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You've Touch My Heart
Néphély
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Néphély
A Gift Just For You

Synopsis

Un recueil de One Shot avec plusieurs Ship différents pour attendre Noël.


A Savoir

Auteure : Néphély Correctrice : Johanne


/!\ Lemon Pas De Spoiler Histoire Terminée


Sommaire





 

Dim 5 Nov - 19:35
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Néphély
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Néphély
You've Touch My Heart 9eng

Chapitre 1


Trouver Son Chemin


Je m’étire aussi fort que possible pour détendre chacun de mes muscles qui se sont raidis après avoir passé des heures assis devant mon ordinateur. J’ai reçu un nouveau contrat pour la construction d’un site web et comme à chaque fois, je me laisse complètement absorber par mon travail. Un petit grattement derrière moi me fait sourire, mais aussi me sentir coupable, parce que j’ai passé plusieurs heures sans m’occuper d’elle.

Elle, c’est mon petit rayon de soleil, un cadeau que ma tante m’a fait il y a plusieurs mois pour mon anniversaire. Phuaan (1) est un furet, une femelle qui est aussi la seule compagnie avec qui je me sens bien. Je sais que ma tante me l’a offert parce qu’elle a peur que parfois la solitude ne me pèse trop et je la remercie. Phuaan est un sacré numéro qui me demande beaucoup d’attention et qui n’aime pas que je l’ignore comme je viens de le faire.

J’ouvre sa cage et le petit démon saute aussitôt sur moi pour rejoindre mon épaule. Un petit sourire apparaît au coin de mes lèvres quand je sens ses petites pattes effleurer ma peau. Sa présence constitue le seul contact physique que je peux avoir sans me sentir malade. Je n’ai plus touché d’être humain depuis des années et les seules fois où cela a pu arriver par accident, j’ai eu des réactions très fortes.

Alors la plupart du temps, je ne quitte pas mon appartement, je vis entre ces quatre murs et ne sors que pour acheter ce dont j’ai besoin pour vivre, principalement en plein milieu de la nuit quand je suis sûr de ne croiser presque personne. Je me redresse, Phuaan toujours en équilibre sur mon épaule et me dirige vers ma petite cuisine pour lui préparer son repas et le mien aussi par la même occasion.

— Tu as faim Phuaan ?

Comme pour me répondre elle vient coller son museau contre ma joue et ses moustaches me chatouillent, me faisant doucement rire. Je sais que beaucoup me pensent pathétique, vivre reclu, ne parler qu’à un furet, ne pas avoir d’ami et n’avoir jamais vécu des soirées endiablées que ce soit en boite de nuit, dans les bars ou simplement pour regarder un film dans un cinéma.

Dans la cuisine, elle saute sur la table et commence à explorer les lieux, elle les connaît déjà par cœur, mais c’est son petit rituel pendant que je sors du frigo la viande qui constitue son repas du soir. Au début, j’étais un peu dégoûté par le fait de devoir lui donner de petites proies entières, mais maintenant, je n’y fais plus attention.

Alors qu’elle est en train de manger, je me rends compte qu’il va falloir que je sorte pour acheter à manger, je n’ai plus grand chose et j’ai une faim de loup. C’est les épaules voûtées que je rentre Phuaan dans sa cage avant d’aller me préparer. Et malgré la chaleur extérieure, je m’habille d’un sweat noir à manches longues et à capuche, d’un jean et d’une casquette dont la visière me permet de ne pas trop voir le monde autour de moi.

Je sors de chez moi sans prendre le temps de réfléchir, la supérette n’est pas très loin, je n’ai pas plus de trois cents mètres à parcourir avant d’y arriver. Vu qu’il est minuit passé, les rues seront quasiment désertes et le risque que je croise quelqu’un est minimum.

Je soupire quand je me retrouve à l’extérieur, la chaleur est accablante et moite, aussitôt j’ai l’impression que mes habits se collent à ma peau humide. La sensation est désagréable, mais je n’ai pas le choix, être touché à travers un tissu est toujours moins difficile que si l’on touche ma peau.

Mes mains sont profondément enfoncées dans mes poches, je marche d’un pas vif en regardant régulièrement autour de moi pour être sûr de ne bousculer personne. Mon cœur bat la chamade, comme à chaque fois, j’ai l’impression que ces trois cents mètres sont interminables et je pousse un soupir de soulagement quand j’ouvre la porte et que, mis à part le vendeur, les lieux sont complètement vides.

— Bonsoir Monsieur.

Le vendeur, sûrement un étudiant travaillant là pour payer ces études, me salue en souriant et en repoussant son cahier de cours de côté. Il travaille ici depuis plusieurs mois et avec le temps, il est ce qui s’apparente le plus à une connaissance pour moi.

— Bonsoir Nong. C’est plutôt calme ce soir.

Parler de la météo et de toutes sortes de banalités pour combler la conversation, je suis champion pour ça. Je suis incapable de parler d’autre chose de toute façon, mon associabilité fait que tenir une conversation où il s’agirait de parler de moi ou de poser les bonnes questions à mes interlocuteurs sont impossible.

— Il est encore tôt, c’est pour ça. Vous êtes venu plus tôt que d'habitude.

Oh, alors même la nuit, il y a des heures d'affluence. J’ai un petit hochement de tête, la bouche entrouverte, me demandant si cette heure-ci ne serait pas une bonne heure pour faire mes courses finalement.

— J’ai fini mon travail plus tôt ce soir.

Ceci est une excuse comme une autre, je travaille de chez moi, je n’ai pas d’horaires et je peux faire des pauses comme je l’entends. Seulement, avec ce vendeur, j’ai mon instant de normalité, celui où on ne me regarde pas comme si j’étais une bête curieuse, étrange. Un marginal peut être un peu timbré, voire même dangereux. Pendant ces quelques minutes où j’évolue dans le magasin, je suis quelqu’un de normal, il me voit peut-être comme un employé de bureau un peu trop zélé et j’ai l’impression que tout s’arrange pour moi.

Même si cette sensation n’est que de courte durée et que bien vite je retombe dans ma routine solitaire, c’est une bouffée d’oxygène qui me permet de garder un pied dans le monde et de ne pas totalement disparaître dans l’ombre.

Je jette rapidement des articles dans mon panier, des aliments frais pour la plupart. J’adore cuisiner. Ça m’occupe et pendant que je coupe les aliments, les mélange et les cuis, généralement, je ne pense à rien. Alors avec le temps, je me suis amélioré, et même si je suis le seul qui en profite, je me débrouille plutôt bien.

— Je ne vous ai jamais demandé dans quoi vous travaillez ?

Je sursaute quand le vendeur ose me poser une question assez personnelle. Arrivé au moment de payer, généralement, je lui demande comment vont ces études, s’il se sent confiant et il me raconte rapidement comment c’est difficile pour lui de gérer études et travail, mais qu’il s’accroche car il sait que ce n’est qu’un moment à passer.

— Oh, et bien… je suis concepteur de site internet.

— Wahou, ça doit être super intéressant. Vous devez voir toutes sortes de gens.

Ses yeux se sont illuminés et il est déjà en train de rêver à mon métier. Je ne le contredis absolument pas alors qu’il encaisse mes achats et que je le paye. Je le salue rapidement et quand je quitte le magasin, il a déjà replongé le nez dans ses bouquins. D’un certain côté, je l’envie, il a la possibilité de faire ce qui lui plaît, même si c’est difficile. Il peut sortir, travailler, étudier et sûrement avoir une ribambelle d'amis et même une personne à aimer.

J’ai un petit sourire désabusé, l’amour, voilà un mot qui ressemble à un gros mot pour moi. Un mot interdit, qui fait mal car jamais je ne pourrai dire à quelqu’un que je l’aime, que je veux construire quelque chose avec. Je pourrais entretenir une relation, mais qui serait assez fou pour accepter quelqu’un qui ne pourrait ni lui tenir la main, ni l’embrasser et encore moins envisager de faire l’amour avec.

Je suis vraiment d’humeur maussade ce soir, je ne sais pas pourquoi je me sens si abattu et découragé. Je ne suis pas l’homme le plus joyeux habituellement, mais j’arrive quand même à donner le change. Je réfléchis un instant, puis mon visage s’assombrit encore plus, c’est bientôt la date, celle où toute ma vie a changé, celle où soudain le monde et les gens qui vivent dessus sont devenus un danger à éviter à tout prix.

— Excusez-moi !?

Je sursaute quand une voix s’élève sur ma droite. Perdu dans mes pensées, je n’ai pas été attentif et un homme assez grand s’approche de moi à grandes enjambées. Un instant, mon corps se tend instinctivement, je suis prêt à lui lancer le sac de courses et à courir jusqu’à chez moi pour se mettre à l’abri de tout contact.

Je me force à ne pas bouger, il s’approche d’un pas vif, mais il n’a pas l’air agressif, alors je peux peut-être lui donner une chance. Il porte un sac, il a un papier à la main et son visage semble fatigué, je pourrais pour une fois faire une bonne action et aider quelqu’un.

— Oui ?

Son sourire se fait plus franc quand je lui réponds, même si ma voix n’est absolument pas assurée. Mon cœur bondit dans ma poitrine quand une légère fossette apparaît au coin de sa joue. Je prends une profonde inspiration quand il s’arrête à un bon mètre de moi avant de me tendre son papier.

— Est-ce que par hasard vous sauriez où se trouve cette rue. Je dois emménager là-bas, mais je n’arrive pas à trouver.

Je me penche légèrement pour voir l’adresse qui est écrite et je ne peux pas m’empêcher de sourire légèrement. Cette rue n’est pas très loin de chez moi, je vais pouvoir l’aider, alors je hoche lentement la tête.

— Vous n’êtes pas très loin, mais… il n’est pas un peu tard pour emménager ?

Je ne peux pas m’empêcher de me poser des questions. Après tout, il pourrait être un criminel, un voleur ou même … un tueur. Je ne peux pas lui indiquer si facilement, non ? Mais alors, il pourrait aussi devenir menaçant pour me forcer à lui montrer le lieu de son crime et alors il pourrait me… toucher. Je fais une grimace à cette idée, alors que l’homme en face de moi éclate de rire.

— Je ne suis pas un méchant… je n’ai juste pas de chance. Je reviens de l’étranger et il m’est arrivé tout un tas d’emmerdes qui font que j’arrive si tard.

Ma bouche s’entrouvre, en quelques secondes, il s’est livré sans détour à un parfait inconnu. Il me regarde fixement, attendant que je décide si je vais l’aider ou pas. Certes, il n’est pas très loin, mais en tournant au hasard des rues, il pourrait mettre des heures avant de trouver. Je ne peux pas rentrer et juste le laisser errer dehors.

— Suivez-moi.

— Merci !

Je n’attends pas de voir s’il va me faire confiance ou pas, je reprends ma marche d’un pas vif, mais il me rattrape en quelques enjambées et même si l’on marche en silence, je ne me sens pas vraiment mal à l’aise. Je reste juste sur mes gardes pour être sûr qu’il ne me touche pas par inadvertance.

Le chemin me paraît aussi court que long quand je m’arrête à l'intersection d’une petite rue et lui montre du doigt.

— Vous n’avez plus qu’à remonter la rue et vous trouverez rapidement l’immeuble.

— Tu m’as sauvé la vie. Merci.

Le soulagement se lit sur son visage et je suis content d’avoir été d’une quelconque utilité. Je lui fais un petit signe de tête pour prendre congé et fais aussitôt demi-tour. Je ne suis pas très poli, je ne lui ai même pas répondu, mais j’ai besoin de m’isoler maintenant.

— Hey attends… comment je peux te remercier ? Je peux t’inviter à manger ? Comment tu t’appelles ?

Je me retourne quand il m’interpelle et je recule d’un pas quand il s’approche de moi. Il se fige en voyant ma réaction et ne dit plus rien après m’avoir assailli de questions auxquelles je ne peux pas répondre. Je m’incline légèrement sans le quitter du regard avant de parler rapidement.

— Ce n’est rien et je pense que l’on n’aura plus l’occasion de se revoir.

Sur ces mots, je prends la fuite, le cœur battant. Je peux sentir son regard sur ma nuque alors que je m’éloigne d’un pas vif, pressé de retrouver la sécurité de mon appartement.


Notes

1/ Phuaan signifie ami


Dim 5 Nov - 19:36
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Néphély
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Chapitre 2



Le Commencement




Comme je l’avais pensé, toutes les fois où j’étais ensuite ressorti, je n’avais jamais recroisé l’homme. Non pas que je le cherche. Enfin, si je devais être tout à fait honnête, je n’arrivais pas vraiment à le retirer de mes pensées. Quoi que je fasse, son sourire était là, bien présent, et me donnait une sensation de chaleur étrange au creux de l’estomac.

Je me tourne dans mon lit en soupirant, en m'enroulant dans ma couette pour essayer de retrouver un sommeil où il n'apparaîtra pas dans mes rêves. Malheureusement, au même instant, une vibration près de ma tête me fait sursauter. Je soupire car il est encore tôt, mais surtout, il n’y a que deux personnes qui ont mon numéro de téléphone. Ma tante qui m’a élevé une grande partie de ma vie et mon employeur qui habituellement ne m’appelle que pour me donner mon travail, mais, jamais si tôt.

— Allo ?

J’ai décroché sans même regarder lequel des deux c’était. J’ai du mal à ouvrir les yeux, encore à moitié groggy par le sommeil. Lentement, je m’étire, complètement détendu par la nuit réparatrice que je viens de passer.

— Nong Sea, je sais que ce n’était pas prévu, mais j’ai besoin que tu viennes au plus vite au bureau.

Tout mon corps se fige quand la voix grave de mon patron s’élève et m’annonce une chose pour laquelle je ne suis pas prêt du tout. Le silence s’éternise, mais Phi Sun est patient avec moi, il sait que j’ai des soucis, que sa demande me met face à mes peurs et qu’il me faut le temps d’assimiler les choses.

— M… mais… ce n’est pas… d’habitude, c’est à la fin du mois…

Mes mains sont déjà moites et mon souffle s’est légèrement raccourci alors que je ne me sens pas loin d’avoir une crise d’angoisse à l’idée de devoir sortir en pleine journée pour rejoindre le bureau.

— Je sais Nong, mais il y a un souci avec un client pour qui tu as créé une application. Il voudrait régler le problème aujourd’hui.

— Et bien… on pourrait, on pourrait faire une visio et alors…

— Je suis désolé Nong Sea, il veut te voir.
J’avale difficilement ma salive, mon cœur tambourine dans ma poitrine et je prends une profonde inspiration pour essayer de me contrôler. De nouveau, le silence se réinstalle et il me faut quelques secondes supplémentaires pour me reprendre.
— D’accord… je vais arriver.
Je murmure, incapable de parler plus fort. Je raccroche, la main tremblante, et reste immobile, les yeux perdus dans le vide. Habituellement, je ne dois y aller qu’une fois dans le mois pour une réunion afin de faire le point sur mon travail. Phi Sun connait bien mon problème et quand c’est possible, il me demande de venir en début de soirée.
Là… je regarde l’heure, le temps de me préparer et de partir, on sera encore dans l’heure de pointe. Je ne peux pas m’y rendre à pied, c’est trop loin, prendre le bus et le métro est hors de question. Alors, je n’ai que la solution de prendre un taxi, cependant, je sais qu’il va y avoir du monde, je ne serai pas seul et j’ai l’impression de devenir fou.

J’ai pris tout mon temps pour me laver et tenter de manger quelque chose, même si je n’ai pas réellement faim. J’ai joué quelques instants avec Phuaan pour essayer de me détendre, en vain. Je sors de mon appartement habillé comme à chaque fois que je dois sortir, ma casquette profondément enfoncée sur ma tête, la capuche de mon sweat par dessus.
Ma rue est assez calme, mais je suis sur le qui-vive alors que je me mets en route pour rejoindre l'arrêt des taxis qui se trouve bien après ma petite supérette. Je marche d’un pas vif au départ, pressé de me retrouver à l’abri d’un taxi, mais en arrivant à l’abord de l’arrêt, je ralentis malgré moi, une sueur froide dégouline le long de mon dos et j’hésite un instant à faire demi-tour.
Ce serait tellement facile de rentrer chez moi, de me cacher de cette foule qui pourrait me toucher. J’hésite, j’observe la rue derrière moi, elle est calme, vide et me mènerait à la sécurité, puis je me rappelle que j’ai un patron relativement conciliant, qui accepte ma bizarrerie et s’il me renvoyait, je ne suis pas sûr de pouvoir trouver un aussi bon boulot ailleurs.
Une inspiration, puis deux et enfin trois et j’arrive à me lancer et à avancer vers la foule. Evidemment, je me mets à l’écart, bougeant au gré des mouvements des gens autour de moi, pour éviter que quiconque me touche. Je retiens presque ma respiration tellement je suis tendu, l’attente est longue, mais bientôt il ne reste plus qu’une personne avant moi, je vais enfin pouvoir me mettre à l’abri.
Je me détends un peu, je fixe mon attention sur les taxi qui arrivent plus loin dans la rue et oublie d’observer ce qui se trouve autour de moi. Soudain, mon corps se fige quand je sens une chaleur désagréable sur ma main, ma vue se trouble instantanément et j’ai l’impression que ma peau se couvre de boutons douloureux.
— Phi… Phi… j’ai perdu ma maman…
La petite main s’agrippe à la mienne, tirant dessus pour attirer mon attention, sa voix est apeurée et je sais qu’elle ne cherche pas à me faire du mal. Elle a besoin d’être rassurée, que quelqu’un lui vienne en aide alors qu’elle vit un instant angoissant.
Seulement, pourquoi est-ce qu’elle doit se tenir si fermement à ma main, je n’arrive pas à réfléchir alors que tous les symptômes de ma phobie se déclenchent de plus en plus violemment au fur et à mesure que le contact est prolongé.
La petite se met à pleurer quand elle comprend que je ne l’aiderai pas. Pire, quand je commence à secouer ma main pour la faire me lâcher. On attire l’attention autour de nous, les gens commencent à nous regarder, j’entends les chuchotements s'élever et je sais que bientôt, quelqu’un va s’approcher, puis un autre et je serai encerclé par toutes ces personnes.
Je dois m’enfuir, je dois m’éloigner, je dois faire en sorte que ce contact qui me brûle s’arrête. D’un mouvement brusque qui fait tomber la petite fille, déclenchant des pleurs encore plus fort et des cris de désapprobation, je la force à me lâcher. Je ne vois plus rien, c’est la peur qui me guide et qui me fait commettre l’impensable, en voulant fuir, je fais deux grandes enjambées et me retrouve sur la route bondée.
Mon cerveau reprend le contrôle au moment où le klaxon rugit pour la première fois, je réalise alors que le taxi dans lequel j’aurais dû monter n’est qu’à quelques mètres de moi. Même en freinant, la collision est inévitable, je vais me faire renverser et je suis incapable de bouger.
Je ferme les yeux, me préparant à l’inévitable, quand soudain deux mains se posent sur mon torse. Un instant, mon réflexe voudrait me dégager, m’éloigner, seulement, heureusement, j’ai encore un peu d’instinct de survie et je me laisse tirer en arrière, en sécurité, hors du chemin du taxi.
J’ai le souffle coupé, l'adrénaline se déverse dans mes veines et mon corps tremble de partout. Ce qui me rend si fébrile, ce n’est pas la perspective de me faire renverser, non, c’est la sensation de chaleur qui m’encercle alors que je me retrouve coincé dans cette étreinte chaleureuse, mais non douloureuse.
Les mains sont toujours placées sur mon torse, me plaquant fermement contre le sien alors que son souffle percute ma nuque. Je devrais me dégager, en proie à la panique la plus totale, je devrais sentir mon corps me faire souffrir alors qu’il se recouvre de plaque rouge. La seule chose qui ressemble à mes symptômes c’est mon cœur qui bat la chamade.
C’est la première fois depuis que j’ai dix ans que je supporte le contact d’une personne. Pire, c’est la première fois depuis tout ce temps que j’apprécie de me sentir ainsi. Je me mordille la lèvre inférieure avant de lever lentement les yeux vers la personne qui m’a sauvé d’un terrible accident.
— Tout va bien ?
Sa voix s’élève et j’ai l’impression que tout à disparu autour de nous. Je n’entends plus la petite fille pleurer, je n’entends plus la foule et encore moins la circulation intense. Je suis figé dans une espèce de transe quand nos yeux se croisent et que je l’observe, la bouche entrouverte.
Je le connais, il hante mes rêves et mes pensées depuis que je l’ai aidé à trouver son chemin. Je ne pensais pas le revoir un jour et voilà qu’il vient de me tirer d’un mauvais pas. Me souvenant qu’il m’a posé une question, je hoche la tête sans le quitter des yeux.
Il me relâche lentement et je suis surpris de me sentir déçu dès que ses mains quittent mon torse, j’ai encore la sensation de les sentir, mais ce n’est plus pareil, ça ne m’apaise pas de la même manière. Je me force à ne pas paraître plus bizarre que je ne dois l’être et fais un pas pour m’éloigner de lui
— Merci…
— Vous m’avez sauvé la vie cette nuit-là, c’était mon tour aujourd’hui.
— Oh…
Il se souvient de moi, je ne pensais pas que c’était possible, entre la pénombre et ma casquette, j’étais sûr qu’il ne pourrait pas bien voir mon visage. Je m’incline légèrement pour le remercier une nouvelle fois. Il ouvre la bouche pour parler, mais c’est à ce moment-là, qu’une jeune femme s’approche de nous, visiblement inquiète.
— Tout va bien ?
Je sursaute quand elle lève la main, je l’imagine déjà la poser sur mon poignet dans un élan de compassion. Elle ne penserait pas à mal, mais cela ne ferait qu'aggraver la situation pour moi. J’ai un mouvement de recul, mais un bras passe soudain autour de mon cou, la main se pose sur mon épaule et une fois de plus, je me retrouve rapproché de lui.
— Mon ami a facilement peur. La petite fille l’a surpris et il a réagi sans réfléchir.
C’est avec un flegme affolant qu’il donne une explication pour le moins plausible et qui ne me fait pas passer pour un fou furieux.
— Oh d’accord… je suis soulagée alors, un instant j’ai cru…
Mon corps est tendu, pas habitué à me retrouver dans cette situation sans avoir une explosion de panique. Je perds le fil de la conversation alors que j’analyse tout, sa main sur mon épaule, le poids de son bras, la chaleur de son corps, son parfum qui flotte lentement autour de moi.
Chacun de ces éléments me fait peur, me terrifie. D’ailleurs, je la sens pas très loin sous ma peau, courir lentement dans tout mon corps, attendant l’instant où je perdrai le contrôle pour jaillir plus forte que jamais.
Soudain, il se met en mouvement, m’entrainant avec lui et me pousse dans un taxi, me suivant de près. Je suis complètement abasourdi, je ne comprends rien à ce qui vient de se passer. Je suis dans un état second et je reste immobile à fixer le vide jusqu’à ce qu’une main se pose sur mon genoux et me le secoue lentement.
— Où est-ce que tu vas ?
— Hein ?
Il a un petit sourire en coin, alors qu’il me regarde avec une expression étrange sur le visage. Ce n’est pas de la pitié, de la honte ou de l’agacement, non, on dirait que la situation l’amuse plus qu’autre chose.
— Le taxi a besoin de l’adresse où tu te rends.
— Oh, bien sûr.
Je suis vraiment un idiot, j’ai l’air stupide et je retire ce que j’ai dit, il doit avoir pitié de moi, parce qu’à cet instant, moi j’ai horriblement honte de me comporter de cette manière. Je me penche vers le conducteur avant d’énoncer l’adresse où se trouvent les bureaux de mon travail. Il se contente de hocher la tête, d’enclencher une vitesse et il se faufile habilement au milieu des autres voitures.
Le silence qui retombe est apaisant, la présence de mon inconnu à mes côtés y contribue pour beaucoup, même si je ne comprends pas vraiment pourquoi. Je ressens une forte fatigue et pendant un moment je lutte pour garder les yeux ouverts, mais finalement, mon corps en décide autrement et je m’assoupis, ce qui ne m’était encore jamais arrivé à l’extérieur de chez moi.
— Hey ! Tu es réveillé ! Hey.
On me secoue lentement et il me faut un instant pour ouvrir les yeux. Le taxi est garé juste devant l’immeuble où se trouve mon lieu de travail, mais surtout, ma tête a glissé et elle est actuellement posée sur son épaule.
— Oh ! Merci !
Je me redresse brusquement, essuyant rapidement ma bouche pour faire disparaître d'éventuelles traces de bave en priant pour ne pas avoir baver sur lui. Je détourne le visage, me sentant gêné de croiser son regard, et m’apprête à quitter la voiture après avoir payé la course. Au moment où je pose un pied sur le trottoir, il attrape ma main pour me stopper.
— Maintenant que l’on s’est recroisé une fois, tu veux bien me dire comment tu t’appelles ?
— Sea, je m’appelle Sea.
Je ne réfléchis même pas et lui donne ce qu’il veut avant de précipitamment descendre et me diriger d’un pas vif en évitant les autres passants, faisant parfois des détours pour ça. Ce n’est qu’au moment où je touche la porte que je me retourne brusquement pour regarder l’emplacement maintenant vide où le taxi se trouvait juste avant.
Je ne lui ai même pas demandé son nom !




Dim 5 Nov - 19:37
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Néphély
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Chapitre 3



La Lumière Dans Le Noir




La journée a été éprouvante et le client beaucoup trop pointilleux. Je ressors las à la nuit tombée, les épaules voûtées, fatigué par toutes les émotions qui m’ont maintenu sur le qui-vive à chaque instant. La seule chose positive pour moi, c’est que les heures de bureau sont passées et que, même s’il y a encore un peu de monde, je devrais pouvoir rentrer chez moi sans problème. 


J’avance pour rejoindre l’arrêt des taxis, je pense déjà à ce que je vais acheter pour manger ce soir et à combien de câlins je vais devoir faire à Phuaan pour me faire pardonner ma journée d’absence.


— Hey Sea !


Je me fige en entendant quelqu’un m’appeler, ce n’est pas le genre de choses qui arrive tous les jours. Je peux même dire sans exagérer que cela n’arrive absolument jamais. Je tourne sur moi-même pour trouver d’où venait l’appelle, me disant qu’avec la fatigue, je l’ai peut-être tout simplement rêvé et cela aurait du sens. 


Et puis sur ma droite, je le vois, installé confortablement, mon sauveur qui me sourit laissant de nouveau apparaître ses fossettes, faisant naître la chaleur au creux de mon ventre. Quand nos regards se croisent, il me fait un petit signe et je lui réponds timidement. 


J’hésite un instant sur ce que je dois faire. Continuer ma route ? Aller le rejoindre ? Rester planter là bêtement en attendant qu’il vienne me voir ? Finalement mon corps décide pour moi, puisque je fais un premier pas dans sa direction, puis un deuxième et je me retrouve finalement planté face à lui. 


— Tu m’attendais ?


Il y a sûrement une autre raison qui expliquerait cette nouvelle coïncidence. Pourquoi m’aurait-il attendu ? Ça n’a aucun sens, on ne se connait pas et il n’a aucune raison de m’attendre sans savoir quand j’allais sortir. Pourtant, sa gorge laisse échapper un “Hmm” distinct alors qu’il hoche la tête. 


Je suis sous le choc, ma bouche s’entrouvre et je ne sais pas quoi dire. Je l’observe en espérant trouver une réponse sur son visage, mais il se contente de sourire mystérieusement. Je me gratte la tempe, ne sachant pas si je dois me réjouir ou bien avoir peur de ce qui est en train de se passer. 


— Allez, assieds-toi.


Je suis debout, immobile devant lui depuis quelques minutes et il finit par perdre patience. Il attrape mon avant-bras et tire dessus pour me forcer à le rejoindre. Il me relâche et c’est un mélange très fort de soulagement et de déception.


— Tu attends depuis longtemps ?


Je m’installe confortablement, laissant une distance raisonnable entre nous deux. Il fait mine de réfléchir et moi je fronce légèrement les sourcils. Cet homme est étrange, il ne me fait pas peur, il ne me blesse pas quand il me touche, mais je ne comprends pas pourquoi il semble si intéressé par moi. 


— Depuis que tu es descendu du taxi. 


La réponse me donne une sensation étrange dans la poitrine alors que je m’étouffe soudain avec ma salive. Il m’a attendu là toute la journée. Je tousse en essayant de reprendre mon souffle, les larmes me montent aux yeux et quand il me tapote légèrement le haut du dos, j’ai l’impression que je vais vraiment mourir. 


— Pour… Pourquoi ?


Entre deux quintes de toux, j'arrive à lui poser la question. De nouveau, il semble y réfléchir et de nouveau son petit sourire apparaît sur son visage. Sa main frotte machinalement mon dos et je me surprends à apprécier ça.


— Je n’ai pas pu te dire comment je m’appelle.


Je le regarde en silence, la bouche entrouverte, et je ne sais pas s’il se moque de moi ou pas. Comment peut-on attendre une personne pendant toute une journée, juste pour lui dire son prénom. C’est… étrange.


— Et comment tu t’appelles ?


Je préfère ne pas lui poser de question sur son attitude qui pourrait être légèrement effrayante et le questionne plutôt sur son identité. J’avais moi-même regretté de ne pas lui avoir demandé plus tôt, alors c’est l’occasion de pouvoir enfin mettre un nom sur la personne qui hante mes pensées depuis que je l’ai rencontré. 


— Jimmy


— Et bien, enchanté Jimmy.


Je lui souris en faisant un petit signe de tête, mais une fois de plus, il se montre beaucoup trop amical et tactile avec moi. Il ne le fait pas exprès, ça semble faire partie de sa personnalité, mais quand il me tend la main, je me raidis et malgré moi, je colle mes mains contre mon torse pour me protéger. 


Il m’observe un instant en fronçant les sourcils avant de baisser lentement sa main. Je m’humidifie les lèvres, un peu nerveux et n’aimant pas vraiment l’expression sur son visage. Il faut dire, toute la journée, il m’a touché, que ce soit pour me sauver la vie, me servir d’oreiller ou même m’aider à reprendre ma respiration. Seulement, à chaque fois, il y avait la barrière des vêtements et je ne sais pas comment je réagirais en touchant réellement sa peau. Est-ce que je serais déçu, si soudain les symptômes apparaissaient en lui serrant la main ?


— Je suis désolé…


Je murmure dans une ambiance largement refroidie et teintée d’embarras de notre part à tous les deux. Je me gratte nerveusement la nuque, hésitant sur ce que je dois faire. Une grande partie de moi pense qu’il vaudrait mieux que je me lève et que je fuis. Certes, c’est agréable de parler à quelqu’un, mais s’il connaissait la vérité, il me regarderait différemment. C’est ce que veut une plus petite partie de mon esprit, lui dire pourquoi j’ai refusé de lui serrer la main, mais c’est effrayant. 


J’ai vécu dans la peur la plus grande partie de ma vie. Tant et si bien que je ne me souviens qu’à peine de ma vie quand je n’étais qu’un enfant insouciant qui bravait tout en riant. Ce petit garçon me semble être un autre, un rêve que j’aurais pu faire et qui n’est absolument pas moi.


Je me redresse en me tournant légèrement vers lui et nos regards se croisent, mes mains tremblent et s’agrippent à mon pantalon, mais je suis déterminé. Oui, il m’intrigue, oui je me sens bien près de lui, en sécurité. Cependant je le connais à peine, alors s’il venait à quitter ma vie, ça ne changerait pas grand chose pour moi. Autant s’en assurer maintenant que souffrir plus tard. 


— Je souffre d’une phobie… étrange. Je ne supporte pas que l’on me touche ou de toucher quelqu’un. 


J’ai tout déballé d’un trait, rapidement, et maintenant je retiens presque ma respiration en attendant sa réaction. Dans ma vie, seuls ma tante, mon patron et le psychiatre qui me suit depuis mes douze ans sont vraiment au courant de mon trouble. 


Il m’observe en fronçant les sourcils, la bouche entrouverte et je vois bien qu’il tente de donner un sens à mes paroles. Le silence s’éternise et je sens la nausée me serrer la gorge. Évidemment qu’il ne peut pas accepter ma bizarrerie, il doit certainement chercher une manière de me fausser compagnie. Pour ça je peux l’aider, je peux partir en premier, ce sera moins difficile pour nous deux. Au moment où je fais un mouvement, prêt à me lever, il reprend la parole. 


— La petite fille te tenait la main… c’est pour ça que tu as réagi si vivement ?


Je tourne timidement la tête vers lui avant de la hocher doucement. Cependant, il garde la même expression, les yeux perdus dans le vide comme s’il tentait de comprendre tout ce que cela impliquait.


— Quand je touche quelqu’un ou quand quelqu’un me touche… je panique, j’ai du mal à respirer et j’ai la sensation que la zone touchée brûle et se couvre de boutons…


C’est loin d’être glamour, je ne sais pas pourquoi je lui donne autant de détails, c’est ridicule. Je me lève brusquement et du coin de l'œil je le vois faire un geste pour me retenir avant qu’il ne se ravise. 


— Mais… je t’ai tenu plusieurs fois… je t’ai fait mal ?


Il se lève à son tour après avoir posé cette question et tente de croiser mon regard, mais je l’évite consciencieusement. Je n’ai pas vraiment de réponse à lui donner, ce n’était encore jamais arrivé et je ne sais pas si cela signifie que maintenant je peux toucher les gens si ce n’est pas en contact direct ou bien Jimmy ne serait qu’une étrange exception. 


— Tu… tu ne m’as pas fait mal, mais je ne sais pas pourquoi.


Il souffle de soulagement avant de retrouver le sourire et il se frotte rapidement les cheveux se décoiffant totalement, mais il ne semble pas s’en soucier. Sans y réfléchir, je lève la main pour remettre une mèche de cheveux qui est pratiquement droite sur sa tête. Nos regards se croisent et je deviens cramoisi. 


— Je… c’est que… tes cheveux…


Il éclate de rire alors que je tente de me justifier sans y arriver. Il récupère son sac et le mien qui était toujours posé et commence à marcher vers les taxis alors que je tente de justifier mon geste, plus gêné que jamais. 




Je me suis laissé guider. Jimmy nous a rapidement trouvé un taxi qui nous ramène maintenant vers chez nous. Il n’a pas vraiment demandé plus d’explications, il n’a pas cherché à savoir d’où ce mal me vient et j’en suis content, je n’ai pas envie de devoir mettre des mots dessus, surtout après cette journée éprouvante. 


Seulement, l’idée de savoir si je peux le toucher ne me quitte pas, j’ai peur, mais la curiosité est bien plus forte. Imaginer avoir dans mon entourage une personne que je pourrais approcher sans crainte me donne un espoir un peu fou alors que je le connais à peine. 


J’essaie de repousser l’idée en trouvant un sujet de conversation neutre, mais ce n’est pas vraiment facile, parce que je vis à l’écart de la société depuis bien trop longtemps. Je me tiens au courant de beaucoup de choses, mais ce n’est pas la même chose que de les vivre au quotidien alors que je suis enfermé dans mon donjon. 


— Au fait, tu n’avais pas quelque chose de plus important à faire que de m'attendre aujourd’hui ?


Il repose sa tête contre l’appui tête avec un petit sourire amusé, avant de sortir son téléphone et de rapidement envoyer un message. Puis il tourne la tête vers moi et mon cœur s’emballe. C’est ridicule, je ne le connais pas, alors pourquoi je semble un peu trop apprécier sa présence. 


— Je devais retrouver ma sœur, elle va se marier bientôt et je devais l’aider à trouver un cadeau pour son futur mari. 


Mes yeux s’agrandissent, je me redresse et je me sens coupable de l’avoir empêché de vaquer à ses occupations. D’accord, je ne l’ai pas obligé à attendre, mais je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser en pensant à sa sœur en train de l’attendre alors qu’elle prépare le plus beau jour de sa vie. 


— Mais pourquoi tu n’y es pas allé ?


— Parce que tu m’intrigues et je ne savais pas comment j’aurais pu te revoir sinon.


Il me répond du tac au tac comme s’il s’était préparé à cette question et c’est peut-être le cas, il a eu du temps pour réfléchir pendant qu’il m’attendait. 


— Ta sœur a dû être déçue.


— Ne t’inquiète pas, elle a compris. Tu as quel âge Sea ?


Je fronce les sourcils, comment ça, elle a compris ? Qu’est-ce qu’il a pu lui dire pour qu’elle comprenne ? Il ne me laisse cependant pas vraiment l’occasion de chercher à comprendre, car il a aussitôt enchaîné avec une question me concernant.


— J’ai 24 ans.


— Oh, alors je peux t’appeler Nong.


Il a un petit sourire en coin satisfait et au lieu de lui retourner la question, je me contente de le contempler. Je note chaque détail de son visage et l’envie de découvrir si je peux réellement le toucher sans être malade me revient en mémoire.  


— Phi, est-ce que je peux te toucher ?


Mais qu’est-ce qui me prend ? Je vois le regard du chauffeur à travers le rétroviseur, je sens celui de Jimmy alors que je baisse la tête en rougissant et me maudissant de ne pas avoir réussi à garder ma question pour moi. 


— Je veux dire, je peux vérifier… que te toucher ne déclenche pas mes symptômes ?


Je me mords la lèvre alors qu’en essayant de m’expliquer, je ne fais que compliquer la situation, la rendant encore plus déplacée et le reste du trajet se fait dans un silence pesant, même si régulièrement, j’entends Jimmy pouffer de rire. 


Je bondis hors du taxi en laissant mon sauveur payer, je serais bien incapable de croiser le regard du chauffeur. Je me mets dans un coin éloigné, ne voulant pas me retrouver au milieu de la foule et risquer de me faire toucher par qui que ce soit. 


Jimmy revient rapidement, les mains dans les poches, un petit sourire aux lèvres, il est beau. Je me mords l’intérieur de la joue, je dois vraiment arrêter de penser à des choses comme ça. Je me connais, je ne sais pas garder ce que je pense sur le moment pour moi et je ne peux pas en plus lui dire ce genre de choses, ce serait beaucoup trop pour une première vraie rencontre. 


— Tu as mangé ?


Il secoue la tête et je soupire. Évidemment, il est resté assis toute la journée à m’attendre, il n’a pas dû oser s’éloigner de peur de me louper. C’est vraiment n’importe quoi ! 


— Laisse-moi t’inviter à manger, alors.


— Chez toi ?


— Hmm


— Tu ne vas pas en profiter pour essayer de me toucher ?


Je me sens rougir alors qu’il se moque ouvertement de moi. Il éclate de rire et je ne peux pas m’empêcher de le suivre. Après tout, maintenant que j’ai fait cette bêtise, autant l’assumer et en rire, non ?


— Je suis d’accord, mais à une condition ?


Une condition ? Je l’invite à manger, mais il a une condition. Il est peut-être allergique à quelque chose et alors oui, il vaut mieux qu’il me le dise, ce serait malheureux que je le tue en tentant de le nourrir. Et puis, je ne suis pas sûr de pouvoir survivre à une arrestation. J’ai un violent frisson rien que d’y penser. 


— Tu as des allergies ?


— Quoi ?


Il me regarde sans comprendre et on reste un moment à s’observer, essayant chacun de deviner à quoi pense l’autre. Je ne suis pas très doué à ce jeu en tout cas, car tout ce que je vois, ce sont ses yeux sombres fixés sur moi. 


— Viens avec moi samedi, faire une sortie.


— Non… ce n’est pas une bonne idée… C’est…


Il attrape la manche de mon sweat et la secoue doucement, faisant bien attention à ne pas me toucher alors qu’il me regarde, presque suppliant de dire oui. 


— S’il te plaît… Nong, viens avec moi. 


Je me mordille la lèvre nerveusement, une fois de plus, mon esprit est scindé en deux, entre la partie qui veut foncer et l'accompagner et celle qui veut se réfugier en sécurité sous ma couette. Encore une fois, je me trouve plus courageux que je ne le pensais car je hoche la tête. 


— D’accord.


Aussitôt, Jimmy soulève mon avant-bras et avant que je ne puisse comprendre ce qui se passe, ma paume se pose sur sa joue. Je prends une profonde inspiration alors que ma paume semble irradier de chaleur. 


Il y a un instant de silence puis j’ai un petit éclat de rire alors que les étranges picotements dans ma peau sont agréables. Sans trop réfléchir, je pose ma deuxième main sur sa joue, mon pouce caresse le haut de sa joue. Je suis trop focalisé sur ce qui est en train de se passer pour voir le regard tendre que Jimmy me porte. 


— Est-ce que ton invitation tient toujours ?


Sa voix me sort d’un doux rêve, je serais sûrement resté ici des heures à caresser ses joues s’il n’avait pas parlé. Je réalise alors que je suis trop proche de lui, dans une position qui pourrait porter à confusion pour les passants. Je retire brusquement mes mains, les cachant derrière mon dos en rougissant. 


— Bien sûr, suis moi. 


Je pars d’un pas vif, en serrant mes mains l’une contre l’autre pour tenter de conserver la sensation de la douceur de la peau de Jimmy sous mes doigts le plus longtemps possible. Mes joues me font mal à force de sourire, mais cette journée qui avait si mal commencée, se termine sur une note d’espoir de retrouver un semblant de normalité grâce à la présence de Jimmy.






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Néphély
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Chapitre 4



Premier Rendez-Vous




Je me regarde devant la glace et je suis ridicule. On est samedi, il est bientôt quatorze heures et dans quelques instants, Jimmy doit venir me chercher. Je me rends compte que je n’ai jamais été aussi nerveux. Ce n’est pas parce qu’il veut m’emmener dans un endroit inconnu. Ce n’est pas parce qu’il risque d’y avoir du monde. Non, c’est parce que mes mains ne veulent pas oublier la sensation de sa peau sous mes doigts. 


Je prends mon éternel sweat noir et l’enfile avant de me regarder à nouveau. Je n’aime pas l’image que je renvoie, ce n’est pas celle que je voudrais lui montrer. Alors je le retire et observe mon t-shirt qui n’est pas clairement mieux. Je suis en train de devenir fou. Je m’accroupis en ébouriffant mes cheveux avant d’enrouler mes genoux de mes bras. 


Est-ce que c’est normal de se sentir nerveux à ce point de sortir avec une personne que l’on vient de rencontrer ? Une personne qui est la seule à pouvoir vous toucher sans vous rendre malade. Je soupire avant de regarder mes mains avec un petit sourire, me rappelant sans effort de la scène, du moment où la pulpe de mes doigts a rencontré la douceur de sa peau, combien la chaleur était intense, mais sans être douloureuse. 


Je pose mon visage rouge contre mes genoux, je ne sais pas s’il a compris combien cet instant était important, combien il m’a chamboulé et que maintenant je serais incapable de le laisser s’éloigner de moi. Enfin, je ne sais pas vraiment, je ne le connais pas, mais j’ai la sensation qu’il compte déjà plus pour moi que toutes les personnes que j’ai pu croiser dans ma vie, enfin… presque. 


Je me redresse brusquement, m’approchant de la cage de Phuaan qui dort profondément, roulée en boule. J’aimerais la prendre dans mes bras, lui faire un câlin et trouver du réconfort grâce à sa présence, mais je ne veux pas la déranger non plus. 


Je me rends compte que je suis au bord de la crise d’angoisse, les émotions se bousculent en moi comme un tourbillon que je n’arrive pas à arrêter. Finalement, je retourne ramasser mon sweat qui traîne sur le sol où je l’ai laissé tomber et l’enfile, les mains tremblantes. 


Pile à ce moment, on toque à ma porte et je ne peux pas m’empêcher de tressaillir. Je pose la main sur mon cœur, prends une profonde inspiration et essaie de me calmer avant d’aller ouvrir ma porte, laissant apparaître Jimmy qui m’offre un de ses petits sourires en coin qui me plaît déjà beaucoup trop. 


— Salut.


— Sa… salut.


Je m’en veux d’être aussi nerveux et hésitant. Je voudrais être détendu et sûr de moi, ne pas montrer que cette sortie n’est pas si importante que ça. Après tout, je suis juste une connaissance, il y a peut-être même un brin de pitié dans sa démarche et je ne dois pas m’imaginer quoi que ce soit de plus.


Je sors de mes pensées quand sa main se pose sur ma tête, mon souffle se coupe brusquement et mes yeux s’écarquillent, mais lui ne se dépare pas de son sourire. 


— Je ne sais pas à quoi tu penses, mais ça ne doit pas être agréable, tu fronces les sourcils. 


— Oh !


J’attrape la lèvre entre mes dents et je ne sais pas vraiment comment je dois réagir. Ma tante a bien tenté de me sociabiliser, mais je me rends compte que je ne connais pas vraiment les codes. Sa main glisse sur ma joue et un long frisson me parcourt le dos. Je ne sais pas si un jour, je pourrai m’habituer à ça. Il attrape mon menton et me force à le regarder dans les yeux.


— Nong Sea, calme toi, je veux juste t’emmener quelque part, il n’y aura pas trop de monde et je vais veiller sur toi, d’accord ?


S’il savait que mes pensées sont à mille lieux des autres mais sont totalement focalisées sur lui, je ne suis pas sûr qu’il apprécierait. Je dois arrêter de m’emporter et juste garder en tête qu’il fait ça parce qu’il a pitié du pauvre garçon qui ne peut pas sortir car toucher des gens le rend malade. L’idée fait mal sur le moment, mais je suis sûr que comme ça, par la suite, quand il décidera que sa bonne action est suffisante et qu’il partira, ce sera moins douloureux. 


— D’accord. 


— Allons-y


Je prends ma besace et rapidement je ferme la porte avant de le suivre vers l’extérieur. Je ne sais pas à quoi m’attendre. Il m’a demandé de sortir mais je n’ai même pas eu la curiosité de savoir où on allait et surtout comment on y allait. Alors quand il s’approche de l’énorme moto qui est stationnée juste à côté de mon immeuble, je me sens blanchir. 


— Euuh, Phi ?


— Hmm ?


Il est déjà occupé à sortir un casque du petit coffre sous le siège. Il se retourne et finalement je n’ai pas besoin de parler, mon visage le fait pour moi. Il a un petit sourire avant de s’approcher de moi.


— La moto sera le moyen plus simple pour circuler, mais si jamais ça devient trop dur pour toi, tu me feras signe et je m’arrêterai aussitôt. Je ferai attention en conduisant, promis. 


Je me contente d’hocher la tête et bien vite je me retrouve perché sur la moto, collé contre Jimmy alors qu’il slalome entre les voitures. Je ne suis pas très rassuré, mais bien trop obnubilé par le fait d’avoir mes mains posées sur son ventre et ma tête contre son dos pour avoir peur d’autre chose. 


Je ne sais pas où il m’emmène et même si je le savais, je serais bien incapable de me repérer. La ville, je la connais à travers les souvenirs d’enfant et les images que j’ai trouvées sur internet. La seule chose que je connais vraiment, c’est mon quartier et comment aller au travail. Je n’ai jamais exploré le reste. 


Après un long moment, il gare la moto devant ce qui ressemble à une immense serre. Il coupe le moteur et enlève son casque. Le problème est que moi je suis incapable de bouger. J’ai peut-être eu un peu plus peur que je ne le pensais et je suis tétanisé. 


— Ça va ?


— Je tremble…


Je le dis, mais il doit le sentir vu comment je suis collé à lui. Il soupire et avec patience, il dénoue mes doigts puis retire mes mains qui étaient agrippées à sa veste. Il se lève et m’aide à descendre, mais sans me lâcher le bras avant d’être sûr que je tiens bien sur mes jambes. 


— Désolé, j’aurais dû prendre la voiture.


— Non, j’ai aimé, c’était juste… intense.


Je ne saurais pas l’expliquer autrement, mais la vitesse, sa présence contre moi et découvrir la ville, ça fait beaucoup en une seule fois. Il hoche la tête, visiblement soulagé, et m’entraîne vers l’entrée du bâtiment, sa main posée sur mon dos, comme s’il avait peur que je m’effondre soudain. 


Enfin, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée, car je ne suis pas encore très assuré sur mes jambes. J’observe autour de moi, curieux, le parking est pratiquement vide et je n’ai pas fait attention au panneau à l’entrée. 


— Jimmy, où est-ce que l’on va ?


Il serait peut-être temps que je m’en inquiète, d’ailleurs ma question le fait rire et il m’ouvre la porte pour me laisser entrer avant de répondre. On se retrouve dans un grand hall rempli de photos, il y a de nombreuses chaises et au milieu une personne assise derrière un bureau.


— C’est une serre aux papillons. Elle appartient à mon oncle.


Mon visage s’illumine quand il mentionne les papillons et je regarde tout de suite autour de moi, pour voir si je peux en apercevoir. J’ai toujours vu les papillons comme un animal libre et si un jour je devais me réincarner en animal, même si sa vie est courte, je voudrais être un papillon pour pouvoir voir le monde sans avoir peur. Je lui en avais vaguement parlé dans le taxi, un peu avant qu’il ne me propose de m’emmener quelque part en échange de pouvoir lui toucher la joue. 


— Mon oncle est passionné par les papillons depuis qu’il est petit et il a réussi à faire cohabiter une centaine d'espèces différentes, dont quelques-unes sont assez rares. 


Je l’écoute avec attention, tout en cherchant à voir les papillons, je suis bien plus excité par cette visite que s’il m’avait emmené n’importe où ailleurs. Il éclate de rire en me regardant puis m’entraîne vers une des portes sur notre gauche. Il se contente de faire un signe à la femme derrière le bureau qui lui répond de la même manière. 


La serre est incroyable, immense et relaxante. On est entouré par la végétation, comme si on était réellement en plein milieu de la forêt. Il y a des mares, de petites chutes d’eau et des milliers de papillons. C’est une nuée de couleurs différentes, je ne sais pas où poser mon regard tellement il y a de choses à voir. 


Je ne saurais pas dire si on croise d’autres personnes, même si de temps en temps, Jimmy me colle contre lui ou bien me décale et fait barrière. Je suis tellement pris par ce que je vois, que je ne fais plus attention au reste et je me repose complètement sur lui pour me protéger. 


Je lève soudain la main et la montre à Jimmy en riant alors qu’un papillon s’est posé dessus et ne semble pas décidé à repartir. J’en profite pour l’observer sous toutes les coutures. Le temps passe, je m’arrête toutes les deux secondes, je montre absolument tout ce qui me semble extraordinaire à Jimmy qui doit s’ennuyer, il doit connaître la serre par cœur et pourtant, il ne montre aucun signe d’impatience. 


Au bout d’un moment, il m’entraîne un peu à l’écart et on se retrouve au milieu de la végétation. Je ne suis pas sûr qu’on ait le droit d’être là, on vient de quitter le sentier balisé et je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter. 


— Phi, tu es sûr qu’on a le droit ?


Au même moment, on arrive dans une sorte de petite trouée à travers les arbres, il y a un banc en plein milieu et c’est là qu’on se dirige. 


— C’est l’endroit où mon oncle vient pour réfléchir. 


On s’assoit sur le banc et il me tend une bouteille. Je me rends compte que je suis assoiffé et je la vide presque après l’avoir remercié. Le silence nous entoure rapidement, mais c’est apaisant, surtout quand les papillons commencent à voleter autour de nous, à se poser sur nous et j’ai l’impression que l’instant est magique. 


— Je comprends pourquoi il aime venir ici, c’est incroyable. 


C’est fabuleux de pouvoir vivre de sa passion, de pouvoir côtoyer chaque jour ce qui rend le monde merveilleux pour vous. En pensant à cela, je me rends compte que je n’ai pas vraiment chercher à en apprendre plus sur Jimmy alors que lui m’a déjà posé beaucoup de questions. 


—  Jimmy, je ne t’ai jamais demandé ton âge et ce que tu faisais dans la vie.


— J’ai vingt-huit ans et je tiens une boutique de décoration avec ma sœur. 


Tenir une boutique, il doit en voir du monde tous les jours. Nos vies sont vraiment diamétralement opposées l’une de l’autre. Moi, le solitaire qui a peur de sortir et lui, le populaire qui est toujours entouré. J’ai un petit sourire en coin, en me demandant si ça pourrait faire une bonne histoire. Non, sûrement pas, l’histoire ne serait pas vraiment passionnante. 


— Tu t’entends bien avec ta sœur ?


— Disons que ma sœur est une petite teigne qui sait comment obtenir ce qu’elle veut de son grand-frère. 


Il a beau se plaindre, son visage garde son sourire et ses yeux pétillent et encore une fois, mon cœur s’emballe. Je me sens rougir et je trouve l’excuse de suivre un papillon d’une belle couleur orange, pour détourner mon regard et me cacher.


— Tu as juste une petite soeur ?


— J’ai aussi un grand-frère, mais on n’est pas vraiment proche. 


Je jette un coup d'œil et me rends compte que son visage s’est nettement assombri et j’ai peur d’avoir posé la question qu’il ne fallait pas. Après tout, on a tous des choses dont on ne veut pas parler, que l’on veut garder enfoui au plus profond de soi et je ne me sens absolument pas légitime à lui poser plus de questions à ce sujet. 


— Tu as des frères et sœurs ?


— Non, il n’y a que moi et… heureusement.


Je n’ose imaginer comment les choses se seraient passées si j’avais eu une fratrie. Quand j’y pense, je me dis que ça aurait pu être mieux, je ne serai pas si… atteint et puis la raison revient et je me dis que ça aurait eu toutes les chances d’être bien pire et qu’il vaut mieux que j’aie été le seul à souffrir. 


Je sursaute quand ses bras passent autour de ma taille avant de me détendre. Je ne suis pas habitué à ce que l’on me touche, mais quand il resserre son étreinte autour de moi, je me sens à l’aise. 


— Désolé, je n’aurais pas dû demander.


Son menton se pose sur mon épaule et on regarde les papillons un moment en silence. Mon cœur tambourine presque douloureusement dans ma poitrine, j’aimerais pouvoir me délivrer de ce poids, lui raconter mon histoire, mais pas ici, pas maintenant. 


— Je te dirai tout un jour, mais pas aujourd’hui. 


— Je peux patienter, Sea, et je te parlerai aussi de mon frère, un jour.


Le silence retombe et au lieu de me relâcher, il me garde contre lui, soupirant doucement contre mon cou, me faisant frissonner et je me sens étrangement fébrile. Cependant, je ne cherche pas à m’extraire de ses bras, au contraire, je m’appuie un peu plus contre son torse, même si je ne sais pas vraiment pourquoi tout me semble si naturel. 


— Phi… pourquoi tu fais tout ça ?


Je lui en suis reconnaissant, j’aime vraiment les moments que je passe avec lui et dans le fond, ça me fait un peu peur. Je m’attache à lui beaucoup trop vite, je n’ai aucune inquiétude quand je pense à lui et je lui fais déjà totalement confiance. 


— Je ne sais pas, j’ai juste envie de le faire et ça me semble… normal.


Sa réponse ressemble à ce que je pense et ça me conforte dans l’idée que je ne dois pas faire marche arrière. Oui, c’est encore un inconnu, oui il pourrait soudain disparaître et alors je souffrirais, mais dans le fond, je sais qu’il est déjà trop tard pour faire marche arrière, parce que pouvoir avoir un contact physique avec quelqu’un, même si c’est juste se tenir la main, c’est déjà beaucoup trop précieux pour moi. 


— On va devoir y aller, je dois aller rejoindre des amis dans un bar.


— Oh…


Le retour à la réalité est dur même s’il parle d’une voix basse à mon oreille. Évidemment, il doit aller rejoindre ses proches, je ne suis qu’une parenthèse à sa vraie vie. C’est comme un électrochoc et je quitte ses bras sans trop y réfléchir. 


— Bien sûr, c’est déjà énorme que tu m’aies emmené ici. 


Je reprends aussitôt la direction que l’on a empruntée pour venir. Je ne veux pas partir, mais je ne veux pas m’imposer non plus. Seulement, je n’ai le temps de faire que trois pas qu’il m’attrape la main et me retient. 


— J’aimerais que tu viennes avec moi.


— Quoi ?


Je me suis retourné vers lui, avec une expression choquée sur le visage. Il veut que je vienne, rejoindre ses amis, dans un lieu bondé, là où il y aura des gens ivres trop tactiles. Est-ce qu’il veut ma mort ? C’était son plan depuis le début ? Me tuer en m’entraînant dans un lieu où des dizaines de personnes pourraient potentiellement me toucher et déclencher mes symptômes. Rien que d’y penser, mes mains deviennent moites et ma cage thoracique se resserre. 


—  Passe la soirée avec moi, je te promets, personne ne te touchera, je resterai toujours près de toi.






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Néphély
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Chapitre 5



Désillusion




Je ne sais pas ce que je fais là, j’ai fait une erreur en acceptant, je ne suis pas capable d’entrer dans ce bar. Je ne suis pas descendu de la moto même si ça fait cinq bonnes minutes que Jimmy a coupé le moteur. Je me cramponne à lui et cette fois, il ne cherche pas à précipiter les choses. 


Le bar a l’air calme, il n’y a que de la musique qui s’échappe de la porte quand quelqu’un sort pour aller fumer. Je fais glisser le tissu du pull de Jimmy entre mes doigts et soupire à nouveau, je tremble toujours, mais cette fois-ci, ce n’est pas à cause de l’excitation de la balade. 


— Je peux te ramener, Sea.


Sa main se pose sur la mienne et je tourne la tête, quittant enfin le bar du regard. A travers la visière du casque, je ne vois que ses yeux, mais je devine le sourire sur ses lèvres. Il voudrait que je vienne, mais il ne me forcera pas, il me ramènera chez moi, quitte à être en retard, si je lui demande. 


— Il n’y a pas l’air d’y avoir trop de monde.


Ma gorge s’assèche tout en parlant, je ferme les yeux pour tenter de me contrôler, ma mère avait tort, le psy me l’a répété jour après jour pendant des années. Les gens ne me feront pas de mal, ils…


— C’est le bar du père d’un ami, ils ont fait une fête pour mon retour en Thaïlande, tu n’auras rien à craindre. 


La voix de Jimmy est douce à mon oreille alors qu’il tente de me rassurer. J’ai pris la décision de lui faire confiance, de le laisser me guider dans cette aventure et je ne veux pas le décevoir. Alors lentement, je relâche mes doigts et je me redresse.


— Je vais venir. 


Lentement, je descends de la moto et j’enlève mon casque sans quitter le bar du regard. J’ai rarement été avec du monde, je ne les connais pas et je ne sais même pas ce que je pourrais leur raconter. 


— On restera près de la sortie, comme ça, si vraiment tu te sens mal à l’aise, on pourra partir plus facilement. 


Jimmy range les casques avant d’avancer vers le bar. Je reste légèrement derrière, je voudrais pouvoir lui prendre la main ou le bras, pour me donner de la force et me rassurer, mais je ne peux pas faire ça devant ses amis. Ils prendraient notre relation pour ce qu’elle n’est pas. Je ne sais même pas s’il a une petite-amie ou pas. Cette idée me fait grimacer et je ressens une émotion que je n’arrive pas bien à comprendre. 


L’ambiance à l’intérieur du bar est beaucoup moins tranquille que je ne le pensais. Il y a une trentaine de personnes et je me sens rapidement blanchir. Il fait chaud dans la salle, la musique semble hurler et les gens s’amusent, rient et font semblant de se battre. J’ai un mouvement de recul, c’est trop pour moi, c’était une mauvaise idée. 


Malheureusement, il est trop tard, les têtes se tournent vers nous et c’est une explosion de salutation alors que tout le monde se lève pour venir saluer l’homme de la soirée. J’aurais bien envie de fuir quand je les vois s’approcher, mais je suis complètement paralysé par la peur. 


Au début, ils se contentent de saluer et chahuter Jimmy, lui posant mille et une questions sans vraiment lui laisser le temps de répondre. Puis une jeune femme, visiblement émechée, se tourne vers moi, elle n’est pas très grande, brune aux yeux noir savament maquillés. Elle me fixe la tête légèrement penchée sur le côté comme si elle essayait de trouver qui j’étais et pourquoi j’étais là. 


— Oooooh !! Un nouvel ami.


Ses yeux s’illuminent et elle se précipite vers moi, les mains tendues comme pour me prendre dans ses bras et j’ai envie de hurler. Je vais vraiment mourir dans ce bar, finalement, ce n’était pas une idée en l’air. 


Une main chaleureuse se pose sur ma hanche et rapidement je suis poussé derrière un large dos. Jimmy, comme il l’a promis, me tient à l’abri. Sans réfléchir, je pose mon front moite contre son dos et je souffle doucement. 


— Ce nouvel ami supporte mal la foule, il a fait un gros effort pour venir, alors s’il te plaît Lemon, ne le fais pas fuir.


Il gronde gentiment la jeune femme qui reste un moment sans répondre. Je n’ose pas lever la tête et si je m’écoutais je me collerai totalement contre lui.


— Ok, mais dis plutôt que tu veux le garder pour toi.


Je sens le rire de Jimmy autant que je sens mes joues me brûler quand elle sous-entend ça. Je n’ose même pas relever la tête quand Jimmy se tourne vers moi, au point qu’à nouveau, il doit poser ses doigts sous mon menton pour me forcer à croiser son regard. 


— Allons nous asseoir et boire un verre, d’accord ?


Je me contente de hocher la tête et il attrape ma main pour me guider jusqu’à ses amis qui sont retournés à leurs consommations et leurs discussions. Je tiens fermement mon verre de soda entre mes mains, je suis assis droit sur ma chaise et je reste silencieux. Ils se sont lancés dans une longue conversation sur leurs années d’études et moi, je n’ai rien à dire de plus que… j’ai étudié à la maison.


Ils m’avaient regardé un instant surpris avant de retourner à leurs anecdotes. Les écouter n’est pas désagréable, même si cela me met face à tout ce que ma maladie m’a fait louper. Jimmy nous a installé de manière que je ne sois à côté que de lui et que ceux se rendant aux toilettes ne passent pas près de moi. 


Je me suis détendu petit à petit et ce n’est pas forcément désagréable, même si c’est comme si je n’étais pas vraiment là. Mon silence a rapidement fait baisser l’attrait de la nouveauté que je représente et comme Jimmy n’a répondu à aucune de leurs questions me concernant, ils font comme si je n’étais pas là. 


— Tu veux que l’on rentre ?


Jimmy me le demande une nouvelle fois, sa main n’a pas quitté mon genou et régulièrement, il quitte la conversation pour discuter avec moi avant que ses amis ne le happent à nouveau. 


— Non !! Pas tout de suite ! Phi Honey va arriver.


Je n’ai même pas le temps de répondre que Lemon le fait à ma place. Quand elle nomme la personne qui manque, le comportement de Jimmy change brusquement, il me tourne complètement le dos pour parler avec la jeune femme, sa main quitte mon genou et j’ai un étrange sentiment qui naît au creux de mon estomac. 


Je n’ai pas le temps de réfléchir à ce que ça veut dire que la clochette sur la porte retentit et qu’une jeune femme aux cheveux teints en blond entre dans le bar. Jimmy se lève sans aucune hésitation et se précipite vers elle pour la soulever dans ses bras et tourner plusieurs fois sur lui-même sous les acclamations de ses amis.


A partir de là, je n’existe vraiment plus pour lui, je ne comprends pas la relation entre eux, mais je me rends surtout compte que je me suis emballé pour une histoire qui n’en est absolument pas une. Discrètement, je me lève et me rends aux toilettes, je me sens incroyablement triste et je veux juste rentrer chez moi. 


Je me passe un peu d’eau sur le visage avant de me regarder dans le miroir. Je n’y vois rien d’intéressant, un jeune homme dans la vingtaine, l’air apeuré, un peu trop pâle pour sembler en bonne santé et éteint, son regard est vide. Comment je pourrais un jour rivaliser avec une femme comme elle. 


De la surprise passe sur mon reflet quand je me rends compte de mes pensées. Rivaliser ? Je viens de rencontrer Jimmy, comment je pourrais… même là, je ne me trouve pas convaincant, je sais que c’est vrai, dans le fond, dès ce soir-là où je l’ai aidé à trouver son chemin, j’ai commencé à craquer pour lui. 


Je retourne lentement dans la salle, je vais récupérer mon sac et trouver un taxi pour rentrer, je n’ai pas ma place ici. Ce n’est pas mon monde, ce n’est pas ma vie et jamais quelqu’un comme Jimmy ne me verra autrement que comme le gars un peu étrange qui fait pitié. 


Je m’approche de la table silencieusement, personne ne me remarque et c’est le coup de massue final à ce qui avait pourtant été une magnifique journée. 


—  Vous croyez qu’il l’a dégoté où celui-là ?


— Je ne sais pas, mais il a toujours eu la manie de ramasser les chiots égarés et mal en point.


— J’ai presque pitié pour lui… rien ne peut surpasser Phi Honey.


Ils ont raison, surtout quand, en levant les yeux, je vois la jeune femme adossée contre le mur, à l’écart des autres dans la pénombre, et Jimmy le coude posé au dessus de sa tête en train de lui murmurer à l’oreille. J’ai l’impression que mon coeur se comprime tellement douloureusement que j’ai du mal à retenir un hoquet de douleur. 


Je sais maintenant ce que je ressens, c’est de la jalousie, je suis jaloux de toutes ces personnes qui se montrent si proches et si tactiles envers lui. J’attrape rapidement mes affaires et sans regarder personne, me sentant trop bête à cet instant, je fais demi-tour et quitte le bar. 


— Hey ! Nouveau venu, où tu vas ?


Lemon m’interpelle quand je passe le pas de la porte, mais je ne réponds pas, je me contente de fuir. Je sens les larmes me monter aux yeux, des larmes brûlantes et douloureuses. Comment est-ce que j’ai pu tomber si rapidement amoureux de quelqu’un ?


Je marche d’un pas rapide, remontant la rue sans vraiment savoir où je vais. Je devrais m’en inquiéter, mais je sais que je finirai par tomber sur une station de taxi. Les larmes coulent librement sur mes joues, je ne cherche pas à les réprimer, de toute façon, ce serait impossible.


— Sea !!


Une main se pose sur mon épaule, mais même si je sais que c’est Jimmy grâce à sa voix, ma réaction est forte. Je me retourne vivement avec un mouvement d’épaule, pour le faire me lâcher, qui me déséquilibre et je me retrouve sur les fesses.


Je reste figé, assis sur le goudron en train de pleurer. Jimmy s’agenouille et me saisit les épaules en me secouant légèrement et c’est à ce moment-là que je me rends compte que je suis en hyperventilation. 


— Calme-toi… c’est moi, respire.


Il m’attire contre lui et même si j’ai pleinement conscience de mes sentiments, de sa petite amie, du fait que je ne suis qu’un gars bizarre dont il a pitié parmi d’autres, je ne peux pas m’empêcher de répondre à son étreinte, me calmant petit à petit. 


— Je veux rentrer…


Les larmes ne se tarissent pas et empirent même quand, en reculant, il tente de les essuyer. Il fronce les sourcils, son visage transpire l’inquiétude, mais il ne pourra rien faire, j’ai besoin d’être seul. 


— Je vais te ramener.


— Non !


Je ne sais pas pourquoi je m’exclame de la sorte, mais je rougis et me relève en voyant qu’une partie de ses amis sont devant le bar en train de nous observer. C’est presque un soulagement quand je vois un taxi descendre la rue dans notre direction et je lui fais un grand signe. 


— Profite de ta soirée. 


J’ouvre la portière, prêt à me jeter à l’intérieur, une fois de plus, Jimmy attrape ma main, mais cette fois-ci son toucher n’est pas aussi agréable, il me gêne et je force sur mes doigts pour qu’il me lâche. 


— Nong, pourquoi tu pleures ? 


J’arrive à lever les yeux vers lui et à le regarder dans les yeux. Le temps se fige un instant, il n’y a plus que lui et moi en train de nous regarder. Il me supplie du regard, mais derrière lui, je vois aussi ses amis et surtout Phi Honey qui nous observe les bras croisés. 


— On est triste parfois, sans trop savoir ce qui pleure en nous…


Cette phrase est douloureuse, me ramène à des années en arrière, des années que je n’ai jamais réussi à laisser derrière moi. Les yeux de Jimmy s’écarquillent et il ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais une voiture klaxonne derrière le taxi et je m’engouffre à l’intérieur. Le conducteur démarre rapidement et en donnant l’adresse, je me retourne et le vois immobile au bord du trottoir en train de fixer le taxi qui s’éloigne. 


Je me réinstalle, pose la tête contre la vitre froide et observe les rues défiler en pleurant. Oubliez le toucher doux et chaleureux, la joie, les papillons et la sensation que je peux attendre autre chose de la vie.


Ma mère m’a isolé du monde, m’a empêché de pouvoir m’y épanouir. Elle m’a emballé dans une bulle de peur et d’angoisse et la brèche ouverte par Jimmy vient de se refermer brutalement. 






Dim 5 Nov - 19:39
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Néphély
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Chapitre 6



Explications




Phuaan vient une fois de plus me donner un petit coup de museau, alors qu’une fois encore, j’ai le regard perdu dans le vide. Cela fait une semaine que j’ai fuit Jimmy, ses amis et le bar. Il n’a pas cherché à me joindre une seule fois et malgré moi, cela m’attriste. 


Même si jusqu’au bout j’ai espéré ne pas être juste une cause perdue pour lui, je dois maintenant me rendre à l’évidence. Je renifle bêtement pour ne pas une nouvelle fois me laisser submerger par les émotions. Je caresse lentement la tête de ma seule amie en lui faisant un petit sourire. 


Aussitôt, elle vient se réfugier sur mon épaule et me chatouille avec ses moustaches comme à chaque fois qu’elle vient renifler mon cou. Je prends une profonde inspiration et tente une nouvelle fois de me dire que tout est pour le mieux. 


— Ma vie n’est pas parfaite, mais c’est la mienne, alors pourquoi vouloir ce qui est inaccessible. Tu n’es pas d’accord ?


Je tourne la tête et prends son hochement de tête pour un accord à mes paroles. Ce n’est que la réaction innée d’un animal, mais je veux la savoir de mon côté, même si dans le fond, je sais que ma décision n’est pas la meilleure pour moi. 


— J’ai un bon travail. Ma tante vient parfois me voir et puis… j’ai la meilleure amie du monde. Qu’est-ce que je pourrais vouloir de plus.


Je dois lutter contre l’image de Jimmy souriant, laissant apparaître ses fossettes. Je secoue ma tête pour la chasser et je reprends ma souris pour me remettre au travail. Mon patron commence à s’impatienter, je n’ai jamais été aussi long sur l’un de mes projets et je dois absolument me dépêcher. 


Pendant un moment j’arrive à avancer, à me concentrer sur mon travail, encouragé par Phuaan qui s’est enroulée sur mes genoux pour dormir. Je pourrais sûrement finir mon travail dans la journée, seulement mes pensées se remettent à vagabonder et avant que je ne m’en rende compte, j’ai les mains posées immobiles sur le clavier. 


Jimmy a été le premier dont je supportais le toucher, je me suis attaché à lui à cause de ça et seulement à cause de ça. Ce que je ressens pour lui, c’est juste… c’est juste… Mon cœur se serre quand, après avoir une fois de plus essayé de penser rationnellement, ce que je ressens me revient à la figure. 


Si seulement je n’avais pas supporté son toucher, alors je n’aurais pas développé des sentiments pour lui et je ne serais pas dans cette situation ridicule. Je me laisse retomber contre le dossier de mon fauteuil, je n’ai plus envie de travailler, j’ai envie d’aller me recoucher dans mon lit et de dormir enroulé dans ma couette. 


Si seulement il ne m’avait pas sauvé la vie en étant le seul à pouvoir me toucher. Je me redresse soudain, réveillant Phuaan qui saute sur le bureau en couinant alors qu’une nouvelle idée me submerge. Jimmy n’est peut-être pas l’unique personne, peut-être que j’ai commencé à guérir, mais que je ne m’en suis jamais rendu compte car je n’ose pas aller vers les gens. 


— Phuaan ! Je dois tester avec d’autres personnes. C’est impossible qu’il soit le seul, tu n’es pas d’accord ?


Elle ne semble pas particulièrement enchantée par cette idée mais cette fois, je décide de choisir le fait qu’elle est un animal et ne peut pas vraiment me répondre. Je me lève et commence à faire les cent pas sous le regard attentif de mon furet au cas où cela signifie pour elle l’heure du repas. 


— Non, mais Phuaan, l’idée n’est pas si mauvaise. Regarde, si je découvre que je ne suis pas malade avec le toucher de tout le monde, ça veut dire que Jimmy n’est pas une exception et donc que je peux... je pourrais… oublier ces étranges sentiments plus facilement. Qu’est-ce que tu en penses ?


Elle me tourne le dos quand elle comprend qu’il n’est pas question de nourriture et se rallonge pour reprendre sa sieste. Pourtant, je ne m’en offusque pas, complètement pris par ma théorie et mon besoin de la mettre en pratique. Je vais prendre une douche rapide, j’enfile mes éternels vêtements.


Je remets Phuaan dans sa cage avant de rapidement sortir de la maison, je ne sais pas vraiment où je dois me rendre, à la supérette ? À l'université ? A mon travail ? Dans un parc ? Il y a tellement d'endroits possibles que je marche sans but pendant un moment avant de finalement tomber sur un parc bondé à cause du temps plutôt clément de ces derniers jours.


Je reste immobile devant la grille à observer les gens en train de s’amuser, certains font leur footing, d'autres jouent au ballon, des mamans promènent leurs enfants et des couples flirtent assis sur des bancs. C’est un autre monde, un monde auquel je n’ai pas eu accès depuis trop longtemps. 


Je prends une grande inspiration, puis deux et enfin je mets un pied dans le parc. J’ai le cœur battant, mes mains s’accrochent à l'anse de mon sac en bandoulière, j’ai l’impression que je suis en train de faire une bêtise. Dans le fond, je sais que toute ma théorie est bidon, que Jimmy restera mon exception, mais je souffre de son absence et de ce que je ressens et j’avais besoin d’y croire. 


Pourtant, au lieu de faire demi-tour, je m’entête et avance sur le sentier d’un pas vif, évitant les joggeurs et les promeneurs. Je rentre mon cou dans mes épaules comme pour me protéger et peu à peu je sens la panique monter en moi à l’idée que quelqu’un puisse me toucher. 


Un ballon passe à quelques centimètres de moi, je l’évite de justesse, mais pas l’homme qui a tenté de l'attraper en reculant sans me voir. Il me percute de plein fouet et je tombe lamentablement. Je sens mes paumes s'écorcher alors que mon genou cogne douloureusement sur le gravier. 


— Merde, désolé. Je ne vous avais pas vu.


Les choses auraient pu s’arrêter là, je me serais relevé tout seul, je me serais confondu en excuses moi aussi, puis je serais rapidement rentré à la maison pour me soigner. Seulement, l’inconnu semble penser que je ne peux pas le faire seul et place ses mains sur mes bras dans l’idée de me redresser. 


Les symptômes sont d’une rare violence, mon souffle se coupe, mon corps se contracte, alors que mes bras me donnent l’impression d’être en feu. Il me relâche et je retombe sur le sol, le souffle coupé. 


— Hey mec, ça va ?


Forcément, il ne comprend pas ce qui m’arrive, alors au lieu de s’éloigner comme j’en ai besoin, il pose sa main sur mon épaule et me secoue vivement. L’incident attire l’attention et les gens commencent à se rassembler autour de moi alors que la douleur est intenable. 


J’ai l’impression que cela fait des heures que je suis allongé en souffrant, alors qu’à peine une poignée de secondes s’est écoulée. 


— Arrêtez de le toucher. 


Une voix familière s’élève à travers le voile de douleur, mon cœur bondit dans ma poitrine et un gémissement de soulagement passe mes lèvres quand le contact cesse. Je me tourne sur le côté en essayant de reprendre ma respiration, mais j’ai du mal. 


— Quoi ?


— Il a une phobie particulière, il ne supporte pas le contact des étrangers. 


Phi Jimmy modifie un peu le mal qui me touche, mais c’est peut-être pour ne pas avoir à expliquer pourquoi lui peut poser ses mains sur mes épaules afin de me redresser et qu’au lieu de voir les symptômes augmenter, ils s’apaisent doucement. 


Jimmy s’est agenouillé, mon dos repose contre son torse et petit à petit je reprends pied dans la réalité. Sa main caresse inlassablement mes cheveux et je l’entends rassurer les gens autour de nous qui finissent par se désintéresser de l’affaire maintenant que je me suis calmé. 


— Mais enfin qu’est-ce qui t’est passé par la tête !


Il murmure à mon oreille, mais je sens la colère dans le ton de sa voix et son corps trembler contre moi. Je suis surpris, je ne pensais pas que cette situation l’énerverait. Son étreinte se resserre autour de moi et je ressens une vague de bien-être qui finit de détendre mes muscles tendus.


— Je t’ai vu entrer dans le parc, mais j’étais trop loin pour te rattraper. 


Je lève les yeux vers lui et nos regards se croisent. Sa main se pose sur ma joue et je soupire, malgré tout ce que j’ai pu me dire, je me sens heureux qu’il soit près de moi. Puis l’image de Phi Honey me revient en mémoire et je me sens coupable de vouloir le petit ami de quelqu’un. 


— Tu… tu peux me lâcher maintenant tu sais.


— Pourquoi ?


Il est vraiment surpris par ma demande et même s’il s’éloigne un peu, ses mains gardent les miennes bien serrées. Je me mordille la lèvre inférieure quand il me demande pourquoi il peut me lâcher. J’ai tendu le bâton pour me faire battre, mais autant mettre les choses au clair tout de suite. 


— Ta petite amie pourrait ne pas apprécier.


— Ma petite amie ? Quelle petite amie ?


Il est tellement surpris, que j’en suis surpris moi-même. J’ouvre la bouche pour parler, mais je ne trouve pas mes mots. Le fait qu'il me fixe si intensément ne m’aide absolument pas à rassembler mes idées. 


— Et bien… Phi… Phi Honey. 


Je m’attendais à beaucoup de choses, sauf peut-être à un éclat de rire. Il se relève en m’entrainant avec lui et, tout en gardant son bras autour de ma taille, il me guide vers un banc un peu à l’écart.


— Je ne sors pas avec elle, c’est juste une amie. Elle voudrait bien que ce soit plus, mais… elle ne m’attire pas.


— Oh ! Je croyais…


— C’est pour ça que tu es parti ?


Je regarde autour de nous, un peu gêné de devoir parler de ça en public et aussi nerveux à l’idée que des passants s’approchent de nous. Jimmy voit mon regard et m’imite avant de soupirer et de se lever. 


— Allons chez moi.


Il me prend par la main et me tire pour que je me lève, mais j’ai mal au genoux et mes jambes tremblent encore, alors je me retrouve assis de nouveau sur le banc. Je vois nettement son visage inquiet avant qu’il ne me tourne le dos et ne s’agenouille devant moi. Je ne sais pas ce qu’il attend et je reste figé à le regarder. 


— Allez, accroche-toi, je vais te porter.


Je suis prêt à râler, à dire non et à trouver toutes les excuses possibles pour ne pas le faire, mais le ballon passe au-dessus de nous et je vois le même jeune homme qui m’a bousculé courir pour le récupérer. Sans attendre, je passe mes bras autour de son cou et quelques secondes après, je suis perché sur son dos alors qu’il se met en route. 


Le trajet se passe dans le silence, je garde mon visage caché contre son cou pour ne pas croiser le regard des passants qui nous regardent étrangement. Tout se bouscule dans ma tête. Il ne sort pas avec Phi Honey. Il est venu me secourir quand il m’a vu entrer dans le parc. Et maintenant, il me porte sur son dos pour me ramener chez lui. 


— Nong on est arrivé.


Je relève la tête quand il reprend la parole et on se trouve devant la porte d’entrée de son appartement. A regret, je me laisse glisser pour retomber sur mes pieds, grimaçant légèrement quand je m'appuie sur mon genou.


Il déverrouille la porte et me laisse entrer dans son appartement. Je regarde curieusement autour de moi quand je sens quelque chose se frotter contre mes jambes. En baissant la tête,  je découvre une petite boule de poils rousse, un chaton.


— Tu peux la prendre, elle adore les caresses.


Mes yeux s'illuminent et je me baisse pour la prendre dans mes bras. Je la caresse derrière les oreilles et elle ronronne doucement.


Jimmy m'entraine vers le canapé et je m'assois, totalement concentré sur le chat.


— Elle s'appelle Itsara (1)


Mes yeux s'écarquillent quand j'entends le nom de son chat, cela me rappelle un souvenir que j'avais profondément enfoui dans ma mémoire.


Celui de deux enfants en train de discuter un soir d'été. L'un perché sur un muret, l'autre assis dans l'herbe. Ils parlaient de ce qu'ils feraient quand ils seraient adultes et le petit garçon assis dans l'herbe avait dit qu'il aurait un chat, roux, qu'il appellerait liberté, pour remplacer celle dont sa mère le privait.


Je regarde alors Jimmy, puis le chaton dans mes bras, ça ne peut pas être une coïncidence. 


— Tu es le garçon du muret ?


Jimmy s'illumine avant de fouiller dans son sac et d'en sortir une petite figurine toute décrépis et mon cœur se serre. Je la prends lentement, comme si elle pouvait casser à tout instant. 


— Je suis allé chez mes parents pour la récupérer, c'est pour ça que je ne suis pas venu de la semaine.


Mon menton tremble légèrement et je lutte contre les larmes alors que les souvenirs remontent péniblement à la surface. 


— Je t'attendais tous les jours… grâce à toi, je n'étais pas totalement coupé du monde.


Sa main se pose sur ma tête et caresse doucement mes cheveux. Il ne dit rien, me laissant parler, même si ce que je dis n'a pas forcément de sens pour lui.


— Je t'ai attendu des heures le premier jour où tu as disparu, je n'ai presque pas dormi de la semaine tellement je m'inquiétais pour toi. Maman a fini par m'interdir le jardin après que je sois tombé malade parce que je t'avais attendu sous la pluie 


Ma voix tremble alors que je me remémore cette période qui avait été un vrai calvaire à vivre. J'avais perdu mon seul ami et ma mère m'avait gardé des semaines enfermé à la maison.


—  C'est la raison pour laquelle mon frère et moi on ne s'entend pas bien. Au départ, on était assez proche. Quand j'ai commencé à venir te voir, il a été jaloux et il a fini par en parler à mes parents en leur mentant.


Il m'explique les choses, même s'il reste vague sur certains points, je comprends qu'il n'a pas envie de beaucoup y repenser.


— Le soir même,  ils m'ont mis dans un train pour aller vivre chez mes grand-parents pour me remettre dans le droit chemin.


Le silence retombe entre nous et seule Itsara navigue entre nous à la recherche de caresses, câlins et jeux. Je pose ma tête contre son épaule. Je comprends mieux maintenant pourquoi je me sens si bien avec lui, pourquoi je lui fais confiance et pourquoi il est aujourd’hui le seul dont je supporte le contact.


Pendant des mois, il a été mon ancre, mon pont entre la folie de ma mère et le monde extérieur. Son bras s'enroule autour de mes épaules et me serre contre lui. Cette étreinte a maintenant une sensation différente.


— Quand je suis revenu, la première chose que j'ai faite, c'est d'aller chez toi, mais la maison était vide.


— Peut-être six mois après ton départ, ma tante a decouvert ce qui se passait et elle m'a emmené chez elle alors que ma mère a été hospitalisée.


Seulement, le mal était fait, ma mère avait réussi à implanter la peur et au lieu de s'améliorer, ma vie est devenue simplement plus terne encore.


— Je suis content de t'avoir retrouver en tout cas et… j'espère que tu me laissera rester près de toi ?


— Tu ne vas plus partir ? Et je ne suis pas juste un chiot égaré ?


Il se redresse brutalement en me regardant dans les yeux. Visiblement, il ne comprend pas, mais ça m'embête de balancer ses amis. Pourtant, je ne veux pas risquer qu'un non-dit l'éloigne à nouveau.


— Tes amis l'ont dit.


Je baisse les yeux, mal à l'aise, mais il se contente de soupirer avant de m'attirer à nouveau contre lui.


— J'ai beau les aimer beaucoup, ils sont parfois stupides et trop bavards. Je ne pars plus nulle part, ne t'inquiète pas.


Je ferme les yeux quand il me rassure et mon cœur s'emballe. Même si lui n'a pas ce genre de sentiments pour moi, j'aurai au moins la chance de l'avoir près de moi et pour la première fois depuis longtemps, je me dis qu'il pourrait être celui dont j'ai besoin pour aller mieux.






Notes

1/ Itsara : Liberté




Dim 5 Nov - 19:41
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Néphély
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Chapitre 7



Toi & Moi




J’ai retrouvé Jimmy depuis quatre mois et si ma peur est toujours là, ma vie a quand même énormément changé. Je ne vis plus en reclus, chaque semaine, il m’emmène en sortie et même si pour certaines j’ai été terrifié, jamais je n’ai eu de problème. Comme promis, il est toujours près de moi et empêche les gens de m’approcher. 


On est vendredi soir, je suis enfin en train de finir de travailler, alors que comme à son habitude, Phuaan est en train de vadrouiller sur le bureau. J’envoie un mail à mon patron avant de me laisser retomber dans mon fauteuil en soupirant et de rire quand Phuaan me saute dessus et vient réclamer des câlins. 


— C’est enfin le week-end ma belle. 


Je m’étire avant de me lever, prenant mon furet avec moi et l’emmenant dans la cuisine pour lui donner à manger. Alors que j’observe ma meilleure amie sauter sur la carcasse du poussin que je lui ai donné, j’entends la porte s’ouvrir. 


Mon sourire s’agrandit et je rejoins l’entrée où j’accueille Jimmy qui enlève ses chaussures. A la main, il tient un sac qui contient notre repas, voilà un autre rituel qui est plutôt agréable. Chaque vendredi soir, il vient à la maison et apporte le repas que l’on partage ensemble. 


Je reconnais le nom du restaurant et mon sourire s'agrandit. Ce restaurant, c’est le premier dans lequel j’ai mangé. Je ne pensais pas ça possible et pourtant, ça avait été une soirée incroyable.


Notre relation est amicale, avec le temps, j’ai réussi à lui raconter pourquoi j’étais enfermé dans cette maison, pourquoi j’ai peur du contact humain et pourquoi je supporte le sien. Il est mon seul ami, mais aussi l’homme que j’aime. J’avais espéré qu’avec le temps, mes sentiments diminuent et ne disparaissent pour n’être que de l’amitié. 


Seulement, à la place, ils sont devenus plus forts et c’est aussi douloureux qu’exaltant d’être près de lui. Je sais qu’il ne ressent rien pour moi, car lors de nos sorties, je l’ai vu regarder certaines femmes avec un sourire appréciateur. Seulement, il y a aussi les moments où il me donne la sensation que je suis plus pour lui et l’espoir qui en découle renforce mon amour. 


Je trottine vers lui et sans parler, sans demander, je me faufile entre ses bras. Mes mains passent autour de sa taille et je pose ma tête contre son épaule, le visage caché dans son cou pour pouvoir respirer son odeur. C’est une sensation toujours étrange de le sentir me rendre mon étreinte, de sentir ses bras se refermer autour de moi pour me rapprocher de lui. La chaleur qui se dégage est agréable et au fil des semaines, moi qui étais effrayé, je suis devenu très demandeur.


— La journée a été difficile ?


Je me contente de hocher la tête, oui la journée a été difficile, car je ne l’ai pas vu depuis plusieurs jours et il m’a terriblement manqué. Il y a eu beaucoup de travail entre la boutique et le mariage de sa sœur. Et puis, il est allé voir ses amis, il m’a bien proposé de venir, mais j’ai un peu honte de ce qui s’est passé la dernière fois et je n’en ai pas eu le courage. 


Il rit doucement face à mon comportement qui pourrait sembler assez enfantin pour certains. Je n’y peux rien, je découvre le monde avec beaucoup de retard et les seuls comparatifs et souvenirs que j’ai, ce sont ceux d’un enfant d’une dizaine d'années. Il ébouriffe mes cheveux et je recule un peu en râlant avant de rire avec lui. 


— Allons manger, je meurs de faim. 


Il soulève le sac et je quitte complètement ses bras. Je vis un moment d’espoir quand sa main glisse sur mon bras et qu’il attrape mon poignet et y fait une légère pression en me regardant droit dans les yeux. Mon cœur s’emballe et je le sais, mes joues se colorent, ce qu’il ne manque pas de remarquer vu son sourire qui s'agrandit.


— Je vais chercher les assiettes, les couverts et Phuaan.


Je disparais dans la cuisine alors que Jimmy lui commence à sortir notre repas. Phuaan grimpe sur mon épaule et je récupère tout ce dont on aura besoin pour le repas. Avant de retourner le voir, je prends plusieurs inspirations profondes pour revenir en mode ami et contrôler mes émotions.  




Le repas était délicieux et on n'a pas beaucoup parlé, bien trop occupé à remplir nos estomacs. Cependant, maintenant que nos assiettes sont vides, je repense à l’idée qui me traverse régulièrement l’esprit depuis le début de la semaine. On est assis sur le sol, le dos appuyé contre le canapé où Phuaan dort roulée en boule. Je me tourne vers lui et mes genoux touchent ses cuisses, mais aucun de nous ne s’éloigne. 


— Phi ?


— Oui ?


Il tourne la tête vers moi après avoir fini d’empiler les bols. Je sais que généralement, le vendredi on mange ensemble, on fait la vaisselle, puis il reste environ une heure pendant laquelle on parle de tout, de rien, de nous. Ensuite il rentre, car c’est lui qui ouvre la boutique le samedi matin. 


— Tu te souviens, je t’ai parlé de mon père.


— Bien sûr.


Si parler de ma mère est difficile et que j’ai du mal à rentrer dans les détails, je suis souvent intarissable quand il s’agit de raconter mes souvenirs avec mon père. Sans me quitter des yeux, il attrape ma main et entrelace nos doigts, je frissonne et l’espoir renaît à l’intérieur de mon cœur. 


— La semaine prochaine, ça fera quinze ans qu’il est mort et… je voulais retourner à Pak Khlong Talat (1), là où il travaillait et où il m'emmenait souvent. 


Malheureusement, je n’ai jamais pu aller me recueillir sur la tombe de mon père, mais j’aurais aimé retourner à un endroit où il était plein de vie, heureux et dans lequel ma mère n’était jamais présente. 


— Allons-y.


— Maintenant !?


Je ne m’attendais pas à ce qu’il accepte et m’y emmène dans la foulée, mais il ne me laisse pas le temps de réfléchir. On débarrasse grossièrement, je rentre Phuaan dans sa cage et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, je suis collé contre lui, derrière sa moto alors qu’il slalome dans la circulation encore intense de la ville. 


Je me sens un peu coupable, le marché aux fleurs est à au moins une heure de chez moi. Il doit être fatigué et j’en rajoute avec mon idée subite. Pourtant, quand il se gare devant le marché qui, malgré l’heure, grouille encore de vie, j’oublie tout et je suis transporté dans un passé rempli de rires, de couleurs et de parfums de fleurs. 


Sans réfléchir, j’attrape la main de Jimmy et l’entraîne à travers les étals. J’arrive à éviter les touristes, à ne pas toucher les locaux et les employés, même si pour cela je dois parfois faire de grands détours. Et finalement, j’arrive là où se trouvait l’étal de mon père, aujourd’hui encore, il n’y a plus rien et c’est un pincement au cœur de me retrouver face au vide et à la pénombre. 


— Mon père a travaillé ici dès qu’il a été majeur pour faire vivre sa famille. 


Je tourne la tête vers Jimmy qui observe les lieux de manière solennelle, mes doigts serrent un peu plus sa main et il fait la même chose pour m’apporter son soutien. 


— Mes parents m’ont eu très jeune, alors il a travaillé là sans jamais se plaindre. Mes parents s’aimaient vraiment beaucoup. Je venais souvent avec lui après l’école et je l’aidais à vendre des fleurs. Je devais le rejoindre le soir où il est mort, mais… j’avais fait des bêtises à l’école et j’ai dû rester après les cours. 


Est-ce que j’aurais pu sauver mon père ? Est-ce que c’est pour ça que ma mère a fait ça ? Elle devait m’en vouloir d’avoir laissé l’amour de sa vie mourir. 


Je renifle en essayant de retenir mes larmes et Jimmy passe son bras autour de mes épaules, me rapprochant de lui alors qu’il me fixe. 


— Tu étais un enfant, Nong Sea, tu n’es pas responsable. 


— Je me demande juste, comment aurait été ma vie, si j’avais pu le sauver. 


Il ne répond rien, il se contente de m’attirer dans ses bras et de me serrer aussi fort qu’il le peut contre lui. Je peux même sentir ses lèvres se poser sur ma tempe et mon cœur bondit à plusieurs reprises violemment dans ma poitrine. 


Mon père avait travaillé dur, ne comptant pas ses heures pour réussir à nous payer tout ce dont il pensait que l’on aurait besoin. Il s’était épuisé à la tâche et puis ce soir-là, malgré son jeune âge, son cœur avait lâché, il s’était effondré derrière son étal et il avait fallu un long moment avant que quelqu’un ne s’en rende compte. Il était malheureusement déjà trop tard. 


— Achetons des fleurs et dimanche allons au temple pour rendre hommage à ton père. 


Je n’ai jamais eu l’occasion de le faire, je me contentais toujours d’une prière après avoir fait le mérite auprès du Moine en lui déposant de la nourriture. Je me redresse les yeux brillants de larmes et hoche vigoureusement la tête. 


L’ambiance est un peu plus légère quand on se balade ensuite à travers les étals à la recherche de couronnes de fleurs, on en trouve de plusieurs sortes, avec différentes fleurs, qu’elles soient fraîches ou séchées.


On est en train de discuter pour savoir si l’on doit acheter des Phuang Malai (2) à offrir aux moines, quand soudain, il y a un mouvement de foule qui arrive droit vers nous. Jimmy tente de s'interposer et me protéger, mais je ne comprends pas ce qui se passe, car il est entraîné dans une direction et moi dans une autre. Je suis poussé, touché et je me laisse repousser alors que ma respiration se fait difficile, j’ai les larmes aux yeux, alors que je cherche Jimmy autour de moi, ne faisant même pas attention à la douleur dans mon corps. 


Après ce qui me semble une éternité, je suis projeté contre un mur et je me retrouve à l’abri. Aussitôt je me laisse glisser le long du mur qui me soutient alors que je sens la panique monter violemment. Je suis seul au milieu d’un marché bondé et je ne sais pas où est la seule personne qui compte pour moi. 


Je passe mes bras autour de mes genoux et je me recroqueville autant que possible, je peux sentir la brûlure qui semble grandir encore et encore à chaque endroit où j’ai été touché. Je n’arrive plus à respirer et je ne peux pas m’empêcher de penser que je vais mourir ici comme mon père, ce sera ma punition pour ne pas l’avoir protégé. 


— Nong Sea !!


J’entends l’appel, mais je n’arrive pas à réagir, je suis complètement paralysé par la peur, par mes idées morbides et j’ai l’impression que rien ne pourra me calmer. 


— Sea !


La voix se rapproche, Jimmy me cherche, mais je ne suis pas sûr qu’il puisse me voir là où je suis. Il faut que je me redresse, que je me relève et que j’arrive à l’appeler. Jimmy a le temps de m’appeler encore deux fois avant que je ne réussisse à tenir sur mes jambes, cependant, je suis incapable d’émettre le moindre son, je respire trop vite, j’hyperventile et je vois déjà des points noirs se former devant mes yeux à cause de l’apport trop élevé en oxygene. 


Il est là, à quelques mètres de moi, il m’appelle et cherche autour de lui, mais il ne me voit pas. Enfin, ça c’est ce que je me dis, jusqu’à ce qu’enfin, il se tourne vers moi et que nos yeux se rencontrent. La peur est présente sur son beau visage avant qu’une vague de soulagement ne le transforme. 


Sans me quitter du regard, il traverse la foule encore présente et s’approche de moi. J’essaie de me focaliser sur lui pour reprendre mon souffle, mais je n’y arrive pas. Je pense qu’il va me serrer dans ses bras, me bercer lentement en parlant doucement à mon oreille, comme chaque fois que j’ai pu faire une crise devant lui.


Mais, il ne fait pas ça cette fois, une main s’enroule autour de ma taille, l’autre autour de mon cou et mon souffle se coupe. Ses lèvres se sont posées sur les miennes. J’oublie absolument tout en fermant les yeux, ne me concentrant que sur une chose, le baiser, mon premier baiser. Il me faut quelques secondes avant d’y répondre, avant que nos lèvres ne dansent ensemble. 


La panique est passée et même si j’ai le souffle court et le cœur battant la chamade, c’est à cause de Jimmy. On s’embrasse un long moment, oublieux de l’endroit où l’on se trouve, plus rien ne compte pour moi. Il mordille ma lèvre inférieure, me faisant couiner avant de déposer plusieurs baisers légers sur mes lèvres et de reculer légèrement. 


On se regarde sans rien dire, les lèvres aussi rouges que nos joues et j’ai envie de recommencer, sans oser le faire. Je ne comprends pas pourquoi il m’a embrassé, il s’est comporté comme mon ami et même si parfois il avait des gestes, j’ai toujours pensé que c’était juste moi qui les interprétais pour garder espoir. 


— Rentrons, j’ai quelque chose à te dire. 


Il attrape ma main et d’un pas rapide, on se dirige vers la moto. Le trajet du retour est flou pour moi, mon esprit trop occupé à rejouer la scène encore et encore pour ne pas penser à ce qu’il pourrait vouloir me dire. 


On se retrouve de nouveau assis devant ma table basse, j’ai l’impression que cela fait des jours que notre repas a eu lieu et pas juste quelques heures. La nuit est déjà bien avancée, pourtant on reste immobiles, silencieux, timides, il me tient la main et joue nerveusement avec mes doigts.


— Nong Sea… je suis désolé, je n’ai pas pu te protéger. 


— Je ne t’en veux pas, tu ne pouvais pas lutter, tu aurais été blessé. 


Jamais je ne pourrais être en colère contre lui à cause de ce qui vient de se passer. Je sais qu’il fait de son mieux, mais c’est moi qui me serais senti coupable s’il avait été blessé par ma faute. 


— Et pour le baiser, je…


— C’était pour couper ma crise d’angoisse. 


Je le coupe brusquement quand il aborde le sujet et je me sens rougir. Je ne veux pas l’entendre de sa bouche. C’est plus facile si c’est moi qui le dis. Je sais qu’embrasser peut être un bon moyen de calmer une crise. Je sais aussi qu’un câlin n’aurait pas été aussi rapide. 


— Non.


— Non ?


Je relève la tête et le regarde, surpris, quand il me détrompe d’un ton assuré. Aussitôt sa main vient se poser sur ma joue et tout en moi s’emballe, son regard est différent, plus chaleureux, plus doux et c’est comme si…


— Tu me plais, depuis longtemps. Quand tu m’as aidé le premier soir, je t’ai trouvé mignon. Quand tu t’es endormi contre mon épaule, je ne voulais plus que tu t’éloignes. La première fois que tu es monté sur ma moto, j’aurais voulu rouler sans m’arrêter.


Ma bouche s’entrouvre alors qu’il se livre à moi et qu’il me fait découvrir la manière dont il me voit. Je ne suis définitivement pas un chiot égaré pour lui et je sens un petit sourire se dessiner sur mes lèvres. 


— Je voulais juste être un ami pour toi. Je ne voulais pas rajouter mes sentiments en plus à tout ce que tu as à gérer. Quand je t’ai perdu ce soir et que je t’ai retrouvé en pleine crise, j’ai craqué, je suis désolé si…


— Je t’aime.


Je l’empêche d’aller plus loin dans son explication laborieuse et son souffle se coupe brusquement quand il comprend les mots que je viens de prononcer. Un sourire se forme sur ses lèvres alors qu’il prend mon visage entre ses mains.


— Je t’aime Nong.


Il capture à nouveau mes lèvres, c’est un baiser doux, tendre. Mon cœur s’allège, ma tête se vide et je me sens heureux. J’ai la sensation que ma vie est en train de prendre une voie que je n’aurais jamais imaginé prendre. Celle où je pourrais être heureux accompagné de quelqu’un qui m’aime et qu’ensemble, on pourrait construire un avenir loin de ma peur.






Notes

1/ Pak Khlong Talat, il s’agit du plus grand marché de fleurs de Bangkok, il est ouvert 7j/7 et 24h/24.


2/ Phuang Malai, composition florale en forme de guirlande. Elles sont souvent offertes en offrande ou conservées pour porter chance.






Dim 5 Nov - 19:42
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Néphély
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Chapitre 8



Pardonner Le Passé




J'entrouvre un œil et un grand sourire apparaît sur mon visage. Jimmy est en train de dormir derrière moi, son bras entoure ma taille et le deuxième me sert d'oreiller. 


Depuis notre premier baiser, notre relation a de nouveau changé. Depuis trois semaines, il reste dormir à la maison après notre sortie. On ne fait rien d’autre que s’embrasser, puis on s’endort alors qu’il me serre contre lui et même si on bouge dans la nuit, nos corps restent en contact. 


Je m’étire lentement avant de frissonner quand ses lèvres se posent sur mon épaule au moment où il se réveille et je ne peux pas m’empêcher de me tourner vers lui pour en demander plus. Ses lèvres sont toujours aussi douces et même si on s’est embrassé de nombreuses fois, j’ai du mal à croire que c’est réel. 


— Bonjour. Tu as bien dormi ?


Sa voix est grave, encore ensommeillée, et je paierais pour pouvoir l’entendre plus souvent qu’une fois par semaine. Je pose ma tête contre son torse et aussitôt, il joue avec les mèches de mes cheveux. 


— Hmm et toi ?


— Comme un bébé.


Il faut dire qu’hier soir on était épuisé, il m’a emmené aux aurores à la sortie de Bangkok pour visiter un immense temple. On a marché toute la journée sous un soleil de plomb et heureusement qu’on y est allés en voiture, car si lui a eu le courage de conduire pour le retour, moi je me suis profondément endormi. 


Je me rends compte de combien notre relation est déséquilibrée, il prend soin de moi, il me conduit partout, fait des efforts immenses pour que je sois en sécurité et que je réussisse à vivre malgré ma peur. Je sais qu’il y a un risque que sur le long terme, il se lasse, qu’il se rende compte que je ne lui apporte rien et qu’il décide de partir. 


— Nong ? A quoi tu penses ?


Un doigt glisse entre mes sourcils que j’ai froncé sans même m’en rendre compte. J’ouvre les yeux et lève la tête pour le regarder avant de soupirer. 


— Tu en fais tellement pour moi… et moi.. je suis inutile.


Ma voix meurt doucement alors que je dis à haute voix ce que je pense au plus profond de mon être. Il soupire, se tourne sur le côté pour que l’on soit face à face. Il frotte son nez contre le mien avant de me sourire. 


— Ne dis pas n’importe quoi. Tu ne te rends même pas compte de l’énergie que tu utilises à chaque fois que l’on sort. Un jour, tu réussiras à surmonter ton traumatisme et à te défaire de ta peur. 


Ses lèvres effleurent les miennes tout en m’encourageant, mais je sens un flot de culpabilité. Je sais qu’il veut m’aider, qu’il croit que le temps me guérira et moi je n’ai pas été capable de lui dire toute la vérité. 


— En fait, je sais comment je pourrais guérir…


Il me regarde, surpris, alors que je murmure sans oser le regarder en face. Il ne dit rien, il attend que je continue et que je lui explique le fond de ma pensée. 


— J’ai vu plusieurs psychiatres pendant des années. Ma tante voulait absolument comprendre ce que j’avais et comment m’aider à aller mieux. J’ai raconté mon histoire encore et encore, j’ai suivi des thérapies à n’en plus finir, elle a même essayé de me faire hypnotiser. 


J’ai un petit rire sans joie alors que je me souviens encore qu’à ce moment-là, mes journées se découpaient entre école à la maison le matin et rendez-vous pour mes thérapies l’après-midi. C’était fatiguant et j’avais l’impression de vivre encore enfermé dans la maison de ma mère.


— J’avais dix-neuf ans quand j’ai vu mon dernier thérapeute. Comme les autres, il m’a fait raconter mon histoire, décrire ma peur et ses symptômes et tout ce que je pouvais ressentir par rapport à ça. Et puis, il m’a expliqué que le temps pourrait apaiser ma peur, je pourrais peut-être réussir à cohabiter avec et avoir une vie à peu près normale ou bien…


Je m'interromps, nerveux, j’ai tellement peur qu’il se mette en colère, qu’il m’en veuille et décide de ne plus jamais venir me voir. D’un regard doux, il m’encourage à continuer et à lui expliquer enfin comment me guérir. 


— Pour lui, le seul moyen de complètement guérir et de pouvoir mener une vie parfaitement normale, c’est d’affronter la personne qui a semé la peur… ma mère. 


Ma voix tremble rien qu’à cette idée, je suis terrifié rien qu’en m’imaginant face à elle. Je l’imaginais en colère, mais au lieu de me repousser, il me serre contre lui et caresse lentement mon dos.


— Je ne peux pas imaginer combien ça doit être dur de lui faire face. 


C’est incroyable la sensation d’apaisement qui me saisit quand je me sens compris. Je prends une profonde inspiration. Ce que je veux est tellement contradictoire, je veux guérir, je veux laisser le passé derrière moi, mais je ne veux surtout pas faire face. 


— Phi… si je décidais d’y aller. Tu viendrais avec moi ?


— Je t’ai fait une promesse Sea, je serai toujours là pour toi. 


Mon cœur accélère, j’ai peur, mais en même temps, j’ai la conviction de faire la bonne chose. Je ne peux pas rester caché en espérant que les choses s'améliorent, je dois faire face à mon passé pour préserver l’avenir qui se dessine. 


— Alors… je vais aller la voir. 


Je tremble contre lui, mais je me sens aussi plus serein maintenant que ma décision est prise et j’accueille ses baisers avec apaisement. 




Je suis figé devant le grand bâtiment, ma mère se trouve quelque part à l’intérieur et je m'apprête à la rencontrer. Il a fallu un certain temps pour que j’arrive à appeler son médecin pour organiser un rendez-vous, mais c’est maintenant et je ne me sens absolument pas prêt. 


— Tu n’as rien à craindre Nong.


Jimmy attrape ma main et entrelace nos doigts, je tourne la tête vers lui et il me sourit, laissant ses fossettes apparaître et le petit clin d'œil qu’il me fait finit par me faire sourire à mon tour. 


— Allons-y.


On se rend jusqu’à l’entrée main dans la main. Je sais qu’on nous regarde, parfois même étrangement, mais je serais incapable de le lâcher maintenant. Il est mon ancre, celui qui me donne la force d’avancer et de faire face à mon passé. 


Un homme en blouse blanche s’approche de nous avec un sourire professionnel affiché sur le visage. Il est entre deux âges et semble assez sympathique, assez pour que la tension qui m’habite s’apaise un peu. 


— Vous êtes le fils de Mme Anukoolprasert ?


Je jette un regard presque paniqué à Jimmy, on y est, je n’ai plus moyen de faire demi-tour. Je me demande si je vais réussir à parler ou si je vais être pétrifié par la peur. 


— C’est moi.


J’y arrive, même si c’est un filet de voix tremblant qui sort de ma gorge et que j’ai l’impression que je suis sur le point de vomir. Le médecin me regarde, compatissant, il connaît sûrement l’histoire, il sait pourquoi j’ai peur. 


— Elle n’est plus la même qu’à l’époque. Elle ne peut plus vous faire de mal et elle sait qu’elle a fait une erreur. 


— Vr… vraiment ?


Après tout, c’est logique, elle est enfermée ici depuis presque quinze ans, elle est suivie et soignée, elle a changé, tout comme moi. 


— Oui et je pense très sincèrement que, comme vous, elle a besoin de cette rencontre pour vraiment réussir à se détacher du passé. Allons-y.


Il finit de me rassurer et m’invite à le suivre, je respire profondément au fur et à mesure que l’on avance dans le couloir, je ne fais absolument pas attention à l’endroit où il nous mène. Je note surtout que les couloirs sont absolument vides, il a tenu compte de ma phobie et on ne croise absolument personne. 


Il s’arrête finalement devant une porte fermée puis il toque légèrement avant de l’ouvrir et d'entrer avec un grand sourire. Moi, je reste sur le pas de la porte, incapable de la franchir et de faire face à ma mère, j’entends le médecin qui est en train de lui parler d’une voix calme et douce.


— Sea, tu as déjà fait le plus dur, tu es en sécurité, tu n’es plus seul.


Jimmy murmure à mon oreille et trouve les mots pour me permettre de rentrer dans la chambre de ma mère. Il s’agit d’une chambre d’hôpital, mais il y a beaucoup d’affaires personnelles, dont énormément de photos de nous ensemble, de moi enfant et de maman et papa quand ils étaient encore au lycée.


Ma gorge se serre, je prends le temps de bien observer la décoration qui est un rappel constant du passé. Puis enfin, j’ose poser mes yeux sur la femme qui est assise sur une chaise, l’air nerveuse. 


Elle n’a effectivement plus rien à voir avec le souvenir que j’avais d’elle. Elle me semble beaucoup plus petite et fragile. Ses cheveux laissent apparaitre de longues mèches grises et elle qui était incapable de sortir de sa chambre sans être impécablement coiffée a les cheveux tout emmêlés. Son visage est plissé par l’inquiétude et même si elle est au début de la quarantaine, elle fait au moins dix ans de plus. 


C’est difficile pour moi de superposer l’image que j’avais gardé d’elle, avec celle que j’ai sous les yeux. C’est troublant et je ne sais pas comment je dois réagir. Malgré tout, son regard est toujours le même et quand nos yeux se croisent, je frémis. Il n’y a plus la folie dans le fond de ses yeux, mais ils me font peur. 


— Fils.


Je n’arrive pas à parler, je n’arrive pas à réfléchir et je ne sais même plus ce que je fais là. Ce psychiatre s’est trompé, la voir ne me guérira pas, c’est juste me faire du mal et… Une main se pose sur ma nuque et la masse lentement, Jimmy. D’un seul geste il me ramène à la réalité et je prends une inspiration qui me remet les idées en place. 


— Maman…


Ses yeux se remplissent aussitôt de larmes et j’ai du mal à résister moi aussi. Je reste immobile au milieu de la pièce, me contentant de regarder pleurer celle qui m’a fait tant de mal. Je ne sais pas quoi lui dire, c’est comme si tous les mots de colère que je me suis répété toutes ces années avaient soudain disparu. 


— Je suis tellement.. désolée, fils. Je t’ai fait… tellement de mal.


Elle parle entrecoupé de sanglots, mais ses paroles font écho en moi. Le fait qu’elle reconnaisse ses erreurs et s’en excuse m’apaise. Je me rends compte que tout en moi voulait entendre ses mots, en avait besoin. 


— Quand ton père est mort, je me suis complètement effondrée. Je n’ai pas réussi à te protéger, au contraire, je t’ai blessé. Je pensais que si je te perdais, alors j’allais devenir folle, je n’avais pas compris que je l’étais déjà. 


Les larmes coulent lentement le long de mes joues, je ne cherche pas à les arrêter. Tout comme je ne cherche pas à faire taire ma mère alors que ses paroles me blessent en me ramenant à ce que l’on a vécu il y a si longtemps. 


— Je t’ai enfermé dans cette maison, je pensais te protéger. Je pensais que si je t’avais en permanence sous les yeux, alors rien ne pourrait jamais t’arriver. J’ai passé des jours à te dire que les gens te feraient du mal, à te mettre en garde contre eux, sans imaginer les dégâts que j’étais en train de faire. Tu n’étais qu’un enfant, tu étais tout ce qu’il me restait de ton père et…


Je réprime difficilement les sanglots qui me déchirent complètement la poitrine, elle avait tort, je n’ai pas à avoir peur, les gens ne me feront pas de mal. Mes yeux s’écarquillent soudain quand je la vois se lever et faire un pas vers moi. Instinctivement, je recule pour garder de la distance entre nous, mais au lieu de chercher à s’approcher, elle s’agenouille devant moi, mettant son front contre le sol. 


— Je suis désolée Sea. J’ai tout gâché, pardonne-moi.


Je reste la bouche entrouverte, je ne sais pas comment je dois réagir alors qu’elle me supplie encore et encore de lui pardonner. Je regarde Jimmy comme s’il allait pouvoir me donner la réponse, mais son visage reste neutre, même si ses yeux sont remplis d’eau et qu’il lutte pour me faire un sourire d’encouragement. 


Lentement, je lâche sa main, elle tremble un peu et je la colle contre mon ventre alors que je m’avance lentement vers ma mère qui est toujours courbée contre le sol. C’est difficile de m'approcher délibérément d’une personne, tout mon corps me dit de fuir et de retourner en sécurité. 


— Maman ?


Elle se fige quand elle m’entend parler si près d’elle, elle se tait, mais ne bouge pas, comme si elle ne voulait pas prendre le risque de m’effrayer. Lentement, je m’accroupis et pose ma main sur son épaule ce qui la fait tressaillir. Je m’attends aux symptômes habituels, à la peur, la douleur, l’impression que mon coeur va exploser, mais rien. Je n’apprécie pas vraiment la sensation, je ne suis pas très à l’aise, mais c’est tout. 


— Maman, relève-toi s’il te plait.


Je parle d’une voix douce qui me semble étrange, à chaque fois que je me suis imaginé la rencontrer, je lui hurlais dessus, je vidais toute mes émotions négatives sur elle et la laissais là sans un regard pour elle. Aujourd’hui, c’est bien différent, je ressens de la peine, de la déception et une impression d’immense gâchis. Je sens aussi la griffe de la peur relâcher sa prise sur moi. 


Je me redresse en hésitant, elle a du mal à croiser mon regard, mais elle se retrouve assise en face de moi et je sais que maintenant, c’est à moi de parler, d’accepter ou non, d’avancer ou non, de passer à autre chose ou non. 


— Je ne veux plus être en colère contre toi maman. J’ai beaucoup souffert à cause de ça, mais je veux pouvoir avancer. Je veux retrouver la paix et que toi aussi tu puisses le faire, alors je te pardonne.


Elle éclate en sanglot et quand elle prend ma main, je lutte pour ne pas la retirer alors qu’elle pose le dos de ma main sur son front. Les larmes que je maîtrisais difficilement coulent de nouveau et on reste un long moment comme ça. 


— Merci mon fils. Merci mon garçon, je suis désolée… tellement désolée.


Le médecin et Jimmy finissent par intervenir, par nous aider à nous relever et on se retrouve tous ensemble autour de la petite table, une tasse de café chaude à la main. C’est surréaliste.


— Je travaille dans une entreprise de communication, je crée des applications et des sites web. 


— Oh ça doit être intéressant.


La conversation n’est pas facile, après tout, elle est enfermée ici depuis quinze, alors que moi je suis enfermé dans mon appartement. Je n’ai pas foule de choses à raconter, enfin, si, j’ai Jimmy, mais je ne me sens pas encore assez à l’aise pour lui parler de comment il me fait découvrir le monde petit à petit depuis quelques mois. 


— Et Sea, qui est ce jeune homme ?


Et justement, elle choisit cet instant pour me poser cette question, je triture mes doigts un peu nerveux. Jimmy et moi on n’a jamais parlé de ce qu'était notre relation, alors je ne sais pas comment je dois le présenter à ma mère. Je lui jette un petit coup d'œil, mais une fois de plus, il ne semble pas décidé à m’aider plus que par sa présence. 


— Oh et bien. Jimmy c’est…


— Son petit ami.


Finalement, il m’aide, il dit les mots et je ne peux pas m’empêcher de rougir et sourire en coin en baissant la tête, légèrement gêné. La main de Jimmy se pose sur la mienne et j’apprécie bien plus la sensation. 


— C’est une bonne chose que tu aies trouvé quelqu’un, que tu ne sois pas seul. 


Ma mère me sourit tendrement et j’arrive à le lui rendre, même si le mien reste tendu. Notre relation s’est apaisée, j’ai décidé de lui pardonner, d’accepter sa faiblesse et de guérir les miennes. Cependant, jamais on ne pourra redevenir aussi proche qu’avant la mort de mon père, jamais je ne pourrai être totalement à l’aise avec elle.




— Est-ce que tu pourras revenir me voir ?


Je viens d’annoncer qu’il était temps de partir, ça commence à être difficile pour moi et ma mère ne cherche pas à me retenir plus longtemps. Elle me pose juste cette question qui me déconcerte un peu. Je lui ai pardonné, mais est-ce que j’ai envie de la revoir pour autant.


— Hmm, je reviendrai bientôt. 


Je ne peux pas lui dire quand, je ne peux pas lui assurer que ce sera souvent ou que je resterai longtemps avec elle, mais oui, je reviendrai parce que je sais que ce sera aussi bon pour elle que pour moi. 


Jimmy reprend ma main et le médecin nous raccompagne, il ne fait aucun commentaire sur ce qui s’est passé, mais il m’assure que je peux l’appeler quand je veux pour avoir plus d'informations. 


Quand on sort enfin de l'hôpital, j’ai l’impression d’être dans un état second et je me retrouve même à tituber, obligeant Jimmy à m’attraper par la taille et à me serrer contre lui pour me ramener jusqu’à la moto.


— Ça va aller ?


— Oui… je suis juste… c’est étrange.


Il m’embrasse le haut de la joue, sous l'œil et je soupire avant de passer mes bras autour de son cou et de réclamer un instant de tendresse qu’il m’offre sans aucune hésitation. 


— C’était bizarre de la toucher.


— Tu as eu mal ?


— Non, mais je n’ai pas aimé.


Je ferme les yeux, dépose un baiser contre son cou et on reste un moment comme ça. J’ai besoin de ça pour me remettre de mes émotions. 


— C’est fini maintenant, tu as été courageux Nong. Tout va s’arranger je te le promets. 


— Phi, tu peux rester avec moi ce soir ?


Je redresse la tête, ses yeux brillent et il m’embrasse tendrement.


— Je ne pensais pas te laisser tout seul.


Mon cœur s’emballe et je le laisse me mettre le casque afin de pouvoir prendre la route pour rentrer à la maison.






Dim 5 Nov - 19:44
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Néphély
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Chapitre 9



Penser Au Futur




Je sors de la salle de bain avec juste une serviette autour de la taille. Une douche chaude m’a détendue après cette journée si difficile avec ma mère. Je ne sais pas encore vraiment comment je me sens avec ça, mais j’ai l’impression d’être plus serein. Je me demande aussi si cela suffira réellement pour que je puisse ne plus être malade à cause du toucher des autres. 


Je cherche Jimmy qui m’a promis de rester et le trouve dans la cuisine en train de préparer le repas de ce soir. J’ai un petit sourire en coin, j’aime vraiment cet homme, il m’a sauvé, il m’a permis de me retrouver et maintenant je peux envisager mon avenir autrement qu’en restant cloîtré chez moi. 


Je ne réfléchis pas, je le rejoins et me colle contre son dos, j’ai besoin de son contact, de sa chaleur et je ne me rends même pas compte que je frotte doucement mon front contre son omoplate. 


— Tout va bien ?


Je ne me suis jamais comporté de cette manière, mais je me laisse complètement aller à l’envie qui brûle à l’intérieur de moi. Je passe mes mains autour de sa taille, sous son t-shirt et je caresse la peau de son ventre du bout des doigts. 


— Hmm


On s’est beaucoup embrassés, mais on n'est jamais vraiment allés plus loin. Ce n’est pas que je n’en ressentais pas l’envie, mais l’idée que son corps frotte contre le mien, que l’on soit étroitement serrés l’un contre l’autre, je bloquais totalement et ce soir, c’est comme si le blocage avait disparu.


Mes doigts remontent lentement, glissant légèrement sur sa peau et je remarque clairement le frisson quand je frotte un de ses tétons. J’ai un petit sourire en coin, parce que j’aime toucher Jimmy. 


— Qu’est-ce que tu fais ?


Sa main se pose sur la mienne à travers le t-shirt, voulant m’empêcher de continuer et quand il se retourne pour me faire face, il remarque alors que je ne porte qu’une serviette et que ses yeux s'agrandissent avant qu’il ne me détaille du regard. 


— Embrasse-moi.


Il n’hésite pas une seconde, ses mains saisissent mon visage et il saute sur mes lèvres. Son baiser est fougueux et me laisse pantelant, mais quand sa langue s'insinue dans ma bouche, la mienne vient à sa rencontre. 


Jamais il ne m’avait embrassé comme ça, mais surtout, je me rends compte de combien il a pu se réfréner pour moi, pour ne pas m’effrayer, pour que je me sente à l’aise. 


Ses mains bougent, descendent le long de mon cou et ma peau se couvre de frissons alors qu’elles continuent leur voyage sur mon corps. Je rejette la tête en arrière pour reprendre ma respiration, j’ai l’impression que je suis sur le point d’étouffer. 


Aussi Jimmy pose ses lèvres sur mon cou et je pousse un soupir en le sentant aspirer ma peau. Lentement, on se met en mouvement tout en continuant à s’embrasser, à se caresser et à se découvrir. On se rend dans le salon et quand on arrive près du canapé, je le fais s’asseoir dessus avant de m’installer sur ses cuisses. 


Ses mains se placent sur mes cuisses qu’il caresse lentement, on ne parle pas, on n’en a pas besoin. Nos regards parlent pour nous, on a envie de plus, on a envie de se découvrir. Sans le quitter du regard, je remonte son t-shirt et il finit par l’enlever, me laissant admirer son torse bien fait. 


Mes mains se posent sur ses pectoraux et il suffit qu’il me sourit, laissant apparaître ses fossettes pour qu’un élan d’envie me contracte l’estomac. Nos lèvres se retrouvent, nos mains semblent vouloir découvrir chaque centimètre de ce qu’elles peuvent atteindre. 


Quand Jimmy pose ses mains sous ma serviette, directement sur mes fesses, je laisse un petit son étrange et incontrôlable sortir de ma bouche. Mais ce n’est rien comparé au moment où, appuyant sur mes fesses, nos membres frottent l’un contre l’autre. Je me mords la lèvre et je continue de bouger, j’ai l’impression d’être ivre de son toucher et d’en vouloir toujours plus. 


— Nong… on ne pourra pas aller jusqu’au bout ce soir.


— Quoi ?


Je me fige, soudain refroidi quand il murmure cette phrase. Je ne comprends pas, il ne veut pas de moi ? Finalement, je ne lui plais pas ? Il doit voir la détresse soudaine sur mon visage, car il me sourit tendrement en remettant une mèche de cheveux en place. 


— On n’a pas ce qu’il faut pour le faire, Sea.


Il m’explique patiemment les choses, sans se moquer et je me retrouve à rougir. Pas parce qu’il me parle de lubrifiant ou préservatif, mais parce que je n’y avais absolument pas pensé sur le moment. 


— En fait… j’ai tout ce qu’il faut dans ma chambre…


Il me regarde, intrigué, en fronçant légèrement les sourcils, attendant certainement que je m’explique. Je me mordille nerveusement la lèvre, le visage de plus en plus rouge. 


— J’étais curieux… après que tu m’aies embrassé, alors je me suis renseigné et j’ai… acheté ce qu’il fallait. 


J’ai l’impression d’être en train d’avouer un crime et je vois que Jimmy a du mal à se retenir de rire. Il me caresse la tête tendrement, m’embrasse en douceur et me regarde sérieusement. 


— Et tu aurais envie de les utiliser ce soir ?


Je ne connais pas grand-chose à l’amour, au sexe et à énormément de choses, mais j’ai décidé d’avoir confiance en ce que mon corps voulait et là tout de suite, il veut se sentir proche de lui, ne faire qu’un avec lui et se délécter de son toucher. 


— Oui… mais si toi tu n’as pas envie… je comprendrais.


Lui ne m’a jamais forcé à quoi que ce soit, alors je veux lui faire comprendre que lui non plus n’a pas à le faire. Même si j’en ai envie, j'attendrai le jour où lui sera prêt pour partager ce moment. 


— Ne dis pas n’importe quoi !


Je pousse un petit cri et j’ai tout juste le temps de m’accrocher à son cou qu’il me porte dans ses bras en se levant du canapé. J’éclate de rire et c’est à grand pas que l’on rejoint la chambre pour reprendre ce que l’on avait commencé dans le salon. 


Jimmy est doux, tendre et on prend tout notre temps. Mon corps brûle de partout, mon petit-ami semble décidé à toucher absolument tout mon corps et celui-ci y répond en me laissant le souffle court sur le lit, avec la sensation que je ne contrôle plus rien. 


Je me crispe quand il me prépare, ce n’est pas agréable de sentir ses doigts me pénétrer, mais encore une fois, il sait détourner mon attention avec sa bouche. Je me cambre, je gémis et me tortille en haletant, la montée du plaisir est incroyable et je ne sais pas comment gérer tout ça. 


— Jimmy…


Il se redresse aussitôt et s’allonge à côté de moi. Il m’embrasse le bout du nez en souriant et je me détends légèrement. Je caresse sa joue alors qu’il me laisse quelques instants de répit où j’essaie de reprendre ma respiration. Il me caresse légèrement, me faisant frissonner, mais n’attisant pas mon envie.


— Je t’aime Sea. 


Je plonge dans son regard, je peux y lire tout l’amour qu’il me porte, un amour sincère et fort. Il serait prêt à déplacer les montagnes pour moi et mon coeur s’emballe de me sentir aussi important aux yeux de quelqu’un. 


— Je t’aime aussi Phi. 


Je l’attire à moi et cette déclaration marque la suite de notre nuit, ce moment où on s’unit. Il entre en moi avec lenteur, à l’écoute de mon corps et je comprends que jamais je n’aurais été prêt à vivre ça quelques jours auparavant. 


Il me recouvre complètement, alors que petit à petit il me remplit et me possède, c’est un abandon total et ce soir je le fais sans aucune crainte. Il me couvre de baisers et quand il commence à bouger, j’ai l’impression que je vais mourir tant l’excitation est saisissante, multipliée à chaque fois qu’il m’embrasse, qu’il me murmure son amour à l’oreille ou exprime le plaisir qu’il prend entre mes cuisses. 


La chaleur augmente, je suis une boule incandescente de plaisir. Je ne contrôle plus mon corps qui se laisse complètement envahir par le délice à chaque fois qu’il pousse en moi, j’ai à peine conscience que mes doigts griffent sa peau alors que j’essaie de me retenir à lui pour ne pas me noyer dans la jouissance.


Mon corps se contracte entièrement, c’est presque douloureux, jusqu’à ce que la pression explose et que je retombe haletant sur le matelas. J’ai l’impression de planer et de ne pas réussir à retrouver mon corps alors que chaque coup de reins me renvoie des décharges de plaisir. 


Jimmy me serre soudain fort contre lui dans un dernier va-et-vient avant de s’effondrer contre moi. Il pèse sur mon corps et je savoure l’instant alors qu’il me recouvre complètement en déposant une myriade de baisers sur mon visage. 


— C’était… wahou…


J’ai un petit rire, j’ai du mal à réaliser ce qu’il vient de se passer et Jimmy me rejoint dans cette hilarité que je ne pourrais même pas expliquer. 


— Tu as parfaitement raison.


Il bascule sur le côté et je regrette de ne plus le sentir sur moi. Heureusement, il m’attire aussitôt contre lui et pendant un moment, on ne dit rien de plus, laissant le contentement qui nous a envahi se répandre en nous avant de s'effacer.


—  Phi, je veux faire l’amour sur une plage.


— Quoi ?


Il éclate de rire et je ne peux pas m’empêcher de lui taper l’épaule pour lui montrer que je ne suis pas content qu’il se moque de moi. Au lieu de le calmer, cela le fait encore plus rire et j’aurais presque envie de bouder. Cependant, après ce qui vient de se passer, je n’ai pas envie, je veux juste lui montrer combien je me sens heureux. 


— J’ai vu une scène comme ça dans un film et… je me suis dit que si un jour je pouvais être normal, alors… je voudrais le faire. 


— Alors il va falloir que l’on parte à la mer pour nos premières vacances. 


Je rougis quand il sous-entend qu’il pourra réaliser ce qui a toujours été de l’ordre du fantasme. J’aurais envie de lui dire que c’est n’importe quoi, mais l’idée de partir en vacances comme tout le monde est tellement tentant que je ne dis rien. 


— Allons prendre une douche et après, je veux que tu me listes tout ce que tu rêves de faire. 


Il m’aide à me relever, je n’en ai pas envie, je suis épuisé par la journée et je veux juste rester allongé dans ses bras. Je le suis sans grande motivation, mais une fois sous l’eau chaude avec lui qui me frotte le dos, finalement, j’ai bien du mal à quitter la douche. 


Je découvre la joie d’avoir une personne près de moi, de pouvoir discuter, s’amuser, s’aimer et toutes ces choses qui me semblaient terrifiantes auparavant et qui font maintenant partie de mon quotidien. 


Peu après, emmitouflé dans un pyjama, on se retrouve de nouveau dans le lit, Jimmy me rejoint rapidement et pose sa tête contre mon torse. Il écoute mon coeur un moment, me laissant le cajoler et prendre soin de lui. 


— Sea… tu n’as pas mal ?


— Euh, non. Je… tu as été très doux avec moi. 


C’est gênant de devoir parler de l’état de mon corps après que l’on ait fait l’amour, mais en même temps, je le trouve mignon de s’inquiéter de mon bien-être de cette manière. 


— Je serai toujours doux avec toi.


Je rougis, mais je l’embrasse aussi sur le front. Même si je lui ai dit que tout allait bien, je sens que mon corps est un peu raide et je suis content qu’il n’envisage pas d’être moins doux avec moi, je ne suis pas sûr que je pourrais le supporter. 


— Nong, qu’est-ce que tu aimerais faire maintenant ?


Il n'a aucun doute sur le fait que je pourrai bientôt me retrouver dans des lieux bondés et même toucher des gens sans être malade. J’aimerais avoir son optimiste, moi j’ai encore quelques réserves, mais pour ce soir, je décide de jouer le jeu et de le croire. 


— Hmm je voudrais aller voir un film, tu sais un gros blockbuster où la salle est complètement pleine. Je voudrais prendre le bus ou même le métro. Visiter le marché flottant. Aller à un concert. Me retrouver sur une plage bondée. Faire la queue pour aller manger dans un restaurant. Pique-niquer dans un parc un samedi midi…


Je continue pendant très longtemps à lister des activités farfelues ou alors très terre à terre que je voudrais pouvoir faire. En fait, chacune d’elles implique simplement d’être entouré de monde, de vivre ma vie à fond et de ne plus jamais me cacher. 


— Demain, on écrira tous dans un carnet et je te promets que l’on prendra toute notre vie pour les réaliser.


Il somnole légèrement en disant ça et je note que la nuit est déjà bien avancée. J’embrasse son front et le laisse se lover contre moi. On n’a finalement pas pris notre repas, mais je me sens beaucoup trop fatigué pour pouvoir manger.


— Maintenant que tu as fait cette promesse, tu ne vas plus pouvoir te débarrasser de moi. 


— Tu crois qu’un chat et un furet, ça cohabite bien ?


Sa question me fait rire mais en même temps, battre mon coeur un peu plus vite. Il est très sérieux, il envisage une vie où on habiterait ensemble et je dois dire que même si c’est encore tôt, ce n’est pas pour me déplaire, bien au contraire. 


— Je suis sûr que pour leurs papas, elles feront des efforts. 


Il embrasse ma main en souriant, avant de se réinstaller. C’est de cette manière tendre que s’est achevée la journée la plus longue de ma vie, mais c’est aussi avec cette journée que j’ai pu enfin envisager l’avenir. 






Dim 5 Nov - 19:45
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Néphély
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Chapitre 10



Croquer La Vie




Je m’accroche fermement à la barre devant moi alors que le bus tourne sèchement dans un virage et une femme me bouscule en perdant l’équilibre. Même si cela fait un an que j’arrive à cohabiter avec le monde, je suis toujours mal à l’aise quand on me touche. Enfin quand ce quelqu’un n’est pas Jimmy. 


Cet homme est vraiment la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie. Il est doux, patient et tient toujours ses promesses. C’est la raison pour laquelle je me retrouve ici, à m’accrocher pour ne pas tomber alors que le conducteur semble se croire dans un film.


Il freine brusquement pour s’arrêter à un feu rouge et je manque de tomber. Une main me maintiens alors en me prenant par la taille. Je tourne la tête et fusille Jimmy du regard qui lui ne semble absolument pas perturbé par la conduite sportive de notre moyen de locomotion. 


— Rappelle-moi pourquoi on n’a pas pris la moto pour y aller ?


J’adore la moto, j’aime quand on se balade dessus et que j’ai là une bonne raison de me serrer contre lui. Il sourit en coin et j’ai du mal à ne pas me laisser captiver par sa fossette, celle qui chaque fois fait battre mon cœur bien trop vite. 


— Je t’ai fait la promesse de barrer tout ce que l’on a écrit sur ton carnet. 


Je soupire, ce carnet on l’a rempli le lendemain de notre première fois, il y a des pages et des pages de choses que je voulais faire et depuis, il fait tout pour en réaliser le plus possible. 


— Tu sais que je prends le bus tous les jours maintenant ?


— Oui, mais tu ne le prends pas avec moi, ça ne compte pas si je ne suis pas avec toi.


Je lève les yeux au ciel avant de sourire, car si parfois, il peut sembler froid et un peu distant, c’est également la personne la plus mignonne que je connaisse. Il n’y a qu’à voir comment il est quand sa petite sœur est dans le coin, c’est un concours à celui qui sera le plus mignon. 


Sa famille m’a bien accepté et j’ai été heureux de pouvoir l’aider à réduire un peu la distance entre lui et son frère, même si les choses sont encore tendues entre eux. Je ne peux malheureusement pas les forcer à s’apprécier. 


J’ai aussi tenu parole auprès de ma mère, je vais la voir une fois par mois, c’était difficile au début, il y avait beaucoup de silences pesants, mais petit à petit, on a fini par trouver des sujets de conversation plutôt neutres qui ne risquent pas de nous blesser. 


— Tu ne veux toujours pas me dire où on va ?


Je reviens au présent, laissant de côté toutes mes pensées qui pourraient me gâcher la journée, alors que depuis ce matin, c’est la curiosité qui prime après qu’il m’ait réveillé aux aurores pour que l’on prenne ce maudit bus. 


— Ça ne sera plus une surprise si je te le dis. 


Le bus accélère et de nouveau, il me maintient contre lui pour m’éviter de tomber. Sa réponse m'énerve un peu et je décide de l’ignorer pour lui montrer combien j’aime sa surprise. 


— Bébé, je te promets que l’on descend bientôt, tu sauras ce que c’est. 


Il le fait exprès, il parle définitivement trop fort et plusieurs personnes se retournent vers nous pour nous regarder alors que je m’empresse de le faire taire en posant ma main sur sa bouche. 


— Arrête de le faire exprès. 


Il essaie de me répondre, mais ma main m’empêche de comprendre et je n’ai pas d’autre choix que de la retirer, prêt à la remettre s’il me taquine encore. 


— Je n’aime pas quand tu boudes.


— Je ne boude pas.


Voilà un demi mensonge. Je ne boude pas vraiment, je suis juste trop curieux et je n’aime pas les surprises, alors que lui adore m’en faire. 


— On descend au prochain arrêt, la torture est bientôt terminée. 


Au même moment, le bus s’arrête, ou plutôt il pile, et je ne peux pas m’empêcher de jurer. Jimmy attrape ma main et on descend enfin de ce bus de l’enfer. 


Ma bouche s’entrouvre quand je découvre que l’on se trouve devant l’une des nombreuses salles de concert de la ville. Au loin, je peux voir Lemon faire de grands gestes pour attirer notre attention. C’est la seule amie de Jimmy avec qui je m’entends bien. En apprenant à la connaître, j’ai découvert une jeune femme pleine de vie et de gentillesse. 


Elle est au courant de mon histoire et là où certains amis m’ont regardé avec pitié, elle, elle m’a regardé avec force. Quand elle a appris l’existence du carnet, elle s’est mis en tête d’aider Jimmy à les réaliser, alors je ne suis même pas surpris de la trouver là. 


— Ton souhait numéro 3, aller voir un concert.


Je ne peux plus bouder maintenant. Comme à chaque fois qu’il fait ce genre de chose, je ressens un énorme bouffée d’amour pour lui et j’ai l’impression que je n’aurai jamais assez d’une vie pour lui rendre tout le bonheur qu’il m’offre chaque jour. 


— Tu crois que tu pourras réaliser le numéro 1 un jour ?


Je le provoque gentiment pour cacher ma gêne, mais son visage se fend d’un immense sourire. Faire l’amour sur la plage, je n’en reviens toujours pas d’avoir osé lui dire ça et évidemment, ça a été la première chose qu’il m’a fait écrire. 


— On fera l’amour sur la plage et partout où tu veux, tu le sais. Bientôt, on pourra partir en vacances ensemble. 


Je me retrouve à rougir, mais je ne peux rien dire parce que Lemon nous saute dessus au même instant. Elle passe un bras autour de nos épaules et essaie de nous faire avancer vers l’entrée de la salle de concert. 


— Les garçons, vous êtes adorable, mais il y a du monde et il faut se dépêcher si on ne veut pas être tout au fond. 


On ne résiste pas, on se laisse entraîner et je m’apprête à vivre sûrement le plus gros bain de foule de toute ma vie. 




Le concert bat son plein, la musique me vrille les oreilles, les lumières sont aveuglantes et l’énergie créée par tous les spectateurs est subjuguante. Lemon saute sur place en s’époumonant et c’est un spectacle à elle toute seule. 


— Tu te sens bien ?


Je tourne la tête vers Jimmy qui se tient légèrement derrière moi et qui vient de parler à mon oreille, un peu inquiet de me voir mal à l’aise, mais pour une fois il n’a pas à s’inquiéter. Je me sens bien, je suis heureux et plus rien ne semble pouvoir me freiner. Je passe mes bras autour de son cou, tournant le dos à la scène, mais je m’en fiche, Jimmy sera toujours plus intéressant que tout. 


— Merci.


— Tu n’as pas à me remercier.


Je soupire, il me répond à chaque fois, mais il ne se rend même pas compte de tout ce que je lui dois. Je l’embrasse pour tenter de lui faire comprendre avant de reprendre la parole. 


— Je t’aime. Et je te remercierai toujours d’être mon ancre dans ce monde. 


Ses yeux frémissent, cette fois il comprend ce que je veux dire, il est touché par mes paroles, mais je suis on ne peut plus honnête avec lui. Il est mon ancre et ceci depuis le premier jour où il est devenu mon garçon sur le muret. Alors que mon monde s’écroulait, il a toujours été là pour me montrer qu’il y aurait toujours un lendemain plus doux. Je le serre dans mes bras, aussi fort que possible et il me rend mon étreinte avec force. En un instant on se retrouve dans une bulle, séparés du monde extérieur où rien ne compte à part le bien-être de l’autre. 






Dim 5 Nov - 19:46
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