais que je suis audacieux pour beaucoup de choses. Mangeons maintenant, qu'on puisse rentrer à la maison.

Pran glousse.

— Tu as beaucoup à me rendre.

Je pointe son visage, le menaçant, mais Pran est inébranlable. Lorsque je suis de retour à ma place et que je vois clairement le visage de mon amoureux, ce repas semble être incroyablement touchant.

— Tu m'as tellement manqué, putain, dis-je en déposant une cuillerée de mon plat préféré dans son assiette.

Pran fronce les sourcils, mais ses lèvres se retroussent.

Peu importe combien de temps ça fait, Pran ne peut jamais me cacher son visage rougissant.

— Tu ne veux pas dire quelque chose ?

— Tu penses qu'il y a quelque chose que tu ne sais pas déjà ?

— Non. Je serais heureux de l'entendre.

Cette fois, Pran met de la nourriture dans mon assiette. Il sourit, l'air remarquablement enjoué.

Dans la nuit avec la brise fraîche et la musique jouant comme le témoin de notre amour et des milliers d'étoiles mourant et se formant dans la galaxie, l'étoile devant moi est la plus brillante. Il brille, resplendit et semble irrésistiblement beau, contrairement à l'époque où il était enfant.

— Je te murmurerai ces mots autant que tu le voudras ce soir. Heureux ?

Notre amour est en pleine floraison. Nous avons prouvé que ce n'est pas un péché. Désormais, que ce soit au grand jour ou dans les coulisses, nous n'aurons plus à faire semblant. Mon visage rougit. Nous tombons dans le silence, trop timides pour croiser le regard de l'autre après ces mots. Nous sommes entourés de bruits, mais je n'entends que le battement tonitruant de mon cœur.

Et je suis sûr que le cœur de Pran bat au même rythme.

Parce que lorsque nos regards se croisent, nous rions doucement pour cacher notre embarras.


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Scène Spécial Un
Baisser la Température

Pran
D'après les connaissances que j'ai acquises au cours de ma vie sur la fièvre, j'ai actuellement deux symptômes : un mal de tête et un mal de gorge. Ils perturbent mon week-end que je devrais pouvoir passer à faire ce que je veux. Et il est probable qu'il y aura les troisième et quatrième symptômes si je n'arrête pas de travailler.

— Praaaaan.

Je lève les yeux au plafond lorsque Pat m'interpelle par derrière. L'effronté, qui a jeté l'image du président de son entreprise, passe ses bras autour de mon cou et pose son menton sur ma tête.

— Pourquoi tu es debout si tôt ?

— Je me suis couché tôt hier soir, je me suis endormi un peu après toi, réponds-je.

Je sauvegarde le fichier et me retourne.

— Regarde-toi, tu entres et tu sors de chez moi à ta guise puisque mes parents ne sont pas là.

Pat esquisse un sourire, sans complexe.

— Tu es enfin seul. Tu ne peux pas laisser tomber ?

Je secoue la tête malgré mes lèvres qui se retroussent. Mes parents ont quitté la ville il y a deux jours pour faire des affaires pendant une semaine. Ils reviendront probablement samedi matin. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé à me sentir malade. Je suis resté debout toute la nuit et j'ai profité du fait qu'il n'y avait personne à la maison et que l'effronté était parti à l'entreprise pour terminer mon travail pendant le week-end. Je n'ai presque rien mangé. Indubitablement, mon corps réclame quelque chose...

— Qu'est-ce que tu fais ?

Pat traîne une chaise pour s'asseoir à côté de moi.

— Je fais une CAO(1).

— Tu as réussi à dormir ? Regarde tes cernes. Je suis terrifié.

Je grogne.

— Va-t'en, alors.

— Repose-toi un peu. Prenons un repas.

— J'ai presque fini.

— Je vais attendre ici. On pourra prendre une douche ensemble après ça. Oh, je vais aller chercher mes vêtements.

— Q...

Avant que j'aie pu dire le mot, Pat a filé hors de chez moi. Je soupire et secoue la tête devant le côté espiègle de Napat, le président de P&P, celui dont mon père a fait l'éloge. Malgré tout, j'admets que sa véritable personnalité - aujourd'hui et dans le passé - m'est d'un grand secours... lorsque je suis confronté à des problèmes.

— Ha, enfin terminé.

Je soupire, j'appuie mon dos contre le dossier et j'étire mes bras après avoir envoyé le dossier à mon client.

— Allons prendre une douche alors, s'exclame Pat en se précipitant pour me tirer de la chaise.

— Hé, attends. Je n'ai pas eu le temps de me reposer.

— Il est presque midi. Tu n'as pas faim ? Repose-toi dans la salle de bains.

Je ferme les yeux. Mais est-ce que je vais vraiment pouvoir me reposer ?

— Pat, je suis crevé.

— Je vais te faire un massage. Je te promets que tu seras détendu.

Je ferme à nouveau les yeux, les sourcils froncés. Pat reste effronté. Il remuerait incontrôlablement la queue s'il en avait une. Incapable de réprimer ses sentiments, son intention est révélée par ses yeux et son expression. Ça m'énerve au plus haut point. J'ai vraiment envie de lui donner un bon coup de pied au cul.


POW !

— Aïe ! Ça fait mal, Pran.

Pat se penche et reçoit un coup de coude dans l'estomac. L'eau éclabousse la baignoire à cause du mouvement. Nous sommes dans la baignoire de la salle de bain de ma maison, moi appuyant mon corps contre sa poitrine.

— Et alors ?!

Je crie malgré mon épuisement. Ce salaud insatiable ne m'écoute jamais.

— Merde.

— Ne sois pas en colère, murmure Pat à mes oreilles d'une voix enjouée, en enroulant étroitement ses bras autour de ma taille. Tu m'as tellement manqué.

— Arrête d'utiliser cette excuse.

— Mais tu m'as dit de bouger.

— Pat.

— Aw, je plaisante.

Il tourne la tête pour esquiver ma gifle et resserre ses bras, me bloquant sur place.

— Ne me frappe pas.

— J'ai faim.

— Tu veux manger dehors ?

— Non.

— Il y a quelque chose dans le frigo ?

Je secoue la tête.

— Seulement quelques ingrédients. Maman les a achetés avant de partir. On doit cuisiner.

— Tu peux ? Je ne devrais pas commander quelque chose ?

Je secoue à nouveau la tête et m'appuie sur lui.

— Non.

Pat se tait, ce qui me fait lever les yeux. Il fronce les sourcils, le regard sur moi. Quand je lève un sourcil, il pose sa main sur mon front et fronce encore plus les sourcils.

— Tu es brûlant.

Et c'est la dernière chose que j'entends avant de me faire porter maladroitement hors de la salle de bain...


J'ai mal à la tête.

Ma gorge est douloureuse.

Mon nez coule.

Mon visage rougit.

Mon corps brûle comme s'il était sur le point d'exploser.

Mes deux premiers symptômes semblaient insignifiants, mais maintenant j'en ai six. Rester debout toute la nuit à travailler avec l'estomac vide était déjà assez pénible. Et j'ai même pris un bain avec l'homme gâté pendant près d'une heure. Cela a incontestablement aggravé mon état.


— ... Pran.

— Hum...

Mes yeux papillonnent lorsque quelqu'un secoue mon bras et appelle mon nom tout près.

— Lève-toi pour manger et prendre tes médicaments.

— Hmph.

Je fronce les sourcils, refusant de me réveiller. Je suis sur le point de retourner mon corps quand on me tire le bras.

— Tu es brûlant. Si tu te contentes de dormir sans prendre les médicaments et manger quelque chose, tu ne te sentiras pas mieux.

— Je ne veux pas manger...

— Juste un peu, ça ira. J'ai fait du porridge.

J'ouvre les yeux pour voir le bol en céramique blanche de porridge garni de poivre et de coriandre. Ça a l'air tellement normal que je me méfie.

— C’est toi qui l'as fait ?

— Oui, c’est moi. On est seuls. Qui d'autre ça pourrait être ?

— Je vais mourir ?

Pat rit.

— Tu ne vas pas mourir. Je l'ai goûté. C'est plutôt bon.

Incroyable...

Voyant mon visage hésitant, Pat attrape la cuillère et en prend une bouchée.

— Tu vois ? Je peux le manger.

Comme si tes papilles pouvaient être la norme.

— Lève-toi maintenant.

Pat répète et pose le bol sur le côté. Il appuie son dos contre la tête de lit et me soulève pour poser ma tête sur sa poitrine. Il me tient d'un bras et porte la cuillère à ma bouche. Je me détourne, timide.

— Je peux manger tout seul.

Je suis malade, pas infirme. Il n'a pas besoin de me traiter comme un enfant.

— Ouvre juste. Tu es mon petit ami. Je peux prendre soin de toi.

— …

— Tu devrais être en train de rougir. Est-ce que tu fronces les sourcils ?

Me faisant taquiner, je serre mes lèvres l'une contre l'autre. Pat n'a même pas regardé mon visage, mais il a quand même raison.

— Tais-toi.

Muah !

— Pat ! crié-je, recevant un baiser rapide sur la joue. Tu vas attraper mon rhume !

— Je n'ai pas peur.

— Tu as une réunion importante après-demain. Et si tu tombais malade ?

— Je suis fort. Ne t'inquiète pas. Allez, ouvre.

J'ouvre la bouche pour crier, mais Pat met juste la cuillère à l'intérieur, gardant ma bouche occupée. Je ne peux que souffler, agacé par ce type têtu. Après quelques bouchées, le téléphone sur la table de nuit sonne. Pat et moi y jetons un coup d'œil en même temps et voyons le nom de Pong. Avant que je puisse porter la main à mon téléphone, l'autre gars l'attrape.

— Pat...

— Je vais prendre cet appel et lui dire que tu es malade.

— Je peux parler.

— Je ne te laisse pas faire.

— Pat...

— Mange juste.

— Mais...

Pat me coupe en remettant la cuillère et en prenant l'appel, n'écoutant pas mes mots.

— Oui, Pong... Pran est malade... Oui, ce n'est pas si grave. Ce n'est pas grave. Je vais m'occuper de lui... Oui. Ok.

Plus il parle, plus Pat fronce les sourcils. Il me regarde fixement à plusieurs reprises. Quand il a finalement raccroché, il pousse un profond soupir.

— Mange.

— Qu'est-ce qu'il a dit ?

— Rien.

— Hein ? Et à propos de...

— Mange, Pran, pour pouvoir prendre les comprimés.


Je halète, mon souffle me semble chaud dans le nez, contrairement au contact froid qui me fait frissonner sous l'épaisse couverture que Pat a tirée jusqu'à ma poitrine. Sentant le froid frotter sur mon cou, j'ouvre les yeux.

— Pat...

— Tu vas bien ?

Je vois le visage de Pat à travers mes larmes. Je cligne des yeux pour me débarrasser des gouttelettes qui bloquent ma vision, les envoyant le long de mes joues. Ce geste rend le gars en face de moi plus inquiet. Je hoche la tête et tapote sa joue.

— Je vais bien.

— Bien, mon cul. Ton visage est tout rouge. Ton corps est brûlant. En plus, tu es en train de haleter.

— Arrête de faire cette tête. J'irai mieux après un peu de repos. D'ailleurs, je t'ai dit plusieurs fois de rester à l'écart. Pourquoi tu es venu près de moi ?

— Je suis têtu.

— Sérieusement.

Je ferme hermétiquement les yeux alors qu'un élancement de douleur se fait sentir dans ma tête. J'entends Pat appeler mon nom, mais je n'arrive pas à ouvrir les yeux. Quelques secondes plus tard, mes tempes sont massées doucement.

— Pat...

— Ne parle pas. Endors-toi. Je te fais un massage de la tête.

— ...Quel entêtement.

— Quel malade.

— C'est à cause de toi.

Ma voix est ridiculement douce.

— Je sais. Je suis désolé.

Je détourne ma tête de ses mains.

— Ne me masse pas. Je vais dormir. Rentre chez toi.

— Comment je pourrais ? Mon petit ami est malade, dit Pat en grimpant sur le lit.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Je m'éloigne.

— Je me couche avec toi.

— Va-t'en.

— Non.

— Pat, tu vas attraper mon rhume.

S'il te plaît, écoute-moi. Je perds ma voix.

— Ce serait génial. Tu pourras t'occuper de moi, alors.

— Je te botterais le cul.

Pat rayonne, sans complexe, et réussit à me faire un câlin.

— Quand tu te sentiras mieux, je te laisserai faire ce que tu veux.

— Tu es un beau parleur, murmuré-je, le laissant me serrer si fort que ma joue est appuyée sur sa poitrine.

Je ne sais pas si j'ai froid ou si son corps est chaud tant le contact de nos corps est confortable.

Je me sens si bien que mes yeux se ferment... Avant que je ne m'endorme, le murmure dans mes oreilles me met le sourire aux lèvres malgré la douleur qui me fend la tête.

— Je préfère être malade que de te laisser seul.

Je souris et me blottis contre sa poitrine, serrant Pat plus fort et l'entendant glousser. Nous savons tous les deux que ce geste est un langage corporel qui signifie "amour" de ma part.

Et il est le seul à comprendre...

Notes :
1/ CAO = Conception Assistée par Ordinateur

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Scène Spécial Deux
Monter la Température

Pat
Pran a toujours été un gars têtu.

Je n'ai aucune idée de la façon dont j'ai pu le connaître si bien. Mais j'avais raison de supposer que le têtu qui a étudié à l'étranger a dû travailler jour et nuit quand il n'y avait personne à la maison.

Mes relations avec la famille de Pran s'améliorent peu à peu, même avant que leur fils unique ne s'envole pour la Thaïlande. Mais je dois encore montrer un peu de respect à l'oncle Pakorn. Je n'ai pas l'audace d'agir comme son gendre. À part Pran, je pense que personne ne sait que peu importe le temps écoulé, je suis toujours le même Napat qui fait toujours soupirer Pran, qui l'exaspère et dont il est amoureux. Je ne peux pas dire quel sentiment l'emporte sur les autres.

Quand les parents de Pran sont à la maison, je ne peux pas le voir aussi souvent que je le pensais, même si je n'entre plus en cachette. Je dois trouver une occasion quand il est seul à la maison.

— Pran, essuyons ton corps.

J'ajuste la lumière à l'orange pâle alors que j'entre dans la chambre avec une bassine remplie d'eau chaude. Sa fièvre est pire qu'avant. Cela fait trois jours et il ne s'est pas encore remis. Au moins, la fièvre ne s'aggrave pas plus qu'avant. Je suis toujours dans mon costume de travail avec les manches repliées jusqu'aux coudes et le pantalon que je portais pour assister à la réunion au petit matin. Les seules choses que j'ai retirées sont mes chaussettes, puis j'ai préparé les médicaments et le dîner pour Pran avant de pouvoir m'occuper de moi-même.

Le malade ouvre les yeux en battant des paupières. Il se déplace un peu et le patch réfrigérant tombe à côté de l'oreiller.

— Ta température est plus basse qu'hier.

Pran tousse en guise de réponse. Sa voix est devenue si rauque qu'il ne peut pas communiquer avec des mots. Après l'avoir emmené à l'hôpital hier, nous avons reçu une nouvelle série de comprimés pour faire baisser sa fièvre.

— Je veux prendre une douche, grommelle Pran, la voix étouffée.

Je mets la bassine de côté et prends une serviette pour lui essuyer le nez. Le malade essaie de détourner la tête, mais je lui ai déjà pressé le nez.

— Mouche-toi.

— Hmm !

— Arrête de te battre.

Je lui lance un regard, et Pran finit par céder.

— Tu te sentiras mieux après avoir pris les décongestionnants. Enlève tes vêtements. Tu dois te sentir collant de partout.

— Je veux prendre une douche.

— Tu ne peux pas, dis-je en soulevant l'ourlet de sa chemise.

Pran gémit, mais j'insiste jusqu'à ce qu'il cède. Après deux jours de maladie, M. Parakul est devenu plus obéissant, contrairement à avant.

— Tu as mangé ?

— Non. Je vais d'abord te border.

— J'ai dormi toute la journée, grogne le propriétaire de la maison en tendant son bras pour qu'il soit essuyé par un chiffon chaud et trempé. Je ne veux plus être enfermé ici.

— Il fait froid dehors. La température a même atteint le point de rosée. Restons à l'intérieur et attendons que tu ailles mieux.

— Mais je m'ennuie.

— Récupère vite, alors, dis-je avant de monter sur le lit.

Je frotte doucement le tissu sur son dos. La peau de Pran est toute rouge, mais pas autant que le premier jour avec la forte fièvre.

— Tu n'as jamais écouté quand je te disais de te reposer. Maintenant ton corps s'est affaibli à cause du surmenage. Je n'y peux rien.

— Arrête de me faire la morale.

— J'arrêterai, si tu prends mieux soin de toi.

Je pensais que Pran arrêterait de travailler trop et aurait le temps de se détendre et de se concentrer sur lui-même après son diplôme. Il s'est avéré qu'il a pris des travaux en free-lance de ses amis peu de temps après son retour et a travaillé dessus jour et nuit. Je dormais habituellement dans ma propre maison. A cette époque, après que Pran a déménagé, je suis retourné dans ma chambre d'origine. Et donc, je pouvais voir sa lumière allumée la nuit et éteinte presque à l'aube.

— Je sais que tu es enthousiaste, Pran, mais tu devrais quand même économiser un peu d'énergie. Je ne veux pas que tu meures bientôt.

Je le mets en garde avec cette inquiétude indescriptible. Le voir tomber malade comme ça me met dans tous mes états. Oncle Pakorn a mentionné une fois que Pran avait accepté des tonnes de travail de la part de ses amis. Je comprends qu'il voulait utiliser ce qu'il avait appris, mais il travaillait si dur que cela inquiétait son entourage. Je lui ai parlé de cela d'innombrables fois. À la fin, j'ai dû utiliser toutes sortes d'astuces pour qu'il se repose. Par avait l'habitude de me taquiner en me disant que je n'aurais pas de temps pour Pran à son retour, mais c'était le contraire.

Heureusement que Pran me gâte parfois, même s'il râle chaque fois que j'agis de façon égoïste.

— Enlève ton pantalon. Je vais t'essuyer les jambes.

— Je vais le faire moi-même.

— Ne fais pas l'idiot, dis-je en baissant le pantalon à taille élastique de Pran. Pourquoi tu es gêné alors qu'on a littéralement vu chaque centimètre du corps de l'autre ?

Pran donne un coup de pied à ma taille de manière douce et taquine. Il frissonne un peu lorsque le tissu humide touche son corps. Je le nettoie soigneusement pendant qu'il observe chacun de mes mouvements. Lorsque je lève mon regard et rencontre le sien, je peux voir la gratitude se refléter dans ses yeux, même s'il ne dit pas un mot.

— Tu es fatigué, Pat ?

— Hmm ?

— Tu es parti travailler à l'aube. Et à ton retour, tu dois t'occuper de moi au lieu de te reposer.

J'essuie ses genoux jusqu'à ses orteils et leur accorde une attention particulière. Je masse ses pieds avec mes doigts avant d'embrasser la cheville gauche du malade.

— Bien sûr, je suis fatigué, alors il faut que tu ailles vite mieux. Compris ?

Pran presse ses lèvres l'une contre l'autre et fronce les sourcils en regardant par la fenêtre, évitant mon regard. Maintenant que le nettoyage est terminé, je pose le nouvel ensemble de vêtements. Avant que j'aie pu déboutonner la chemise, Pran me l'arrache des mains pour la mettre lui-même.

— Arrête ça. Pourquoi est-ce que tu t'occupes autant de moi ? Je suis à la maternelle ?

— Très bien. Une fois que tu te seras habillé, prends tes médicaments et va te coucher.

— Je viens de te dire que j'avais dormi toute la journée.

— Les enfants de maternelle sont très vilains quand on les met au lit.

— Toi !

Je souris, je le taquine. Je me lève pour apporter les comprimés qu'il doit prendre avant de se coucher et un verre d'eau tiède. Pran les prend à contrecœur.

— Repose-toi pour que tu ailles mieux bientôt.

En entendant ma voix douce, Pran ne résiste plus.



Depuis que j'ai officiellement repris l'entreprise de mon père, les responsabilités ne cessent d'augmenter…

Après avoir mis Pran au lit en début de soirée, j'ai allumé la lampe sur le bureau du malade pour finir le travail que j'ai apporté ici. J'avais l'habitude de croire que P&P avait été nommé d'après la lettre initiale du nom de mon père. Mais maintenant, je sais qu'il a été nommé d'après moi, celui qui était destiné à reprendre l'entreprise et à la maintenir jusqu'à la fin. Quant à Par, elle ne travaillera probablement pas dans notre entreprise. Elle a la possibilité de suivre son rêve, comme la personne sur le lit plongée dans un profond sommeil grâce à l'effet du médicament.

Une fois, j'ai parlé à Pran de l'avenir et de l'entreprise de son père ; il a refusé d'y participer. Curieusement, Pran était plus résolu à ce sujet que moi.

Eh bien, un gars énergique comme Pran ne pourra jamais se contenter de lire des documents et de faire des analyses d'investissement alors qu'il est parti à l'étranger pour étudier la profession de son choix. Il est préférable qu'il travaille dans le domaine qui requiert ses connaissances professionnelles. L'oncle Pakorn se plaint parfois que son fils ne répond pas à ses attentes, mais pas très souvent. C'est peut-être parce que Pran est leur seul enfant, alors ils le gâtent et ne le forcent pas à reprendre l'entreprise. Ils pourraient même ne pas s'attendre à ce que quelqu'un reprenne l'entreprise.

En toute honnêteté, si Pran crée une entreprise avec ses amis et laisse l'entreprise familiale en faillite, je ne serai pas surpris. Le moment venu, l'oncle Pakorn pourrait vendre la plus grande part à son entourage qui travaille avec lui. Cela ne me surprendra pas non plus.

Je pense que c'est une différence évidente entre le père de Pran et le mien.

Je ferme les yeux après que tout ce travail m'a fatigué les yeux et j'étire mes muscles tendus. J'entends tousser. Comme il est tard et qu'il fait froid dehors, l'air de la climatisation devient plus froid.

Pran continue de tousser jusqu'à ce que je décide d'apporter le cache-nez pour l'enrouler autour de son cou.

Le dormeur gémit, essayant de l'enlever avec agacement avant d'ouvrir les yeux. J'ai dû le réveiller.

— Non. Enlève-le. C'est inconfortable.

— Tu tousses beaucoup, Pran.

— Je ne le porte pas, insiste-t-il.

Il détourne la tête pour tousser dans le cache-nez.

— Tu n’es pas encore parti ?

— J'ai apporté mon travail ici.

— Quelle heure il est ?

— Deux heures du matin.

— Rentre chez toi et va dormir, Pat, ordonne le propriétaire de la chambre et il se retourne sur le côté. Tu sais que je ne peux pas dormir correctement comme ça.

Je me fends d'un petit sourire. Ce n'est pas que je dérange son sommeil. Il ne veut pas que j'attrape son rhume. Il a déjà essayé de me virer plusieurs fois. A la fin, il a utilisé une méthode à lui en me lançant ces mots blessants par inquiétude.

— Je devrais juste éteindre la lumière et te faire un câlin ?

— Pas besoin.

— Je suis fatigué. Je n'ai pas l'énergie de marcher jusqu'à la maison, dis-je avant de faire tout ce que j'ai dit.

J'éteins la lampe, ferme les rideaux et me fie à ma mémoire pour me mettre sous la couverture du lit. Pran retire le cache-nez. C'est l'occasion pour moi de glisser mon bras dans l'espace entre son cou et l'oreiller pour qu'il puisse s'y reposer.

— Ne t'approche pas de moi.

— Je ne peux pas dormir sans te serrer dans mes bras.

— Je ne peux pas dormir parce que tu me serres dans tes bras. C'est étouffant.

— Eh bien, tu ne porteras pas le cache-nez. Si ton cou est froid, tu vas continuer à tousser. Tu perds ta voix et tu es toujours aussi têtu.

— Je vais le mettre, alors.

— Je ne te crois pas, menteur.

— Pat !

Je retourne son corps et presse son visage contre ma poitrine. Son souffle chaud effleure ma peau. Sa voix est rauque. C'est plutôt sexy.

— Endors-toi. Il est tard. J'ai une réunion demain matin de bonne heure.

— Pourquoi tu ne t'es pas couché tôt ?

— J'avais du travail, réponds-je.

Il me reste trois heures à dormir cette nuit.

— En plus, j'attendais que tu m'appelles pour dormir ensemble.

J'essaie d'embrasser le front de Pran, mais il m'évite en enfouissant son visage contre mon torse. Il s'y frotte le visage et me frappe le dos.

— Je t'ai dit de ne pas t'approcher.

— Je peux m'approcher encore plus.

— Pat, je me sens tellement mieux qu'hier. Tu n'as pas besoin de venir ici demain.

— Nan, dis-je, la voix traînante, en frottant mon menton sur sa tête. Tu n'as cessé de me chasser depuis que tu es malade. Tu ne m'aimes plus ?

— Non, je ne t'aime pas. Je te déteste. Ne t'approche pas de moi.

C'est pour ça je l'ai traité de menteur. Pran m'insulte de sa voix basse et bourrue, mais ses mains s'accrochent à ma chemise. Je décide à ce moment-là de relever son menton et d'embrasser ses lèvres rouges trop chaudes, en faisant rouler sa langue douce avec la mienne. Avant que Pran ne puisse répondre, je l'attaque en l'allongeant sur le dos et en me mettant sur lui.

Je l'embrasse encore et encore comme un enfant qui savoure le goût sucré de ses bonbons.

Satisfait, je me recule. Mes lèvres sont toutes brillantes et humides jusqu'au menton à cause du profond baiser.

— Je t'ai dit que tu allais attraper mon rhume !

— Ne t'inquiète pas. Les personnes folles ne tombent pas facilement malades.

Je ris, en caressant son visage impeccable. D'une certaine manière, je suis excité, mon désir se répand dans tout mon corps, surtout en bas. Pran le sent aussi. Il détourne son regard quand je commence à malaxer lentement sa peau du bout des doigts.

— Tu ne veux pas dire quelque chose ? Tu es contrarié ? Si je tombe malade, je serai ta femme, d'accord ?

— Qui voudrait de toi comme épouse, espèce de fils de pute ?

Je glousse, en m'asseyant à côté de lui. Le propriétaire de la chambre me tourne le dos, ne me faisant plus face.

— Dors, dit Pran.

Il arrête enfin de me chasser.

L'horloge fait tic-tac chaque seconde, de manière constante et persistante. Je tiens Pran par derrière, le forçant à poser son cou sur l'un de mes bras. J'enroule fermement l'autre bras autour de sa taille.

Et je respire.

Le silence de la nuit nous plonge tous les deux dans un profond sommeil.



La lumière du soleil de la fin de matinée brille à travers la fenêtre dont les rideaux sont ouverts d'un côté, ce qui me fait froncer les sourcils. Je lance mon bras pour étreindre la personne à côté de moi et ne trouve que du vide. L'odeur du porridge emplit l'air. Les parents de Pran sont peut-être rentrés plus tôt que prévu, à savoir après-demain.

— Pat.

La voix de Pran est rauque. Je ferme les yeux, j'ai le vertige, et ma gorge me fait mal quand j'avale. Je me détourne de la lumière du soleil. Mon corps me fait tellement mal que je dois m'étirer pour soulager mes muscles raides.

— Pat, il est déjà huit heures.

Je me lève d'un bond quand Pran me réveille à nouveau. J'ai une réunion à l'extérieur de la ville aujourd'hui, alors je devais me lever à cinq heures. J'attrape le téléphone, mais c'est trop tard. Pran s'assied à côté de moi et l'arrache pour éteindre le réveil, puis il le pose avec un bol de porridge chaud sur la table de nuit. Il insère le thermomètre dans ma bouche.

— J'ai essayé de te réveiller à cinq heures, mais tu ne voulais pas bouger. Tu gigotais de façon délirante, alors j'ai coupé le son.

Pran sourit. Quand je pose ma main sur son front, sa température est normale.

— Toujours inquiet pour moi, hein ?

Pran rit. Il retire le thermomètre de ma bouche quand c'est l'heure et montre du doigt le chiffre numérique présenté sur l'appareil.

— Trente-huit degrés. Mange et prends des médicaments. J'ai dit à ton entreprise que tu es en congé maladie.

— Et toi ?

— J'ai pris mes comprimés. Je me sens mieux. Tu ne m'as pas cru quand je te l'ai dit hier.

Sa voix est encore rauque, cependant. Pran se détourne pour tousser avant de tendre le médicament et une bouteille d'eau tiède.

— Le comprimé avant le repas.

J'essaie de prononcer un mot, mais ma gorge me fait trop mal. Un sourire sinistre et sournois se dessine sur le visage de Pran. Il remue les sourcils d'un air moqueur tout en remuant le porridge.

— Je t'ai dit de rester à l'écart, mais tu as continué à m'embrasser.

— D'habitude, je ne suis pas malade.

— Ha, tu es malade en ce moment, dit Pran, les yeux sur le bol en porcelaine qui dégage une odeur de soupe et de poivre. Tu te souviens de ce que tu as dit la nuit dernière ?

Pran tend la cuillère de porridge qui est assez chaude pour être mangée après quelques souffles. Je prends une bouchée et m'étouffe lorsque Pran prononce les mots suivants avec un visage impassible.

— Rétablis-toi vite, Pat, pour que tu puisses être ma femme.

BLARGH !!


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Ven 6 Sep 2024 - 21:50



Scène Spécial Trois
Passé

Pran
Je soupire profondément une fois que la personne en face de moi a fini de parler. Je pose la carte bleu clair décorée de lettres bleu foncé joliment dessinées sur la table et me passe la main dans les cheveux d'un air exaspéré. Le grand chiot lève les yeux vers moi. Il pleurnicherait comme un chien s'il le pouvait.

— Pran…

— Pourquoi tu me montres ça ?

Je le coupe et je bois une gorgée de mon verre juste pour la forme. L'arôme du café et de la caféine pourrait m'aider à me détendre.

— Punch va se marier.

— Et alors ?

Pat boude lorsque je lui réponds par une question alors que je sais très bien pourquoi il m'a apporté cette carte. Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre que pour me demander la permission de le laisser assister au mariage de son ex-fiancée ?

— Allez, ne me fais pas la tête.

— Je dois sourire ?

— Ugh, Pran…

N'utilise pas cette voix suppliante. Pas la peine de te lever !

— Ne me touche pas.

— Je suis heureux de te voir si jaloux.

— Je ne suis pas jaloux.

— Si tu m'aimes, dis-le simplement. Et si tu es jaloux, dis que tu l'es.

Ses mots me semblent familiers. Est-ce que je les ai déjà entendus ?

— Je ne suis pas jaloux.

Je suis en colère parce que…

— Tu es en colère parce que je ne t'ai pas invité ?

C'est ça !

— Non.

— Tu ne l'admets pas. Pourquoi tu es si docile quand je t'embrasse ?

Pat sourit, serrant son corps sur le même canapé que celui où je suis assis.

Je me détourne brusquement.

— N'essaye pas d'être mignon.

— Pran, m’appelle Pat tout en me serrant contre lui de ses deux bras. Tu sais que j'ai fait du tort à Punch et à sa famille. Ça ne s'est pas bien terminé. Il a fallu presque un an pour que nous soyons à nouveau en bons termes. Ce serait un manque de respect envers eux si je t'amenais.

— …

Je le sais bien.

— Ce serait aussi un manque de respect si je n'y allais pas.

— Ouais.

Je le sais aussi.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'es pas comme ça d'habitude, dit Pat.

Il a l'air si heureux que c'en est vexant.

— J'aime bien ça, cependant, rajoute-t-il.

— … Je vais bien.

Je ne peux pas admettre que ça m'énerve encore quand je me rappelle l'époque où Pat était fiancé avec Punch et passait du temps avec elle sans moi…

— A quoi tu penses ?

Je sursaute quand je sens un contact chaud sur le coin de ma bouche. Réalisant qu'il m'a volé un baiser, je me recule.

— A rien.

— Pourquoi tu fais cette tête ? Tu ne sais pas à quel point je t'aime ?

Je regarde son visage, fixant mon regard sur le sien. Les sentiments véhiculés par son expression et son regard sont réels et forts.

Un an s'est écoulé depuis notre réconciliation jusqu'à mon retour en Thaïlande. Et j'ai toujours cette question en tête. Et comme je suis super têtu, je n'en parle jamais. Je ne sais pas si je n'ai pas le courage de demander ou si j'ai peur d'entendre la réponse.

— Tu as un costume pour le mariage ?

Pat sourit.

— Par va le préparer pour moi.

— Tu embêtes encore ta soeur.

— Elle n'aimerait pas le résultat si je le faisais moi-même. C'est mieux de la laisser s'en occuper.

— Oui…

— Et tu vas me coiffer.

Mon sourcil s'agite. Pourquoi est-ce qu'il essaie d'être beau ?

— …

— Tu es de nouveau renfrogné. Je vais faire en sorte que le coin de tes lèvres se relève avec un baiser.

— Fais-le. Je te mordrai la langue.

— Tu peux supporter cette perte ?

Je fronce les sourcils et recule un peu, me méfiant de son sourire narquois.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Ma langue est de grande qualité. Tu vas pleurer si elle est coupée.

Je lève les yeux au ciel, ignorant son rire, et me lève brusquement. Pat m'appelle, mais j'ouvre la porte et je pars sans me soucier de rien.

Je descends les escaliers et trouve papa qui se repose sur le canapé. Je m'arrête lorsque nos regards se croisent et je m'agite un moment avant que papa n'acquiesce en faisant un geste vers le siège à côté de lui.

— Tu es à la maison aujourd'hui… ?

Je demande juste après m'être assis. J'ai envie de m'engueuler pour être aussi nerveux. Depuis que je suis revenu en Thaïlande, papa et moi ne nous sommes pas beaucoup parlé. Je ne sais pas comment me comporter, surtout en ce moment où Pat vient régulièrement chez nous. Je sais qu'ils sont en bons termes au point de travailler ensemble, mais quand même.

— Oui. Je me sentais fatigué, alors je suis rentré à la maison une fois que j'ai eu fini de discuter du contrat, dit papa.

Il boit une gorgée d'eau dans son verre et regarde derrière moi.

— Où est Pat ?

— Ah…

— Sa voiture est devant le portail. Il ne pouvait pas garer sa voiture chez lui avant de venir ici ?

— Je suis désolé. J'étais pressé.

Une voix basse et joyeuse vient des escaliers. Avant que je ne me retourne, le propriétaire de la voix s'assoit à côté de moi.

— Qu'a dit le client ?

— Parlons-en plus tard. Il y a beaucoup de détails. J'ai chargé quelqu'un d'écrire un rapport. Lis-le et rencontre le client toi-même la prochaine fois.

Pat rit et acquiesce avec sérieux. En observant Pat et mon père en pleine conversation, je reste assis en silence, me sentant invisible. Je suis encore surpris par la vue de tout cela. C'est une situation totalement différente de celle de l'année dernière, lorsque mon père a maudit le gars à côté de moi avec des mots si haineux. J'ai dû rater beaucoup de choses pendant mon absence.



— Assieds-toi ici. Je vais prendre une douche rapide, dit Pat et il disparaît dans la salle de bain.

Je m'installe sur le bord du lit. C'est la deuxième fois que j'entre dans sa chambre. Depuis que je suis revenu, Pat a l'habitude de rester dans ma chambre. Il entre et sort tout le temps de chez moi, c'est devenu une habitude. Au contraire, j'entre rarement chez lui. Si l'on compare le père de Pat et le mien, son père est plus strict. Il refuse toujours de me regarder en face.

Je balaie la pièce du regard. Lorsque nous vivions ensemble dans l'appartement, sa chambre était en désordre. Mais maintenant, elle est étonnamment bien rangée. Il n'y a pas tant de choses dans sa chambre. C'est étrange. Quelqu'un doit la nettoyer pour lui. C'est pour ça qu'il ne peut rien faire tout seul.

Mes yeux se posent sur un tiroir caché à côté de l'armoire. Je ne l'aurais pas repéré si je n'avais pas regardé attentivement. Mais pourquoi est-il ouvert ? Je m'y dirige pour le refermer, mais mon regard se pose sur une boîte en papier rouge attachée par un ruban lacé blanc. Elle a l'air trop douce pour être celle du propriétaire de la chambre. Plus important encore, il y a un message écrit dans une jolie écriture disant “PP”.

Qu'est-ce que “PP” veut dire… ?

PatPran ?

Je ne pense pas. Pat ne ferait pas quelque chose d'aussi mignon. C'est une perte de temps de deviner. Je m'accroupis, attrape cette foutue boîte, et l'ouvre. A l'intérieur, il y a des tonnes de photos et une paire de boîtes en velours bleu.

Je prends une photo. Elle montre Pat travaillant à son bureau et une fille, la propriétaire supposée de cette boîte, enroule son bras autour de son cou, tendant l'appareil photo avec l'autre pour prendre un selfie improvisé. Ça ne me toucherait pas si ses lèvres roses n'étaient pas sur sa joue. Inconsciemment, je me mords la lèvre si fort que ça me pique.

De nouveau, la question surgit dans mon esprit.

As-tu couché avec elle, Pat ?

Pendant que nous étions séparés. Quand nous n'étions pas ensemble. Dans ce genre de moment…

CREAK.

En entendant la porte de la salle de bain, je sursaute, pousse la boîte dans le tiroir, et la ferme aussi vite et doucement que possible. Je me lève et regarde Pat, qui tourne son regard vers moi.

— Qu'est-ce que tu fais ? sourit-il en essuyant ses cheveux mouillés avec une petite serviette. A-ha, tu as fait des trucs pervers tout seul ? Tu as l'air effrayé.

— Crétin.

Pat rit joyeusement. Il s'approche et m'enlace la taille.

— Lâche-moi. Tu es tout mouillé !

— Tu n'as pas voulu prendre de douche avec moi.

— Je suis propre puisque je suis resté à la maison. Tu as été dehors à travailler toute la journée. Tu es sale.

— J'ai pris une douche. Qu'est-ce qu'on devrait faire ?

— Arrête de plaisanter, Pat, dis-je en saisissant la main qui caresse mon abdomen sous ma chemise. On est chez toi.

— Il n'y a personne ici. Tout va bien.

— Tu es toujours comme ça. Tu n'as pas appris ta leçon ?

— Mes parents ne font plus attention à nous. Ils ne viendront pas ici.

— … Pat.

— Hmm ? marmonne-t-il, en embrassant mon cou à plusieurs reprises.

— Rien.

— Encore rien. Qu'est-ce qu'on devrait faire pour que tu sois plus honnête ?

Pat rit, me portant sur son épaule sans crier gare. Il fait quelques pas et me dépose sur le lit, puis il se met sur moi et embrasse mes lèvres immédiatement. Tout se passe si vite que je n'ai même pas l'occasion de crier.

— Hmm ! En… oiré !

— Chut, ne résiste pas.

Pat se recule un peu et chuchote sur mes lèvres. Il semble vraiment être d'humeur à le faire.

— Pat…

— Hmm ?

— Verrouille la porte, au moins.

Pat lève un sourcil et m'embrasse vigoureusement la joue avant de partir verrouiller la porte. Je le suis du regard, puis je me détourne. Je ne suis pas contrarié ou quoi que ce soit.

Il aurait au moins pu se couvrir avec la serviette qu'il a jetée avant de se lever !!



— Où tu es maintenant ? demande Pat au téléphone.

C'est la troisième fois qu'il m'appelle.

— Tu m'as appelé il y a dix minutes. Je suis en train de conduire, pas de voler là-bas. Je ne peux pas aller plus vite que ça.

— Tu me manques.

— Tu as fait quelque chose de mal ?

— Quoi ? Tu me manques, c'est tout. Pourquoi tu m'accuses ?

— Attends ici, alors. Je suis sur le chemin.

— Dépêche-toi, Baby Pran. Big Pat t'attend.

Je ferme les yeux avec résignation. J'actionne le clignotant et je tourne à l'intersection. Je ne sais pas s'il a peur que je sois en colère ou quelque chose comme ça parce qu'il n'arrête pas de me mettre la pression pour que je vienne le chercher rapidement au mariage.

— Tu as mis tellement de temps, commence Pat avant même que ses fesses ne soient correctement posées sur le siège.

Ne pense même pas à faire le mignon maintenant.

— Tu m'as tellement manqué.

— Tu n'obtiendras rien en flirtant avec moi.

Il rit et j'accélère la voiture.

— Comment était le mariage ?

— Rien de spécial.

— Comment était la nourriture ?

— Bien.

— Les boissons ?

— Une tuerie.

— L'ambiance ?

— Super romantique.

— Les filles ?

— Plein. Hey !

Pat bondit et me pince la joue.

— Tu m'as fait dire des bêtises.

— Tu es un sale gosse mal élevé. Je devais vérifier.

— Mal élevé ? Je ne t'ai jamais mordu. C'est toi qui m'a mordu… Tu m'as mordu et griffé.

— Pat !

Je crie son nom. Le souvenir surgit dans mon esprit. En repensant à ce qui s'est passé dans le lit hier soir, mon visage s'échauffe.

— Tais-toi, ou je te vire de la voiture.

— Tu dors où ce soir ?

— Pas avec toi.

— Hors de question, s'emporte Pat.

— On était ensemble hier soir. On devrait se séparer un peu.

— Non.

— Pourquoi tu m'as demandé, alors ?

— Je voulais que tu choisisses entre ma chambre et la tienne.

— J'ai fait mon choix.

— Et c'est ?

— Je dors dans ma chambre. Tu dors dans la tienne.

Je souligne chaque mot. La route est déserte, je peux donc rouler à grande vitesse. La voiture s'envole sur la longue route, et nous arrivons chez nous en un rien de temps. Je me gare à ma place et je le regarde.

— Allez, dehors.

Pat sourit. Il sort de la voiture et entre chez moi sans permission. Mes parents sont allés se coucher. Je fais la moue et coupe le moteur. Je verrouille la voiture et le portail avant de suivre le fils de mes voisins dans ma chambre.

— Tu es un gars tellement obstiné.

Je fais semblant de le gronder après avoir fermé la porte de ma chambre.

— Seulement pour toi.

Il sourit, m'enlace par derrière, et m'embrasse sur la joue.

— Pourquoi tu es si collant aujourd'hui ?

— Pran.

— Hmm ?

— Quelque chose ne va pas ?

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Pat pose son front sur mon épaule, en resserrant ses bras.

— Quelque chose t'embête.

— Qui te l'a dit ?

— Ne fais pas comme si je ne te connaissais pas.

— … Je n'ai jamais fait ça.

— C'est à propos de Punch, n'est-ce pas ?

— …

Je m’arrête. Pat doit comprendre à ma réaction.

— Tu gardes toujours tes soucis pour toi. Tu es silencieux quand tu es contrarié. Je suppose que je dois résoudre ça par le sexe.

— Ferme ta gueule.

Pat rit, il aime ça. Il m'ébouriffe les cheveux.

— Vilain garçon.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Tu as vu la boîte contenant mes photos avec Punch hier, n'est-ce pas ?

— Qu…

Quand l'a-t-il découvert ?

— Ton visage en disait long. Et tu étais tellement pressé que tu ne l'as pas remise en place correctement. Le ruban sortait du tiroir.

— …

— Par a rangé ma chambre. Je ne savais même pas que c'était là. En plus, Punch est mariée. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, explique Pat en me mordillant l'oreille alors que je détourne la tête. Si j'avais pu l'aimer, je serais tombé amoureux d'elle depuis longtemps. Je ne t'aurais pas suivi dans un autre pays.

— Je n'ai rien dit à ce sujet…

— A quoi est-ce que tu penses, alors ?

— Je me demande juste…

— Hmm ?

Qu'est-ce que je dois faire ?

— …

— Tu te demandes quoi ? Dis-le.

— Eh bien…

Merde, très bien.

— Est-ce que tu as… couché avec Punch ?

— Hein ?

Pat s'arrête net, ses bras tombent sur ses côtés. Je me retourne pour lui faire face.

— Alors ?

Pat a l'air stupéfait, et mon coeur se serre. Mais ensuite, il sourit largement comme s'il venait d'entendre une bonne blague.

— Pourquoi tu as dit ça ? A quoi tu penses ?

— …

Ça ne m'amuse pas le moins du monde.

— Hé, ne fais pas cette tête. Je suis désolé. Je vais arrêter de rire, dit rapidement Pat, qui s'approche pour me caresser les joues. Comment j'aurais pu coucher avec elle ? Mon garçon ne bande que pour toi.

— Espèce d'enfoiré ! Surveille ta sale bouche, espèce de merde !

— C'est tout ce qu’il faut pour te faire rougir ?

— Qui serait aussi effronté que toi ?

— C'est tout ce que tu te demandais, hein ? Dis-moi tout ce que tu as en tête.

— Il n'y a rien de plus ! Ne t'approche pas de moi !

— Allez, tu me chasses maintenant que tu as la réponse. Je t'ai rassuré. Maintenant c'est à toi de soulager mon corps.

Je lève les yeux au ciel, passant ma main sur mon visage, écœuré par ses paroles honteuses. J'aimerais pouvoir me pincer le nez et m'étouffer à mort à cette seconde.

Je n'aurais pas dû m'en inquiéter, bon sang, Pat !


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Scène Spécial Quatre
Mien

Pat
Croyez-moi. Nous ne pouvons pas avoir tout ce que nous voulons.

Même Pran.



Depuis que nous nous sommes remis ensemble à l’âge actif, nous ne nous disputons plus autant qu’avant. Je n’ai pas de routine spécifique ou de cercles sociaux à suivre quotidiennement. En plus de mon travail, je donne tout mon temps à Pran comme un caneton qui s’attache à sa mère. Même ma sœur, qui est devenue adulte comme une fleur en éclosion, ne peut pas détourner mon attention de Pran, l’homme dur et absolument inflexible vu de l’extérieur.

Je n’ai pas tort.

Quand Pran travaille, il est super strict, direct et sans peur. Mais quand il s’agit des gens, à l’exception de ses parents, il y a une personne à qui il parle d’un ton très respectueux comme si cette personne était son frère biologique.

Mais le fait qu’elle soit issue d’un autre utérus me perturbe.

— J’ai faim.

J’étais confortablement allongé sur le lit le dimanche après-midi. Les parents de Pran discutaient avec ceux de Pong dans le salon. Son cousin, celui avec qui il a vécu tout en étudiant pour sa maîtrise, rattrapait son retard dans la chambre. Je les voyais de mon balcon pendant que je lisais l’ordre du jour de la réunion de demain matin. Du coup, j’ai porté plusieurs dossiers de documents dans la chambre de mon amoureux, ne leur laissant aucune chance d’être seuls.

Ils ont passé trop de temps ensemble pendant ces deux années.

— Ma mère va inviter ta famille à un repas dans un restaurant chinois. Tu veux te joindre à nous, Pat ?

— Je suis occupé par le travail, réponds-je en feuilletant une autre page, sans croiser son regard.

Pong a plusieurs années de plus que Pran et moi, il est beau, grand et bien bâti. Je serais plus à l’aise si cet homme parfait avait officiellement une personne qu’il aime ou quelque chose comme ça.

— Je préfère manger ici.

— Qu’est-ce qu’il y a pour le repas chez toi ? demande le propriétaire de la chambre, mais j’ai l’impression qu’il me met à la porte. Pourquoi tu n’irais pas manger chez toi ? Je vais manger avec Pong.

— Je dois partir ?

— Ouais, Pong ne vient pas très souvent.

Je jette un regard en coin au type mentionné, en serrant les dents. Je prends un air exaspéré.

— C’est ton choix ?

— On peut le faire plus tard si c’est gênant, dit Pong.

— Pas question. Je ne t’ai pas vu depuis des mois.

— Tu veux que je sois absent pendant des mois aussi ?

Pran me lance un regard en soupirant avec lassitude, captant mon humeur maussade.

— Arrête ça, Pat. N’agis pas comme un enfant. Va manger quelque chose si tu as faim. Je te verrai après le repas.

— Pran.

— Hé, ne vous disputez pas. Je vais manger avec tes parents. Tu restes ici avec Pat. On pourra se voir plus tard. Je reste pour plusieurs jours.

— Mais…

— C’est la meilleure solution.

Pong affiche un sourire, montrant ses dents blanches. Il tapote doucement la tête de Pran, et mon foutu amoureux le laisse faire.

… Au fond de moi, je sais que Pong est un bon gars.

Pourtant, je ne peux pas m’en empêcher.

Regardez la façon dont Pran regarde Pong quand il part.

Si agaçant…



Le son d’une spatule grattant la casserole vient de la cuisine séparée du salon en bas. Je m’assieds au bar entre la cuisine et la salle à manger, regardant le chef habile s’activer de loin. Pran porte un débardeur trop grand qui lui arrive presque à la taille et un short décontracté, pas trop court. Sa peau est d’une blancheur éclatante, avec quelques marques de baisers secrètes que j’ai laissées, qui apparaissent lorsque le tissu bouge.

Il fait une chaleur torride ce mois-ci. J’aime la façon dont il s’habille, mais pas quand Pong est là.

Cela pourrait être la raison pour laquelle je suis toujours maussade même après le départ de l’invité d’honneur de Pran.

— Saucisses frites avec du riz et un bouillon.

Un ensemble de plats est placé devant moi. Mon assiette a une portion plus généreuse, beaucoup plus grande comme s’il m’embêtait intentionnellement.

— C’est trop, putain.

— Tu as dit que tu avais faim.

— Je suis un humain, pas un porc, je gémis.

Quand le chef retire mon assiette, je m’en empare rapidement.

— Tu parles trop.

Pran s’assied en face de moi. Le bol de soupe chaude et claire est posé au milieu de la table. Je commence à dévorer la nourriture. Je n’avais pas vraiment faim, je cherchais juste un peu d’attention.

— Tu détestes Pong, Pat ? Je l’ai remarqué plusieurs fois.

— Je ne le déteste pas, mais je ne l’aime pas non plus.

— Traduis ça dans un langage humain.

— Eh bien…

Je picore ma nourriture avant de révéler mes sentiments honnêtes. Ça peut sembler déraisonnable, mais ça me tracasse.

— Tu lui parles si gentiment.

— Eh bien, il est plus âgé.

— Et tu lui obéis.

Pran lève les yeux vers moi, puis il continue à manger.

— Où tu veux en venir ?

— Je suis ton petit ami, mais tu n’es pas aussi gentil avec moi qu’avec Pong, admets-je en soupirant, tout en continuant à grignoter ma nourriture.

Nous tombons tous les deux dans le silence, comme si nous avions besoin d’un peu de temps pour gérer nos sentiments.

— Tu es jaloux ?

— Non.

— Qu’est-ce qui ne va pas, alors ?

— Rien.

C’est difficile à comprendre. Je suis devenu plus susceptible maintenant qu’il y a quelqu’un avec qui me comparer.

N’est-ce pas Pong qui est resté avec Pran pendant ses moments difficiles ?

N’est-ce pas Pong qui voyait Pran tout le temps quand je ne pouvais pas ?

— Ne sois pas déraisonnable, Pat. Pong est mon cousin plus âgé. C’est normal que je le traite poliment. Je ne peux pas plaisanter avec lui comme je le fais avec toi.

Je lui jette un regard et mange sans un mot de plus. L’amertume dans mon cœur se répand comme de la poussière. Peu importe le temps qui s’est écoulé depuis le premier jour où je les ai vus habiter ensemble et jusqu’à cette visite, j’ai toujours le même sentiment.

Je suis anxieux.

— Tu mangeras avec lui plus tard ?

— Oui. Si tu as peur que ça me fasse perdre du temps pour être avec toi, j’irai pendant que tu travailleras.

— Tu peux ne pas y aller ?

— Pat.

— Je ne veux pas que tu y ailles. Je ne veux pas que vous soyez ensemble.

— C’est mon cousin.

Pran ne comprendra jamais, peu importe combien de fois je lui explique. Le cousin proche qui n’avait jamais été dans le tableau est soudainement apparu dans sa vie au moment où il était faible. Il a réconforté Pran quand je ne pouvais plus lui tenir la main et a retenu toute son attention.

— Peu importe.

J’apporte mon assiette à l’évier et je la lave. Je ne peux pas arrêter Pran, bien sûr, parce que je ne suis pas son Pong. Frustré, je décide de partir, pour ne plus l’embêter. Je ne plaisante pas cette fois. C’est comme si ce sentiment de paranoïa me revenait à chaque fois que cet homme apparaît dans la vie de Pran.

Du point de vue de Pran, ce n’est rien.

Mais de mon point de vue, ça me rend continuellement mal à l’aise.

— Où tu vas ?

— Chez moi. Pour travailler.

— Tu vas perdre des documents, à les transporter comme ça. Ma famille est toujours une entreprise rivale pour toi, avertit Pran en fronçant les sourcils.

Cette excuse semble ridicule. Il est juste inquiet de la façon dont j’agis.

— Je t’appellerai demain après le travail.

Je pars, nous laissant un peu de temps pour réfléchir. Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en Pran. J’ai juste peur quand je me compare à Pong.

Pong, celui dont Pran prend chacune des paroles au sérieux.



Je passe la soirée dans ma chambre jusqu’à ce qu’il soit tard. Je tire les rideaux, fermant le lien avec le balcon de Pran, et je me concentre sur les nouveaux et anciens documents concernant le secteur d’activité que nous prévoyons d’étendre bientôt. En fait, je ne travaille sur les sujets nécessaires que le week-end, surtout le dimanche que je suis censé passer à me reposer avant de me lancer dans la prochaine bataille le lundi matin.

Ce n’est pas facile de gérer une entreprise.

Les coups frappés à la porte rompent le silence. Je me lève pour ouvrir, et je suis accueilli par la personne avec laquelle je suis fâché depuis le soir, pas Par ni Maman comme d’habitude. Il détourne le regard.

— J’ai vu que la lumière était allumée, alors j’ai fait chauffer du lait pour toi.

— Comment tu es arrivé ici ?

— Je suis entré. Par ne dort pas, répond Pran avec désinvolture, portant une assiette surmontée d’une tasse en céramique de chez lui.

La merveilleuse odeur du lait chaud se répand dans l’air. Pran ne vient pas souvent chez moi car ce serait gênant s’il tombait sur mon père.

— A quelle heure est la réunion demain ?

— Huit heures.

— C’est important ? demande-t-il en retournant le document sur mon bureau. C’est le secteur d’activité que vous allez étendre ?

— Oui.

— Ce n’est pas urgent. Fais-le plus tard, dit Pran en jetant un coup d’œil à l’horloge. Il est déjà plus de deux heures.

— Tu devrais retourner te coucher.

Pran ne donne pas de réponse, il reste silencieux. Je me tourne vers lui et croise son regard, mais il détourne à nouveau la tête.

— Pourquoi tu es si contrarié ?

— Tu ne comprendras pas, Pran.

— Pourquoi tu es jaloux ? C’est mon cousin et il le sera toujours. C’est comme si Par et toi ne pouviez pas vous aimer.

— Ce n’est pas pareil, je parle clairement.

Comment ça pourrait être pareil ? Par et moi avons grandi ensemble, mais Pran et Pong se sont rapprochés après être devenus des adultes qui comprennent les différents types d’amour.

— Tu ne sais pas à quel point tu es comme un chaton quand tu es avec lui ?

— Je suis différent de quand je suis avec toi, pas vrai ?

— Oui.

Plus on parle, plus je m’énerve. Je me retourne après avoir aboyé la réponse, et Pran se place juste derrière moi. Il ébouriffe mes cheveux et glisse son bras gauche autour de mon cou tout en enroulant son bras droit autour de ma taille, m’enlaçant par derrière.

— A traitement différent, relations différentes. Je te gronde et ne te traite jamais poliment parce que tu es mon petit ami, pas mon grand cousin. Si tu veux être traité comme mon cousin, je peux agir comme je le fais avec Pong.

— C’est pas drôle, Pran.

— Tu as peur que je l’aime plus que toi ?

Il pose son menton pointu sur mon épaule, en se frottant à mon cou.

— Ne sois pas stupide, Pat. La seule personne que je peux enlacer comme ça, c’est toi. De quoi tu as peur ?

— Pourquoi il n’a pas de partenaire ?

— Comment je suis censé le savoir ? dit Pran en riant.

Il me caresse le cou encore et encore avec son nez.

— Je ne suis pas son petit ami. Et je ne suis pas assez proche de lui pour connaître ses affaires personnelles. Tu peux arrêter d’être jaloux maintenant ?

— Il n’a pas agi bizarrement quand vous étiez ensemble en Angleterre, n’est-ce pas ?

— Non. Même s’il l’avait fait, j’aurais quand même choisi d’être avec toi.

Sa réponse me fait revenir à la raison. On a vécu tellement de choses qu’on ne devrait pas perdre notre temps à s’énerver.

— Pat, tu as oublié qui j’aime ?

— Je n’ai pas oublié. C’est juste que je ne veux pas que tu sois seul avec lui.

— Viens avec nous, alors. Je ne t’ai jamais arrêté. C’est toujours toi qui pleurniches. Tu as refusé de te joindre à nous et tu as essayé de m’empêcher d’y aller. Quelle jalousie enfantine.

— Tu sais que je suis juste jaloux.

Je me retourne pour voir le sourire enjoué de mon chéri et embrasse la paume de sa main.

— Je vais essayer de me calmer.

— C’est plutôt mignon, quand même. Ça me donne envie de te botter les fesses.

— Relaxe. Je suis ton petit ami, gémis-je en le tirant vers moi.

J’embrasse sa joue et presse mon nez sur son cou comme il vient de le faire avec moi, et Pran glisse son bras autour de mon dos. Nous nous enveloppons de la chaleur de l’autre.

— P… Pat, tu n’as pas une réunion tôt le matin ?

Je pousse le dos de Pran vers moi. Voyant un espace entre sa peau et le bord de son pantalon, j’insère ma main et le touche directement. Mon baiser se transforme en grignotage. Pran résiste avec une voix chevrotante, mais il incline sa tête pour que je puisse embrasser son cou autant que je le veux.

— C’est le problème de demain.

Je réponds et l’emmène sur le lit. Nous n’avons jamais fait l’amour ici. D’habitude, on le fait dans la chambre de Pran.

— Pat… tes parents vont nous entendre.

— Ce n’est pas grave, dis-je, en ôtant mon t-shirt, bloquant son corps rougi sous mes hanches. C’est naturel pour un mari et une femme.

— Espèce de salaud !

— Tu as dit que j’étais différent de Pong.

Je caresse sa joue du bout des doigts et presse mon pouce sur ses lèvres rouges. Je les frotte jusqu’à ce que je sois satisfait et ramène mon pouce pour l’embrasser, mes yeux charbonneux fixés sur la personne en dessous.

— Je veux juste te rappeler que Pong est peut-être capable de te transformer en garçon poli, mais celui qui peut te faire hurler de joie et de douleur…

— …

— … c’est moi. Et seulement moi.


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Johanne
Ven 6 Sep 2024 - 21:50



Scène Spécial Cinq
Aime-Moi Aime Mon Père

Pran
Je n’arrive pas à respirer…

J’ouvre les yeux pour constater qu’il m’est difficile de bouger. Je me retourne et je regarde fixement le type endormi qui a posé son bras sur mon corps. Il met tout son poids sur moi, confortablement, sans se soucier de ce que je pourrais ressentir, comme une paralysie du sommeil.

— Pat.

J’appelle le coupable qui a engourdi mes bras et la moitié droite de mon corps, mais il ne bouge pas.

— Pat !

Cette fois, je lui pince le haut du bras si fort que le dormeur sursaute.

— Ça fait mal !

— La douleur peut te réveiller.

— Tu aurais dû utiliser d’autres moyens, sourit Pat en saisissant ma nuque et en me tirant vers le bas. Tu as déjà vu La Belle au bois dormant ?

— Tu es définitivement la Bête, craché-je en me détournant.

— Embrasse la Bête.

Je réprime mon sourire et cède à sa main qui me tire. Je laisse le chien sauvage jouer avec mes lèvres à sa guise avant de mordiller sa lèvre inférieure.

— Hmm, on ne va pas pouvoir sortir du lit si tu me mordilles comme ça.

Je fronce le nez.

— Tu vas te lever maintenant ?

— Oui, monsieur, dit Pat d’un air moqueur, en tendant la main pour que je le tire vers le haut.

Il m’embrasse sur la joue et me pousse vers la salle de bain. Il a l’habitude de me traîner à la douche avec lui les jours où nous partons ensemble.

— Tu travailles en dehors de la ville demain, n’est-ce pas ? demandé-je à celui qui boutonne sa chemise pour finir de s’habiller.

— Oui, pour une semaine, grommelle Pat. Si tu n’étais pas occupé, je t’emmènerais avec moi.

— Tu parles comme un enfant gâté.

Je souris. Je m’avance vers lui et lui tapote les mains avant de boutonner le reste, puis j’attrape la cravate pour la lui mettre.

— C’est bon, dis-je, en levant les yeux pour voir Pat me fixer de telle façon que mes joues brûlent.

— Je le pense vraiment, murmure-t-il. Comment je peux dormir sans toi ?

— Arrête de pleurnicher, murmuré-je en lui pinçant les joues. Fais ton travail et reviens.

— Au fait, comment s’est passé l’assistance à ton ami dans son entreprise ? Tu ne m’as rien dit hier soir.

— Qui m’a enlevé la possibilité de faire ça ? dis-je en fronçant les sourcils avant que Pat frotte son visage contre ma joue. Ça suffit.

— Alors ?

— C’était bien. J’ai formé les plus jeunes et évalué les projets. Les choses seront probablement réglées dans quelques mois.

— Super. Apprends beaucoup pour pouvoir créer ta propre entreprise sans problème.

— Arrête de bavarder. Tu vas être en retard.

— Ok. A ce soir.

— Tu peux dormir chez toi pour une fois ? Tes parents vont être contrariés.

Ça fait deux semaines qu’il dort dans ma chambre. Avant, c’était tous les deux ou trois jours, mais maintenant il ne veut plus rentrer chez lui car personne ne dit rien.

— Ta maison est la mienne. Ma maison est la tienne. Quelle est la différence ?

Je lève les yeux au ciel.

— Tu as demandé à ton père avant de dire ça ?

— Je ne sais pas. Je m’en fous.

— Va-t-en maintenant.

Je coupe court et le pousse hors de la pièce.



— Pran.

— Hmm ?

Je détourne le regard de l’écran d’un stagiaire vers l’autre employé.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Ton téléphone.

— Très bien, je vais le chercher, réponds-je et je laisse un dernier message au stagiaire à côté de moi. Corrige là où je t’ai dit et enregistre le fichier séparément.

— Ok.

Je hoche la tête et retourne à mon bureau. Quand je vérifie mon téléphone et que je remarque l’appel manqué de Pat, je le rappelle immédiatement.

— Pran.

— Tu m’as appelé ? Qu’est-ce qu’il y a ?

— Oui. J’ai une faveur à te demander.

Je lève un sourcil en entendant sa voix inhabituellement agitée.

— Qu’est-ce qui ne va pas, Pat ?

— Par a cassé sa voiture. Elle vient de m’appeler, mais je suis toujours en réunion.

— Où ? Je vais y aller, dis-je en regardant ma montre ; il est presque dix-neuf heures. Tu lui as dit de ne pas sortir de la voiture ?

— Je l’ai fait. La voiture est sur la route près de la station service du centre commercial XXX.

— Compris. Je raccroche maintenant. Je vais l’appeler.

— Conduis prudemment, Pran. Je t’appelle dès que j’ai fini.

— Ok. Travaille bien.

Je termine l’appel et je dis aux stagiaires qui fixent leurs travaux que je dois partir, puis je rassemble mes affaires et je prends congé plus tôt. En chemin vers le parking, j’appelle Par et lui rappelle de verrouiller les portes de la voiture et de ne pas bouger. Je monte dans ma voiture et me dépêche d’y aller. En trente minutes, j’arrive, me rangeant derrière la voiture de Par.

Toc, toc.

Je laisse ma voiture au point mort et descends pour frapper à la fenêtre de la voiture de Par. En me voyant, elle sourit, déverrouille la portière et sort pour se mettre à côté de moi.

— Merci, Pran.

— Tu vas bien, n’est-ce pas ?

Je souris, en ébouriffant doucement ses cheveux avant d’ajouter.

— J’ai appelé les mécaniciens. Ils seront bientôt là. Attends dans la voiture et verrouille la porte.

— Tu ne veux pas attendre à l’intérieur avec moi ? Il fait sombre. Je suis inquiète.

— Ils sont là. Monte dans la voiture, dis-je, en tendant la main. Donne-moi la clé.

Par passe sa clé et fait le tour de la voiture pour s’installer docilement à la place du conducteur. Je m’assure qu’elle a bien verrouillé la portière avant de saluer les mécaniciens. Après une inspection, nous devons appeler une dépanneuse pour transférer la voiture au centre de réparation. Je m’occupe du document et de tout le reste pendant un moment avant de remettre la clé de Par aux mécaniciens, puis je monte dans ma voiture en même temps qu’elle.

— Tout va bien maintenant.

Par rayonne.

— Merci, Pran. Les choses auraient pu mal tourner sans toi.

— N’en parle pas. Mais tu devrais faire vérifier ta voiture de temps en temps. C’est dangereux quand tu conduis seule et que ta voiture tombe en panne au milieu de nulle part.

— D’accord.

Une fois qu’elle a promis d’une voix douce, j’acquiesce et attache la ceinture.

— Rentrons à la maison.



Je gare la voiture dans mon garage, coupe le moteur et ouvre la portière. Je vais ouvrir celle de Par, mais elle est déjà sortie.

— Viens, je te raccompagne.

— D’accord.

La fille sourit et prend mon bras alors que nous marchons vers la maison d’à côté. Avant que nous atteignions le portail, la voiture de Pat arrive. Il ouvre le portail avec la télécommande et baisse la vitre de la voiture pour nous faire un sourire.

— C’est qui la fille avec qui tu marches ? Je suis jaloux.

Je soupire et affiche un faux visage ennuyé tandis que la fille mentionnée s’accroche à moi et pose sa tête sur mon épaule.

— Qui est ce gangster ? Il est effrayant.

— Merde, Par. Je te giflerais bien si tu n’étais pas ma sœur.

— Je n’ai pas peur de toi. Pran est mon allié.

— De quel côté tu es, Pran ?

Leur plaisanterie est allée trop loin. Foutus frère et sœur.

— Arrêtez ça. Rentre maintenant. Pourquoi tu t’arrêtes juste ici ?

— Ok. Mais ne rentre pas chez toi tout de suite. On va manger ensemble.

— Hein ?

Je lève un sourcil.

— D’accord, mangeons ensemble. Papa et maman sont à la maison aujourd’hui, dit Par.

— Oh, ah…

— On se voit à l’intérieur, Petit Pran, dit Pat avec un sourire avant de partir sans entendre un autre mot.

Aucun d’entre eux ne va me demander ce que je ressens à ce sujet d’abord ? C’est quoi cette invitation soudaine ? La dernière fois que j’ai fait face au père de Pat, c’était il y a environ un mois, et la tension était insupportablement suffocante.

— Viens, Pran. Allons manger.

Par gazouille et me donne un coup de coude, m’entraînant dans la maison, sans se rendre compte de mon expression. Je suis son rythme et prends une grande respiration.

Allons-y, Pran…



Comme je m’y attendais, la table à manger est plongée dans le silence, occasionnellement interrompu par la petite conversation de Par et par Pat qui me demande ce que je veux goûter. En fait, je me suis joint à leurs repas une fois ou deux, mais sans la présence du père de Pat. Je ne suis pas exactement en mauvais termes avec la mère de Pat. Pourtant, je ne savais pas quoi lui dire au début. Nous avons rempli les repas de quelques moments silencieux et gênants, mais notre relation s’est progressivement améliorée. Quand nous avons ouvert nos cœurs, la gêne a en quelque sorte disparu. Mais pour le père de Pat…

— Ah… Tu veux un peu plus d’eau ? proposé-je, en voyant son verre presque vide.

— Oui, merci.

Je souris et tend la main pour prendre le verre, mais Oncle Nui m’arrête net.

— Par peut s’occuper de ça.

Je m’arrête, le sourire crispé. Je ramène ma main sur ma cuillère et ma fourchette et je croise le regard de tante Kaew. Elle me fait un sourire de soutien.

— Eh bien… Que devons-nous faire maintenant que la voiture de Par est en panne ?

Tante Kaew change de sujet.

— Eh bien. Pat travaille souvent en dehors de la ville, et j’ai un entraînement de cheerleaders tous les jours, ajoute Par pour essayer de détendre l’atmosphère.

— Je peux t’y conduire, suggère Oncle Nui.

— Ça va finir tard, papa. Je ne veux pas que tu conduises tard le soir.

— Qu’est-ce qu’on devrait faire, alors ? Prends ma voiture.

— Comment tu te déplacerais, papa ?

— Ah… marmonné-je d’un ton plutôt respectueux après avoir écouté la conversation. Je peux la conduire.

— Vraiment ? Ça ne te dérange pas ? demande Tante Kaew, en regardant Oncle Nui.

— Pas du tout. L’université est près de mon lieu de travail.

— Tu es sûr ? On ne devrait pas te déranger, dit Oncle Nui, les yeux rivés sur son assiette, prenant sa nourriture à la fourchette.

— Pran ne pensera pas que c’est un problème. Ces deux-là ont toujours été proches. Il n’y a pas de problème, répond Pat à la place.

Il ajoute de la nourriture dans mon assiette et dit :

— On te laisse faire, Pran.

Je hoche la tête et je souris à oncle Nui et tante Kaew.

— Ne vous inquiétez pas. Je vais m’occuper d’elle.



— Pourquoi tu ne descends pas ici pour ne pas avoir à marcher longtemps ? demandé-je à Par une fois que je me suis garé devant le portail de ma maison.

L’entraînement des cheerleaders a été annulé aujourd’hui pour qu’elle puisse rentrer tôt à la maison. Cela ne fait qu’une heure que le ciel s’est assombri.

— Vas-y et gare-toi à ta place, répond la fille avec un sourire.

Je hausse un sourcil mais ne dis rien, me contentant d’avancer comme elle l’a suggéré.

— Merci pour la balade, Pran, dit Par quand la voiture s’arrête.

— Quand tu veux. Viens, je te raccompagne chez toi.

— Allons dîner ensemble. J’ai dit à ma mère que tu te joindrais au repas avant de quitter l’université.

— Mais il y a juste deux jours…

— Maman a dit qu’elle ferait ton plat préféré.

Mais j’ai mangé chez elle il y a deux jours…

— Allons-y, sourit Par.

Elle sort de la voiture, se dirige vers l’arrière et me fait signe de descendre. Je soupire, coupe le moteur et la suis.

Cette famille est pleine de dictateurs… ?

Comme toujours, les conversations pendant le repas sont principalement entamées par Par, tante Kaew et moi. Respectivement. Oncle Nui reste silencieux tout le temps et quitte la table une fois qu’il est rassasié. La seule interaction que nous avons eue depuis que je suis entré est…

“Bonsoir.”

“Hum.”

Ça a été comme ça à chaque fois que Par est rentrée tôt et que j’ai dû me joindre à eux pour le dîner…



— Tu ne vas pas te coucher, papa ? lui demandé-je une fois que j’ai traversé le hall et que je l’ai aperçu en train de regarder la télé dans le salon.

Papa me fait un signe de tête et l’éteint.

— Oui.

— Et maman ?

— Elle dort, dit-il. Elle m’a dit de te dire de prendre le petit-déjeuner avec ta famille demain.

— Ugh, papa.

— Elle doit être vraiment bouleversée.

— J’ai pris le petit-déjeuner ici il y a deux jours, n’est-ce pas ? dis-je avec un sourire. Pourquoi tu n’es pas allé te coucher avec maman ?

— J’attendais de te parler. Viens ici.

Je lève un sourcil de surprise. Pourquoi m’attendait-il si tard dans la nuit ? Je m’avance et m’assois sur la chaise à côté de lui.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu veux parler si tard ?

— Ce n’est pas comme si tu avais du temps pour moi. Pat te vole tout ton temps, et tu traînes chez lui jour et nuit.

Je souris. Je n’avais jamais imaginé le jour où je pourrais parler de cette famille avec papa sans me battre.

— La voiture de Par sera réparée demain.

— Hum, marmonne papa. Comment se passe ton travail ?

— Ça va. Gérer une entreprise est plus difficile que je ne le pensais.

— Tu veux toujours essayer ?

Je hoche la tête.

— Oui.

— Je suppose que SR sera terminé à mon époque puisque mon fils ingrat poursuit une autre voie.

Je ricane. On dirait que papa est contrarié.

— Voyons, papa. J’ai étudié le design d’intérieur. Ça va être difficile pour moi de gérer une entreprise de construction.

— Je t’ai dit d’étudier l’ingénierie.

— Mon cœur l’a refusé.

— Ton cœur est un imbécile, dit papa en souriant faiblement.

La trace de la lassitude apparaît sur son visage, faisant disparaître inconsciemment mon sourire.

— Ne t’inquiète pas pour l’entreprise, dis-je, souriant à nouveau en touchant sa main. Je n’abandonnerai pas ce que tu as construit.

Papa sourit, en me regardant.

— Garde ton souffle. C’est mon entreprise. Je peux m’en occuper. Concentre-toi sur tes propres affaires.

— Ugh, Papa.

Je gémis, et nous rions tous les deux doucement. Papa me tapote la tête de sa grosse main, me dit de me reposer, et se lève. Je regarde son dos disparaître lentement, avec une certaine chaleur qui se répand dans ma poitrine.

Depuis que je suis enfant… j’observe ce dos digne.



Dès que je suis dans ma chambre, je soupire et m’installe sur mon lit. Je masse la zone entre mes sourcils pour apaiser la tension que j’ai endurée pendant des heures. J’ai épuisé mon énergie. J’ai révisé le plan toute la journée et ça ne pouvait toujours pas être comparé à ça. Honnêtement, quand on m’a confié la tâche de reconduire Par chez elle, je souhaitais profiter de cette occasion pour m’entendre avec le père de Pat. Cependant, c’est inconfortable de parler ou même de prononcer un mot. J’ai besoin de repenser dix fois à mes mots avant de dire quoi que ce soit. La tension est si terrible que je n’ai aucune idée de ce que je dois faire.

Mon téléphone sonne alors que je me malaxe le front, les sourcils et les tempes. Je me déplace et décroche.

— Quoi de neuf, Pat ?

— Tu es à la maison ?

— Je viens juste de rentrer.

Je souris et me lève avant d’ajouter :

— Tu as mangé ?

— Oui, j’ai mangé. Je suis aussi dans ma chambre.

— Bien.

— Tu es fatigué ?

— Hmm ?

— Tu as l’air fatigué.

Je lève mon sourcil. Quel genre de voix ai-je utilisé ?

— Non. Je suis probablement somnolent.

— Je reviens après-demain. Je te ferai un câlin d’énergie.

— Tu vas aspirer toute mon énergie.

Pat rit. Je me sens mieux maintenant que je lui parle, alors je l’écoute me parler de ceci et de cela.

— Au fait, Pran.

— Hmm ?

— Comment ça se passe avec mon père ?

— Ton père…

Je me lèche les lèvres, en pensant au mot le plus doux pour décrire la situation.

— Eh bien… C’est pareil, je suppose.

— Il a fait quelque chose qui te dérange ?

— Non. Je réfléchis juste à des sujets de discussion avec ton père, dis-je honnêtement. Je ne veux pas qu’il continue à me détester comme ça.

— Il ne te déteste pas.

Comment peux-tu dire ça ? Tu n’as pas vu sa réaction quand il m’a vu ?

— J’espère bien.

— Tu es mal à l’aise ?

— Je ne le suis pas, dis-je rapidement pour que Pat ne s’inquiète pas. Je veux juste être plus proche de lui… Au moins, nous devrions être capables d’avoir de petites conversations ou quelque chose comme ça.

— Merci, Pran.

— Pour quoi ?

— Pour avoir fait ça pour moi.

— Ce n’est rien comparé à ce que tu as fait.

— Hmm ? Tu as fait quelque chose de mal ? Pourquoi tu parles si gentiment ?

Je lève les yeux au ciel.

— Tu es fou.

— Je te couvrirai de baisers dès que je serai de retour.

— Tais-toi. Je vais prendre une douche maintenant.

— Très bien. Bonne nuit.

— Hum, marmonné-je.

Je fais une pause, et je décide de dire encore une chose.

— Reviens vite.

Je l’entends rire et je raccroche. Je fronce les sourcils quand je reçois un texto qui surgit presque au moment où l’appel se termine.



“Je t’aime.”



Je lis le court message une ou deux fois de plus, verrouille l’écran et expire. J’ai l’impression que les morceaux de mon corps, éparpillés partout lorsque je me suis effondré sur mon lit, sont en train de se recoller. Je passe ma main sur mon visage pour reprendre courage.

Bon…



Le matin, j’attends Par chez elle une heure plus tôt que d’habitude. J’entre dans la maison et ne vois personne, je prends donc la liberté de m’installer sur le canapé du salon. Après dix minutes de silence, j’entends Oncle Nui descendre les escaliers. En tournant la tête, je le vois dire à la domestique de faire du café. Nos regards se croisent, mais son visage reste sans expression. Il commande simplement une autre tasse de café et s’avance pour s’asseoir sur le long canapé à côté de moi.

— Ah… Bonjour.

— Um.

Toujours aussi court et direct.

— …

Recevant la réponse qui mène à une impasse, je marque une pause et cherche du mieux que je peux les sujets que j’ai préparés depuis hier.

— Vous allez à l’entreprise aujourd’hui ?

— Non, aujourd’hui je me repose.

— Oh, je vois, murmuré-je.

Le café est servi juste à temps, je remercie la domestique et le bois doucement. Le père de Pat me regarde avant de lever sa propre tasse.

— Tu peux boire du café noir ?

Je lève un sourcil et tourne brusquement la tête. Mon cœur fait un bond. C’est la première fois qu’il parle en premier.

— Oui. J’ai souvent veillé toute la nuit à l’époque de l’université.

— Tu ne dormais pas assez et tu étais épuisé.

Je souris, me rappelant la fois où il m’avait accusé d’être un drogué.

— Oui, il y avait beaucoup de travail à faire. Je mangeais et je dormais à peine, alors j’en avais l’air.

— Hum…

— …

— Je n’ai jamais pensé que quelqu’un comme toi pouvait être avec Pat.

— Pardon ?

Je lève les yeux, en prononçant la réponse avec surprise. Je pensais que la conversation était terminée.

— Tu n’as pas l’air du genre à être têtu.

— Oh, non… je suis plutôt têtu.

Et j’ai fait beaucoup de mal à mes parents.

— Tu es sûr de vouloir sortir avec Pat ?

— C’est un homme bien. Sa vraie nature m’aide beaucoup.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Mes lèvres se retroussent alors que je pense au visage de la personne dont je parle.

— Pat peut sembler enjoué et frivole, mais il met tout son cœur et son âme dans ce qu’il fait. Il est franc, mais ne ment jamais et ne dit jamais de mal de personne. Il peut être sale et désordonné, mais il ne fait jamais d’histoires quand on lui demande de ranger. Il est paresseux mais responsable. Il ne transforme jamais les choses insignifiantes en grandes affaires. D’un autre côté, il transforme ces gros problèmes en quelque chose qui peut être géré. Lorsque je suis stressé ou sous pression, Pat m’aide toujours à surmonter ces situations. Il ne résout pas les problèmes pour moi, mais il me remonte le moral.

Je continue avec un sourire sur le visage alors que les actions passées de Pat défilent dans mon esprit. En croisant le regard d’Oncle Nui, je ferme la bouche. Mon bavardage l’ennuie-t-il ?

— Eh bien… Quelque chose comme ça.

Oncle Nui maintient son regard sur moi un instant de plus avant de détourner les yeux. Il sirote son café et pose la tasse.

— Il semble qu’il ait autant de bons que de mauvais côtés.

— C’est vrai, dis-je en riant. Mais c’est ce qui fait de Pat le Pat que nous connaissons.

— On dirait que vous vous connaissez très bien.

— Nous avons grandi côte à côte.

— … Hum, marmonne-t-il en fronçant les sourcils comme s’il réfléchissait à quelque chose. C’est pour ça que tu penses pouvoir accepter tout ce qu’il est ?

— Ce n’est pas parce que je le connais bien que je peux tout accepter. Je peux l’accepter parce que je n’attends jamais la perfection. Ses qualités et ses défauts font de lui ce qu’il est.

Je serre les lèvres, me sentant étrangement gêné de complimenter Pat dans sa propre maison. S’il m’entendait, il remuerait la queue et ses oreilles se dresseraient.

— Pat ne connaît aucune limite pour s’exprimer. Il ne peut pas contrôler son visage ou ses émotions, et sa franchise atténue mon entêtement.

Pendant que nous parlons, Oncle Nui prend un certain temps avant de donner une réponse, et cela me rend si nerveux que mes mains deviennent moites alors que j’attends en silence.

— … Tu es vraiment sûr ?

— Oui, je le suis.

— J’espère que ce n’est pas un sentiment trompeur.

Sa réponse me rend silencieux. J’acquiesce sans un mot, bien que mon cœur hurle le contraire.

— Oui.

L’oncle Nui pousse un profond soupir, appuie son dos sur le coussin et regarde fixement devant lui. Nous restons silencieux pendant quelques minutes. Je décide de ne plus le déranger, le laissant réfléchir à ce qui lui passe par la tête. Finalement, il parle le premier.

— Pat et moi ne sommes pas si différents. Nous partageons la même personnalité.

— Oui, je sais.

C’est la raison pour laquelle je crois qu’Oncle Nui n’est pas aussi cruel qu’il en a l’air.

Parce qu’il a une personnalité similaire à celle de Pat… mon seul amour.

— Oh, Pran.

La voix de Par se fait entendre, attirant mon attention. La fille en uniforme d’étudiante me lance un sourire du milieu de l’escalier.

— Pourquoi tu es venu si tôt ? Attends une minute, je vais vite chercher mes chaussures.

— C’est bon. Pas besoin de se presser. Je peux attendre.

— Je reviens tout de suite, dit-elle en se dépêchant de descendre les escaliers et en tournant à droite vers l’autre pièce.

Je la regarde avec affection tandis qu’oncle Nui bouge et se lève. Je me lève avec lui.

— Je vais me changer. Prends soin de Par.

— Oui.

Oncle Nui acquiesce et se retourne. Avant de faire un pas, il laisse un dernier message. Ses mots me font chaud au cœur et je ne peux pas m’empêcher de sourire.

— Pat a peut-être une liste interminable de défauts, mais s’il te plaît, prends soin de lui aussi.

Je suis stupéfait, complètement sans voix, jusqu’à ce qu’il s’éloigne.

— Je le ferai ! lui crié-je une fois que j’ai repris mes esprits.

Si quelqu’un me voyait en ce moment, il penserait que je suis fou.

Puisque je suis debout avec un grand sourire sur mon visage au milieu de la maison de quelqu’un d’autre…


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Scène Spécial Six
Ensemble

Pat
Ma famille et celle de Pran ne partent pratiquement jamais en vacances lors de festivals ou de fêtes. D’une part, nous détestons les foules. Et d’autre part, nous préférons éviter d’être coincés dans la voiture car toutes les routes qui sortent de la ville seront encombrées de trop de personnes salariées.

Encore une raison, mon père et celui de Pran ont cette compétition tacite pour savoir avec quelle famille Pran et moi passerons notre temps.

C’est comme un petit jeu des anciens. En fin de compte, Pran et moi choisissons de rester à la maison pendant les vacances, faisant des allers-retours entre les deux maisons pour que ces vieillards ne se sentent pas négligés. De temps en temps, nous utilisons nos congés annuels pour voyager dans un endroit calme et serein.

Par aime la mer, et Pran s’est joint à notre voyage.

Cette fois, c’est au tour de mon beau-père. Oncle Pakorn aime la pêche, alors nous allons tous pêcher à un barrage à Kanchanaburi.

— Tu es un gars impatient, dit le fils unique de cette famille avec un sourire.

Son seau est rempli de poissons qu’il a prévu de relâcher une fois qu’il sera satisfait. Quant à moi, je suis resté à ses côtés toute la journée et je n’ai pas attrapé un seul poisson.

— Je suis malchanceux.

— Le poisson a mordu à ton appât plusieurs fois.

Le soleil se couche, faisant virer le ciel au doré. Trois hommes sont assis en ligne, pas très loin les uns des autres.

— Tu as remonté la ligne dès qu’elle a tremblé. Comment tu peux attraper le poisson de cette façon ?

— Je vais le perdre si je suis trop lent, répliqué-je, et l’homme d’âge mûr près de moi ricane doucement.

— Tu n’en auras pas un à la fin de la journée en gigotant comme ça, murmure le père de Pran.

Sa voix résonne dans le silence et me fait froncer le nez.

— Pourquoi tu ne pêcherais pas avec moi à Bangkok la prochaine fois ?

— Whoa, je vais passer mon tour. Je ne pense pas que ça me convienne.

— C’est bon pour s’entraîner à la patience et au calme, explique oncle Pakorn, un sourire plaqué sur le visage.

Pran se penche en arrière pour que je puisse mieux voir Oncle Pakorn, mais je refuse toujours.

— Je ne peux pas faire ça. J’ai tellement mal au dos que je n’ai pas réussi à en attraper un seul.

— Tu es encore jeune et fort.

La voix basse d’Oncle Pakorn est portée par le vent. D’ici, nous apercevons une volée d’oiseaux volant à travers les nuages au-dessus du grand soleil rond, semblable à un jaune d’or, qui se noie lentement dans le barrage.

— C’est magnifique.

Pran acquiesce, sa ligne de pêche frétille à nouveau. Il attrape un serpent géant cette fois, tandis qu’oncle Pakorn attrape un autre poisson. Je soupire dans mon siège, en regardant le seau vide qui m’appartient.

— Hé, tu peux relâcher mon poisson.

Putain, je déteste ce sport. Mais qu’est-ce que je peux faire ? Mon beau-père et ma femme semblent beaucoup l’apprécier.

— Travaille bien demain, débutant.

Pran me tapote l’épaule et soulève le seau de son père pour rendre le poisson à la nature. Il ramasse les cannes à pêche de tout le monde et les ramène à l’hôtel. Je reste au barrage pendant un moment avant que l’homme d’âge mûr ne s’approche de moi.

— Tu n’aimes pas la pêche ?

— Ça ne convient pas à une tête brûlée.

— Mais tu as essayé toute la journée.

Oncle Pakorn sourit. Il a exactement le même sourire que Pran.

— Une tête brûlée avec beaucoup de patience.

— Eh bien, Pran aime ça.

La dernière lumière se reflète sur la surface de l’eau, scintillante. Je lance un regard en avant vers le tapis de velours décoré de paillettes.

— Aussi, ça fait des mois qu’on n’a pas voyagé.

— Ça a dû être mouvementé à l’entreprise.

— Oui. Nous envisageons de déménager nos bureaux. On est trop à l’étroit là-dedans.

— Vous investissez dans les actions ?

— Je suis en train de l’étudier. Les choses ont déjà tourné au-delà de mes espérances.

La brise effleure mes cheveux. Même en été, cet endroit est étonnamment frais.

— Tu peux gérer une autre entreprise ?

— Pardon ?

— Pran se débrouille bien avec la société qu’il a créée avec ses amis. Il a l’air si heureux.

Je le sais. Il n’y a aucun signe que Pran revienne pour reprendre l’entreprise familiale.

— Et je meurs d’envie de prendre ma retraite.

— Vous en avez parlé à Pran ?

— Je lui en ai parlé. Ce serait dommage de brader l’entreprise que j’ai construite de mes propres mains. Mes proches ne sont pas assez compétents pour la gérer. Je ne veux pas voir mon entreprise s’écrouler sous mes yeux, du moins pas de mon vivant.

— Eh bien… Quel est votre plan ?

— J’aimerais d’abord entendre ce que tu penses. Comment tu te vois dans 10 ans ?

D’ici là, j’aurai la trentaine, bientôt quarante ans. Mon père sera probablement définitivement à la retraite. Par aura déjà obtenu son diplôme et se sera marié. Si je n’ai pas de nouveau rêve à ce moment-là, je suppose que je pourrai lui donner un coup de main.

— Je veux créer une entreprise d’architecture pour Pran afin que nous puissions travailler et résoudre des problèmes ensemble, et il pourra même y amener ses amis. Nos domaines de travail sont liés de toute façon. Ou si son entreprise a une croissance positive d’ici là, nous pouvons être partenaires.

Le soleil est noyé dans l’eau et mes yeux sont fixés sur le ciel violet foncé. Dans quelques minutes, tout sera complètement noir, sans aucune lumière, sauf celle du générateur électrique de notre hôtel.

Tout est calme. Quand je tourne la tête, Oncle Pakorn me regarde déjà.

— Demande à Pran ce qu’il pense de la possibilité que je te laisse reprendre ma société.

— Mais…

— Vous pouvez être copropriétaires. Réfléchissez-y, d’accord ? Tous les deux. Donnez-moi votre réponse plus tard. Il n’y a pas d’urgence.

L’homme d’âge mûr se lève, le mouvement secouant notre radeau.

— Il est préférable de me le dire avant de déplacer le bureau, cependant. Comme ça, vous pourrez adapter votre plan à temps.

Il part dans la pénombre, vers la lumière chaude de notre logement. Je reste dehors, écoutant seul le bourdonnement de la nature.



— C’est mon père qui a dit ça ?

Pran et moi buvons des bières après le dîner à la fenêtre de la chambre de la station près du barrage, avec seulement une planche de bois séparant l’intérieur et l’extérieur. À l’extérieur se trouve le radeau sur lequel nous avons pêché, attaché à la station. La brise apporte la fraîcheur de l’eau, frappant nos visages. Les étoiles de la nuit de nouvelle lune scintillent dans le ciel de la même couleur que l’eau.

Je hoche la tête et presse mes lèvres sur la fraîcheur de la canette de bière. Pran fait de même, les yeux fixés sur l’avenir, en plaçant son autre main sur la mienne, sur la table entre nos chaises.

— Qu’est-ce que tu en penses ?

— Je ne sais pas. Nous n’avons aucune idée si ton père sera d’accord avec le plan de mon père. Je veux dire, tu reprends la société qu’il n’aimait pas ? Ton père ne s’en est toujours pas remis, même après tous ces accords scellés.

— Il s’en est remis maintenant, je suppose.

— Peut-être. Eh bien, c’est une grande décision.

— Ouais.

Pran réfléchit à l’idée, tout en serrant ma main.

— Si tu me demandes, je suis d’accord avec ça. Je suis également d’accord pour enregistrer la société en même temps qu’une ligne d’activité d’architecture. Un grand montant de capital enregistré nous sera bénéfique pour les actions.

— De cette façon, tu monopoliseras de nombreux projets de l’entreprise de ton père et de la mienne. Tout est à toi. Avec d’autres projets d’architecture, le succès est proche. Le prix des actions va grimper en flèche.

— Et une fois que la société sera enregistrée sur le marché boursier, ta position de PDG te sera retirée, rigole Pran. Si j’étais membre du conseil d’administration, je ne te choisirais pas.

— Du calme, petit Pran. Ton père me fait confiance, d’accord ?

Je réponds en tendant ma bière. Pran lève sa canette dans sa main droite pour taper dans la mienne et la boire à petites gorgées. La lumière est faible. J’ai cette pensée perverse en tête, mais j’ai peur que le son ne choque ses parents dans la pièce d’à côté.

— Donc ça ne te dérange pas ?

— Ça ne me dérange pas, du moment que je peux travailler avec ce que j’ai appris. Ce n’est pas grave si tu ne veux pas de ça. Je trouverai un moyen de reprendre l’entreprise et d’étendre le secteur de l’architecture. Je pourrais recevoir des emplois liés à l’architecture plus qu’à l’ingénierie. Mais si tu peux en parler avec mon père et le tien, c’est génial. Je peux me concentrer sur mes propres affaires de cette façon.

— Wow, tu ne m’aides pas du tout à décider.

— J’ai des plans pour toutes les options. Je ne peux pas abandonner ce sur quoi mon père a travaillé si dur. Je ne suis juste pas encore prêt à le gérer.

— Alors… Est-ce que tu serais plus heureux si je reprenais la société de ton père ?

— Bon sang. Pourquoi tu me demandes si je serai heureux de ce que tu décides de faire ou de ne pas faire ? Tu ferais mieux de te demander si tu peux le supporter. Ce ne sera pas fatigant ? Cela double les responsabilités.

— Cela dépend du soutien, si je peux le supporter ou pas.

Pran se calme. Moi aussi.

— Tu es mon soutien, Pran. C’est pour ça que je te demande quelle option te rendra le plus heureux.

— C’est toi qui vois.

Pran penche la tête. De cet angle, je vois son profil. Il se mord la lèvre, ses joues rougissant de la bière que nous avons bue pendant la moitié de la nuit.

— Ça a toujours été à toi de décider.

En entendant ces mots, je rapproche mon visage du sien, attiré par une force étrange, jusqu’à ce que nos lèvres se touchent. Nous entendons le bruit des vagues qui s’écrasent sur le radeau sous l’effet du vent se mêler au son de nos langues emmêlées. Je penche la tête pour que nos lèvres soient parfaitement scellées lorsque le souffle chaud de Pran frappe mon visage. En ouvrant les yeux, je vois de près les cils épais de ses yeux fermés.

Je prends ses joues pâles dans mes mains. Pran est un poids plume, et il est plutôt ivre en ce moment.

Je peux le dire à la façon dont il enfonce sa langue dans ma bouche et la fait rouler à l’intérieur de mes joues et sur mes dents. Il mord et suce mes lèvres sans gêne.

Je jure que je n’avais pas prévu de faire l’amour avec lui ce soir. Mais les étoiles, les ondulations et la brise naturelle m’incitent à ignorer la règle que j’ai fixée dans mon esprit en début de soirée.

Sans parler du baiser de Pran et de ses lèvres rouges et gonflées que je ne peux pas quitter des yeux après qu’il s’est reculé.

— Attends sur le lit. Je vais éteindre la lumière.

Pran acquiesce, ses cheveux noirs tombant sur la moitié de sa joue.

— Dépêche-toi, Pat.

Je fonce presque vers lui. Dès que la lumière est éteinte, je me glisse sur le lit et on s’embrasse à nouveau. Nous jetons nos vêtements sans un moment d’hésitation.

— Ne fais pas trop de bruit, d’accord ?

Je chuchote, en le faisant s’allonger sur le ventre. Je glisse un de mes bras sous sa taille, soulevant ses hanches, puis je baisse son pantalon.

— Pat… utilise le gel.

— Je ne l’ai pas apporté. Ne t’inquiète pas. Je vais utiliser ma langue pour te mouiller avant de te pénétrer.

Je presse mes lèvres sur son épaule nue avant d’embrasser le long de sa colonne vertébrale. Pran tend ses muscles sous les étoiles, et il ne parvient pas à se taire lorsque ma langue touche sa douce entrée. Il se tortille si fort que je dois utiliser la force pour le bloquer en place.

— Pran, mon chéri.

Je chuchote dans le vent.

Nos halètements se mélangent au son de nos chairs qui se cognent l’une contre l’autre. La station au bord de l’eau tremble alors que la voix rauque de quelqu’un se répercute à travers le barrage, en écho. Cela continue comme ça pendant une autre moitié de la nuit.



La lumière du soleil de la fin de matinée m’accueille lorsque je fais pivoter la porte reliée au radeau pour l’ouvrir. Après avoir réglé nos affaires, je ferme la fenêtre, ne permettant pas au nouveau jour de perturber mon temps de repos avec mon amoureux. Lorsque je sors, il est presque dix heures du matin, un jour de travail.

C’est agréable de voyager les jours ouvrables. La station est calme, avec seulement deux chambres ouvertes : la mienne et celle de mon beau-père. Par conséquent, je n’ai pas honte de sortir en short, car il n’y a pas de regards indiscrets.

— Vous vous êtes levé tôt.

Je salue Oncle Pakorn, qui pêche au même endroit, appréciant vraiment ce sport.

— Vous avez attrapé beaucoup de poissons.

— J’en ai eu plus hier. Ils savent peut-être que c’est l’appât. Pourquoi ne pas trouver quelque chose à manger d’abord ? Il est tard.

— Je vais attendre et manger avec Pran, réponds-je en m’asseyant à côté de lui.

C’est génial de prendre des jours de congé. Je peux faire ce que je veux quand je veux, sans m’inquiéter.

— Il va probablement se réveiller bientôt.

— Oui. Tu lui as parlé ?

— Oui, mais je dois consulter mon père. Ça ne devrait pas être un problème puisque je suis presque à cent pour cent responsable.

Mon beau-père acquiesce, sa ligne de pêche toujours dans l’eau.

— La nuit a dû être dure.

Je me raidis un peu à sa remarque. Oncle Pakorn s’éclaircit la gorge, sa lèvre se retrousse.

— C’est bon d’être jeune.

— Enfin… pas tant que ça.

— C’était bruyant. Mais je n’ai pas pu distinguer les voix, que ce soit la tienne ou celle de Pran. Les deux étaient des voix d’hommes.

Tout mon visage est en feu, et mes mains sur mes genoux ne sont plus à leur place. Je les lève pour me frotter le visage, essayant de cacher mon embarras.

Pour l’amour de Dieu, ce n’est pas drôle du tout d’entendre ces mots de la part de mon beau-père après avoir pris son fils si fort qu’il en a été assommé.

— Ne le quitte pas. Tu as son cœur et son corps, et je vais même te donner ma compagnie.

— Je ne le quitterai pas.

Ma voix sort étouffée par les mains qui couvrent mon visage. J’étire mes pouces et mes index pour masser mes tempes.

— Nous serons ensemble comme ça jusqu’à ce que l’un de nous deux meure. A partir de maintenant, je ne peux pas imaginer ma vie sans Pran.

— Laisse-moi te demander quelque chose. Qui est le mari et qui est la femme ?

— Oncle…

— Arrête de m’appeler comme ça.

Ses mots sont suivis de rires. Je le regarde à travers les interstices de mes doigts pour m’assurer qu’il s’agit bien de Pakorn qui m’a regardé de travers pendant toute mon adolescence.

— Appelle-moi Papa, comme Pran, à ce rythme.

— D’accord, Papa.

— Quelle est la réponse ? Est-ce que j’ai un gendre ou une belle-fille ? Ou est-ce que ça dépend de l’humeur ?

Je fais une pause avant de marmonner :

— Tu as un gendre.

— Pourquoi tu marmonnes ? Tu n’aimes pas ça ? Tu veux que je parle à Pran ?

— Ce n’est pas comme ça, papa.

Honnêtement, je ne sais pas quel genre d’expression je dois faire. Oncle Pakorn sourit quand sa ligne de pêche se tend et bouge, le signe d’un appât pris. Avant qu’il ne puisse remonter le poisson, les pas de quelqu’un font fuir le poisson chanceux.

— Qu’est-ce que vous faites tous les deux ? Et qu’est-ce que vous voulez manger ? Je vais dire au personnel de le préparer.

— Tes pas ont fait fuir mon poisson.

— Tu en auras un nouveau. Pran n’est pas encore levé, Pat ?

— Non.

A-t-il la moindre idée que ce que nous avons fait la nuit dernière a rendu difficile pour moi d’affronter ses parents ? Sa mère affiche un sourire narquois et acquiesce d’un air entendu.

— Réveille-le à onze heures, alors, pour qu’il puisse prendre une douche et déjeuner. Nous devons partir à 13h, mais ils nous autorisent jusqu’à 14h car il n’y a pas d’autres clients un jour ouvrable.

— Ok. Je vais le réveiller.

Les pas s’éloignent derrière nous, nous laissant à nouveau seuls, mon beau-père et moi.

— Discute de ce que je t’ai dit avec ton père. Pran m’a dit qu’il n’est plus rancunier ?

— Oui. Il a souvent invité Pran à dîner récemment, donc ça ne devrait pas être un problème. Il faut cependant prendre en compte les différentes politiques des deux entreprises. Je réfléchis encore à la complexité que cela va représenter si je m’occupe de tout tout seul.

— Tu as ton partenaire de vie. Trouvez un chemin ensemble.

Il me donne une si belle opportunité. Je hoche la tête pendant que le père de Pran monte l’appât artificiel et le lance au-dessus de la vaste étendue d’eau. Je ramène mes genoux contre ma poitrine et bloque mes yeux sur l’endroit où l’horizon rencontre l’eau et les nuages blancs et duveteux qui parsèment le ciel.

Mes journées avec Pran se poursuivent sans fin. Hier, le soleil brillait, tout comme aujourd’hui, demain, après-demain et les jours à venir.

La porte s’ouvre et se ferme. Pas un seul poisson ne mord à l’hameçon de l’oncle Pakorn alors que de nouveaux pas s’approchent.

Pran s’écroule à côté de moi. Aucune partie de nos corps ne se touche, mais nos yeux fixent le même endroit.

— Tu as faim, Pran ?

— Pas encore. Je veux me reposer un peu ici. Tu as mangé ?

— Non. Je t’attendais.

Nos mains glissent l’une vers l’autre sur le radeau. Elles ne se touchent pas comme hier, quand nos mains se sont entrelacées alors que nous étions seuls.

— Allons-y, alors.

J’acquiesce et me lève le premier avant de lui tendre la main. Pran la prend, me laissant ouvrir la voie jusqu’à ce que nous soyons côte à côte.

Ne le quitte pas.

Les mots du père de Pran résonnent dans ma tête, et je lui ai promis comme un homme.

Ne me quitte pas.

Ces mots résonnent dans ma tête, et je sais qu’il me promet de ne pas le faire non plus.


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FIN

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